troublemaker (elirah #1)

Une nouvelle garde qui s'achève à l'hôpital. Douze heures d'affilées, mais le sentiment agréable du travail accompli. J'adore mon métier, et être confrontée tous les jours à toutes ces nouvelles naissances, c'est juste magnifique. C'est le plus beau cadeau que la nature puisse faire à une femme que de pouvoir offrir la vie. Je n'ai pas directement eu le droit à ce bonheur mais finalement c'est tout comme. Sacha reste mon fils, même si ce n'est pas moi qui l'ai mis au monde. Shirah a changé notre vie, et je la remercierais jamais assez d'avoir accepté de faire ça pour nous. A sa place, porter l'enfant d'une autre, tout ça, je ne suis pas certaine que j'aurais pu en être capable. Mais sans elle, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Et pour ça, je lui en serais éternellement reconnaissante. En parlant de Sacha... je pensais pouvoir passer un peu de temps avec lui en rentrant de ma garde, mais à priori il n'est pas là. Ni lui ni Juan d'ailleurs. Bon ça, c'est pas surprenant en soit. C'est même plutôt l'inverse qui serait pas normal. Quant à Shirah, elle n'a pas l'air là non plus. Pour le coup, la maison semble étrangement calme. Ma garde a été éprouvante, et je vais profiter d'un peu de cette tranquillité pour me détendre. Si je ne me laisse pas gagner par la fatigue avant que tout le monde ne rentre... ouais non, il faut que je reste un minimum active si je ne veux pas sombrer. Ça serait con que je m'endorme sans voir personne quand même. Et si j'allais piquer une tête dans la piscine ? J'ai jamais le temps d'en profiter, et pourtant, notre piscine en ferait jalouser plus d'un. L'eau est chauffée, et nous pouvons l'utiliser à n'importe quel moment de l'année. Le jour comme la nuit d'ailleurs. Je me décide alors à aller enfiler mon maillot dans ma chambre, récupérant une serviette de bain à la volée avant d'ouvrir la dernière porte qui me sépare à présent de la piscine. Mon corps se raidit lorsque j'entends des bruits dans l'eau et que je croise finalement son regard. Shirah. Merde. Je pensais qu'il n'y avait personne. « Oh pardon. » Je sais pas trop pourquoi je m'excuse, je suis chez moi. Et pourtant, là, tout de suite, je me sens plus super à l'aise. Sans doute dû à l'effet de surprise que sa présence dans l'eau m'a provoqué. Mon coeur s'est inconsciemment affolé sans que je comprenne vraiment pourquoi. « J'pensais pas que tu serais là... » Par réflexe, je m'enroule dans ma serviette, croisant les bras sur ma poitrine pour la tenir. Très logique quand on vient pour se baigner à la base mais passons. « Je peux revenir plus tard si tu préfères ? » Elle a peut-être envie d'être seule pour se détendre et profiter de la piscine. Enfin c'est une supposition, j'en sais rien. Pourquoi suis-je en train de me poser trente six mille questions d'un seul coup ?

Je n’ai pas à me plaindre de la situation dans laquelle je me trouve. Depuis mon retour à Los Angeles, on peut dire que j’ai trouvé une bonne ‘planque’. Nourrie logée blanchie, contre un peu d’aide aux tâches ménagères et familiales. Enfin, un peu. C’est à moi que revient presque l’entièreté de ces dernières mais ce n’est pas très grave. En deux jours j’arrive à faire les repas de pratiquement toute la semaine pour la famille complète - le congélateur est un grand allié - et le ménage est fait au fur et à mesure. Il me reste encore le temps pour sortir, voir un peu de monde, visiter, apprendre à connaître à nouveau cette ville qui m’avait fait vibrer il y a si longtemps. Et, pas à pas, j’apprivoise Sacha, j’apprends lui aussi à le connaître, l’incite à se confier. Je suis présente pour lui, peut-être un peu plus que sa mère adoptive en ce moment, même si je sais qu’elle s’en veut un peu pour ça. Sacha est un adolescent, et la distance avec ses parents semble inéluctable. Et ce n’est pas prêt de s’arranger si je continue sur ma lancée, appliquant à la lettre mon plan pour mettre les choses à leur place. Je sais que je risque de faire beaucoup de mal, mais j’ai besoin de rétablir la vérité. J’ai aussi le droit de profiter de mon fils.
Je suis dans mes pensées quand j’entends du bruit. La porte d’entrée qui se referme, et les claquements de talons dans le séjour. Il n’y a que peu de doute sur l’identité du propriétaire de la maison. Eliza. Elle monte à l’étage, de là je peux voir la fenêtre de sa chambre qui vient de s’allumer. Puis celle de la salle de bain, et les deux finissent par s’éteindre. Je continue quelques brasses, et m’arrête finalement contre un des bords de la piscine chauffée, laissant le filet de chaleur s’extirper d’entre mes lèvres. Les deux bras en appui contre les pierres chaudes du rebord, je la vois arriver, enroulée dans une serviette. Elle s’excuse en me voyant là, et je me contente d’un sourire en guise de réponse. Tout à fait sommaire, j’en ai bien conscience. « J'pensais pas que tu serais là... » Mon regard la détaille en faisant fi des conventions ou de la bienséance. « Je suis là… » finis-je par lâcher d’une voix plus suave que je ne l’aurai voulue. « Je peux revenir plus tard si tu préfères ? » Je secoue sensiblement la tête et lui fais signe de venir, si elle en a envie. « Il y a largement assez de place pour deux… » Elle reste quelque peu figée, et j’en fais autant, avec un peu plus d’aisance tout de même. Si je choisis de ne pas bouger de ma place pour le moment, c’est pour ne pas la faire fuir. La raison ? Je me baigne souvent dans cette piscine entièrement nue, et c’est encore le cas ce soir. En général, personne ne vient troubler mon moment de quiétude. Mais aujourd'hui fait exception. « Dure journée, que tu as besoin de te détendre avec quelques longueurs ? »

Depuis que Shirah est de retour dans nos vies, à la maison, c'est un peu bizarre. Disons que je n'arrive pas à me sentir totalement à l'aise en sa présence. On s'entend bien, et on apprend doucement à se connaitre. Plus en profondeur, ce que nous n'avions à l'époque pas vraiment pris la peine de faire. Mais là n'est pas le problème. Je sais pas... il y a un autre chose, quelque chose que je n'arrive pour le moment pas totalement à comprendre. Peut-être est-ce lié à cette impression un peu étrange que la jeune femme flirte avec moi ? Je suis sans doute folle ou que sais-je encore mais son attitude me trouble un peu. Ok beaucoup même. Encore ce soir, quand je me rends compte qu'elle a eu la même idée que moi ; venir se baigner pour se détendre. Je pensais être toute seule à la maison, donc forcément je suis un peu surprise en la voyant ici. Peut-être que ce n'est que ça finalement... l'effet de surprise ? Ouais, ou pas. Je lui demande alors par politesse si elle ne préfère pas que je revienne plus tard pour la laisser tranquille. Mais elle m'invite à venir. « Il y a largement assez de place pour deux… » C'est pas faux, même si c'est peut-être un peu gênant de me baigner avec elle non ? Enfin j'en sais rien. « Dure journée, que tu as besoin de te détendre avec quelques longueurs ? » Je hoche un peu la tête avant de répondre. « C'est un peu ça. » Toutes mes gardes sont plus ou moins mouvementées, et celle-ci était sans doute plus éprouvante que les autres encore. J'ai l'impression qu'il y a un genre de pic de naissances en ce moment tellement ça n'arrête pas. En tout cas, ça me fait toujours autant de bien de participer à ces merveilleux moments. Enfin quand ils le sont, parce qu'il y a quelques exceptions qui confirment la règle. Mais aujourd'hui, ce n'était heureusement pas le cas. « Et puis... cette piscine, je crois que je n'en profite pas assez. » En disant ça, je me rapproche un peu et viens retirer ma serviette pour la déposer sur l'un des transats essayant de ne pas trop me focaliser sur le regard insistant de la jeune femme. « Tu as dû te baigner plus souvent depuis ton arrivée que moi en quinze ans, c'est dire ! » Je ris un peu. Ce n'est pas un reproche, loin de là, elle a bien raison d'en profiter. Ça serait même dommage de s'en priver. « Elle est bonne ? » Lui demandais-je en m'abaissant non loin d'elle pour y plonger l'une de mes mains alors que mon regard dévie légèrement sur la jeune femme. Et là... c'est le drame. Shirah est toute nue ou suis-je complètement en train de rêver ? Je détourne immédiatement le regard, beaucoup plus gênée qu'elle apparemment. Waah, j'étais pas du tout prête là. Je me recule inconsciemment du bord de la piscine sans savoir réellement quoi dire.

Je sais que son boulot est très prenant, et en même temps, s’il n’y avait pas tous ces gens passionnés pour faire ce métier, ce serait bien la merde. Comme tout le corps médical, quand on y pense. Je suis admirative qu’elle ait repris les études sur le tard pour changer de métier et aller vers une voie aussi altruiste. Ça lui ressemble assez je trouve, en tout cas de ce que je connais d’elle, évidemment. On ne peut pas dire qu’on ait vraiment eu beaucoup de temps pour apprendre à se connaître jusque là, mais c’est plutôt en bonne voie. Et c’est loin de me déplaire. Plus j’apprends à la connaître et plus je l’apprécie. En dehors du fait que je la trouve très agréable à regarder. « Et puis... cette piscine, je crois que je n'en profite pas assez. » « C’est dommage. » Personnellement, je trouve que nager est vraiment quelque chose de libérateur. Dans l’eau son se sent plus apaisé, supporté par une force invisible. Plus de douleur, de contracture, on se détend simplement et ça fait du bien.
Eliza retire sa serviette et j’ai tout le loisir de laisser traîner sur elle un regard gourmand, que je retiens un minimum pour ne pas la mettre mal à l’aise. Même si elle n’est pas dupe, mon attitude n’est pas sans arrière pensée, je la drague assez ouvertement depuis quelques semaines. « Tu as dû te baigner plus souvent depuis ton arrivée que moi en quinze ans, c'est dire ! » « Sacrilège ! » Je ris avec elle et la laisse approcher, alors qu’elle s’accroupit pour venir goûter l’eau de sa main la surface de cette dernière. « Elle est bonne ? » « Délicieuse. » que je lui réponds du tac-o-tac non sans un rictus mutin au coin de mes lèvres. Est-ce que je parle de l’eau, ou d’elle ? Peut-être un peu des deux. Mais je sens comme un mouvement de recul, je crois qu’elle a pris conscience que j’avais quelque peu omis d’enfiler un maillot de bain. « Je vais te laisser en profiter. Ce serait dommage de t’en priver, pour une fois que tu avais envie de piquer une tête. » Et je n’ai pas envie qu’elle revienne sur son envie initiale, juste parce que je suis là. Alors sans attendre je rejoins les marches avec quelques brasses, et sors de l’eau sans aucune pudeur, l’eau dégoulinant sur mon corps totalement nu. J’imagine qu’elle a détourné le regard de toute façon, même si je suis dos à elle. Je récupère ma serviette pour m’enrouler à l’intérieur, avant de me retourner vers elle. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis pas bien loin. » Bien sûr que j’aurai bien aimé nager un peu avec elle, mais je n’ai aucune envie de la mettre mal à l’aise, au contraire.

Effectivement c'est dommage. De temps en temps j'aimerais pouvoir prendre un peu plus de temps pour moi. Pour profiter de la piscine, et pas seulement. Pour Sacha aussi. Je sais bien que je ne suis pas aussi présente en tant que mère que je le devrais. Si Shirah profite sans doute plus de la piscine que moi, c'est un peu la même chose quand il s'agit de mon fils. J'ai l'impression que mon garçon est beaucoup plus proche d'elle que moi en ce moment. Et en même temps c'est logique. Elle passe plus de temps avec lui à la maison. Je ne suis pas jalouse, mais disons que ça me fait envie. Je crois qu'il faudrait que je prenne un peu de vacances. Cette idée me trotte dans la tête depuis un moment déjà, encore faut-il avoir le courage de passer à l'action. Mon problème ? J'ai un peu (beaucoup) de mal à décrocher, mais il le faudrait. En attendant, ce soir, je vais déjà commencer à en profiter pour me baigner. L'eau a l'air bonne, et Shirah le confirme non sans se la jouer taquine. « Délicieuse. » Bon ok, ma question pouvait être tendancieuse. J'aurais dû me douter qu'elle s'engouffrerait dans la brèche pour s'en amuser. Et ouais, je commence un peu à la connaitre maintenant. Elle est joueuse, charmeuse aussi, beaucoup. Beaucoup trop peut-être. Parce que moi, je me perds un peu dans tout ça. Je ne sais plus trop comment le prendre. Bref. Mon regard se fige quand je comprends que Shirah est nue. Ce n'est pas mon cerveau qui me joue des tours. Non, c'est bien réel. Elle est là, dans l'eau, en tenue d'Eve. Merde. Prise de panique, je recule sans doute un peu trop brusquement. « Je vais te laisser en profiter. Ce serait dommage de t’en priver, pour une fois que tu avais envie de piquer une tête. » Sur ses mots, la brune sort de la piscine sans aucune pudeur. Et moi, je ne sais plus où me mettre. Pourtant, mon regard est irrémédiablement attiré par son corps et je ne peux m'empêcher de l'observer à la dérobée. Pourquoi faut-il qu'elle soit aussi bien foutue sérieusement ? C'est pas humain... Je détourne finalement le regard, pour ne pas me faire griller, et pour reprendre un peu mes émotions. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis pas bien loin. » Je hausse les épaules en répliquant. « Tu n'es pas obligée de partir. » Elle l'a dit elle-même tout à l'heure, il y a largement de la place pour deux. « C'est pas désagréable d'avoir de la compagnie. » Il n'y a pas que sa compagnie qui est agréable... il y a la vue aussi. Mais stop. Ne surtout pas penser à ça. « Pour ton information, je dois avoir une dizaine de maillots de bain différents dans mon dressing, si tu en as pas, tu avais juste à te servir. » Elle n'a même pas besoin de demander. Ça éviterait ce genre de situation un peu gênante. Enfin même si ça ne semble pas l'être pour elle. Mais pour moi, si. Légèrement. « Ça va que ce n'était que moi et que ce genre de vision ne me fait rien... » Ajoutais-je en rigolant. Est-ce que je suis en train d'essayer de m'en persuader en même temps que je le dis à haute voix ? Peut-être bien oui. En tout cas, il y a une part de vérité là-dedans. Je ne voudrais quand même pas que cette scène arrive aux yeux de Sacha. Ni même à Juan en fait. Ouais non.

« Tu n'es pas obligée de partir. » lâche-t-elle avant que je n’ai eu le temps de m’enfuir. Vraiment ? Je tourne la tête vers elle, une main le long de mon corps, l’autre retenant ma serviette au niveau de ma poitrine. « C'est pas désagréable d'avoir de la compagnie. » Mes lèvres s’étirent dans un léger sourire. Je suis heureuse qu’elle me propose de rester. Pour être tout à fait honnête avec moi-même, je crois  que je l’espérais.  « Pour ton information, je dois avoir une dizaine de maillots de bain différents dans mon dressing, si tu en as pas, tu avais juste à te servir. » Je penche très légèrement la tête sur le côté, plus amusée qu’autre chose. « Ça va que ce n'était que moi et que ce genre de vision ne me fait rien... » Je m’amuse de la façon dont elle appuie cette information. Si ça ne lui faisait rien, elle n’aurait pas eu ce geste de recul. Et on ne me la fait pas, j’ai bien vu la façon dont elle me regardait. « J’ai un maillot de bain. J’aime simplement nager nue, c’est très agréable. Tu devrais essayer. » Nouveau sourire mutin, et je hausse sensiblement les épaules. « Je suis toujours seule à nager ici, surtout à une heure pareille. Ne t’en fais pas, s’il y a Juan ou Sacha dans les parages, je ne me trimballe pas nue. » Je m’arrête une seconde et, sur un ton charmeur, un peu plus bas que précédemment j’ajoute : « Je garde ça pour toi. » Un petit rire cristallin franchit la barrière de mes lèvres et je fais quelques pas en direction de la maison. « Je vais enfiler une tenue décente. Je reviens. » Une fois à l’étage, je me pare de mon bikini, et redescends, serviette à la main. J’étends cette dernière sur un transat pour la faire sécher un peu. Eliza est déjà dans l’eau, jusqu’au bassin, et je descends pour la rejoindre. « Alors, ça fait du bien ? » Je crois qu’elle a bien besoin de se détendre. Elle ne le fait pas assez. J’ai une tonne d’idées pour l’aider à lâcher prise, mais je ne suis pas sûre qu’elle soit prête à toutes les entendre. Je m’assieds sur les marches de la piscine, à côté d’elle, jouant de mes mains à la surface de l’eau. « Tu as l’air pensive. Tout va bien ? »

Pour une surprise, c'est une surprise. Je ne m'attendais pas vraiment à la scène qui est en train de se jouer sous mes yeux. Si j'avais su... Shirah semble complètement décomplexée, et c'est sans doute ça qui me met le plus mal à l'aise. Enfin, quoique. Je veille à détourner le regard de son corps autant que possible, même si la tentation est grande. Il y a qu'une seule femme de ma vie que j'ai vu dans son simple appareil... et personne ne sait ce qu'il s'est passé. Pour tout le monde, je ne suis pas attirée par les femmes. Pour moi-même aussi d'ailleurs. J'ai volontairement rangé cette épisode de ma vie dans un tiroir fermé à double tour, jusqu'à cet instant de faiblesse il y a quelques années. Personne n'est évidemment au courant de cette histoire. Le problème avec Shirah ? C'est qu'elle refait naître en moi cette attirance oubliée. Elle s'amuse à flirter avec moi, à jouer un peu, et c'est troublant. « J’ai un maillot de bain. J’aime simplement nager nue, c’est très agréable. Tu devrais essayer. » Ouais mais non, on va éviter. Ou en tout cas pas avec elle dans les parages. « C'est un concept original. » Que j'ajoute en riant un peu. « Je suis toujours seule à nager ici, surtout à une heure pareille. Ne t’en fais pas, s’il y a Juan ou Sacha dans les parages, je ne me trimballe pas nue. » Encore heureux. J'esquisse un fin sourire d'entre mes lèvres, pas réellement plus rassurée que ça. « Je garde ça pour toi. » Bon ok, là, je sais plus où me mettre et je crois que ça se voit. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Vaut peut-être mieux rien dire et faire comme si je n'avais pas entendu ou pas compris. Ouais c'est bien ça. « Je vais enfiler une tenue décente. Je reviens. » Bonne idée tiens. J'en profite pour rentrer dans l'eau, me vider un peu les esprits. Plus je passe du temps avec elle, plus j'ai l'impression de perdre le contrôle de mes émotions. Et pourtant, cette sensation est grisante et je ne cherche même pas à la fuir. Y'a un truc qui ne tourne pas rond chez moi ou quoi ? « Alors, ça fait du bien ? » Shirah est de retour, en bikini cette fois. « Tellement. » L'effet que l'eau procure sur mon corps est apaisant et je ferme les yeux quelques secondes. J'essaye de me vider la tête, de me changer les idées, relâcher la pression, tout ça... mais ce n'est pas une mince affaire, et mes pensées divaguent rapidement. « Tu as l’air pensive. Tout va bien ? » Je hoche un peu la tête en tournant la tête dans sa direction. « Oui, ça va. J'ai juste l'impression de passer à côté de tellement de choses... » Comme d'un moment de détente comme celui-là. En réalité, je suis incapable de lâcher prise. Pour tout. Que ce soit pour le boulot ou pour le reste d'ailleurs. Et ça se répercute forcément sur ma vie de tous les jours, et surtout sur ma relation avec mon fils. Je soupire un peu avant d'ajouter. « Avec Sacha par exemple. Je sais que je suis loin d'être à la hauteur... surtout en ce moment. Il est de plus en plus distant et je ne sais pas comment m'y prendre. » Notre relation est devenue compliquée, et j'en suis la première responsable. Je ne passe pas assez de temps avec lui. « Est-ce qu'il t'a parlé de quelque chose en particulier ? » Je sais qu'ils sont assez proches tous les deux, ça ne m'étonnerait pas qu'il puisse se confier à elle. « Comment tu fais toi ? » Avec lui, mais pas seulement. Je l'envie sur beaucoup de choses aussi. Notamment sur sa façon d'être, de prendre les choses avec autant de légèreté. De profiter tout simplement.

J’aime entendre son rire. Je sais que je la perturbe un peu, et j’en joue. J’aurai tort de m’en priver. Eliza est une belle femme, une très belle femme, et sentir que j’ai un peu d’influence sur elle - sur le plan physique j’entends - est quelque chose de plutôt agréable. Je la rassure quand même sur le fait de ne pas me baigner nue quand les hommes de sa vie se trouvent dans les parages. D’ailleurs, c’est assez rare de me baigner quand je les sais à la maison. Il m’est arrivé une fois de me baigner avec Sacha, mais ça ressemblait plus à une bataille d’eau entre gamins de six ans qu’autre chose.
Je remonte à l’étage chercher de quoi couvrir un minimum mon corps, et rejoins la brunette dans la piscine sans tarder. J’ai l’étrange intuition que quelque chose cloche, et je préfère lui poser la question sans tarder. « Oui, ça va. J'ai juste l'impression de passer à côté de tellement de choses... » Oh. Ce genre de réflexions sur la vie, l’existence, et j’en passe. Je ne la quitte pas des yeux, gardant cette écoute que je peux avoir envers elle. Je suis aussi là pour ça, je crois. « Avec Sacha par exemple. Je sais que je suis loin d'être à la hauteur... surtout en ce moment. Il est de plus en plus distant et je ne sais pas comment m'y prendre. » Je secoue un peu la tête, ça me fait mal au coeur qu’elle pense une chose pareille. « Mais non ne dis pas ça… » J’aimerai pouvoir la rassurer, mais c’est un peu compliqué, cette situation. Surtout parce que je suis la mère biologique du jeune homme et que le lien qui nous unit est tout autre que celui qu’elle a tissé avec le garçon. « Est-ce qu'il t'a parlé de quelque chose en particulier ? Comment tu fais toi ? » Je penche un peu la tête sur le côté après sa dernière question. Elle est vague, mais je crois savoir ce qu’elle veut dire par là. « Il m’a parlé de beaucoup de choses, je ne vais pas te mentir. Mais c’est normal, je pense que j’ai un certain recul aussi, le fait de ne pas être… sa mère. » Ça me fait mal de dire une chose pareille, mais ce n’est clairement pas le moment d’avoir cette discussion. « Il grandit, il a besoin aussi d’avoir un jardin secret, et peut-être qu’il y a certaines choses qu’il ne veut pas encore te dire… » Je hausse un peu les épaules, je pense notamment à son orientation sexuelle. Evidemment, moi je lui ai dit tout de suite que j’aimais les femmes, ça a aidé. « Je comprends que ça te chagrine, mais peut-être que tu pourrais essayer de ne pas trop te mettre la pression, ou lui en mettre à lui aussi. Il est en période de changement, de grand changement. Et c’est normal qu’il cherche à nouveau ses repères. L’important c’est que tu continues de lui témoigner ton amour. Il n’a aucune raison de s’éloigner de toi très longtemps. » Je m’approche d’elle en lui adressant un sourire, et replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. « Et puis, tu n’es pas quelqu’un qu’on aime détester… »

Je n'ai pas pour habitude de me confier à une inconnue. Enfin, je sais que Shirah n'est pas théoriquement une inconnue mais ce n'est pas non plus quelqu'un de qui je suis proche. Réellement proche je veux dire. Notre relation se limitait à l'époque à notre histoire commune. Le fait qu'elle ait accepté de devenir notre mère porteuse. C'est peut-être ce lien particulier qui fait que je me sens étroitement connectée à elle. Aussi étrange que cela puisse paraitre. Mais depuis son retour dans notre vie, c'est assez troublant. Il y a un truc en plus. C'est sans doute pour ça que j'arrive facilement à m'ouvrir à elle. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Le sujet de discussion dérive naturellement sur Sacha. Parce qu'il est au centre de mes préoccupations. Surtout depuis quelques temps que je le sens me glisser entre les doigts - en quelques sortes. J'en viens forcément à me poser des questions sur mon rôle de mère. Est-ce que je suis vraiment à la hauteur ? « Mais non ne dis pas ça… » Ses mots se veulent rassurants, et c'est agréable. C'est exactement ce dont j'ai besoin, là, maintenant. « Il m’a parlé de beaucoup de choses, je ne vais pas te mentir. Mais c’est normal, je pense que j’ai un certain recul aussi, le fait de ne pas être… sa mère. » Avec elle, c'est différent. C'est bien connu, les adolescents ont plus de facilité à s'ouvrir avec quelqu'un de l'extérieur qu'avec leurs parents. « Il grandit, il a besoin aussi d’avoir un jardin secret, et peut-être qu’il y a certaines choses qu’il ne veut pas encore te dire… » Ça me fait mal de l'entendre, de l'admettre aussi, mais c'est logique en soit. Si je ne veux pas l'éloigner encore plus, je ne dois pas lui mettre la pression. Et par la même occasion, je dois lâcher un peu du lest. « L’important c’est que tu continues de lui témoigner ton amour. Il n’a aucune raison de s’éloigner de toi très longtemps. » Je hoche un peu la tête. « Tu as sans doute raison. » Shirah se rapproche, dans un sourire, et vient replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille. Il ne m'en faut pas plus pour me mettre à rougir. « Et puis, tu n’es pas quelqu’un qu’on aime détester… » Voilà, je sais de nouveau plus où me mettre. Elle a le don, en l'espace d'une fraction de seconde, de réussir à me troubler. Encore. Comme si c'était naturel chez elle de jouer avec moi. Je ne sais pas si c'est le fait qu'elle flirte avec moi le problème, ou si c'est la sensation étrange qui s'installe en moi lorsqu'elle le fait ? Peut-être un peu des deux. « Ah bon, tu crois ? » Que je laisse échapper dans un petit rire gêné. Merde. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? « Et tu te bases sur quoi exactement pour dire ça ? » Je m'enfonce là, non ? Comme si j'étais en train de lui ouvrir une brèche dans laquelle s'engouffrer. Mais la sensation est grisante, et je n'en suis pas totalement indifférente.