Nothing's gonna stop me now, California here we come

C’est invraisemblable le nombre d’affaires qu’un homme peut avoir. Thaddeus s’était pourtant toujours félicité de ne pas être matérialiste et de ne se contenter que du strict minimum. Alors certes, son strict minimum comprend, entre autres, une machine à faire mousser son lait pour son cappuccino du matin, mais jamais il n’aurait cru qu’il aurait besoin d’un camion et de louer un storage pour ses meubles quand il déménagerait. À vrai dire, il ne pensait pas déménager jusqu’à ce qu’on lui offre un job mieux rémunéré, avec plus de responsabilités et des possibilités d’avancement plus attrayantes, son plan de carrière était tout tracé : sortir de John Hopkins et entrer à Mayo ou finir sa carrière dans l’hôpital pour enfant de John Hopkins. La Californie n’avait jamais fait partie de ses plans et pourtant, le voilà qui débarquait dans une maison d’hôte à Los Angeles le temps de trouver un appartement et de s’y installer. Le tout est un peu surréaliste mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas penser au futur. Los Angeles c’est à la fois le rêve américain et la bonne excuse pour quitter un endroit où il avait l’impression qu’on étouffait son talent. Chief Meister avait su trouver les bons arguments pour lui faire choisir GSH plutôt que Mayo, ce qui relève du miracle (ou du suicide de carrière, selon comment on regarde les choses). Mais voilà, Thad ne sera jamais aussi jeune, séduisant et prêt à croquer la vie à pleine dents que maintenant alors s’il ne vient pas se dorer la pilule à 32 ans et devenir le meilleur chirurgien pédiatrique de la côte Ouest. Son taxi s’arrête et le dépose devant la maison d’hôte et Thad n’a pas le temps de sortir de la voiture que ses affaires sont déjà sur le trottoir et que le chauffeur est déjà prêt à reprendre la route : le rendement à tout prix, au moins on ne l’a pas embêté à lui poser des questions sur la raison de sa venue etc. Faut voir le verre à moitié plein. La porte à peine poussée, une charmante jeune femme fait son apparition. Elle ne peut pas avoir plus de trente ans et respire la douceur, c’est limite s’il aurait pas immédiatement envie de l’embarquer avec lui à l’hôpital parce qu’elle doit être du genre à vouloir faire des câlins à tous les mômes.  « Hello… Hi ! I’m Thaddeus… Thad will do. I booked a room two weeks ago. » Smoothe. C’est que c’est pas toujours son fort de parler aux gens quand il n’est pas sûr d’avoir quelque chose à leur dire. Alors, comme c’est souvent le cas, il se repose sur quelque chose qui marche à chaque fois. « Here ! It comes from Baltimore, some of our delicacies, bergers cookies, crab chips, some Baltimorean beer.» Il a pas demandé si elle était végétarien, si elle buvait ou non, parce qu’il n’y a pas pensé et il aurait probablement dû. Après tout c’est L.A tout le monde est vegan mais alcoolique, non ?

L’expression d’été indien prend un tout autre sens en Californie où les beaux jours s’éternisent jusqu’à la mi-octobre, au moins. Quatre, cinq mois d’été par an, et trois autres saisons timides qui ne semblent pas assumer pleinement leur identité, voilà le quotidien de la région au climat si particulier. Toi, ça ne te déplaît pas, mais tu n’as jamais connu autre chose, il faut dire. Tu n’as quitté l’état que quelques fois, et encore tu es toujours restée sur la côte ouest, alors tu n’as jamais été de ceux qui disent, inlassablement, une fois septembre arrivé Mon Dieu, il n’y a plus de saison !. Au-delà de ton jardin qui ne demande pas mieux que ces longues journées ensoleillées, tu aimes aussi avoir le luxe de faire un tour du côté de l’océan avec ta planche de surf.

C’est les cheveux encore mouillés que tu te mets à la cuisine, entamant les préparatifs du dîner de bienvenue du prochain habitant de la maison. Tu pourrais te contenter, comme la plupart des hébergeurs du coin, de leur montrer la cuisine en expliquant qu’ils peuvent s’en servir qu’ils le souhaitent, mais ce n’est pas ton style. Ta patte, ce qui donne à ta maison d’hôtes un peu de cachet en plus, c’est la convivialité, maître mot de tout ce que tu entreprends. Patiemment, tu tailles très fin des légumes du jardin en écoutant un podcast. Bientôt, céleri, carottes, tomates et aubergines retrouvent un oignon et une gousse d’ail dans un fait-tout brûlant, prêts à réduire pendant une bonne heure pour faire une sorte de bolognaise végétale, caramélisée à souhait. Tu as à peine enfourné le plat de lasagnes quand tu entends une voiture arriver dans la rue d’habitude déserte. Tu n’attends pas la sonnerie de l’interphone pour sortir dans l’allée et ouvrir la porte sans même prendre la peine d’ôter ton tablier de cuisine ou d’enfiler des chaussures.

« Hello… Hi ! I’m Thaddeus… Thad will do. I booked a room two weeks ago. » Un grand sourire aux lèvres, tu l’accueilles d’une accolade chaleureuse. « Welcome ! I’m Sage, and this is my home. Well… yours too ! » Du moins jusqu’à ce qu’il en trouve une à lui, et qu’il quitte définitivement ton nid. Sans rien demander à personne, tu attrapes la poignée de sa valise que tu te mets aussitôt à tirer en entrainant le chirurgien à l’intérieur d’un geste de la tête. « Here ! It comes from Baltimore, some of our delicacies, bergers cookies, crab chips, some Baltimorean beer.» Tu deposes le panier qu’il te tend sur le comptoir de la cuisine en le remerciant. « Thank you so much, you shouldn’t have ! You’ll have to help me though… » Au premier coup d’œil, tu discernes des choses que tu ne pourras pas manger, mais tu sais que ça ne sera pas perdu. Entre lui et les autres résidents, il trouveront bien preneur. « Come on, I’ll show you around. All the long-term rooms are free, you can pick the one you like best. » Associant le geste à la parole, tu le conduis à travers le batiment, passant devant le mur-ardoise où tu as inscrit à la craie Welcome Thad, dans une grande arabesque fleurie. Encore une de tes lubies, niaises mais charmantes. Tu lui fais ensuite visiter, insistant sur les 3 chambres-suites prévues pour les moyens et longs séjours. La première, au rez-de-chaussée, est ornée d’une énorme bibliothèque et ses vieux livres, et décorée dans les tons lin et violet. Les deux autres, à l’étage, ne pourraient être plus différentes. L’une est très lumineuse, meublée de manière épurée et minimaliste, et blanche aux accents anthracite. La seconde, c’est celle qui te ressemble le plus. Le linge de maison vert rappelle ton prénom, et les nuances de rose poudré rendraient fière ta génération de millenials.

« Welcome ! I’m Sage, and this is my home. Well… yours too ! » Pour deux ou trois semaines du moins, songe-t-il, mais ça ne change rien, peu importe la durée, tant qu’il se sent suffisamment à l’aise pour fermer l’oeil entre deux gardes et qu’il peut grignoter sur place, tout lui va. Et la maison de Sage a l’air chaleureuse et spacieuse, tout ce qu’il lui faut pour s’habituer à la ville de Los Angeles. « I’ve never lived in a house this big, I might get lost. » plaisante-t-il à moitié. Pour lui qui a grandi dans un mobile-home et qui depuis n’a eu que des chambres étudiantes et autres studios, c’est véritablement un choc d’être dans une maison aussi grande et dans laquelle, seules quelques pièces ne sont pas à sa disposition. C’est aussi la première fois de sa vie qu’il touche un salaire digne de ce nom, ou du moins qu’il touche un salaire à la hauteur de son niveau d’études. Ça veut dire que c’est la première fois qu’il va pouvoir s’offrir un chez soi qui aura de la gueule. Peut-être même qu’il prendra une petite maison, pas loin de l’hôpital. « Thank you so much, you shouldn’t have ! You’ll have to help me though… »  Les remerciements de Sage sont acceptés d’un geste de la main et un sourire. Thad ne pouvait pas arriver les mains vides, il aurait pu choisir autre chose que de la nourriture, mais c’était inenvisageable de se pointer comme une fleur. « I’m always happy to lend a hand when necessary. It goes for the chores as well, if there’s anything I can do to make my presence as little of an annoyance as possible, just tell me, all right ? » C’est tout Thaddeus ça, il a autant envie d’aider à faire le ménage que de se planter un scalpel dans l’oeil, mais il offre quand même. Pas vraiment pas politesse, c’est juste qu’il aime se sentir utile, surtout quand il se sent redevable. Il a bien conscience qu’il paie pour un service et que Sage bénéficie de sa présence, mais il a passé les quinze dernières années (ou presque) de sa vie en colocation et les vieilles habitudes ne se perdent pas facilement. « Come on, I’ll show you around. All the long-term rooms are free, you can pick the one you like best. »  Et sans plus de façon elle commence à le guider à travers la maison, il note au passage le message de bienvenue manuscrit et décoré et ça le touche qu’elle ait pris le temps. Les pièces se suivent et ne se ressemblent pas, ce qui est plutôt malin, il suppose. Ça diversifie l'offre et les clients potentiels peuvent choisir une chambre cosy ou minimaliste, une pièce plus ou moins rustique selon leurs goûts. C'est sans grande hésitation qu'il prend sa décision quant à la pièce qui lui convient le mieux cependant. « It might be a bit cliché, but I’m going to go for the white and grey one. It’s the least distracting of the three. I could never sleep with that many books in my bedroom ! » décrète-t-il après qu’ils ont fait le tour des trois chambres. La première était beaucoup trop distrayante pour qu’il s’y repose réellement, la dernière avait un côté apaisant mais qui lui rappelait sa première chambre étudiante et, il doit bien l’admettre, ça n’avait pas été la meilleure période de sa vie. « So, do you have any suggestion as to where I should start looking for a place to settle down ? Any area I should avoid ? » Il aurait peut-être pu commencer par « où sont les toilettes ? » mais ça lui semblait pas très important pour l’instant et puis, autant ne pas se gâcher la surprise. Il explorerait la maison à sa guise dans un moment.  

« I’ve never lived in a house this big, I might get lost. » Tu ris de bon coeur avec lui. Tu comprends très bien, tu en as connu des appartements minuscules, partagés avec ta mère. Les motels qui tombent en lambeaux, en colocation avec des mites et autres animaux que tu n’as jamais voulu identifier. Cette maison, une ancienne grange que tu as retapé du sol au plafond à la sueur de ton front, c’est à la fois ta fierté, et le premier endroit que tu considères réellement comme un foyer. « I’m always happy to lend a hand when necessary. It goes for the chores as well, if there’s anything I can do to make my presence as little of an annoyance as possible, just tell me, all right ? » Un sourire aux lèvres, tu hoches la tête, déjà persuadée que la cohabitation sera un plaisir. Tu es de nature tolérante et facile à vivre, et en quelques minutes le médecin a su gagner des points. Il te semble plus agréable et prévenant que bien des hôtes qui ont un jour croisé ton quotidien. C’est donc avec sérénité que tu entames la visite, lui montrant les chambes qui pourraient l’accueillir. « It might be a bit cliché, but I’m going to go for the white and grey one. It’s the least distracting of the three. I could never sleep with that many books in my bedroom ! »

« So, do you have any suggestion as to where I should start looking for a place to settle down ? Any area I should avoid ? » Avec énergie, tu redescends le grand escalier en bois en répondant : « I’ve lived pretty much everywhere in LA county, and I must say that Silverlake’s my all-time favorite. » Tacitement, tu invites Thad à te suivre, et vous vous retrouvez assez rapidement de retour dans la cuisine. Au passage, tu jettes un coup d’œil à ton four pour surveiller tes lasagnes. « But LA traffic is a nightmare. I don’t know where you’re coming from, but I can guarantee, it’s worse here. So I’d look fairly close to the hospital. » Du bout des doigts tu déloges les bouteilles de bière de leur panier et en observes l’étiquette qui t’est inconnue. « It would be a sin to drink them before they’ve had a chance to cool down. » Tu lui accordes le benefice du doute. Après tout, elles sont peut-être vraiment mauvaises, mais tu préfères les goûter dans de meilleures circonstances. Tu les glisses dans la porte du réfrigérateur et en sors deux autres sur le comptoir. Bio et artisanales, elles n’ont fait que quelques kilomètres depuis leur brasserie, chez des amis à toi, avant d’arriver ici. « Where will you be working ? Cedars-Sinai ? Good Sam ? UCLA ? » Accompagnant tes questions d’un tintement de verre, tu te perches sur l’un des tabourets de bar pour trinquer. « Cheers ! To… new beginnings ? »

« I’ve lived pretty much everywhere in LA county, and I must say that Silverlake’s my all-time favorite. » explique-t-elle avec un entrain qui est un peu étranger à Thaddeus, plus habitué aux tons pressés des salles d’opérations, qu’aux discussions amicales. « I’ll look into it first then. » note-t-il à voix haute. Ils sont à la limite de Silverlake d’après ce qu’il a compris, une chose est sûre, même si l’hôpital est dans le même secteur de la ville, il va chercher un appartement bien plus proche du centre et de l’hôpital. Pas question pour lui de vivre en périphérie de la ville, surtout quand il n’a pas l’intention d’acheter une voiture. « But LA traffic is a nightmare. I don’t know where you’re coming from, but I can guarantee, it’s worse here. So I’d look fairly close to the hospital. » Le commentaire le fait sourire parce qu’il n’a pas vraiment testé le traffic, il se déplaçait principalement en trottinette électrique, prêtée gracieusement par l’hôpital, ou en bus. « Baltimore isn’t too bad, I didn’t own a car there because I almost never left the four walls of the hospital, but even when I did, it wasn’t horrible. » admet-il sans mal. On lui a bien dit de faire attention s’il décide de conduire dans Los Angeles parce que certains trajets sont plus vite faits à pieds qu’en voiture, mais comme il n’a pas conduit depuis des années, il doute de pouvoir tester cette théorie. Sage place les bières qu’il a ramenées au frigo et en sort d’autres. Une décision qui ne manque pas de jugeote. « Where will you be working ? Cedars-Sinai ? Good Sam ? UCLA ? » qu’elle lui demande apparemment vraiment intéressée. Ça l’étonne un peu, parce que les gens ne prennent généralement pas le temps de lui poser des questions sur lui. C’est toujours au sujet de ses patients qu’on l’interroge et se retrouver ainsi sous le feu des projecteurs lui laisse une drôle d’impression. Il n’est pas sûr d’aimer mais ça n’est pas désagréable pour autant. « Good Samaritan, I’m their new pediatric attending surgeon. It’s kinda exciting to start anew, a bit stressful too. » dit-il avec un sourire presque gêné. Il sait pas pourquoi il se sent bête comme ça. Il n’y a pas de honte à être un peu anxieux à l’idée de commencer un nouveau job. Heureusement, les verres se remplissent et il n’est pas mécontent de la diversion. « Cheers ! To… new beginnings ? » toaste Sage et Thad ne se fait pas prier pour venir entrechoquer le verre à celui de la jeune femme. « To new beginnings ! » abonde-t-il avant d’avaler une gorgée de bière fraîche. « Oh this is some good beer ! » s’exclame-t-il avant de rire doucement. C’est pas tant qu’il ne s’y attendait pas, juste qu’en voyant les tampons apposés à la bouteille, il avait un peu peur qu’elle ait un drôle de goût. Mais ce n’est pas du tout le cas, alors il reprend une gorgée désaltérante. « I really need to watch myself, I read that 27% of the people who move to LA end up broke, depressed, obese, alcoholic or addicted to drugs. » C’est une plaisanterie mais pas que. C’est une statistique qu’il a vraiment lue et qui en dit long sur la société américaine des grandes villes et encore plus sur la mentalité des gens à Los Angeles. Le fait que la ville soit avant tout connue pour être fréquentée par des gens qui poursuivent leurs rêves de gloire et sont très exposés au monde de la nuit n’est pas pour arranger les choses. « It feels weird to think that I’m finally done studying and I get to make decisions. » commente Thad un peu perdu dans ses pensées. C’est aussi la première fois qu’il va gagner un vrai salaire, finie la vie où il doit se serrer la ceinture, le contrat qu’il a signé va lui permettre de mener la grande vie ou presque. Il faut bien qu’il l’admette, la médecine a toujours été une vocation, mais le fait que ce soit l’un des domaines qui paient le mieux une fois les études finies n’est pas pour lui déplaire. « How did you decide to open a bed and breakfast ? » demande-t-il parce que ça lui serait jamais venu à l’esprit et que ça démontre un certain type de personnalité. S’il ne la trouvait pas aussi agréable, il penserait que ça montre aussi un manque d’ambition, mais Thaddeus a bien conscience que tout le monde n’est pas aussi obnubilé par l’idée de se sortir de la merde que lui.

« To new beginnings ! » Tu trinques de bon coeur avec Thaddeus, sincèrement ravie de pouvoir l’accueillir pour cette nouvelle étape de sa carrière. C’est ça qui te plait aussi, dans l’existence que tu as choisi de mener. Tu peux participer, à ton niveau et d’un œil extérieur, à des moments importants pour tes clients et tu te dis que quelque part tu contribues à un tournant dans leur vie. « Oh this is some good beer ! » Feignant l’indignation, tu retorques aussitôt : « Are you trying to hurt my feelings ? Of course it is, who do you think I am ? » Mais tu ris avec lui de bon coeur. Chez toi, artisanal, biologique et organique riment pas avec insipide. Tu refuses de faire des concessions entre ton plaisir et tes combats idéologiques, alors parfois ça demande plus d’effort ou de temps, mais ton expérience te montre qu’on arrive toujours à être satisfait.

« I really need to watch myself, I read that 27% of the people who move to LA end up broke, depressed, obese, alcoholic or addicted to drugs. » Tu t’apprêtes à protester mais te ravises bien rapidement. « Hum… I don’t think I can reasonably argue with that. » Broke, tu l’as été presque toute ta vie, et tu commences à peine à sortir la tête de l’eau. Le reste, ta mère y est passé à différents moments de sa vie, et ça a fini par avoir raison d’elle. Il y avait bien longtemps que tu n’avais pas pensé à elle, et une vague de culpabilité te gagne. C’est grâce à elle que tu es là aujourd’hui, cette maison au-dessus de la tête. Elle serait probablement contente de voir ce que tu as fait de cette bicoque et de savoir que tu as réussi à te créer un semblant de stabilité. Tu n’as toutefois pas le temps de te plonger tout à fait dans les souvenirs, la voix de ton hôte te tire de ta torpeur. « It feels weird to think that I’m finally done studying and I get to make decisions. » Tu ris avec lui, comprenant exactement son sentiment. « I still look for the adult in the room whenever something goes wrong. And I’m only talking about plumbing issues, I can’t imagine what it must be like when it comes to life and death decisions. » Tu n’aurais probablement jamais pu faire quelque chose de si… important. C’est beaucoup trop de responsabilités pour toi. Tu préfères viser bas, rester dans un cocon confortable. Qu’on t’accuse de manquer d’ambition ou de cran, tu t’en fiches.

« How did you decide to open a bed and breakfast ? » Cette question, tu maitrises. On te la pose sans faillir plusieurs fois par semaine, et tu as une petite histoire toute prête qui plait en général. Tu as étudié les langues étrangères, un peu. Tu veux rencontrer du monde. Tu veux être libre et indépendante. Mais pour une raison qui t’échappe, ce n’est pas le discours que tu sers au médecin. Cette fois-ci, tu choisis la carte de l’honnêteté et révèles quelque chose que tu n’as probablement jamais prononcé à voix haute. « I wanted to build for others the things that I was missing my entire childhood. » Derrière ta bière, ton sourire est un peu moins lumineux qu’auparavant. « Shelter. Friendship. A home. » Trimballée de chambres en appartements, de foyers en manoirs, tu rêvais d’un espace qui soit à toi et rien qu’à toi. Tu rêvais de secrets, d’intimité et de relations qui durent plus que quelques semaines. « It felt… right. » Et puis, tu n’avais pas de meilleure idée pour être honnête. Tu as erré pendant des années, cherchant ta voie à corps perdu, c’est plutôt ta voie qui t’a trouvée. « Did you always want to become a doctor ? »