Don't wreck your brain, It'll be alright (Yeong)

avant:

Plus je sillonne cette ville, plus je la déteste, en particulier lorsque je la parcours par les voies souterraines. On trouve de tout dans le métro, sauf des gens intéressants. Des enveloppes vides qui vont d’un point à un autre. On est loin de chez nous, même s’il ne reste que quelques minutes, cela semble toujours une éternité. Serrés les uns contre les autres, écrasés pour certain. Je reste immobile, luttant pour ne pas sombrer dans des souvenirs violent, un souvenir qui insufflerait la panique, la folie.

Les sacs sont plus chargés les uns que les autres, noël. Il y a bien longtemps que j’ai arrêté de le fêter. Un avantage quand l’on n’a personne qui vous aime et personne à aimer. Cela peut sembler triste, mais moi ça me convient de sortir de leurs conneries instaurées par des sociétés trop bien lotie alors qu’ailleurs… Ailleurs les gens disparaissent sous des déflagrations de balles. Le hasard accorde des privilèges. Je suis un noir privilégié, mais j’ai tout gâché. Comme la plupart des gens dans ce wagon qui se donnent l’illusion d’avoir réussi leur vie, d‘avoir trouvé le bonheur.

Il y a cette voix qui me tire de mes répétitions mentales pour ne pas céder dans cette proximité imposée par ce moyen de locomotion. Plus nous arrivons vers chez moi, plus la population du wagon devient asiatique. Je sais que certaines me dévisage, je les ignore éperdument, habitué à faire tâche dans le décors. Après tout, j’habite maintenant à Little Tokyo, dans un appartement peu reluisant, mais j’aime me dire que je peux y être serein.

Le type au look complètement déluré semble brayer après un tripoteur. Mon regard, parmi tant d’autres, se tourne vers les concerné.

- P’tit fils de…

Que j’peste en le voyant prendre la fuite !

Le type s’engouffre par les portes du métro à côté desquelles je me trouve, il a le toupet de me bousculer. Je saute en dehors de la rame pour atterrir sur le quai. Quelques personnes reculent, effrayées, je ne pourrais pas leur en vouloir.

- Hey !

Sans être Usain Bolt, je suis particulièrement rapide et mon placage fut digne du militaire que j’ai été autrefois. Malheureusement un peu trop, en un battement de cil, cet inconnu est devenu mon ennemi. C’est lui ou moi.

Mon poing s’est écrasé dans son visage, faisant jaillit le sang de son nez avec qu’il pousse un cri douloureux. Savoir taper là où ça fait mal, c’est tout un art. Quelques cris s’échappent des passants qui s’écartent courageusement alors que j’entend quelqu’un courir vers moi, vers nous. Une course maladroite et des bruits de sac… Je tourne la tête pour vérifier mon angle mort, maintenant le type au sol avec les deux mains alors que je le vois, le type du métro. Je reporte mon regard vers l’homme au sol, les vêtements militaires ont disparu au profit de nos tenues de civil et la grenade à côté de nous est redevenue un simple cellulaire. Personne ne va mourir ce soir, mais il se pourrait bien que ça se termine mal pour moi.

Mes poings appelle le sang. Le sang de mon ennemi. Tout est soudainement si confus, comme si je pouvais sentir l’odeur de cette terre imbibée de sang, la chaleur sur ma peau de ce soleil cruel, l’air alourdi de ce parfum de mort qui s’engouffre dans mes poumons fatigués de lutter contre les éléments. Même tête ne peut plus réfléchir, c’est trop douloureux. Je suis comme un robot, qui agit, qui frappe, qui survit… Même si rien n’a de sens.

J’ai plaqué ce petit sac à merde pour le frapper… Il hurle, mais il n’est pas le seul. La panique autour de moi irradie à travers mon être. Je le déteste, mais j’ai aussi la trouille. Pas de mourir, mais de la manière dont ça va arriver. Ce sont des barbares, des vrais sauvages. L’armée a fait de moi une brute alors que je n’ai jamais été qu’un malchanceux.

Je m’arrête, reprenant pied dans la réalité sans savoir comment.
La folie a disparu comme elle est venue.

Si seulement c’était un fait isolé, un rare dérapage de ma part et si seulement j’avais la certitude que ça ne se reproduira pas, que je ne suis pas à moitié cinglé… J’pourrais probablement espère m’endormir paisiblement ce soir, mais dormir, me reposer, ne fait plus parti de ma vie. Alimentant encore plus ce genre de situations qui pourraient bien m’ouvrir de nouveau les portes de l’hôpital psychiatrique.

Le gamin a peur, alors que j’ai fait ça pour lui.
Est-ce que j’ai fait ça pour lui ?
Dans son expression je peux voir le monstre que je suis.

Pourtant, il prend le risque de s’approcher, de poser sa main sur mon épaule. J’aurai pu avoir un mauvais réflexe, j’aurais pu lui briser les os. Le suivre…

Je me relève, jetant un regard à l’homme à terre, je me penche vers la victime qui gémit en cachant son visage, j’attrape ce qu’il a dans la main, je ne sais même pas si c’est à lui ou si c’est quelque chose qu’il a volé au blond. C’est à moi maintenant.

Je me suis mis à le suivre, à courir avec ce petit qui est crissement rapide ! J’ai beau être sur-entrainé, les années ont passé et m’ont rendu moins habile que ce gars-là. Sa manière si fluide de passer entre les voyageurs du métro, j’en bouscule quelques-uns pour ma part, sans jamais m’excuser, sans me retourner.

Quand enfin il ralenti, je jette un regard en arrière. Personne. Mais on n’est pas pour autant à l’abris, les cameras peuvent nous suivre, il faut quitter le métro. Je continue de marcher, le souffle court, je sens son regard sur moi, il me détaille alors je rabat ma capuche sur ma tête parce que je n’aime pas sa manière de faire, parce que ses yeux semblent me hurler ses pensées à mon égard. Crainte, incompréhension…

Ses mots sont assez inattendus, mais sincère.
J’ai pas l’impression qu’il réfléchi beaucoup à cet instant.

Je ne répond rien, redresse tant bien que mal la tête pour regarder devant moi.

- J’vais bien…

Physiquement, on va dire. Un peu mal aux phalanges, mais ça c’est normal, le feu va se calmer. Mal aux genoux suite au placage au sol, béton armé contre cartilage, ça fait toujours un peu mal. Mais j’vais m’en remettre, j’ai été bien plus mis en vrac que ça.

Nous arrivons aux tourniquets de la sortie du métro, je ne suis pas près de rentrer chez moi, je vais devoir commander un Uber si je veux avoir la chance de m’étendre un minimum sur mon lit et tenter de me détendre.

Je pivote vers lui.

- Écoutes… Je… J’ai juste perdu mon sang-froid face à un sale con.

On va qualifier mes agissements ainsi, c’est plus simple.

- J’ai pas fait ça pour être gentil ou jouer au sauveur. Alors… Trace ta route.

J’veux pas qu’il me remercie, parce qu’on ne remercie pas quelqu’un qui se comporte comme un dingue. Je ne suis pas d’accord. Je repris la direction de la sortie du métro, j’ai pas envie de finir coincé entre deux vigiles, de justifier mes actes injustifiables.

Dans ma main, je garde ce que j’avais pris dans celle du gars, j’serre fort sans avoir pris la peine de regarder ce cellulaire.  C’est sans importance, je dois juste mettre de la distance avec la scène précédent, avec les ennuis.

J’aurais aimé savoir quoi dire, quoi faire face au blondinet, mais j’suis dépassé par mon propre comportement, par ma capacité à me mettre dans la merde. Ma capuche me donne l’impression, la protection face au reste du monde. Je me coupe des autres, parce que je ne me sens plus appartenir à ce monde. Étranger face à ma propre espèce qu’est l’humanité, comment une telle rupture peut-elle être possible ? Il y a-t-il la moindre chance d’une réconciliation ne serait-ce que partiellement ? Plus le temps passe et plus j’en doute.

Si je n’avais pas agit, qui l’aurais fait ?
Probablement personne.

Mon regard se pose sur lui, un vide en moi comprend de quoi il parle. De l’indifférence du reste du monde, peut-être qu’il se sent un peu comme moi ? C’est trop improbable. Je n’ai pas le droit de fantasmer sur l’idée que quelqu’un puisse être aussi détraqué que moi.

- Je ne crois pas que les gens changent.

Il est naïf le blondinet, il pense que mon pétage de plomb en fera réagir plus d’un, moi je n’y crois pas, je n’y crois plus. J’ai vu pendant la guerre comment l’humain est dérangé. Je n’irais jamais mieux, en grande partie à cause de ces humains-là

- Andy Babbaka.

Avais-je répondu, sans lui avoir serré la main, me contentant de faire demi-tour, parce que je ne suis pas certain de pouvoir supporter cette sympathie qu’il témoigne à mon égard. Pourquoi est-ce qu’il a l’air aussi… Doux ? Qu’est-ce que ça cache ? Je n’ai pas envie de me torturer davantage, j’ai besoin de laisser redescendre l’adrénaline, de reprendre le contrôle de mes pensées. Partir en vrille n’est pas une chose que je peux m’autoriser.

Quand il revient à la charge, je ne pu contenir un léger rictus à l’ombre de ma capuche. Décidément ce petit rayon de soleil ne cesse jamais de briller.

- J’vais vers Little Tokyo.

Il n’est pas obligé de vivre là-bas (ce serais cliché, mais pas si surprenant que ça après tout), mais moi, c’est le quartier où j’ai déposé bagages. J’ai pas trouvé meilleur apparemment dans l’urgence, le prix était attractif et puis franchement, j’me fiche pas mal de savoir où je vis, du moment que je mets beaucoup de distance avec l’Ohio et les emmerdes que je me suis fais là-bas. Maintenant, il ne tiens qu’à moi à ne pas refaire les mêmes erreurs. Je n’essaie pas de devenir un homme de bien, je pense que c’est trop tard, mais je peux toujours tenter de ne pas aggraver davantage mon cas.

Je consens à chercher mon cellulaire pour lui prêter, mais je réalise enfin que je tiens dans ma main un téléphone. Je relève le regard vers Yeong Ho, ça a l’air d’une sacrée aventure pour lui ce soir, il a l’air terriblement émotif et ça me rappelle qu’il n’y a rien de normal à être aussi insensible que je peux l’être la plupart du temps.

- C’est ça que t’as perdu ? Sinon… Garde-le.

Si c’est le téléphone du connard du métro, il mérite de se rembourser un peu, au moins comme ça. Parce que c’est de sa faute si le gamin a perdu son cellulaire.

Je m’arrête pour lui tendre l’objet, je pourrais ainsi me débarrasser de lui.
Il n’a aucune raison de continuer à marcher avec moi.
Mais il a l’air tellement paumé Yeong, tellement fragile et maladroit.

- Mais si tu vas aussi à Little Tokyo… Tu devrais peut-être rester près de moi. T’as l’air d’avoir une prédisposition à cumuler les emmerdes, non ? T’as peut-être eu ta dose pour ce soir. Pourtant, t’as l’air d’un bon gars, toi...

C’est peut-être ça son problème : être trop gentil.

Une part immense de mon esprit intègre l’idée que lui répondre à nouveau est une mauvaise idée, une bien pire idée encore me vient en lui proposant alors de me suivre. Qu’est-ce qui cloche chez moi ? J’le connais pas ce môme, j’en ai pas grand-chose à faire de ce qui peut lui arriver, l’union fait la force… Est-ce que quelque part je me sens vulnérable ? Capable de sombrer à nouveau dans la folie ? Je ne peux pas retourner dans un poste de police, il trouveraient mon dossier de l’Ohio, ça prendrait du temps, mais ils découvriraient que j’ai été plusieurs fois arrêté pour rixes et trouble à l’ordre publique. Ils trouveraient mon passé psychiatrique et en fonction de la gravité de mes actes, je pourrais bien y retourner.

Plutôt mourir.

Je lui rend son cellulaire, peut-être qu’il changera d’avis avec ça, il sera sans nul doute capable de retrouver son chemin sans mon assistance. Je ne doute pas vraiment un instant lorsque je remarque les stickers collé sur celui-ci, me faisant arquer un sourcil. Pas un peu vieux pour ce genre de “décorations” et même garçon ? Même si le doute pourrait exister en se basant uniquement sur son physique, sa pomme d’Adam et sa tessiture semble se situer dans des notes masculines. Sur quel étrange oiseau suis-je tombé cette fois encore ?

Mes yeux s’arrondissent brusquement, les sourcils s’envolent alors qu’il est venu me serrer dans ses bras. Comment je me suis retrouvé dans cette criss de situation ? Je fixe un point devant moi, prenant douloureusement sur moi pour ne pas lui coller mon poing au visage, pour ne pas le repousser violemment, pour ne pas le tabasser, pour ne pas sombrer encore dans ses souvenirs qui me hantent.

Lorsqu’il me relâche enfin, je recule d’un pas de manière automatique. Qu’est-ce qu’il lui a pris bon sang ?! Je cligne des yeux avec lenteur, ravale mon dégout, ma colère. Ces émotions négatives ne lui sont pas directement destinées, alors je me dois de les contrôler, de les étouffer. Ses excuses arrivent dans mon cerveau, je ne peux pas vraiment contrôler ce poing qui s’est refermé de rage alors que je pose sur lui un regard malgré tout pas trop sévère alors que l’asiatique sèche ses yeux brillants. Ce n’est qu’un cellulaire…

- Doucement avec les remerciements la prochaine fois, hein.

Parvenais-je enfin à lui répondre. Je prend une bonne inspiration avant de lui suggérer de me suivre quand même, du moment qu’il ne me prend pas par la main je devrais m’en sortir. Au cas où, je les plonge dans la poche avant de mon sweat-shirt. Sa réponse à propos de ses babillages à venir me fit glisser un regard plus doux à son encontre. La vie est vraiment une étrange loterie. D’un signe de tête j’lui fais signe de me suivre alors que je reprend ma route, je sillonne les rues de cette ville depuis peu, mais mon travail m’a obligé à bien connaitre le terrain, mon sens innée de l’orientation a été affuté par toutes ses années dans l’armée. On ne sort pas d’un désert en marchant toujours tout droit comme on pourrait se l’imaginer bêtement. Comme promis, il ne perd pas de temps pour bavasser. Dans le fond, il a de la chance d’être tombé sur un type aussi peu bavard que moi.

Quand un léger silence s’installe, j’imagine que je dois répondre quelque chose au sujet de son manque d’orientation, bien que l’envie de laisser trainer indéfiniment ce silence au profit des bruits dans les rues soit tentant, je lui répondis sans pour autant le regarder.

- Tu te reposes trop sur le GPS, le nez collé sur ton écran, tu n’imprime aucun détail de ses rues pour les différencier et reconnaitre ton chemin. Ce qui facilite la vie rend dépendant.

L’alcool, la drogue, facilite la vie, la rend moins néfaste mentalement. Mais il n’y a pas que ces drogues là qui provoquent des dépendances, les gens ne sont capables de rien par eux même. Je sais de quoi je parle, puisque je suis assistant, j’assiste à longueur de temps des starlettes qui ne savent même plus aller chez le pressing toutes seules.

- C’est pas comme ça qu’on fabriquera une société de survivants mais de victimes.

Ceux qui contrôlent le monde ne veulent pas de l’indépendance des gens. Un poil anarchiste ? Peut-être bien. Le système m’a usé jusqu’à la moelle. Il a essayé de faire de moi une victime, mais je me suis bien battu. Une petite voix intérieure me fait savoir que je me suis montré beaucoup plus loquace que je ne l’avais prévu.

Je ne ralentis pas ma marche, la journée dans les bottes, j’apprécierais ne pas rentrer trop tard même si évidement mes projets sont bafoué par le fait d’avoir quitté les transports en commun, malgré tout, par chance nous ne sommes pas très loin de Little Tokyo, une dizaine de minutes nous sépare encore des bâtiments spécifiques de ce quartier où je réside.

Me viens à l’esprit l’idée horrible que l’on puisse être voisin. Comment je pourrais gérer ça par exemple ? Même s’il s’agissait de l’immeuble d’en face, je me dis que je serais amené à recroisé ce loustic, non pas que j’le reconnaitrais forcément parce que des gaillards arc-en-ciel c’est pas ce qui manque à Little Tokyo, mais moi, j’suis un peu la tâche brune dans un quartier ultra coloré… Dans quelle galère je me suis mis cette fois ?

- Tu connais au moins le nom de ta rue ?

Lançais-je avec ironie pour camoufler l’inquiétude qui vient poindre dans mon esprit à l’idée qu’il puisse s’imaginer que l’on puisse être amis un jour.

Je darde sur le jeune homme d’un regard curieux alors qu’il me rétorque que le temps gagné permet de découvrir d’autre horizons, n’ayant un téléphone uniquement pour mes communications, je peine à réellement comprendre son argument. À quoi bon être ailleurs, si ce n’est pour ne pas exister ici ? Me concernant, j’ai fait le choix de n’exister nulle part.

Malgré moi, un nouveau rictus se dessine sur mes traits alors qu’il s’offusque de ma question concernant sa rue. J’assiste probablement trop d’empotés pour faire la différence dorénavant, je me suis habitué à la médiocrité autour de moi.

- Un signal subtil ?

Lui demandais-je ironiquement, parce qu’on ne peux pas dire que je sois doué dans cet art de faire semblant, sans quoi j’aurais peut-être malgré tout quelques amis. Je n’aurais aucun scrupule à lui demander de partir de son côté si je ne tolérais plus sa présence. Après tout, c’est moi qui lui ait proposé de marcher à mes côtés. Cependant, je ne serais pas celui qui le retiendra près de moi, il est parfaitement libre.

Je le regarde s’agiter (encore), l’observant, m’arrêtant pour une fois.

- Le petit Prince ?

Demandais-je incertain de comprendre. Plusieurs questions m’assaillent : Pourquoi est-ce qu’il me donne ça ? Qu’est-ce que je suis sensé en faire ? Est-ce qu’il pense que je n’ai jamais lu ce maudit bouquin ? Quel genre de personne se trimballe avec le petit Prince dans son sac à dos ? Qui ?!

Je demeure silencieux, attendant ses explications qui demeurent floues. J’attend la suite, sans le quitter du regard, parce que j’espère qu’il y a une suite… Mais non. Il me demande de le rapporter à la bibliothèque ? Mon sourcil se lève, attendant toujours la suite… Un sens à ce geste. Pourquoi le petit Prince ? Pourquoi est-ce qu’il me donne un livre qui ne lui appartient même pas ? Ce type est une énigme…

Quelques dérangeantes secondes de silences planent avant que je baisse les yeux vers l’ouvrage entre mes mains brunes. Un sourire s’étire sur mes lèvres, parce que c’est beaucoup trop risible comme situation. Un amusement que je n’ai pas connu depuis longtemps il faut se le dire. Je tourne les premières pages pour lire l’adresse en question.

- On verra…

Ne me fermant pas à l’idée, alors qu’en temps normal, je l’aurais envoyé chier avec son livre pour enfant. Il faut croire que je m’adoucis un peu avec ce gamin-là pas totalement gamin. Je relève les yeux vers lui, ayant repris mon expression fermée habituelle. Les émotions ne présagent jamais rien de bon me concernant… Il n’y a qu’à voir la rage animale que j’ai laissé extérioriser un peu plus tôt. Je soupire doucement avant de lui dire.

- J’pars à droite à la prochaine intersection, dès que tu as besoin de changer de direction n’hésite pas, je ne suis pas trop pour les au revoir larmoyants et les câlins.

À nouveau un léger sourire, un peu moqueur, faut dire que j’ai eu ma dose avec lui…  Je garde son livre à la main, je n’ai pas envie de me poser la question sur ce que je vais en faire, pas pour le moment. L’instant présent me suffit.

Nous arrivons à l’intersection, je trace ma route à droite comme je le lui avait signalé. Non pas que je sois pressé, mais sait-on jamais avec celui-là… Des fois qu’il me sortirait autre chose de son sac, Mary Poppins. Ça lui va mieux que Yeong Ho. Ou pas… Drôle de numéro que celui-là, même si je ne me fais pas d’illusions, je ne vais peut-être pas l’oublier de si tôt cet étrange papillon.

Je ne me retourne pas, je pense à mon lit après une bonne douche. Je serais bien, décontracté pour essayer de me reposer un minima. J’aurais négligemment posé le livre qu’il m’a confié sur le dessus de la commode, je l’aurai oublié, avant de le faire tomber quelques jours plus tard en attrapant mes clés pour partir. Alors en revenant le soir, je l’aurai ramassé, je l’aurais négligemment feuilleté avant de m’endormir. Quelques jours plus tard, au détour d’une course pour mon travail, je me serais stationné devant la bibliothèque pour y déposer le livre à sa place, pas vraiment persuadé d’avoir saisi le message… Malgré tout, dans le livre, j'ai glissé un petit papier avec écrit à la hâte "Pas de GPS dans le Sahara."

D’ici là, je me suis malgré moi retourné pour voir la direction qu’il a prise.