au fil de nos sourires (brittany)

Elle n'a pas encore effectué de changement d'adresse, mais c'est celle d'Ella qu'elle écrit quand elle fait des achats sur internet, ou chaque fois qu'on la lui demande depuis quelques semaines. Et bien que ses factures arrivent toujours à Bel Air et qu'une infime partie d'elle-même se complaît dans ce lien pas tout à fait brisé avec son ex, il y a des jours, et ceux-là sont de plus en plus nombreux, où elle se passerait bien de recevoir ses photographies prisent à la hâte des enveloppes qui l'attendent sur la table basse. Plus de bonjour, ou de prises de nouvelles depuis un moment. Leur conversation WhatsApp se résume à ces fameuses images à moitié floues et aux émojis pouces vers le haut qu'elle intercale entre chacune en guise de réponse. C'est sûrement mieux comme ça, bien qu'un peu trop calme pour sembler tout à fait naturel et c'est ce qu'elle ne peut s'enlever de la tête quand elle sort ce matin par la porte principale, clefs de la boîte aux lettres en main, pour aller chercher le bouquin qui devrait s'y trouver d'après le dernier mail qu'elle vient de recevoir. Bingo. Elle retourne une ou deux fois le paquet pour chercher son nom et en sort également l'enveloppe qui se trouvait dessous, avant de rentrer et de la déposer sur le piano, le temps de vérifier le contenu du petit carton. Et la voilà qui fait le pied de grue dans le hall désert, le temps de relire la quatrième de couverture avant d'aller jeter le kilo de papier qui emballait ces trois cents et quelques pages, et de se souvenir du second courrier. Pour Brittany, d'après ce qu'elle lit une fois le pli de nouveau dans ses mains. Alors elle regarde l'escalier, puis ce logo qu'elle connait bien et de nouveau l'escalier, en se demandant si elle n'aurait pas mieux fait de laisser ça où c'était. Un peu tardive, la prise de conscience. C'est pour ça qu'elle monte au premier étage et frappe à la porte de sa chambre, puis une deuxième fois et une troisième, avant d'appuyer timidement sur la poignée. Britt ? Et elle guette un bruit, sur le balcon, de l'eau qui coulerait dans la douche ou de la musique provenant du casque qu'elle pourrait avoir sur les oreilles, mais rien. La chambre de sa demi-sœur est vide, mais maintenant qu'elle est là, bête dans l'entrebâillure de la porte, autant se diriger vers le bureau et déposer l'enveloppe dessus.

J'ai envie de sortir ce soir. Je vais embarquer Rain et on va aller faire la fête. J'ai pas envie de rester encore seule chez moi à me morfondre. J'en ai marre. En plus si c'est pour supporter ma mère avec sa... non je préfère arrêter de penser à ça, ça va m'énerver. Déjà que je suis pas au top de ma forme là... Quand je pense que ce connard de prof m'a mis que onze pour mon oral ! Soit disant que j'ai pas donné toutes les informations, que c'était incomplet, ou je sais pas quoi. Bah déjà si cet espèce de gros pervers dégueulasse était plus concentré sur ce que je dis plutôt que ce à quoi je ressemble il aurait vu qu'il manquait pas tellement de trucs à ma présentation ! Le gars il se rince l'œil gratos et même pas il bonifie ma note au passage ne serait-ce qu'en compensation pour sa perversité. Je devrais le faire virer. Je suis sûre que rien qu'en en parlant avec papa je peux arriver à quelque chose. Après tout si je peux en tirer aucun avantage, à quoi ça sert que mon père soit maire de Los Angeles ? Peut-être que j'irais le voir avec Rain. Après tout elle est dans la police alors un petit sommet entre nous trois ça peut-être très intéressant... En attendant, je vais devoir rentrer chez moi, prier pour que ma mère soit pas là et trouver la tenue idéale pour ce soir.

Quand j'arrive tout va bien. Y a personne. Je passe dans la cuisine, j'attrape un paquet de gâteaux et je monte dans ma chambre dont la porte est entrouverte. Je ne laisse jamais la porte ouverte. JAMAIS. Y a une raison à ça. Je refuse qu'on vienne fouiller dans mes affaires. Et qui d'autre que ma mère pour venir envahir et bousiller ma vie privée ? « Non mais je rêve là ! Qu'est-ce que tu fous dans ma cham- » Je hurle plus que je ne parle. Mais je m'étrangle dans ma phrase quand je découvre non pas ma mère mais Joyce dans ma chambre. Je m'en veux un peu d'avoir hurlé pour le coup, Joyce n'a rien à voir dans mon conflit contre ma mère. M'enfin, ça lui donne pas pour autant le droit de se pointer comme une fleur dans ma chambre ! « Désolée, je croyais que... ça n'a pas d'importance. Je peux savoir ce que tu fais là exactement ? » je demande alors, essayant de ne pas trop avoir l'air fuyant. C'est pas comme si je cachais les codes nucléaires dans mon tiroir à chaussettes, mais tout de même, j'aime pas qu'on fouille dans mes affaires, et j'ai pas mal de secrets à garder, et j'aime pas me sentir... envahie. Je sais bien qu'il faut que je travaille sur mon caractère de merde, mais c'est pas si facile qu'il n'y parait ! « Non que je veux pas avoir l'air... je sais pas quoi, mais si je ferme la porte c'est qu'il y a une raison. La porte était bien fermée hein ? » Merde, ma parano s'arrange pas.