Ca faisait bien longtemps que j’avais mangé des pancakes, surtout avec une personne aussi rayonnante et pleine de bonnes intentions que Mila. C’était loin d’être désagréable. J’étais content de la voir aussi résolue, pleine de promesses. J’avais aussi peur qu’elle se fasse beaucoup d’illusion et qu’elle sombre à nouveau plus rapidement qu’elle ne l’aurait cru. Si ça avait été quelqu’un d’autre, je lui aurais sûrement dit d’emblé, sans me soucier de lui saboter le moral. Mais je n’étais pas capable de faire un tel coup à Mila. J’avais envie d’y croire avec elle. Peut-être parce que je n’avais eu personne d’autre que moi-même à une période où j’en aurais bien eu besoin.
- Si tu m’embêtais, crois-moi que je ne serais pas resté aussi longtemps.
C’était l’avantage avec un type comme moi. Je n’aimais pas m’embarrasser de mensonge, je préférai être honnête, qui à blesser. J’avais passé trop de temps à me faire du souci sur ce que les autres pensaient de moi. Hors de question que je refasse la même erreur aujourd’hui, demain et pour le restant de mes jours. Donc si la situation ne me plaisait pas, je serais parti, et ne me serais pas embarrassé à rester et à subir.
J’affichai un petit sourire, Mila n’avait pas tort, nous n’étions pas si mal assorti. Quoique, elle avait l’air d’une meilleure humeur que je ne le serais jamais. Taciturne. C’était le bon mot. Je pensais qu’elle aurait oublié quelques partie de la soirée, d’ailleurs, mais apparemment non.
- Hm. Je suis désolé pour ce surnom d’ailleurs.
Là dessus, ma parole avait un peu dépassé ma pensée. Ce n’était pas souvent que je m’excusais pour quelque chose que j’avais dite. Mais ça me semblait de mise. Si Mila voulait vraiment s’en sortir, partir du principe qu’elle n’était qu’une sale défoncée, n’allait pas l’aider des masses à avancer. Puis elle n’avait plus l’air si sale ni défoncée à présent. Par contre j’étais toujours aussi taciturne, on ne pouvait pas m’enlever ça. Dans tous les cas, son énergie faisait plaisir à voir, j’en oubliais presque mon rôle de grincheux pas très causant. Ce n’était pas si souvent que je parlais de ma famille de la sorte. Sûrement parce que ça me rappelait à quel point ils me manquaient et à quel point j’avais merdé.
- Je ne suis pas si parfait tu sais, ne te fais pas trop d’illusion, tu risquerais d’être déçue.
Cette fois-ci, je n’avais pas pu m’empêcher de tempérer un peu mon interlocutrice. Je ne voulais pas la vexer ou qu’elle perde sa bonne humeur, mais il fallait être un peu réaliste par moment. Personne n’était parfait. Surtout pas moi. J’étais loin d’être un enfant de chœur. Et pour le moment ça allait, mais qui sait quand je déraperais à nouveau ? Déjà la bagarre d’hier soir, ce n’était pas ouf. J’aurais pu avoir de sacré problème si on s’était fait pincer, bien plus qu’une nuit en cellule et une demande de caution. Et quand il s’agissait de tomber bas, je voyais bien de quoi elle voulait parler. Là dessus ouais, on s’était bien trouvé.
Est-ce que je voulais m’en sortir ? Définitivement, oui. Malgré tout, je continuais d’espérer que ma famille me pardonne un jour et la meilleure façon de le faire était de filer droit. Puis je n’avais vraiment pas envie de retourner “tout en bas”. Je m’étais assez fait écorché par la vie pour continuer dans ce sens.
- Vu le coup que t’as flanqué au gars avec son sac quand on est sorti du bar, j’en doute pas que tu en soit digne, haha.
Quelle soirée n’empêche, qui aurait cru que tout irait aussi loin ? Et définitivement, si on regardait mes sœurs, Mila avait bien le caractère pour rejoindre la famille. Quoique, elle était apparemment moins rancunière que le reste des O’Hara. Ce qui m’arrangeait bien. Mais il faut dire aussi qu’elle ne m’avait pas connu au plus bas. Elle ne m’avait pas vu sombrer sans être capable de faire quoique ce soit. Mais elle savait ce que c’était. En écoutant l’histoire de Mila, c’était assez affolant comme j’étais capable de me reconnaître, mais dans les faits en eux-même, mais dans ce qu’elle ressentait. La haine qu’elle cultivait pour sa personne. La honte, ne pas être à la hauteur…
J’écoutais Mila jusqu’au bout, sans l’interrompre une seule fois. Elle était bien partie, je n’osais pas intervenir. Je savais que ça faisait du bien de parler et de se sentir écouter, et c’était parfois un début tout simple.
- Vas-y petit à petit dans ton rangement, n’essaye pas d’en faire trop d’un coup, sinon tu vas vite te décourager.
Regardez-moi donner des conseils. Je ne pensais vraiment pas que ça arriverai un jour. Comme quoi, tout est possible. Si Anastase savait ça, il aurait de quoi être fier, comme quoi j’avais retenu ce qu’il m’avait dit. Et ça avait l’air con, mais c’était un conseil qui m’avait beaucoup servi en sortant de prison, parce que pendant cinq ans j’avais imaginé ce que j’allais faire une fois libre et quand le moment est arrivé, tellement de chose se bousculaient dans mon esprit que ça foutait une pression monstre et ne donnait plus envie de faire grand chose.
Je n’eus pas le temps d’en dire plus que Mila reprenait en m’offrant une chambre ici même et le double des clefs. C’était génial.. je ne savais pas quoi dire. On se connaissait à peine et elle me faisait déjà autant confiance ? Je me voyais assez mal déménager chez elle d’emblée, mais j’étais incapable de lui dire non. Parce que si je pouvais ne pas toujours dormir sur le canapé de Mo, ça m’arrangerai bien. Mais d’un autre côté, je me sentirai mal de vivre ici sans payer le moindre loyer.
- Oh euh… Merci, ce serait avec plaisir pour tes plantes. Je compte bien tenir ma promesse aussi.
Après Mila n’était pas en train de me dire non plus de venir m’installer chez elle, elle ne s’attendait pas à me voir tous les soirs ici, ce qui me rassurait assez. Mais je me promis mentalement de passer la voir assez souvent, pour ses plantes, mais surtout pour m’assurer qu’elle n’était pas en train de sombrer à nouveau. J’attrapai la main tendue par Mila pour la serrer dans la mienne. Ce n’était pas un geste très assuré, mais assez pour se rassurer l’un l’autre, je pense.
- J’avoue, je ne crois pas trop à ce genre de chose. Mais bon, je ne vais pas te contredire si tu en es sûre. Puis, merci à Yvan, je suis bien content d’avoir une soeur qui m’aide à ne pas sombrer à nouveau non plus.
Je souris à nouveau, mais cette fois, ça venait vraiment du coeur, un sourire sincère. Je serrais un peu plus la main de Mila avant de lui rendre sa liberté et de me réintéresser à mes pancakes, j’étais tellement attentif que j’en avais oublié de manger.
- Tu sais, je ne pense pas que tu sois un cas désespéré. Et c’est une bonne chose que tes parents attendent ton retour. T’as le droit d’être triste, de prendre ton temps et de vouloir gérer ton deuil à ta manière. Il n’y a rien d'égoïste là-dedans. Tu prend du temps pour toi. Tu n’as rien fais de mal.
Je savais que c’était facile à dire pour moi. Et que ce n’était pas en quelques paroles que Mila allait se sentir mieux et ne plus jamais toucher à une goutte d’alcool de sa vie.
- Si tu veux, si jamais ça va trop mal, déjà tu pourras m’appeler, je vais te laisser mon num et… C’est cliché, mais je t’accompagnerai à une ou des réunions d’alcooliques anonymes. Ca a l’air de rien comme ça, et on se sent pas mal ridicule au début, mais ça aide pas mal. Puis te sentira encore moins seule. Et quand tu seras prête, tu pourras essayer de parler à nouveau à tes parents. Toujours petit à petit, ça marche ?
Je n’avais pas eu le choix de redevenir sobre. En prison il n’y avait aucun moyen de boire ou consommer quoique ce soit d’autre. Mais c’était loin d’être un processus facile que de se retrouver de force dans une reconversion. Sérieusement, si je ne m’étais pas fait prendre, je ne sais pas si j’aurais arrêté de consommer et de dealer. Je serais peut-être même mort d’une overdose avant d’avoir pu rencontrer Mila.
- Et dans le pire des cas, je serais là. Et t’as intérêt de finir ces pancakes sinon c’est moi qui te les fait manger.
Je voyais bien que Mila avait du mal à avaler son petit déjeuner. Sûrement parce qu’elle avait perdu l’habitude de manger en général. Mais reprendre un rythme de repas régulier était aussi important. Surtout si elle comptait boire plus tard, manger permettrait d’absorber l’alcool.
D’un mouvement, elle tend le bras et pose sa main sur celle de Rowan, un sourire aux lèvres.
« Merci »
Toutes ces promesses lui font tourner la tête, ou bien c’est plus probablement le manque d’alcool qui commence à se fait ressentir. Pourtant, elle y croit et elle sait que si elle n’arrête pas de boire, elle va perdre son boulot et sans salaire, elle tombera encore plus bas. Elle est certaine qu’on peut toujours faire pire. Elle ne veut juste pas tester.
Elle songe aux alcooliques anonymes et rien qu’à cette évocation, elle sent ses mains devenir moites. Le parcours risque d’être difficile. Avec ou sans aide. Le plus gros du travail devra venir d’elle. A-t-elle envie de devenir sobre ? Oui. Se sent-elle prête ? Elle peut dire oui tout en sachant qu’il y a un doute qui la tiraille. Elle craint d’échouer. De ne pas en être capable. Elle doit essayer. Elle doit le faire. Il en va de sa survie.
« Tu sais, je crois que j’aurai honte quand même d’aller me présenter là-bas… Même si je sais que je ne serai pas la seule avec ce problème... »
Sa tête s’abaisse et son regard tombe dans son assiette. Elle prend un autre morceau de pancake et recommence l’opération de le tremper dans du sirop d’érable avant de le porter à sa bouche. Elle a besoin d’une gorgée de café pour faire descendre le tout. En fait, plus que du café, c’est d’alcool que son corps a besoin et réclame. Elle tait ses pulsions qui lui disent de se lever et d’aller dénicher un alcool fort. Elle doit avoir ça, quelque part dans son bordel. Elle regrette d’avoir vidé les fonds de bouteilles. Elle savait qu’elle finirait par se détester d’avoir agi de la sorte.
Mila avale une autre gorgée de café en espérant que la caféine aura le même effet que l’alcool sur son organisme, ce dont elle doute.
« Ça me fait du bien de parler avec toi et oui, je pense que je devrais aussi demander de l’aide à mes parents. Ma mère serait contente de m’aider. Je le sais très bien. Il faut juste que je ravale ma fierté »
Elle a redressé le visage et sourit désormais à Rowan, avant de rajouter, un peu plus bas, comme si elle se parlait
« J’ai peur de les décevoir si je n’y arrive pas… je crois que j’aimerai me présenter devant eux et leur annoncer que je ne bois plus... »
Elle pétrit ses mains l’une contre l’autre. Inlassablement. C’est un beau rêve que de s’imaginer sobre.
« J’ai peur »
Mila a la trouille chevillée au ventre. Elle se mordille les lèvres pour ne pas flancher avant d’avoir commencé. Pour ne pas se précipiter et descendre une bouteille d’alcool. Peu importe le contenu tant que c’est alcoolisé. Sa gorge se serre tandis qu’elle se gave de café. Finalement, elle lâche
« J’ai envie de boire… Je tente de ne pas y penser mais, j’ai l’impression que ça m’obsède »
Un rire s’échappe de ses lèvres. Pitoyable, tout comme elle.
« Faut que je me motive. Dans deux jours je vole donc, pas question que j’arrive ivre. C’est un bon point de départ pour un sevrage, non ? Un peu rapide mais bon, j’agis souvent comme ça lorsque je dois travailler. »
Elle se redresse sur son siège.
« J’arrive à rester sobre, tu sais. Pas longtemps, mais j’y arrive. Puis, ce n’est pas comme si je n’étais pas habituée aux turbulences »
Cette fois, son rire est franc.
« Tu sais quoi, dis-moi où tu rêves d’aller et je t’y emmène dès qu’il y a un vol programmé. Je m’occupe de tout »
Ses yeux pétillent à cette perspective.
« Je dois te préciser que parfois les escales sont courtes. Faudrait faire ça sur un week-end si ça te tente. Pas trop loin pour qu’on puisse en profiter. Qu’en dis-tu ? »
Cela fait longtemps qu’elle ne s’est pas accordé un moment de détente, un vrai. Pas un artificiel sous perfusion de gin. Pire, cela fait longtemps qu’elle n’a plus de projet. Qu’elle a rayé le mot ‘avenir’ de son vocabulaire. Il est temps qu’elle le remette en service. Si elle arrive à ne pas tomber dans l’ivresse lorsqu’elle doit travailler, elle pourrait essayer de rallonger les temps de jeun. Son sourire s’agrandit.
« Merci. Tu ne sais pas à quel point tes paroles m’aident »
Sa main est revenue se poser sur celle de Rowan et elle la presse doucement. Elle aimerait ne jamais la lâcher. Avoir toujours ce soutien physique pour pouvoir s’y accrocher. Éviter de couler. Mila a l'impression d'être avec Yvan. Le brun a le même pouvoir apaisant sur elle. Un vrai frère de cœur.
Le retour chez ses parents lui éviterait la tentation de boire. Trop. Elle serait obligée de bien se tenir, au moins, pour eux. Elle le fera sûrement si elle ne s’en sort pas toute seule. Mila garde cette idée dans un coin de sa tête, elle pourra la ressortir au besoin.
« Je crois que je vais faire une liste de toutes mes nouvelles bonnes résolutions et les mettre bien en vue »
Elle hoche la tête, satisfaite. De plus, pendant qu’elle accomplira toutes ces tâches, elle devrait oublier de picoler. Un regard autour d’elle. Le rangement, le ménage, le désencombrement devraient lui prendre pas mal de temps. S’occuper est primordial. Avant, elle veut rêver un peu. Croire que tout est possible.
« Alors, où part-on ? N’hésite pas à dire la première destination qui te passe par la tête. Ton rêve secret... »
Mila vient de finir son pancake, et ça aussi, c’est une victoire. Elle a bu plusieurs tasses de café et a presque oublié qu’elle avait soif d’autre chose.
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Under the cherry moon ~Mila & Rowan ~
Mer 7 Avr - 21:51
Ca faisait un drôle d’effet que d’entendre des remerciements, de sentir cette main amicale sur la mienne, ce regard reconnaissance posé sur moi. Je n’avais pas souvenir que quelqu’un aie déjà eu ce comportement à mon égard. J’avais brisé plus de vie que j’en avais aidé. Même si, pendant un temps, je pensais vraiment que vendre de la drogue était une façon de sauver certaines personnes de ce monde. Je ne me suis jamais pris pour un super-héros non plus. Mais je vendais des substances illicites qui rendaient heureux les acheteurs pour un moment et de mon côté j’avais de l’argent, qui, je pensais, pourrait m’aider à aider ma famille. C’était tout le contraire qui était arrivé. J’ai encouragé des gens, peu importe leur âge, à s’empoisonner la santé et ma famille n’a fait que me rejeter, sans oser toucher à cet argent que je voulais leur donner.
Je comprenais la honte d’aller aux réunions d’alcoolique anonyme. On a toujours l’impression que c’est une bonne idée, mais pour les autres. Quand c’est à notre tour de passer le pas, la gêne et la honte d’admettre qu’on a un problème avec l’alcool donnait plus envie de retourner se jeter des verres plutôt que d’assumer. Faire face à la réalité était difficile. Surtout quand la société entière vous criait que c’était une mauvaise chose que de sombrer et d’aller mal alors, que merde, non, ça arrive à tout le monde, il faut arrêter de se leurrer et de croire que tout le monde est beau et gentil.
- Hm, je comprend, on a le temps t’inquiètes.
Je ne disais pas à Mila qu’elle devait sortir et aller maintenant à une de ces réunions. C’était un simple conseil, on était pas obligé d’aller là bas pour se sortir de ses addictions, à chacun sa technique, mais je savais d’expérience que ce genre de réunion aidaient plus qu’on ne se le figurait. En attendant, j’étais rassuré de la voir manger et boire du café. Putain, je connaissais cette gamine que depuis hier et j’étais déjà à me faire du soucis pour elle. J’allais finir par croire à ses histoires de destin.
J’eus un petit sourire, au moins elle comptait en parler à ses parents et savait que sa mère la soutiendrait. Mila avait bien de la chance d’avoir une telle famille. Mais la peur de décevoir… De ne pas être à la hauteur, je ne pouvais que compatir. Je mentirai si je disais que j’avais réussi à m’en sortir. Cette fois-ci, je n’avais pas de conseil, pas de parole rassurante. Sûrement parce que j’aimerai bien connaitre une réponse moi-même à ce problème. Tout ce que je pouvais faire c’était montrer que j’étais là, que je comprenais. C’était un début, n’est-ce pas ?
Mila changea à nouveau de sujet, en partant de son addiction, pour me parler de son travail. C’était déjà bien qu’elle arrive à trouver la motivation de rester sobre pour son job. Elle devait vraiment aimer ça. J’affichai un petit sourire en l’écoutant parler. Sa proposition de voyage me fit lever les sourcils d’étonnement. Elle voulait qu’on voyage ? Mila était un peu difficile à suivre à alterner entre ses idées de voyage et ses remerciement.
C’est fou ça, maintenant qu’elle me posait la question, il est vrai que je n’avais jamais songé où j’irais si je pouvais voyager. Sûrement parce que je n’avais jamais pensé qu’un jour j’en aurais l’opportunité. A croire que, malgré mon amour pour la lecture, je n’étais pas tant un rêveur. Ou tout du moins pas un rêveur qui pense accomplir un jour ses rêves. Mais ce matin, à cet instant, j’avais soudainement envie de voir le monde entier. Même si ce n’était que pour un week-end. Quoique, le monde entier en un week-end ça risquait d’être compliqué.
Sincèrement, je n’avais jamais été très tactile, mais avec Mila, ça ne me dérangeait pas tant que ça. Elle pouvait continuer de serrer ma main que je ne la retirerai pas. Peut-être qu’inconsciemment, je sentais qu’elle en avait besoin et peut-être que j’avais besoin aussi de ne pas me sentir seul, de savoir que je pouvais compter sur son soutien. Perdu dans mes pensées, j’avais presque oublié de répondre à sa question sur une potentielle destination. Mais la blondinette me relança sur le sujet :
- Hum, ouais, sans problème, je peux bien m’arranger pour ne pas bosser un week-end. Je t’avouerai que je n’ai jamais voyagé. Enfin, pas depuis tout petit… J’aimerai bien revoir l’Irlande un jour, mais ça fait peut-être un peu loin. Mais à vrai dire, je ne sais pas, je n’y ai jamais vraiment réfléchi. Si t’as une destination en tête, je suis tout ouïe, après tout, c’est toi l’experte.
Je lui adressais un sourire en réfléchissant. Est-ce que j’avais un rêve secret ?
- A vrai dire, je serais content tant que la destination est assez loin du bordel qu’est LA.
Pourtant, j’aimais bien cette ville et je ne me verrais pas déménager définitivement ailleurs. Sûrement parce que je ne voulais pas m’éloigner de ce qui restait de ma famille.
- Tu veux qu’on sorte ? Genre on finit de manger et on va se promener loin de toute tentation pour toi ?
Je ne sais pas d’où je sortais cette idée, mais j’avais bien envie de m’aérer l’esprit aussi. J’étais devenu un expert des meilleurs parcs de la ville maintenant que j’y bossais. Puis là bas, je savais qu’on avait peu de chance pour tomber sur des cadavres de bouteilles comme ici. La solution aurait peut-être été de ranger l’appartement, mais chaque chose en son temps, ok ?
Elle se dit que cela serait super d’emmener Rowan quelque part, juste tout les deux. Sa façon à elle de le remercier. Elle sourit toujours, légèrement rêveuse. Maintenant qu’elle le regarde mieux, elle le trouve plutôt beau gosse son nouveau frère, malgré les ecchymoses et elle échafaude des plans dans sa tête. Certaines de ses amies sont célibataires et elle pourrait en caser une avec Rowan. Ça serait une autre bonne action. Rosie est belle et adorable. Elle la verrait bien comme belle-sœur. Son sourire s’agrandit et elle revient sur terre.
« Tu sais ce qu’on fera dans ce cas-là, je trouve une destination pas trop loin, car l’Irlande c’est au moins 13 h de vol et une escale, donc, impossible sur si peu de temps, mais ne t’inquiètes pas, il y a plein d’autres endroits sympas et sur le territoire qui te plairaient, j’en suis certaine. Je nous dénicherai ça, je te préviens un peu à l’avance quand même et tu auras la surprise »
Mila est toute excitée à cette idée.
« Je te dirai juste ce que tu dois mettre dans ta valise, car entre Miami et la Nouvelle Angleterre par exemple, le climat n’est pas vraiment le même »
Son rire retentit tandis qu’elle imagine la scène. Combien de fois elle a vu des passagers embarquer en tenue d’été et se retrouver dans un autre état où les tenus d’hiver étaient de rigueur. Les aléas du voyage. Pas question que Rowan se retrouve dans cette situation. Elle est toute excitée à cette idée, et songe qu’il lui faudra consulter et bien étudier son planning pour les prochaines semaines afin de concocter la surprise pour son frère. Ravie de cette excellente idée, elle lance, sur un ton désinvolte
« Lorsque mes amies apprendront qui tu es, tu seras dorloté durant tout le vol »
Elle hoche la tête en réfléchissant sur quelle destination elle bosse avec Rosie. Tant qu’à faire, faire d’une pierre deux coups. Par contre, elle se demande quelle tête ils feront si elle dit qur Rowan est son frère. Tous connaissent la tragédie qui a frappé sa famille. Elle trouvera bien quelque chosé à dire le moment venu. Elle le dira la vérité. Rowan est son sauveur. Ce qui est vrai après tout.
« Je disais le week-end mais, la semaine, c’est jouable aussi. On fera comme cela t’arrange »
Mila travaille peu importe le jour voilà pourquoi, elle invite toujours ses amis en week-end car elle sait que c’est souvent le moment où les gens sont en repos. Après, voyager en semaine est tout à fait possible. Il y aurait sûrement plus de places disponibles. À voir.
Rowan est vraiment bénéfique pour son moral. Elle ne le connaît que depuis quelques heures, mais sa vie semble déjà moins triste. Elle a des projets plein la tête et sourit beaucoup plus aussi. Elle n’a pas bu et a même pris le temps de vider les fonds de bouteille dans l’évier – ce qu’elle risque de regretter plus tard- Mila va aussi contacter les AA et demander de l’aide à ses parents. Maintenant qu’elle a promis à son frère de l’emmener en voyage, pas question qu’elle se fasse virer de son job parce qu’elle boit trop. Encore une excellente raison pour redevenir sobre.
Elle tend une main un peu tremblante et revient la poser sur celle du brun, tandis que ses prunelles azur se plantent dans celles tout aussi claires de Rowan.
« Merci. Tu ne sais pas à quel point ta présence change ma vie et je n’exagère pas »
Elle serre un peu plus la main de cet homme qui a réussi à lui faire apercevoir une lueur d’espoir dans l’obscurité qu’était devenue sa vie. Elle murmure encore une fois
« Merci »
Ce petit mot sonne comme une rédemption. Elle se rend compte des efforts qu’il fait pour l’aider et elle lui en est reconnaissante. Soudain, elle se lève et vient l’encercler de ses bras en prenant soin de ne pas trop serrer.
« Promets-moi de ne jamais partir. De ne jamais m’abandonner. Promets-le s’il te plaît … moi aussi je serai là pour toi. Je te le promets »
Elle voudrait rajouter « de ne jamais mourir » mais, elle sait que cette promesse n’est pas éternelle. Elle se redresse et s’éloigne un peu tandis qu’un sourire revient éclairer sa face et lui rappeler qu’un horrible bonhomme l’a frappé et que le haut de sa joue la fait souffrir selon les mouvements de son visage.
Autour d’elle, c’est toujours la désolation, mais elle sait que bientôt elle va réussir à remédier à cette situation et qu’elle n’hésitera plus à se faire aider.
« Je veux bien sortir d’ici et une balade serait la bienvenue. Cela m’éviterait d’avoir de mauvaises idées »
Mila sait très bien que ces idées arriveront tôt ou tard. La sobriété, ça se mérite, surtout après une longue période alcoolisée. Peut-être que le fait de réussir à rester sobre lorsqu’elle travaille l’aidera à devenir complètement abstinente. Maintenant qu’elle a retrouvé un frère, elle ne va pas rester comme ça. Elle ne veut pas qu’il ait honte d’elle. Puis, si elle veut le présenter à son amie Rosie, faut qu’elle garde les idées claires. Sans alcool, elle aura le teint beaucoup plus frais. Elle n’aura que des bénéfices à rester sobre.
« Par contre, faudrait éviter les rues trop … commerçantes, si tu vois ce que je veux dire… un parc ou un endroit sans rien de tentant serait le bienvenu »
Elle se demande comment elle va gérer tout ça et soudain, l’ampleur de la tâche lui apparaît et la peur lui noue le ventre. La peur d’échouer. De ne pas y arriver. Alors, elle reprend la main de Rowan dans la sienne et se dit qu’elle n’est plus seule maintenant. Qu’Yvan lui a envoyé un autre frère et qu’elle est sauvée.
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Under the cherry moon ~Mila & Rowan ~
Sam 1 Mai - 10:59
J’avais du mal à me figurer, moi, en voyage, avec aucune autre préoccupation en tête que de profiter des jours qui allaient venir. Ca ne me ferait sûrement pas de mal d’être loin de tout, en bonne compagnie, laisser tous les problèmes à LA, et passer un bon moment avec ma nouvelle petite sœur. Honnêtement, j’avais hâte maintenant, je n’avais pas peur de l’inconnu ou des possibles imprévus, j’avais juste envie de partir, et quelque part, découvrir un peu le monde de Mila. Puis c’était agréable de la voir aussi enthousiaste. Tant pis pour l’Irlande, j’irai n’importe où si ça signifiait qu’elle allait mieux et se reprenait en main sérieusement. De toute façon, je crois que le contrat était passé maintenant, je n’allais pas lâcher cette petite avant un moment, même jamais je crois.
- Préviens-moi aussi assez à l’avance que je puisse prévenir mes employeurs que je pars.
La négociation ne devrait pas être trop difficile. Mon contrat à la ville se finissait bientôt, il était possible qu’il soit renouvelé, mais en attendant, je pouvais partir du principe que non et si je continuais à travailler chez des particuliers et bien, je savais déjà que je n’aurais pas trop de mal à demander quelques jours à Meg. Pour les autres ? Ce serait à voir, mais j’étais plutôt confiant sur ce point.
- Ecoutes, tu m’as convaincu, peu importe la destination, j’ai hâte de partir maintenant. Surtout si c’est pour avoir les faveurs de toute la compagnie aérienne. Ca me permettra de garder un oeil sur toi, aussi. Ou plutôt sur les autres…
Oh non, vous savez, je n’ai pas trop de pitié pour causer des problèmes. Et vu comment Mila était mignonne, je ne doutais pas que certains pouvaient essayer de s’approcher d’elle contre sa volonté. Donc à la moindre parole ou geste déplacé, j’étais bien capable d’intervenir. Je crois qu’après hier soir Mila n’avait pas trop de doute de mes instincts protecteurs. Si ça arrivait pendant qu’elle travaillait, il y avait des risques qu’après le voyage la compagnie aérienne m’interdise de voler à nouveau avec eux. Mais honnêtement, je m’en fichais, ma sœur passait avant le reste. A ouais, je prends pas les affaires de famille à la légère.
Je baissais les yeux sur ma main que Mila était venue serrer avant de plonger mon regard dans le sien. Pour un gars qui n’était pas tactile, ça faisait beaucoup de contact physique en une matinée. Mais ça ne me dérangeait pas tant. Peut-être parce que je sentais que Mila en avait besoin et peut-être que j’en avais besoin aussi. C’était agréable de ne pas se sentir seul pour une fois. Cependant, ça me faisait toujours aussi bizarre d’entendre des mots de remerciements sortant de sa bouche pour s’adresser à moi. Mila se leva pour venir me serrer dans ses bras, je lui rendit son étreinte sans hésiter.
- Je te le promets.
Je la serrais contre moi. Je ne sais pas si elle se rendait compte, qu’elle m’aidait elle aussi tout autant. Parce que maintenant, j’avais quelqu’un sur qui compter, un bout de famille qui serait toujours là pour moi. Une raison de rester sur le droit chemin, parce que si je sombrais, je risquais de l’entraîner avec moi et je ne voulais absolument pas que ça arrive. Foutre ma vie en l’air n’était pas un problème, mais celle de Mila ? Non, hors de question. Mais ce n’était pas le moment pour penser à des trucs pareils. Tout allait bien à cet instant, alors qu’on en profite. Je répondis volontiers au sourire de Mila.
J’étais content qu’elle accepte ma proposition de sortir, ça nous ferais du bien de prendre l’air. Puis à cette heure là, il ne devait pas y avoir trop de monde à traîner dans les rues, on serait tranquille. J’étais bien d’accord pour éviter les rues commerçantes, je hochai la tête pour montrer à mon interlocutrice que je comprenais. Plus on pouvait éviter de croiser du monde, mieux ça m’allait. Pas que je ne voulais pas qu’on me voit avec Mila. Non, juste, j’aime pas les gens, ils me prennent sans cesse la tête, et là j’avais juste envie d’être peinard. Puis si elle ça l’éloignait de la tentation, alors tout le monde y trouvait son compte.
- Quoi ? Tu veux me faire aller sur mon lieu de travail alors que je suis en congé ? Comment oses-tu ?
Bien sûr que j’étais en train de blaguer, je disais ça en souriant, alors que la main de Mila vient se glisser à nouveau dans la mienne. J’ai vraiment trouvé une petite sœur, c’est fou.
- Ok ok, je déconne, j’adore les parcs. Je suis un expert en la matière maintenant. Je te préviens, t’as pas fini de m’entendre déblatérer sur chaque plante qu’on va croiser. On y va ?
Je n’avais rien à prendre. Il faut dire, je portais la même tenue que la veille et toutes mes affaires tenaient dans mes poches. Ce qui se résumait à mon portefeuille et mes clefs. Mais peut-être que Mila voulait prendre son sac ou je ne sais quoi. Même si concrètement, on allait juste se promener, donc besoin de rien.
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