Escape (Mehdi)

Il y a bien des raisons qui auraient pu m’empêcher de le prendre en flagrant délit. J’aurai pu être à une infinité d’autres endroits, mais j’étais là. Errant. Sans rien avoir de mieux à faire que d’user la semelle de mes chaussures. Pathétique, sans but. Useless.

Les mains dans les poches, le regard attentif. Je ne sais pas pourquoi je suis encore en train de faire ça, de faire des rondes. Surveiller, comme si j’allais réagir s’il se passait quelque chose de suspect. Je ne suis pas un justicier. La preuve devant mes yeux, avec ce petit gars qui sort d’une fenêtre, sapé en noir et avec une gros sac chargé. Je doute qu’à son âge on fasse encore le mur, aucun doute sur ce qu’il est en train de faire…

Je me suis mis à la fixer, m’arrêtant au milieu de la rue faiblement éclairée. Il m’a sorti de mes souvenirs, de mon comportement blindés d’automatismes absurdes, robotisé ou alors tout simplement hanté. Lui, il a l’air tellement libre le p’tit voleur. Libre de vivre, libre d’avoir une volonté de survivre, même si c’est en faisant “ça”. Alors quand il a enfin su se désincarcérer de cette fenêtre avec tout ce qu’il traine, nos regards se sont croisé.

J’aurai pu dire n’importe quoi, j’aurai pu lui faire la morale.
Mais quel sens cela aurait ?
Je ne suis pas même certain d’être un homme de bien.

- Viens.

Court, bref, un soupçon autoritaire.

La lumière vient de s’allumer dans la maison qu’il vient de quitter, il a de l’audace le petit, dérober les gens pendant leur sommeil. J’emboite le pas, j’habite juste ici et puis franchement, ce n’est pas moi qu’il pourrait cabrioler, mon demi sous-sol n’a qu’une entrée et sortie, les fenêtres ne s’ouvrent pas et évidement… Je n’ai strictement rien d’intéressant à voler. Mais ça peut le planquer, parce que y a fort à parier que s’il se fait prendre la justice lui fera pas de cadeau. Et moi… Le black sur son passage. Je serais embarqué sans nul doute, parce que la mélanine ça fait de moi un coupable.

D’un bond je me retrouve dans les escaliers qui mène à la porte de l’appartement, je me retourne pour voir s’il me suit. Mauvaise idée. Bien qu’il reste que quelques marches, la dégringolade fait mal, notamment parce que j’ai servi de piste d’atterrissage pour l’homme et sa cargaison. Je me contente d’un grognement, histoire d’éviter de gueuler comme un putois et d’attirer les éventuelles victimes armées qui seraient à notre poursuite… Ok je déraille encore, peut-être… Ou peut-être pas…

Si l'on faisait le bilan de l'année 2020, il n'y avait quasiment que du positif pour Mehdi... Bien qu'elle ait très mal commencée avec cet abruti de patron raciste au Dynasty Hôtel, la suite s'était avérée très enrichissante pour le jeune homme.... Oui, le jeune Algérien avait trouvé chaussure à son pied en rejoignant un Spa prestigieux du centre ville où il officiait en tant que masseur... Un établissement plus ou moins luxueux avec une clientèle qui l'était tout autant et quand on connaissait ses activités nocturnes forcément ça ne pouvait être qu'à son avantage d'évoluer dans un tel milieu...

Mehdi ne fait pas ça pour l'argent du moins ce n'est pas son but premier mais plus pour le frisson, et pour se sentir vivant... Bien évidemment qu'il lui arrive de temps en temps de se faire plaisir mais encore une fois ce n'est pas ce pour quoi il endosse sa tenue de cambrioleur...

Grace à Seth, son pote informaticien, il a également réussi à pirater les alarmes de télé surveillance via une application mais malheureusement comme ce fût le cas ce soir, cette application de bric et de broc n'était pas 100 % fiable....

Messaoudi venait en effet de filer après avoir vu les lumières de la villa s'allumer alors qu'il s’apprêtait à piquer le PC portable trônant sur la table du salon et manque de bol une voiture de police trainait dans le coin... ''Bordel de merde'' Prenant ses jambes à son coup, il n'avait plus qu'à se dépêcher s'il ne souhaitait pas finir derrière les barreaux.

''De quoi ?'' Quelqu'un semble vouloir lui porter secours. Voyant la voiture approcher, il n'a pas d'autre choix que de suivre l'inconnu. Dans la précipitation, Mehdi tombe et entraine l'autre garçon dans sa chute. ''Merci mais t'es qui au juste ?'' dit-il en retirant sa capuche.

Je n’avais aucune raison de vouloir l’aider, j’aurai du simplement prendre la fuite avec ma gueule ou plutôt, ma couleur, de coupable. Mais je l’ai embarqué avec moi, empirant mon cas. Prenant un risque parfaitement inutile. Stupide jusqu’au bout le Andy.

Il aurait pu m’ignorer lui aussi, mais non ! Il m’a suivi dans la descente, les marches englouties avant de se vautrer lamentablement jusqu’au palier. Jeez comme ça fait crissement mal ! Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour que tout se complique sans cesse ?

Je me redresse douloureusement, gardant le dos vouté pour que ma tête ne depasse pas sur la chaussée, je met la main sur mes clés alors qu’il me questionne. Ok il parle pas fort, mais ça peut attendre cinq minutes les questions, non ? Je ne lui répond pas, j’ouvre la porte aussi discrètement que possible avant de m’engouffre à l’intérieur.

Une fois la porte refermé, j’appuie sur l’interrupteur pour éclairer mon petit appartement en demi sous sol. Une vie presque sous terre pour un homme qui se sent déjà quelque peu éteint, comme mort, comme inadapté au reste du monde.

- J’suis juste le connard black dans un quartier de blancs qui se trouvait sur ton chemin alors que de toute évidence t’as cambriolé l’énorme villa au coin de la rue. J’avais pas envie de me retrouver dans la merde parce que j’avais le malheur d’être là.

Ça devrait être suffisant comme explication. Un arabe et un black, tu parles que la police ce serait fait une joie ! Faut pas être naïf. C’était y’a pas si longtemps encore qu’un noir est mort sous le genoux d’un agent de police. Oui la Californie ce n’est pas le Minnesota, mais on est jamais à l’abri de rien, nulle part. Et la prison, j’y ai déjà échappé de peu, même si ce que j’ai écopé derrière n’était guère mieux. L’armée et la psychiatrie. J’aurais mieux fait d’aller en taule, j’aurais peut-être été moins détruis…

- J’espère que ça valait l’coup…

Ouais parce que dans ma chute, j’me suis bien écharpé les mains, ça lance ! J’ouvre le robinet pour passer mes paumes sous le jet en contenant une grimace.

Clairement c'était chaud ce soir et ça aurait pu très mal se terminer sans l'intervention de cet inconnu et pourtant c'est ce frisson qui me plait et qui me donne envie de poursuivre mes activités nocturnes et de recommencer dès que l'occasion se présente.... Tête brulée ? Je ne sais pas ! Mais en tout cas j'ai besoin de ça pour me sentir vivant. Certains choisissent la saut en parachute moi je préfère cambrioler les riches habitants de Los Angeles ! Chacun son truc après tout.

Ne sachant pas si les flics ont vu quoi sur ce soit je préfère suivre l'inconnu jusqu'à ce qui semble être son appartement... Vu qu'il vient de me tendre la main, il ne me veut probablement aucun mal et de toute façon je suis le genre de mec à savoir se défendre...

''Le connard black ? T'as vu ma gueule ? Évite de me sortir ce genre de conneries.'' Bon clairement je m'emballe peut être un peu trop vite mais pas besoin d'utiliser ce genre de formulations avec moi... Nous n'avons pas la même couleur de peau certes mais niveau racisme et idées toutes faites j'ai moi aussi aussi ma dose alors pas besoin de jouer les victimes.

Reprenant mon calme et lui adressant un léger sourire histoire de lui montrer que tout va bien, je finis par lui répondre ''Même pas ! J'ai sans doute été un peu trop bruyant où alors ils avaient le sommeil vraiment léger.... C'est la première fois que ça m'arrive.... Du coup j'ai choppé qu'un pc portable.'' C'est bien la toute première fois que je parle ouvertement de cette partie de ma vie de tout ça à visage découvert et je dois dire que ça me fait du bien. ''Tu peux le garder si tu veux, j'en ai pas spécialement besoin.'' Mon ton s'est clairement apaisé. ''Je m'appelle Mehdi'' ajoutais-je avant de lui tendre la main.

Je relève le regard vers le voleur, ethniquement il ne s’en sort pas mieux que moi, mais s’il crois que j’aurais pu continuer à me balader librement en étant sur son chemin, il est bien naïf le p’tit. Les mauvaises expériences se sont multipliées au cours de ma vie, à l’armée ce fut le plus douloureux, mais je suis toujours là, parce que je reste vigilant. Parce que j’suis pas assez stupide pour rester planté comme un radis devant une maison qui vient d’être cambriolée. Il doit se croire invincible celui-là. J’en ai rencontré des tas d’mecs comme lui, y’en a certain qui sont morts. Mais qu’est-ce que ça peut m’faire ? La roue tourne, tout le monde l’apprendra un jour au l’autre, j’ai de leçon à donner à personne.

Il a perdu patience, ça le pique peut-être.
Moi j’reste calme, lucide face à la réalité.
J’aurai aucun mal à lui mettre la dérouillé de sa vie s’il me cherche.

Mais il sourit le voleur, j’lui demande si ça vaut l’coup, la réponse est exaspérante. La première fois que ça lui arrive ? J’ai du mal à y croire, même s’il a l’air de savoir ce qu’il fait, mais enfin… Un pc portable. Quel butin merdique. À moins qu’il ne me dise pas tout, ces gens là doivent avoir des bijoux hors de prix, mais il a raison de garder ça pour lui.

- J’en ai pas besoin non plus.

J’ai tous les ordinateurs que je veux avec ma job.
Je lui serre la main également.

- Andy.

J’ai tellement l’habitude d’oublier la seconde moitié de mon prénom. Je lui adresse un sourire alors qu’on est là, devant chez moi, que j’ouvre la porte parce que j’ai nulle part d’autre où aller et que les flics ne risquent pas de débarquer ici. Et lui… Il ferait mieux d’attendre que la police ait un minimum patrouillé avant de montrer sa gueule. Libre à lui de me suivre.

- Si t’en as pas besoin, pourquoi tu fais ça ?

J’me déchausse dans mon entrée avec un haussement d’épaule, pour ne pas l’obliger à me répondre, je ne suis pas un mec sociable, faire la conversation n’est aucunement mon fort, je ne sais même pas pourquoi je fais l’effort, une bonne sensation, un bon feeling et simple curiosité. C’est propre à l’humain d’être curieux.

''Tant pis pour toi... Ca plaira surement à quelqu'un d'autre.'' J'ai vraiment beaucoup de mal à cerner cet homme qui se tient devant moi... Certes il m'a sauvé la vie en m'évitant une rencontre avec nos amis du commissariat et pour autant je ressens une forme d’hostilité quand il s'adresse à moi... C'est à rien y comprendre.... Peut-être est-il méfiant mais en soit je ne lui ai rien demandé... Toujours-est il que ça m'intrigue et que l'envie dans savoir un peu plus sur son compte et belle et bien présente ce qui explique pourquoi je n'ai pas encore tourné les talons.

''Ok Andy'' Les présentations sont maintenant faites et le fameux Andy m'invite officiellement au sein de son appartement... S'il me laisse entrer dans son cocon c'est qu'au final il me fait confiance non ? Je sens que l'homme à la peau couleur chocolat n'a pas finit de me surprendre. Sans demander, j’enlève aussi mes baskets que je laisse vers la porte d'entrée.

''Tu vas trouver ça ridicule mais je fais ça juste pour le fun.... J'ai besoin de sentir que je suis vivant et je préfère jouer les cambrioleurs plutôt que sauter en parachute sur les hauteurs de Los Angeles.'' Il risque probablement de se foutre de ma gueule mais c'est pourtant la vérité. Bien évidemment, je ne vais pas cracher sur l'argent que je peux me faire mais ce n'est pas le but premier. ''C'est comme c'est tout'' ajoutais-je en souriant. ''Et toi qu'est-ce que tu fichais là du coup ?!'' Pour l'instant je préfère rester vers la porte d'entrée après tout peut être qu'il va me demander de partir dans les prochaines secondes.

J’imagine que cet ordinateur n’est pas perdu, sans quoi ça serait vraiment dommage d’avoir risqué ses miches pour quelque chose qui finira à la poubelle. Quoi qu’il en soit, je n’avais pas l’intention de débattre plus longtemps de l’avenir de l’ordinateur. On se présente et je l’invite chez moi, histoire d’éviter de se faire surprendre par une voiture de police. Bien que moi, je ne risque rien à présent que je suis chez moi, mais je n’ai pas envie que quelqu’un le voit sortir d’ici… Et dans le fond, j’ai pas vraiment envie qu’il finisse en taule, surtout pas pour un simple ordinateur. J’suis pas un type doté d’un fort sentiment de fraternité, mais il a pas l’air d’être un méchant, alors j’ai d’la curiosité à son égard.

Un sentiment que j’éprouve si rarement ces derniers temps…

Je m’assois sur le divan de mon appartement en demi sous sol d’une grande sobriété. Il peut s’approcher s’il le souhaite, en fait, j’ai rien de compromettant ici. Avant oui, dans l’Ohio, ma vie regorgeait de secrets sombres et d’embrouilles. Mais ici, j’essaie d’être monsieur tout le monde, d’arrêter les conneries, de me fondre dans la masse.

- C’est pas si ridicule que ça… C’est plutôt cool comme passe-temps, à condition de piquer des trucs intéressants de temps en temps.

Je lui souris légèrement avant de rependre mon sérieux. Voler semble bien moins dingue que de confectionner des explosifs pour les mafias parce que la vie n’a plus le moindre sens, parce que vous avez toutes les notions en termes de bombes… Il est bien moins dangereux que je ne l’ai été, que je pourrais l’être à nouveau si je flanchais encore.

- Me concernant je… J’ai gardé la mauvaise habitude de patrouiller.

On va dire ça comme ça… C’est moins compliqué que d’expliquer que je ne suis pas toujours complètement moi-même, de délirer dans l’ombre. C’est ça l’avantage d’être invisible, d’être personne. Les gens ne remarquent rien.

- J’suis pas flic.

Que j’précise avec un léger rictus, j’voudrais pas lui foutre la trouille.
Ça serait tellement ridicule que j’sois flic ou ancien flic.

Je ne peux m’empêcher de sourire lorsque mon interlocuteur me chambre une nouvelle fois sur ce que j'ai piqué dans cette immense villa, je crois que je commence à me rendre compte de comment il fonctionne et cette petite provocation dont il fait preuve n'est pas là pour me déplaire.... Après tout peut être qu'il cherche à savoir qui se cache sous la capuche et je ne peux décemment pas lui en vouloir.

''Si tu savais ce que j'ai déjà piqué crois moi je peux te garantir que ce passetemps est bien plus que juste cool...'' Un nouveau sourire prend forme sur mon visage. J'avoue d'être assez fière de comment j'occupe mes soirées; après et comme le dirait l'expression ''chacun voit midi à sa porte.'' Ce qui est intéressant pour Andy ne l'est pas forcément pour moi et inversement... Personnellement, je ne suis pas forcément intéressé part des objets de valeurs mais plus part des objets uniques qu'on ne trouve nul part ailleurs...

''Patrouiller tu dis ?!'' Drôle de terme mais qui n'est pas dès plus rassurant mais après tout pourquoi pas ! Heureusement, l'homme à la peau chocolat précise qu'il n'est pas flic. ''T'es quoi alors ? Un justicier de temps modernes ?'' Ouai à mon tour de la charrier un peu. ''Celui que je préfère c'est Arrow !'' A croire qu'on va finir par s'entendre si ça continue.

On forme une paire étrange, mais il m’est assez sympathique ce voleur, même si pour cette fois, il n’a pas été très doué, qui ne se plante pas un jour ? Il assure avoir volé des trucs bien plus cool, ça m’amuse un peu je dois bien l’avouer. J’étais loin de penser faire ce genre de rencontre à Little Tokyo. Je deviens qu’il ne parle pas souvent de cette activité illégale, en même temps, ça serait stupide de sa part. Pourquoi est-ce qu’il me parle dans ce cas ? J’ai pas la gueule du mec à qui on a envie de se confier…

Quand le mot “patrouillé” m’échappè-je me sens dépassé, je ne trouva rien de mieux pour justifier ce mot que de préciser que je ne suis pas flic. Ça aurait été comique non ? Le flic le plus ripou de Californie serait canadien… Non, jamais j’aurais survécu plus de deux jours.

Je souris amusé alors qu’il me demande ce que je fais dans ce cas, me parlant même d’Arrow, j’ai beau ne pas être friand de cinéma, la comparaison me fit légèrement rire.

- J’étais plutôt habitué à l’AR-15 qu’à l’arc.

Lui répondais-je finalement, il a bien été honnête avec moi, pourquoi lui mentirais-je ? Il n’est pas une menace pour moi, parce qu’il en a pas grand-chose à faire de mon passé, c’est juste histoire de piquer une jasette le temps de s’assurer que les polices s’éloignent du secteur avant de pouvoir filer avec son modeste butin.

- J’étais militaire déployé à l’étranger, mais c’était y a longtemps.

Faire mine que ce n’est qu’un détail, que j’me souviens de rien, alors qu’au contraire, les souvenirs de cette période de ma vie agitent encore mes nuits de cauchemars. Loin de l’insouciance d’un petit voleur qui réalise ses larcins par addiction à l’adrénaline, j’ai un peu oublié ce que ça fait d’être comme lui, de m’sentir vivant, de tenter le diable.

- J’ai peut-être bien eu ma dose d’adrénaline pour toute une vie.

Malgré tout, je peux comprendre son passe-temps, si on peut continuer à appeler cela ainsi. Je me dirige vers le fridge en l’ouvrant je me rappelle face à l’évidence qu’il est complètement vide. Dommage, j’aurais presque eu faim pour une fois.

Je n'ai jamais été et ne serait jamais un grand bavard partant du principe que ça ne sert pas à grand chose de débriefer pendant une demi-heure sur un sujet qui pourrait être réglé en dix minutes ! Je n'aime pas non plus parler de moi tout simplement parce que je suis assez pudique quant à ma vie, mes choix et mon mode de fonctionnement.... Disons que je n'aime pas attirer l'attention sur ma personne.... Si l'on me pose des questions, bien évidemment que j'y répondrai mais disons que ca ne viendra jamais directement de moi....

''Ah ouai ? Carrément !'' Oui cette information venait une novelle fois de piquer ma curiosité. ''Tu fais pas semblant'' Je ne suis pas effrayé pour autant ! Bien qu'il manipule l'arme à feu, je me doute bien que l'homme qui se tient à moi n'est pas un terroriste, il n'en a pas l'air en tout cas. Ses propos viennent d'ailleurs appuyer mes soupçons.... ''Cool...'' lâchais-je simplement.

J'ai toujours admirer les militaires dans le sens ou ces hommes et ces femmes sont des personnes on ne peut plus courageuses qui n'hésitent pas à donner leur vie pour sauver la notre... Que dire de plus ?! ''Je me doute bien oui.....'' Cette information quant à son ancienne carrière de militaire venait officiellement de balayer la mauvaise opinion que je m'étais faite de lui.

''Et pourquoi t'as arrêté si c'est pas indiscret ?'' Je venais de me poser sur son canapé. Ouai cette rencontre me faisait du bien.

Parler d’armes à feu ne me dérange jamais, je n’en ai jamais l’occasion parce que je ne suis pas quelqu’un qui pique souvent la jasette, encore moins avec des fadas de la gâchette, plutôt rares en Californie, état pro abolition du port d’armes. Mais pour moi, parler de mitrailleur, c’est un peu comme parler de cellulaire ou de chaussures, ça me semble banal. Je lui répond finalement avoir été militaire, même si ce titre qui me colle à la peau m’horripile. Mon regard ne quitte pas le voleur que j’ai fait entrer chez moi, il n’est pas très bavard et ça me convient. Moins il m’en demandera sur mon passé à l’armée, mieux je me porterais.

Militaire, caissier ou chauffagiste, qu’est-ce que ça change ? Un job, c’est un job. Pas toujours une vocation, parfois, c’est même une punition. Il n’y a pas de généralités à faire. Cependant, la question vient forcément, Mehdi prenant place dans le canapé, comme s’il était un ami que j’avais invité à la maison. Je n’ai pas d’amis, alors c’est pas vraiment habituel pour moi d’avoir quelqu’un ici. Non pas que je me mette la pression, mais comme toutes les choses qui manquent d’entrainement, ça ne parait pas vraiment naturel ma manière de venir m’installer à mon tour.

- On est tombé dans une embuscade, ils m’ont viré parce qu’officiellement je suis infirme… Ça ne se voit pas ?

Je tente sur le ton de l’humour. J’en ai juste pas l’air et ça me va très bien, j’ai relativement bien appris à lire sur les lèvres avec le temps, à ne pas trop parler justement pour éviter de faire remarquer ma surdité bien trop handicapante pour rester sur le terrain. Ils auraient pu me recycler, mais j’arrivais au bout de mon contrat que je n’avais pas l’intention de renouveler. Je ne suis pas un héros.

- Et toi, tu fais autre chose dans la vie ?

S’il est aussi doué qu’il le dit en temps normal, il en a peut-être pas besoin, mais c’est quand même plus malin d’avoir une “couverture” quoi qu’il arrive… Voleur la nuit et pour le jour ?

Ce garçon s'avère bien plus mystérieux qu'on ne l'aurait imaginé et c'est tant mieux ! Mehdi a toujours apprécié ceux et celles qui sortent du lot et en l’occurrence, on peut clairement dire que l’Algérien en a pour son argent..... Ce n'est pas de la curiosité ! Non, Messaoudi part du principe qu'il est toujours intéressant d'apprendre de l'autre et avec un tel passé forcément que son interlocuteur a du voir tout un tas de choses notamment dans sa carrière de militaire.....

Il fronce les sourcils suite à cette remarque quand à une éventuelle infirmité ! Il ne comprend pas trop où le propriétaire des lieux souhaite en venir..... Mehdi se contente donc de lui sourire un peu bêtement.... Peut-être ne souhaite t'il pas aborder cette partie de sa vie ! Cela peut se comprendre.....

''Je bosse dans un Spa de luxe.... Je suis masseur...... '' Oui c'est un peu la nuit et le jour ! Ce n'est pas pour rien que Mehdi s'est fait tatoué un mélange de lune et de soleil sur l'avant bras gauche. Cela le représente plutôt bien.

''Je sais rien à voir avec ce que je fais la nuit mais c'est ça qui est cool.'' Plus le temps passe et plus Mehdi se livre sans avoir peur des conséquences que ses paroles pourraient avoir..... Oui son interlocuteur connaît son nom, sa profession et avec ça on peut déjà faire pas mal de petites choses.....

''Ça t’embête si je reste là encore une heure ou deux ? On sait jamais....'' Faut dire que depuis toute à l'heure on ne cesse d'entendre des sirènes hurler.

Je ne m’attendais aucunement à apprendre que le jeune homme travaillait dans un spa de luxe, pourtant, je suis bien placé pour savoir qu’il ne faut pas se fier aux apparences ! Il y a tous ces métiers qui existent, mais dont on ne se préoccupe pas réellement quand on est pas concerné. Je ne suis pas du genre à aller au spa, contrairement à certaines célébrités dont j’ai la charge. J’esquisse un faible sourire alors qu’il affirme que son activité tranche avec son loisir de la nuit. Ce type étrange sait ce qu’il veut, c’est une qualité plutôt rare de nos jours, il faut bien l’admettre. Le voleur est un personnage atypique et il parvient à me rendre relativement bavard et curieux alors que je suis un individu particulièrement fermé et silencieux en temps normal.

- Au moins, personne ne peut te soupçonner.

Lui répondais-je simplement, bien que cela peut paraître étrange qu’il me déballe ainsi tout ce qu’il est, je pourrais être un client du spa sans qu’il ne le sache, ou un de ces nombreux manager, un gratte-papier jamais sur le terrain. Mais il a bien raison de ne pas se méfier.

- Tu ferais mieux de rester selon moi.

Les bruits dans les rues ne présagent rien de bon, surtout s’il sort d’ici avec ce maudit ordinateur, je commence à mieux comprendre pourquoi il voulait me le refourguer.

- Mais je n’ai pas grand chose de palpitant à te proposer de faire en attendant, tu es tombé sur quelqu’un de particulièrement ennuyeux et qui déteste parler de lui…

Je lance avec humour, mais il y a une large part de vérité dans mes propos. Mais je peux être une oreille attentive, j’ai au moins cette qualité malgré tout.

- Tu veux manger un truc ?

C’est une “activité” à ma portée bien que mes réserves de nourriture soient proche de zéro, je me penche pour attraper sur la planche inférieure de la table de salon un éventail de flyers de restaurateurs avec livraison. Si on ne peut pas trop sortir pour le moment, la nourriture peu toujours véhiculer jusqu’à nous…