Suite 203 - Jamie

Suite 203

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Quinn s’efforçait de garder une posture socialement acceptable, elle avait beau avoir l’habitude de plaider des heures, de rester debout, elle avait d’ailleurs eu, au cours de ses études des cours de posture ressemblant à ce que les mannequins enduraient. Elle avait l’habitude de devoir se tenir droite, même sur des talons pour toujours avoir l’air présentable. Une juriste avachie, le dos courbé n’avait plus aucune crédibilité.


Quinn avait souffert toute sa vie du manque de crédibilité et ce, quelle que soit sa posture d’ailleurs. Surtout parce qu’elle était une femme et qu’elle travaillait avec des collègues principalement masculins. Les femmes étaient dans les tribunaux mais en tant que secrétaire, pigiste ou agent d’entretien. Et quand elle croisait une autre femme juge, juriste, avocate ou procureure, elle ne pouvait pas s’empêcher de sourire. Un sourire discret presque invisible mais qui en disait long. Elle ne comptait plus les fois où elle avait dû faire face à des remarques sur son physique, des clients qui avaient refusé ses candidatures parce que c’était une femme, des juges, des avocats, des hommes qui se retournaient sur son passage, baissaient les yeux vers ses fesses ou son décolleté. Elle avait même appris à ne plus y faire attention. Parce que c’était devenu la norme, parce qu’au fond, elle ne les remarquait plus.


Mais après plusieurs heures d’avion, tout ce dont elle avait envie c’était de se retrouver dans sa chambre et de prendre une douche de deux jours. Elle avait envie de ne voir personne à part son lit. Le temps parisien était doux mais elle avait prévu d’en profiter après sa sieste, ou au moins après avoir pu poser sa valise et s’être changée. Elle n’était pas particulièrement hypocondriaque ni même maniaque mais elle ne connaissait pas de meilleure sensation au monde que d’ôter son soutien-gorge en arrivant chez elle.  


Elle ne savait pas exactement ce qu’elle avait fait au karma mais l’enregistrement de ses collègues prit étonnamment longtemps. Peut-être était-ce parce qu’ils tentaient tous ou presque de faire du charme à la réceptionniste qui ne faisait qu’afficher un sourire gêné en leur énumérant les activités disponibles qu’elle pouvait commander pour eux. Mais ils n’auraient sans doute pas le temps d’en profiter. Ils n’étaient pas là pour s’amuser mais bien pour travailler. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle garda son air sérieux calme quand elle s’approcha quand ce fut enfin son tour.


A sa plus grande surprise, la réceptionniste ne tendit pas la carte de sa chambre à elle mais bien à Jamie. Le patron de l’homme pour qui elle bossait, un homme droit, sérieux, humain qui avait certainement toutes les qualités possibles mais qui n’avait rien à faire avec la carte d’activation de sa chambre. Elle cru voir son salut arriver en entendant


« Monsieur Ukhar, mademoiselle Gillian, vous êtes en 203. »


Penchant la tête sur le côté, elle avait soudainement l’impression qu’on venait de la frapper au visage avec une poêle, avec le bruit caractéristique de l’inox contre sa peau, ce « bong » qu’elle aurait presque cru pouvoir entendre.


« Je vous demande pardon ? » Avait-elle bégayé dans un français teinté d’un accent prononcé


Il fallut alors s’expliquer, expliquer qu’ils n’étaient pas en couple, qu’ils avaient bien payé pour deux suites séparées et firent face au visage mortifié de la réceptionniste qui s’était confondue en excuses. Quinn avait soupiré. Toutes les excuses du monde n’allaient pas suffire. Elle avait beaucoup d’estime pour son collègue et patron mais cette affaire n’était pas des plus plaisantes, surtout que déjà, elle entendait les rires gras de ses collègues et leurs petites œillades lubriques.


« Je suis désolée, l’hôtel est complet… Pour s’excuser, nous vous proposons l’accès gratuit à l’espace Spa pour toute la durée de votre voyage. »


Quinn avait cligné des yeux. Elle n’allait même pas avoir le temps de faire autre chose que de travailler en journée et le soir, le seul moment où elle aurait pu être seule, elle se retrouvait avec Jamie. Elle se tourna vers lui l’air plus désolé qu’autre chose et s’exprima en anglais


« Qu’est-ce qu’on fais… ? Je… Je peux vous laisser la chambre, il doit bien y avoir un autre hôtel pas loin… »


Comprenant l’anglais, les paroles de l’employée finirent de l’achever


« Le plus proche est à 15km… »


Se frottant le visage comme pour se réveiller d’un cauchemar, elle soupira une énième fois


« On… On a qu’à… Faire au mieux ? »

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Voyage d’affaires sur Paris. Il n’est pas rare que je parte pour mon boulot, Maé le sait, et depuis quelques années, je consens à lui laisser un peu de liberté quand je ne suis pas là pour assurer mon rôle de père. Bien sûr, il n’est jamais question de la laisser sans surveillance. Disons que je deale avec mon côté de père trop présent, et trop inquiet. Elle n’a pas une mère poule mais elle a un père qui prend ce rôle-là. D’ailleurs en parlant de sa mère… je prie intérieurement pour qu’elle ne lui fasse pas faire n’importe quoi. Ça n’est que l’histoire de quelques jours. Mais je sais très bien ce qu’Eden peut faire d’une seule soirée, alors plusieurs… Je ne pourrais de toute façon pas gérer si ça se passe mal. Alors je devrais me contenter de me savoir là, Outre-Atlantique, et d’espérer que ça se passe au mieux. Avec mes superstitions à la con.
Je ne suis pas mal entouré, bien au contraire. Une jeune avocate, que j’ai eu l’occasion de voir plaider à son insu, et même de s’en sortir avec brio. Dans un procès qui n’était pourtant pas bien engagé, et c’est peu de le dire. Mais elle sait de quoi elle parle, et l’avocate que je voulais sur ce dossier, c’est elle. Sa présence n’était pas indispensable, mais nous rencontrons un client, et je veux qu’elle s’imprègne du bonhomme, qu’elle comprenne à qui on a à faire, pour rédiger sa plaidoirie, tout du moins, choisir d’accepter de le défendre ou pas. Je ne dirais pas que je vais lui présenter un ami, mais une connaissance. Je lui laisse l’occasion de le cerner, de comprendre le dossier. Je ne lui fais pas une fleur, elle sait très bien ce qu’elle a à faire. Disons que si ça se concrétise, sa réputation pourrait se révéler… internationale.

A peine sortis du jet, nous traversons le tarmac, et la première chose que je fais à cet instant, est de glisser une clope entre mes lèvres, pour l’allumer. Je tire dessus comme un taré, en même temps, je n’ai pas pour habitude de me passer si longtemps d’une cigarette. Je ne prends même pas la peine de retirer le patch qui se trouve sur mon bras. Double dose, rien d’alarmant.
C’est ensuite à l’hôtel que nous nous faisons conduire en taxi. Je fais signe au groom de prendre la valise de madame avant de prendre mon sac. Je donne naturellement mon nom et celui de mon accompagnatrice, afin de récupérer nos clés électroniques. Je rêve d’un bon verre et d’une douche. Ma main se pose sur la carte, avant qu’une annonce ne me fasse faire une pause et retienne mon geste.

« Monsieur Ukhar, mademoiselle Gillian, vous êtes en 203. »

Je lève alors un sourcil, intrigué.

« Il doit y avoir une erreur. »

« Je vous demande pardon ? »

Ma collègue se confond en explications un peu indiscrètes, révélant la nature de nos relations. Nous n’avons pas à nous dévoiler ou nous justifier d’une quelconque façon, mais la panique se lit sur son visage. Alors pour la couper dans ses explications un peu douteuses, je rajoute :

« Nous avions réservé deux chambres au même étage. »

« Je suis désolée, l’hôtel est complet… Pour s’excuser, nous vous proposons l’accès gratuit à l’espace Spa pour toute la durée de votre voyage. »

Je me racle la gorge. Ça n’est pas ce que j’avais demandé et mes plans sont contrecarrés. Enfin, si plan il y a. Seulement, j’ai pour habitude de passer mes nuits à fumer et boire devant mes dossiers. Rien qui ne soit fait pour une jeune femme.

« Qu’est-ce qu’on fais… ? Je… Je peux vous laisser la chambre, il doit bien y avoir un autre hôtel pas loin… »

« Le plus proche est à 15km… »

Mon regard passe de l’une à l’autre, visiblement, elles sont en train de se refiler leurs craintes, l’une et l’autre, et je ne prendrais certainement pas part à tout ça. Alors j’interviens, encore une fois.

« Il en est hors de question. »

Et je n’ai de toute façon pas la force d’aller chercher une chambre tout de suite. Après tout, je n’attends qu’une douche et un coin de bureau. La convenance veut que je sois gentleman, et je le serais. Quant au qu’en dira-t-on, c’est bien la dernière chose dont je me soucie.

« On… On a qu’à… Faire au mieux ? »

« On va faire au mieux. »

Rajoutais-je pour couper court à une énième tergiversions. Je saisi la carte sur le comptoir et traverse le hall pour appeler un ascenseur. Galamment, je la laisse passer devant et entre à sa suite. Une fois à notre étage, je déverrouille la porte d’entrée et lui laisse la primauté de la découverte de la suite que je me suis offert de retenir. Le marbre, la vue, les dorures. Le petit salon, le balcon, la terrasse… Rien ne manque.

« Je vous laisse le lit, je prendrais la méridienne. J’ai besoin d’un verre et d’une douche. »

Je me défais de ma veste que je laisse choir sur le dossier du canapé. Je ne me délecte pas de la vue, je la connais. Paris aussi je la connais, par cœur. Et je parle un français impeccable.
Je saisi le combiné du téléphone pour obtenir le service d’étage.

« Je vous commande quelque-chose ? »

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La chambre avait le mérite d’être spacieuse. Quinn n’était pas dépensière. Elle n’était pas millionnaire et d’ailleurs était loin de l’être, mais elle avait amassé quelques économies au fil des années et comptait bien les garder, ou les utiliser judicieusement et une chambre aussi grande ne rentrait pas dans ses critères mais son entreprise avait insisté qu’ils restent dans des suites de haut standing et elle n’avait pas protesté. C’était comme ça qu’elle avait survécu dans ce monde d’hommes, en apprenant quand se taire et quand s’exprimer. En apprenant que des fois il valait mieux tout simplement serrer les dents et hocher la tête. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait finit par faire en acceptant de partager sa chambre avec Jamie.


La situation la rendait mal à l’aise, tellement qu’elle fixa un point en face d’elle dès qu’elle rentra dans l’ascenseur, le dos toujours droit, une posture de mannequin. D’ailleurs, elle ne comptait plus les remarques qu’elle avait eu sur son physique. En plus d’être une femme (ce qui ne lui conférait pas beaucoup de légitimité d’après certains de ses collègues), elle était plutôt belle. Des yeux clairs, de longs cheveux couleur or, des jambes interminables, une poitrine généreuse, une taille fine et un ventre plat. Elle devait ce physique à deux choses : premièrement, sa chance côté génétique. Quinn ne connaissait pas ses vrais parents, et elle n’avait jamais émis l’envie de faire ce genre de démarches mais à s’observer dans un miroir, elle voyait bien qu’ils devaient être blonds et assez grands. Et étrangement, ça lui suffisait.


La deuxième chose était son métier. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, être juriste l’avait énormément aidée à se maintenir en forme. Elle savait bien que toutes les audiences, tous les jugements, tous les procès auxquels elle avait assisté avaient bien mis en avant le fait que c’était un concours d’idées et non de charisme, que c’était la parole qui primait et non le physique. Mais elle savait aussi que c’était faux. Entièrement faux. Le physique ne primait pas mais comptait beaucoup dans la balance. Elle savait qu’elle serait beaucoup mieux écoutée si elle présentait bien, si elle gardait le dos droit, les épaules relevées et le regard sûr. Alors elle s’était mise au sport, en profitant parfois même pour lancer une lecture audible de ses dossiers dans ses écouteurs pendant qu’elle courait. Elle était comme ça Quinn. Acharnée de boulot, à ne jamais savoir ni même vouloir s’arrêter.


Trouvant sa valise dans leur suite, elle observa un instant son supérieur ôter sa veste et décida de faire de même. Néanmoins, elle, ne la laissa pas tomber sur le canapé mais préféra directement l’attacher à un des ceintres qui pendaient déjà dans un des placards dans l’entrée. La suite était immense, à vrai dire, elle avait été même surprise que Jamie ait les moyens de s’offrir de telles choses. Elle dû redoubler d’efforts pour ne pas lever le museau pour admirer les moulures, ses talons cliquetant déjà sur le marbre. La voix de son supérieur la ramena à la réalité et un sourire étira doucement ses lèvres, son regard déviant sur la fameuse méridienne



« Je ne pense pas que vous y serez confortable. »



S’asseyant sur le premier fauteuil qu’elle trouva, lissant doucement sa robe, elle désigna le lit du menton



« Allons, nous sommes deux adultes responsables. Nous pouvons faire au mieux. »



Ici, faire au mieux signifiait partager le lit. Situation inédite pour elle, mais pas déplaisante dans la mesure où elle connaissait Jamie un minimum, elle savait très bien qu’elle n’avait rien à craindre de lui. Refusant doucement sa proposition, elle le gratifia d’un sourire reconnaissant



« Allez prendre votre douche tranquillement, je réceptionnerais votre commande. »

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En réalité, c’était la situation qui mettait Quinn mal à l’aise, Jamie n’y était pour rien et étrangement, elle remerciait le ciel que ça soit tombé sur lui et pas un autre. Ses collègues n’étaient pas méchants, loin de là, elle avait même discuté avec quelques-uns d’entre eux dans l’avion, mais la plupart aurait sans doute jubilé à l’idée de pouvoir partager un lit avec elle, ou même une simple chambre d’hôtel. Une suite aussi luxueuse à Paris nourrissait beaucoup trop de cliché pour ne pas qu’ils se soient regroupés dans une des chambres après s’être installés pour balancer des suppositions sur ce que Jamie et Quinn étaient en train de faire.


« Ils baisent tu crois quoi ? T’as vu le morceau ? Nan sérieux quand elle marche elle ondule tellement on dirait le serpent là dans le livre de la jungle putain… » Avait avancé l’un, faisant rire les autres.


Bien loin de tout ça, Quinn tentait de réfléchir. Elle était loin d’être rustre, loin d’être particulièrement exigeante, mais elle aurait adoré avoir son confort, son intimité, ou au moins pouvoir avoir une chambre à elle-même. Il fallait qu’elle change ses habitudes, qu’elle change tout ce qu’elle avait l’habitude de faire le soir. Non pas que ce soit horrible et gênant mais plutôt parce que Jamie était son patron et qu’elle n’avait pas tellement envie de mélanger vie privée et vie professionnelle.


Quand il s’installa au bureau et après qu’elle a commandé une bouteille d’eau et quelques quartiers de pomme, elle attrapa sa trousse de toilette et se glissa dans la salle de bain, non sans l’avoir remercié.
La salle de bain était immense, la chambre qui aurait dû lui être attribuée n’en comportait pas une aussi grande, enfin seule, elle prit le temps d’admirer les lieux, se sentant tout de même un peu débile de faire le tour d’une salle de bain qu’il n’avait sans doute pas regardée, de laisser sa main apprécier la douceur glaciale du marbre, des dorures, de la baignoire, de la douche…
Ayant tout inspecté par pure curiosité, un léger sourire moqueur envers elle-même se dessina sur ses lèvres et elle finit par se déshabiller et se doucher.

Une vingtaine de minutes plus tard, elle ressortit de la salle de bain, vêtue d’un legging gris moulant ses jambes interminables et d’un simple t-shirt blanc. Démaquillée, le bleu de ses yeux n’en ressortait que plus et ses cheveux blonds étaient ramené en chignon fait à la va-vite à l’arrière de son crâne. Elle prendrait plus de temps pour les coiffer le lendemain matin. Pour le moment, elle n’avait pas du tout envie d’imposer à Jamie le bruit de son sèche-cheveux pendant des heures.


Le gratifiant d’un léger sourire courtois, elle s’éloigne de la porte sans bruit et attrape son téléphone pour se rendre sur le balcon, consultant ses messages, prenant la vue en photo. Elle était déjà allée à Paris, oui, mais pas comme ça. Jamais avec autant de luxe, de faste, de tout ça… Elle n’avait vu ce paysage qu’en photo en se demandant s’il existait réellement ou s’il ne s’agissait que d’un photomontage pour amadouer les gros portefeuilles étrangers à venir investir en France.

Quand le temps devint trop frais pour sa tenue, elle finit par rentrer et s’installa sur le lit, en tailleur, attrapa une pochette cartonnée dans sa valise, remplie de dossiers mais aussi de comptes rendus divers et variés. Se saisissant d’une petite trousse dans son sac à main, décidant qu’elle allait reposer un peu ses yeux avant de sortir son ordinateur portable, elle commença à griffonner ses notes directement sur le papier, barrant des mots, en rajoutant, couvrant les feuilles d’astérisques et de locution conjonctive en tout genre : à ce que, à condition que, afin que, ainsi que, alors que, à mesure que, à moins que, après que, à proportion que, à telle enseigne que, attendu que, au cas que… Et pendant un temps, tout ce qu’on entendit fut le bruit des touches de l’ordinateur de Jamie et le grattement de son stylo sur le papier.

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L’ambiance était plus que studieuse, même quand elle sorti de la douche. Je notais tout de même qu’elle y prenait le temps. Prendre le temps de se détendre est le signe qu’elle est à l’aise, et surtout que la journée a fait baisser chacune de ses défenses, qu’elle a simplement besoin de se ressourcer. La douche est salvatrice, et permets de repartir d’un meilleur pied. Bien qu’il ne soit pas convenu que nous passions la soirée à travailler. En tout cas en ce qui la concerne, et ça n’est pas ce que je lui demande. En dehors des heures de travail, je n’ai rien à lui demander, elle est une jeune femme libre du reste de sa soirée. Elle a sans doute un petit ami à appeler.
Tient, d’ailleurs, quand elle sort de la douche, bien que je ne lève pas les yeux, je sens l’odeur fleurie de son shampooing et apprécie la simplicité d’une femme. Elle n’est pas de celles qui tentent de séduire pour obtenir une faveur ou une autre, et je dois reconnaître que je trouve ça assez appréciable.
Je la vois s’éloigner sur le balcon, je parlais du petit ami tout à l’heure, elle y reste un bon moment, au moins une heure. Assez de temps pour pouvoir répondre à un mail de la plus haute importante, et de faire les recherches nécessaires à ce nouvel investissement. Cette école de théâtre que j’ai pu racheter à Malibu. Je place mes pions en fonction des intérêts de ma fille, et c’est là toute l’importance. Racheter une affaire, oui, mais si vous n’avez aucune forme d’attirance ou d’intéressement pour le fondement même de cette boite, laissez tomber. Les affaires se gèrent avec la tête froide, mais sans une bonne raison de vous investir, vous n’allez rien en tirer.
Quand elle revient, l’ambiance est on ne peut plus studieuse. Pas un mot ne fuse. Mon téléphone sonne, c’est un texto de ma fille, je m’accorde un sourire furtif le temps de répondre, elle n’a pas encore compris que l’idée de l’avoir au téléphone était de profiter de sa voix, pas pour la pister. De toute façon pour la pister, j’ai ses réseaux sociaux… Je ne suis pas intrusif, je me considère comme protecteur, je suis son père après tout.

Sur les coups de 22h, et après avoir noté qu’elle a bien pensé à se commander à dîner, quelqu’un frappe à la porte. La jeune femme s’apprête à se lever pour ouvrir mais je la stoppe d’une main en l’air, pour lui signifier que je m’en occupe. Après avoir jeté un œil par le judas, je note que c’est un de nos collaborateurs. En costume, sans doute un peu éméché. J’ouvre, et le laisse parler. Ses mots sont collés les uns aux autres, sa bouche doit être pâteuse et il sent l’alcool à trois km. Je ne suis pas mécontent d’avoir ouvert moi-même.

« On se demandait si tout se passait bien ici. On a appris pour la chambre non réservée. On peut plus faire confiance à personne. »

Et il tend le cou dans la chambre, vue que je lui interdis en refermant légèrement la porte.

« Vous désiriez ? »
« Oui, savoir si vous vouliez nous joindre à nous au bar, et la demoiselle aussi. »

Je lance un regard à la jeune femme qui semble essayer de me faire comprendre qu’elle se passerait bien de la compagnie d’une bande d’hommes complètements saouls et incapables de se tenir au bout de deux verres.

« Parce que, vous comprenez, elle est quand même rudement jolie, ce serait dommage de se priver de sa vue. »
« Je crois qu’elle est très fatiguée et nous avons encore un peu de boulot. Veuillez nous excuser. »

Je referme la porte, et il repart de façon un peu bancale, sans doute aussi un peu déçu.

« J’ose espérer que je ne vous prive de rien ? »

En ayant répondu pour elle concernant le fait de les rejoindre au bar.

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« La demoiselle ? » Répéta-t-elle d’un air à la fois interdit et amusé avant de secouer doucement la tête.


Elle avait l’habitude Quinn, elle avait tristement l’habitude, de tous ces hommes. Collègues de bureau, amis ou même total inconnu qui pensait sans doute bien faire. Elle était même persuadée qu’ils n’avaient aucunes mauvaises intentions. Ils devaient sans doute se penser Dom Juan des temps modernes, ils devaient sans doute penser que devant leurs techniques de dragues, aucune fille n’allait résister et que Quinn était frigide, ou coincée, ou les deux en même temps. Et si ça l’avait longtemps révoltée, elle se contenta cette fois-ci de ne rien dire de plus que de répéter le titre qu’on lui avait donné avant de se replonger dans ses dossiers. Ni plus ni moins. La compagnie de Jamie était purement professionnelle et dieu qu’elle était préférable.

En d’autres temps, dans d’autres lieux elle aurait été ravie d’être invitée à boire un verre. En d’autres temps et certainement invitée par une autre personne. Il fallait se rendre à l’évidence. Quinn se foutait pas mal de l’alcool, elle se foutait pas mal du physique mais pas du caractère. Et elle connaissait bien ce genre d’hommes, leur état d’ébriété ne faisait qu’attiser leur caractère naturellement insupportable. Elle savait que si elle acceptait de les rejoindre elle allait devoir subir des mains posées dans son dos, sur ses cuisses, des gestes paternalistes auxquels elle n’aurait jamais consenti.


Alors, quand Jamie ferma la porte et s’enquit de l’avoir privée d’une soirée qu’elle aurait pu penser agréable et qu’elle aurait pu avoir envie de rejoindre, elle eut un léger éclat de rire presque silencieux qui secoua ses épaules et sourit



« Vous ne me privez de rien. Ce n’est pas exactement le genre de soirées qui m’attire. »



En réalité elle aimait bien ce genre de soirées, pour décompresser un peu, mais elle se devait de bien s’entourer, c’était malheureux à vrai dire, de toujours avoir à faire attention, de toujours devoir choisir de boire un peu moins pour pouvoir faire correctement attention, de surveiller son verre, son apparence, de ne pas être « provocante » quoi que ça puisse vouloir dire…


Alors elle se contenta tout simplement d’un joli sourire et se reconcentra sur son dossier, se massant doucement la nuque, geste machinal adopté quand elle étudiait toute la nuit dans son lit ayant eu juste assez de conviction pour quitter son bureau, mais pas assez pour arrêter de travailler.
Au bout de quelques minutes, elle se décida enfin à se lever. Elle savait pertinemment qu’elle n’était pas là pour faire du tourisme, mais elle ne pouvait décemment pas rester à Paris sans voir Paris. Ce n’était pas comme si elle avait les moyens de faire ce voyage tous les jours.


Alors, avant de se promettre d’y retourner, purement pour le plaisir, de ne faire rien d’autre que profiter, si cela était possible, elle qui était quasiment mariée à son travail, elle se promit à elle-même de vérifier au moins huit fois la réservation de la chambre d’hôtel.
Toutefois, si elle aurait bien sûr préféré être seule, elle savait qu’elle était chanceuse d’être tombée sur Jamie. Elle savait l’homme respectueux, calme et bienveillant, ce qui ne semblait pas être le cas des autres énergumènes certainement déjà en bas en train de se bourrer la gueule.
La chambre se replongea une nouvelle fois dans le silence avant qu’elle ne se décide de s’étirer, jetant un œil vers sa montre, 22h.


« Je vais sortir marcher un peu, l’air est frais ça me fera du bien. »


Se penchant de nouveau sur sa valise, réfléchissant à quoi elle allait pouvoir mettre, plus par peur du froid que par réelle inquiétude sur son style, elle se redressa et souffla



« Vous voulez m’accompagner ? »

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Je ne supporte pas cette espèce humaine qui pense que tout est dû aux hommes, juste parce qu’ils le sont, et encore moins qu’une femme leur doit. J’ai une fille, c’est sans doute pour ça que ça me paraît totalement inconcevable. Je sais pertinemment que je ne saurais pas garder mon calme si je tombe sur une scène du genre, impliquant ma gamine. Tolérant ? Absolument pas quand il s’agit d’elle. Je ne veux que le meilleur pour elle, et le premier qui s’avisera de faire changer la donne, goûtera sans doute à mon manque de compassion. Il peut être assez révélateur, parfois.

Je referme la porte sans autre forme de ménagement. J’ose simplement espérer ne pas avoir pris une décision à sa place, sans avoir au préalable requis son avis. Ça n’a pas l’air d’être le cas, elle a l’air plus soulagée que contrariée. Même si j’imagine qu’entendre ces propos l’ait perturbée, ou ennuyée. Et je la trouve diplomate. En tout cas, ce n’est pas une hystérique, et elle aurait eu de quoi, surtout à notre époque. J’ignore si c’est ma présence ou pas…

« Vous ne me privez de rien. Ce n’est pas exactement le genre de soirées qui m’attire. »

D’un geste de tête entendu, je lui fais signe d’avoir compris ses propos. Je reprends place au bureau, derrière mes dossiers. Il m’arrive de travailler sur ordinateur, mais c’est déjà plus rare. Je suis à l’ancienne, parfaitement désuet parfois.
Le silence empli alors encore une fois la chambre, en dépit des froissements de feuille, des bruits de touches du côté de la jeune femme, ou des soupirs que je peux lâcher. Encore qu’il m’arrive souvent de me lever pour fumer une cigarette sur la terrasse, ne souhaitant pas lui imposer mes dérives.
Je ne vois pas le temps passer, la fenêtre est ouverte et je jette un œil sur le Paris by Night. Je ne le connais que trop bien.

« Je vais sortir marcher un peu, l’air est frais ça me fera du bien. »
« Vous avez raison. Faites attention à vous. »

Les rues de Paris peuvent devenir un peu dangereuses parfois. Surtout à cette heure-ci. Encore que la viande saoule n’est pas encore sur le trottoir…

« Vous voulez m’accompagner ? »

Je suis surpris de cette démarche soudaine, mais pourquoi pas. Je marque un temps de silence, d’adaptation, un temps fait pour analyser ses dires et peser le pour et le contre. Je suis impulsif parfois, mais la plupart du temps, je prends le temps de peser le pour et le contre.

« Très bien. Ça me fera du bien. »

Je me lève et range un peu mon coin du bureau. Pas que je sois maniaque mais l’ordre est pour moi important. Ensuite, je revêts mon trench et lui ouvre la porte, l’incitant à sortir avant moi. Puis nous descendons à l’étage, proche du bar de l’hôtel.

« Attendez, passons plutôt par là. »

Je lui intime de passer par la porte arrière, histoire de ne pas alimenter les ragots de ces mal élevés en passant devant eux, ensemble, habillés pour la soirée. Je lui ouvre la porte et la laisse galamment passer. Puis nous arpentons le trottoir parisien, où j’en profite pour allumer une cigarette.

« Cela ne vous dérange pas ? »

Demandais-je avant de porter le feu à ma bouche.

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Suite 203

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L’ai parisien n’était pas des plus purs et pourtant, elle le trouva quand même agréable. La simple fraicheur de la soirée mordant ses joues chaudes suffit à la faire soupirer. Ses amis et même sa famille l’avait toujours trouvée un peu bizarre quand elle était plus jeune, à se balader en culotte la soirée pour juste ressentir la chaleur de sa couette quand elle allait se coucher. A vrai dire, elle faisait toujours ça parfois mais il n’était pas question de se dévêtir si vite devant Jamie. D’ailleurs, pour le moment, il n’était pas question de se dévêtir devant lui tout court.


C’était un homme charmant et elle savait qu’il faisait son possible pour que tout se passe bien, allant jusqu’à se dresser contre ses pairs en la protégeant de ceux qui pensaient que c’était acceptable d’aborder une femme de cette manière. Elle n’avait pas besoin de protection mais il était toujours agréable de voir que la galanterie n’était pas morte.


Suivant Jamie, elle ne se douta pas une seconde de sa fiabilité. Après tout, il connaissait Paris beaucoup mieux qu’elle et, en conséquence, l’hôtel également. Alors, clignant des yeux sans rien faire d’autre qu’acquiescer lentement, elle laissa ses chaussures claquer contre le sol jusqu’à ce qu’ils atteignent la sortie. Là, l’observant sortir une clope et l’allumer, sa remarque la fit sourire



« Oh, non ne vous inquiétez pas ! Beaucoup de mes frères et sœur fument. »



Ce n’était pas son genre de se dévoiler ainsi, du moins pas sur sa vie personnelle. Elle avait toujours mis un point d’honneur à ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle, à ne pas parler de ça avec les collègues. Sans dire qu’elle avait eu un parcours atypique, cela ne les regardait pas. Mais avec Jamie c’était différent.


Différent dans le sens où sans avoir envie de trop en dévoiler, de trop se dévoiler, sans avoir envie de lui révéler tout ce qu’elle était et tout ce qu’elle avait vécu, elle se sentait en confiance avec lui. En tout cas assez pour prendre le risque que la conversation dérive sur sa famille. Parce que si elle commençait à en parler, cette dernière ne pourrait pas juste se terminer en quelques minutes, Quinn avait une histoire assez complexe pour ne pas pouvoir juste le dire. Il fallait expliquer, le raconter. Son adoption, les familles qu’elle avait essayé, avoir été rendue à l’ASE, tout son combat pour être reconnue en tant que femme dans le monde de la justice et les hommes qui tentaient inlassablement de lui faire comprendre que sa place n’était pas à la tête de la protection juridique d’une entreprise mais plutôt à la tête de ses cuisines, ou en train de danser autour d’une barre dans des tenues affriolantes… Elle ne cessait de leur donner tort.


Mais Jamie était différent. Et cette différence n’était pas pour lui déplaire. Alors, sillonnant les rues parisiennes, vidées par l’heure tardive, elle se rapprocha doucement de lui, pas trop, n’étant pas très à l’aise avec ce genre de situation, juste assez pour saisir son bras. Ils avaient des allures de couples royal, d’ailleurs, certains curieux levèrent le museau de leurs occupations nocturnes pour les observer, se demandant sans doute qui ils étaient.


« Merci de m’accompagner… »


Être seule ne l’aurait pas dérangée, mais Jamie était une compagnie des plus agréable.

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Les rues parisiennes me rappellent beaucoup de choses. Notamment un passé plutôt agréable. Eden et moi avions pour habitude de les fréquenter à pas d’heures, grisés par l’ambiance de Pigalle. Non pas que nous ayons besoin de ça, mais ça n’a jamais été désagréable, bien au contraire. Et puis c’est un monde à part. Paris, la nuit, n’est pas le même que celui qu’on connaît de jour, pour les affaires. Où tout est codifié, rangé, ordonné, bien que bruyant et pollué, mais ça fait aussi son charme. C’est chantant.
Rien ne vaut les odeurs de viennoiseries tôt le matin, aux aurores, quand le tout Paris se lève à peine. Véritable insomniaque, j’aime quand le monde n’est pas encore sur le pont, quand tout est calme, quand vous avez le sentiment que tout vous appartient… que vous êtes un privilégié, de pouvoir assister à tout ça.
Et à ce sentiment agréable, se superpose une envie, celle d’allumer une cigarette, pour parfaire le tout. Par souci de correction, je demande donc si ça ne dérange pas.

« Oh, non ne vous inquiétez pas ! Beaucoup de mes frères et sœur fument. »
«  Vous êtes nombreux ? »

C’est ce que ses propos ont l’air de laisser entendre. Une famille nombreuse, je ne saurais trop dire si ça en dit beaucoup sur elle, elle est pour l’instant très discrète, professionnelle, et se range dans un coin pour ne pas avoir à déranger. Bien que ses idées soient souvent brillantes, de ce que j’ai pu en voir.
Elle a surtout l’air pensive, silencieuse, dans la réflexion et dans le retrait. Je ne trouve rien à redire à cela, moi-même parle très peu en général, en tout cas pas pour rien, et encore moins de moi. Parce que c’est une partie secrète, mon moi tout entier. Sans doute parce qu’habitué au monde des affaires, je sais que la moindre faille peut être exploitée.

« Merci de m’accompagner… »
« J’aime beaucoup l’ambiance Parisienne. Particulièrement celle de nuit. »

Elle prend mon bras, geste inattendu et pourtant je ne dis rien et n’amorce pas non plus un mouvement de recul. Soit elle ne se sent pas en sécurité, soit elle commence à avoir froid. Pas étonnant, comparé aux températures douces en toutes circonstances qui prônent à Los Angeles.

« Vous êtes gelée. »

Je le sens à sa façon de trembler légèrement contre mon bras. C’est infime, mais je parviens à le ressentir. Je me défais alors de son étreinte pour me séparer de ma veste et la glisser sur ses épaules. Je ne suis pas frileux, bien au contraire.

« Souhaitez-vous aller faire un tour du côté des Quais de Seine ? C’est encore animé à cette heure-ci. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] & Quinn Gillian

« Vous êtes nombreux ? »


Quinn ne put s’empêcher de laisser s’échapper un léger rire alors que ses lèvres s’étirent dans un sourire. Elle haussa doucement les épaules, les yeux qui accrochaient tout ce que Paris pouvait lui montrer. Elle ne se souvenait pas avoir vu une ville aussi belle mais elle dû se contenir et répondre à sa question


« J’ai été adoptée, » si l’information avait été lâchée un peu comme une bombe, son ton n’était ni grave, ni particulièrement plaintif. Elle ne cherchait pas à ce qu’on ait pitié d’elle ni même qu’on se sente désolé pour elle, en vérité, elle ne cherchait rien d’autre que de partager une information et de répondre à une question, « j’ai beaucoup de frères et sœurs qui ont eu aussi été adoptés par mes pères donc j’imagine que je peux dire que nous sommes plutôt nombreux oui… »


Elle avait une grande famille et elle en était très fière. Si la vie n’avait pas toujours été facile et le fait qu’ils aient été si nombreux l’avait énormément aidée dans certains moments comme énormément desservie dans d’autres. A l’époque où elle avait été la Maudite, avec ses grosses et lourdes boucles blondes, elle avait elle aussi subit les petites vengeances entre frères et sœurs, les coups bas, les disputes mais le fait qu’ils étaient tous adoptés les avaient soudées plus qu’autres choses. Même encore aujourd’hui et surtout depuis qu’elle avait grandi, mûri et compris à quel point élever autant d’enfants sans attaches et sans parents étaient difficile, elle savait qu’elle avait été extrêmement chanceuses de trouver cette famille. Elle n’en aurait voulu aucune autre.


A trop penser à sa famille et aux merveilles que Paris avait à lui offrir, elle en oubliait presque son propre métabolisme qui lui envoyait des signaux. Se balader dans la capitale française était certes une très bonne idée, mais pas dans cet acabit. Alors, quand elle sentit sa veste sur ses épaules, les muscles des siennes se détendent presque automatiquement. Étrangement, ce n’est pas tant la chaleur du vêtement qui l’enivre mais aussi son parfum, son grain et presque instinctivement ses prunelles se tournent vers lui et ses yeux le détaillent comme jamais ils ne l’avaient détaillé.


Elle l’avait toujours vu comme un collègue de travail, et à raison, ils n’avaient eu de rapports que dans ce sens là, mais une promenade dans les rues de Paris à son bras n’avait rien de professionnel. Peut-être était-ce parce qu’elle était dans un pays étranger, peut-être était-ce l’heure, peut-être était-ce l’homme au bras duquel elle marchait, mais elle s’autorisa à se serrer un peu plus contre lui, en l’ayant au préalable bien sûr remercié pour son geste.



« Les quais de Seine ? » Répéta-t-elle comme pour assimiler l’information par la répétition, le fait d’en parler la faisant également sortir de son état de torpeur dans lequel son parfum et la proximité avec Jamie l’avait doucement plongée, « Oui, oui avec plaisir ! » Affirma-t-elle dans un sourire doux


Quinn était belle, ça ne faisait aucun doute. Mais si elle avait le physique que la société pouvait considérer comme attirant avec ses jambes interminables, son visage acéré et ses longs cheveux blonds, ce qui faisait son charme c’était surtout son attitude. Une présence aussi imposante que silencieuse, comme une forme calme. Quinn était une présence qui ne s’oubliait pas et on ne savait plus trop pourquoi à vrai dire. Elle ne parlait que très peu, uniquement quand elle avait quelque chose à dire. Toujours des mots justes, choisis avec attention, toujours servi avec une voix calme et sérieuse. Pas d’éclats de rire à en faire trembler les murs, pas d’explosion de colère injustifiée, Quinn était constamment sur le fil.


« Et vous, vous avez des frères et sœur ? »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] & Quinn Gillian

« J’ai été adoptée, » Ca, c’est fait. Si j’avais cru pouvoir trouver un jour aussi pragmatique que moi en ce qui concerne le discours… Je me suis toujours dis être une exception dans la règle. Je ne parle que pour ce qui est utile, et je pense qu’un silence peut dire beaucoup. Mais là… Et je ne sens aucune animosité. Sa voix n’est pas dénuée d’une quelconque émotion, mais elle est en paix avec ceci, ça se sent, et je dirais même qu’elle se relève d’un long parcours. A l’entendre parler, tout ça semble très factuel, c’est ainsi et pas autrement et ça semble même lui convenir. « j’ai beaucoup de frères et sœurs qui ont eu aussi été adoptés par mes pères donc j’imagine que je peux dire que nous sommes plutôt nombreux oui… »

« Vos pères. »

Je relève l’information, elle n’est pas banale. J’en déduis, tout ouvert d’esprit que je suis, qu’elle eu été adoptée par deux hommes. Pourquoi pas après tout. Ça a sans doute fait d’elle une battante, celle que je vois se démener sur ses dossiers. Elle a sans doute dû jouer des coudes, non ?

En rencontrant Eden, j’ai été obligé de tenir compte de la concurrence. Contrairement à la plupart des hommes, elle n’était finalement pas que masculine, bien au contraire. Les femmes représentaient pour mon ex-femme, une source d’inspiration sans nom. C’est à se demander pourquoi moi. Mais nous étions amoureux, c’était une vraie histoire. Compliquée, mais une vraie histoire quand même. J’ignore tout des préférences de Quinn, mais à en croire la façon dont elle se sert contre moi une fois ma veste posée sur ses épaules, je me dis que c’est peut-être dans ma catégorie qu’elle boxe.
Je sens son regard sur moi, mais je préfère ne pas y répondre, pas tout de suite, je dois garder la tête froide, nous ne sommes pas autorisés à ça, enfin, je ne crois pas.

« Les quais de Seine ? »
« On s’y dirige. »
« Oui, oui avec plaisir ! »

Son accord obtenu, j’oriente nos pas dans cette direction-là. Elle n’a rien contre et je sens même une pression infime de son corps contre le mien. Je me sens plus détendu, je ne sais où elle veut en venir, il est encore bien trop tôt. Mais puisque nous sommes à l’extérieur et dans un cadre un peu plus sécurisant pour elle que les hommes au bar de l’hôtel qui ne cessent de la reluquer tout au long de la journée…
J’ai une femme sublime à mon bras, en abordant les quais, que j’affectionne. Il n’est pas bien compliqué de trouver à boire, ou à manger, surtout à cette heure-ci et les badauds trainent comme nous le faisons.

« Et vous, vous avez des frères et sœur ? »
« Non. Je suis fils unique. Et c’est une bonne chose. » A son air interrogateur, je rajoute : « Pour mes parents. »

Un petit sourire moqueur plus tard, je lui demande si elle souhaite boire autre chose. Pour moi ce sera une bière. Nous poursuivons notre chemin, nos verres en main, et la conversation suit son cours. Jusqu’à ce qu’une bande de jeunes hommes ne sifflent Quinn en passant à côté d’elle, avec un manque de respect qui ne manque pas de me sidérer.

« Hey, toi, tu reviens et tu présentes tes excuses. »

Mon ton est sans appel et ma voix ne laisse pas place au doute. Il tente de jouer le beau, et je ne manque pas de m’approcher de lui d’un air menaçant.

« Tu fais demi-tour et tu demandes pardon à la jeune femme. »
« Ouais… Désolé. »

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