Sunshine on your nights. | Elfie

A Los Angeles, nul flocon en ce mois de décembre pour annoncer l'arrivée des fêtes de fin d'année. Tout juste une petite brise, un peu frisquette, pour rappeler qu'il faisait un peu moins de vingt de grès en journée. Ce qui n'empêchait pas notre Cité des Anges de se parer de ses plus beaux atours, sous formes de sapins géants, décorations lumineuses et autres guirlandes clignotantes. Même Westwood, quartier universitaire réputé que chacun commençait à quitter en cette période, n'échappait pas à la règle tacite selon laquelle peu importait la température, Noël restait Noël. Ellie n'avait que peu voyagé dans sa vie, pas même sur la côte est où le temps était plus propice à cette célébration. Mais évidemment, elle imaginait sans mal - certainement grâce aux téléfilms sur le thème qu'elle s'avalait à la pelle - l'effet que pouvait rendre la neige sur le paysage.

Et oui, c'était exactement ce à quoi elle pensait tandis qu'elle cheminait vers la maison des Zeta Alpha Omega - ou ZAO pour les intimes. Parce qu'être solaire n'empêchait pas d'être aussi, très souvent, dans la lune.

Heureusement, comme les basses commençaient à pulser au coin de la rue, elle revint très vite sur terre. Sur son chemin, elle croisa quelques connaissances qui la saluèrent chaleureusement - et déjà éméchées, semblait-il. Elle leur répondait toujours sur le même ton enjoué, sa démarche se faisant de plus en plus chaloupée à mesure qu'elle approchait. Avec notre demoiselle, il n'était pas utile d'avoir déjà pénétré les lieux pour se mettre dans l'ambiance. Le rythme de ses pas se calquait sur la musique, d'abord lointaine, puis tout à fait proche. A deux notes près, elle se mettait à pousser la chansonnette. Béni fut le sort de lui faire rencontrer un autre étudiant en train de rendre sa bière sur le perron. « Yeurk. Ça va aller, Mace ? » Le membre de la fraternité - ou le vomito du moment, comme vous préférez -, lui renvoya un regard hagard au-dessus d'un sourire niais. Il hocha vigoureusement la tête, ce qu'elle interpréta comme un signe encourageant. Aussi continua-t-elle sa route, prête à jouer des coudes pour, à son tour, se frayer un chemin jusqu'à la cuisine. Tout le monde savait qu'aux Etats-Unis, dans les soirées étudiantes, l'alcool se trouvait toujours dans la cuisine. Aucune exception pour confirmer la règle, ce soir-là. Néanmoins, il lui fallut un certain temps pour toucher au but, considérant la foule qui se pressait dans la pauvre maison surpeuplée. Autant dire qu'on ne fit guère attention à elle, même si, de son côté, elle scrutait la foule à la recherche de son rencard. Oui, elle en avait un et non, ce n'était pas si rare que ça ! Simplement, elle évitait de s'en vanter. Lee, absent pour cause d'heures sup', trouvait toujours le moyen de leur trouver trente-six défauts avant même le premier rendez-vous. D'aucun aurait sans doute mis ça sur le compte de la jalousie, mais la réalité, c'était qu'il appréciait juste se moquer de sa bestah. L'amour pouvait être si vache.

« Pardon ... Désolée ... Pousse-toi pour voir ... » Elle grommela jusqu'à déboucher, tel un diable jeté hors de sa boîte, dans la sacro-sainte cuisine. Pas de trace de Donnie. Tant pis. Elle lui mettrait la main dessus plus tard. D'abord, elle voulait ingurgiter une petite dose de courage liquide. Et la pompe à bière, juste à côté des chips, qui lui faisaient de l’œil ... Elle en aurait salivé, si son regard n'avait pas été attiré par la silhouette un peu plus loin. Même de dos, elle était capable de reconnaître le frère aîné de Lee. Enfin, ce n'était pas exactement à son dos, qu'elle le reconnaissait, bien sûr. Et ça ne l'empêchait pas non plus de saliver. Profitant qu'il ne l'avait pas remarqué, elle le lorgna un instant. Regarder n'était pas toucher, aussi n’enfreignait-elle aucune règle du Pacte. Cependant, la réalité reprit ses droits - ainsi que l'appel de la bière -, et, après avoir fait un petit crochet par la pompe, elle alla se cogner contre l'épaule d'Alfie, son gobelet à la main. « Salut Fifi ! Tu me présentes ? » Peu de choses lui faisaient autant plaisir dans sa courte existence que de rendre celle du garçon un peu plus difficile. Elle avait une sorte de don pour le malaise. Pourtant, elle renvoya un sourire éblouissant aux types avec qui, une demie-seconde plus tôt, Alfie était en grande conversation. Le plus ennuyé de tous, un brun aux prunelles dédaigneuses, eut même droit à un petit clin d’œil des familles.

Ah ! Son si agréable que celui d'une porte mal huilée poussée un peu trop brusquement sur ses gonds ! Exactement l'impression que lui donnait la voix d'Alfie tandis qu'il lui rendait son salut. Léger grincement où se mêlaient une évidente contrariété et un soupçon d'amusement. Minuscule soupçon. Absent de chez ses chers copains à la mèche toute bien plaquée sur leur crâne de beaux gosses. Peut-être pas les premiers de la classe, mais certainement sur le podium du sourire ultrabright. Enfin, la jeune fille ne peut que le supposer, considérant qu'aucun ne daigne lui en accorder un. Tandis qu'elle, elle se pare du plus beau que mère nature lui ait offert. « Hum ? » qu'elle répond mollement à la question du frère de son bff. Son regard ayant été attiré par le dos musculeux d'un joueur de foot dont le tee-shirt semble s'être tiré en même temps que sa sobriété, elle a soudain eu la tête un peu ailleurs. Fort heureusement, tel le papillon dont le moindre raie de lumière suffit à détourner l'attention, elle en revient à ce pauvre début de conversation. « Quoi ? Ah, Lee ! Ton frangin te manque, mon canard ? Non parce que si c'est que ça, je peux aller le récupérer au boulot, mais je garantis pas le hug familial par contre ! » réplique-t-elle tout en levant les mains pour désigner de ses index la porte d'entrée, ses lèvres affaissées formant une moue entre interrogation et air benêt exagéré. Sage qu'est le garçon de ne pas relever sa boutade d'un goût douteux. Au lieu de ça, il consent enfin à effectuer les présentations demandées. Jake, Miles et donc, Matt le chonchon,  qu'elle salue d'un ridicule éventail des doigts totalement exagéré. Et elle, elle est un bulldozer. Best compliment ever. Ah et puis, elle s'en va aussi ? La brune ne peut réprimer un ricanement. S'il pense être capable de la déloger aussi facilement, elle qui s'accroche aux basques des Lawrence depuis qu'elle a des couches, il se fourre le doigt dans l’œil. A croire que la vie n'a toujours rien appris à l'aîné de la famille. « T'inquiète, Fifi, le dernier chantier est fini ! Je suis donc libre comme l'air jusqu'à la prochaine démolition ! » Une répartie prononcée sur un ton aussi sérieux que la première papesse. Peut-être qu'on finira par canoniser son humour, au rythme où elle dégaine les blagues. « Par contre, me cherche pas trop. Sait-on jamais qu'il me vienne l'envie de te rentrer dedans. » Ok. Bon, l'intention était bonne. Jusqu'au double-sens évident - pour elle, en tout cas. Elle réprime la sensation de chaleur qui menace d'envahir ses joues et de la colorer d'une délicieuse couleur de fraise écrasée en se raclant la gorge. « Pour ton information, mon GPS n'a pas planté en route : on m'a invitée. » Elle relève le menton en jouant des sourcils. C'est qu'elle est toute fière, la petite peste en puissance. Ravie de lui faire comprendre qu'il est inutile de la raccompagner, puisqu'elle contre l'être ce soir, accompagnée.

Leur discussion doit foutrement ennuyer le reste de la petite assemblée, puisque Grumpy Matt s'égaye soudain en constatant que la principale attraction de la soirée - après elle, s'entend - s'est libérée. Embrassant la fête du regard, il faut au moins un instant à Ellie pour réaliser qu'ils sont en pleines délibérations et que la dernière la concerne. Tous les regards sont braqués sur elle, aussi éteints que ceux d'un banc de morue jeté hors de l'eau. Fascinant. Tu te joins à nous ? Sentant qu'Alfie va se jeter sur l'occasion pour répondre à sa place, elle s'empresse de répondre : « Seulement si tu me fais un beau sourire, Grumpy Matt. » Le concerné se crispe un brin. Certainement désarmé par son renversement des codes sexistes en vigueur. Et par ce surnom sorti de nulle autre part que de l'esprit tordu de la demoiselle. Pourtant, il s'exécute, le coin de ses lèvres tressautant. Il semblerait qu'elle l'amuse, finalement. Ouais, vraiment beau gosse pense-t-elle, sans se gêner pour lui renvoyer, pour sa part, un véritable sourire. « Bon, je m'en contenterai. » Puis, s'adressant au reste du groupe. A son Fifi en particulier. « Bah alors, on y va ou quoi ? Je compte bien tous vous défoncer avant que mon rencard se pointe ! » siffle-t-elle d'une voix chantante, avant de se diriger vers le salon où le beer-pong n'attend plus qu'eux. Toutes hanches portées au rythme de la musique, bien entendu ! Grosse teuf en approche !