you're not going to be able to ignore me forever. (falloane #13)

Depuis le soir de mon anniversaire, les choses sont bien différentes à la colocation et pour cause, Fallon me fuit. Rare sont les fois où nous nous sommes vues, elle fait toujours en sorte de venir dans les parties communes avant ou après moi. Je ne peux pas lui en vouloir, je l’ai mérité. Pourtant, j’aimerais que les choses redeviennent comme avant. Ce n’est pourtant pas aussi simple, si ça ne vient pas d’elle, alors les choses ne pourront pas changer. Je ne lésine pas sur les moyens pour que tout s’améliore, je lui offre des fleurs et des cadeaux. C’est vrai, c’est très matériel tout cela, mais comme elle ne me laisse pas l’occasion de la voir, c’est pour moi le seul moyen de lui montrer que je suis toujours là et que je crois toujours en notre histoire. Aujourd’hui, il y a une réunion d’anciens élèves au lycée où nous étions, où mes sentiments pour elle sont devenus plus fort. Au départ, je n’étais pas vraiment emballée à l’idée d’y aller, revoir dix ans plus tard des personnes que je n’appréciais pas vraiment, merci, mais non merci. Seulement, par l’intermédiaire de Wylona, j’ai appris que Fallon s’y rendait. Ce n’est pas forcément l’endroit idéal pour la confronter, mais tant pis, c’est toujours mieux que rien. Mon réveil sonne et la sensation de savoir que la place à côté dans le lit est vide est toujours très désagréable. Il est encore tôt et pourtant, j’entends déjà une porte claquée, celle de l’entrée. C’est sûrement Fallon, notre autre colocataire travaille aujourd’hui. Au moins, je vais pouvoir me promener nue dans l’appartement, personne ne me dira rien. Bien qu’à un certain moment, ça n’aurait sûrement pas dérangé la blonde.

Midi, c’est l’heure de rendez-vous pour cette réunion, mais j’arrive néanmoins avec quelques minutes de retard. J’ai pourtant essayé d’être à l’heure, cependant, je voulais être parfaite pour Fallon et cela a pris un peu plus de temps que prévu. Arrivée sur place, je salue d’anciens camarades et je scrute chaque endroit du lycée pour trouver mon ancienne petite amie. Au final, il n’y a qu’elle qui m’importe ici. Après plusieurs minutes de recherche, je finis par la repérer en train de discuter avec un homme. Ni une, ni deux, je m’avance pour m’immiscer dans la conversation. « Bonjour ! » Dis-je, une fois à côté de la blonde et de notre ancien professeur d’histoire. « Jihane ! C’est un plaisir de vous voir ici ! » Je dois avouer que c’est en partie réciproque, je l’ai toujours apprécié comme enseignant. « Je me souviens à quel point vous étiez toujours fourrées ensemble à l’époque. » Un sourire se dessine sur mes lèvres en repensant à cette période : mes premiers émois pour Fallon. Déjà à ce moment-là, je savais que j’étais amoureuse d’elle. Les choses sont identiques aujourd’hui, bien qu’un peu plus compliquées. L’homme s’excuse et s’éloigne, allant vers un autre groupe d’élèves. Je me tourne alors vers la jeune femme pour lui faire face. « Joli collier. » Dis-je, alors que mon regard se pose au-dessus de la naissance de sa poitrine. C'est un cadeau que je lui ai fais dans la semaine, ça veut au moins dire qu'elle ne les jette pas. « Tu es partie tôt ce matin. » Sûrement pour m’éviter encore, mais cela n’a pas été suffisant puisqu’on se retrouve ici.

Toutes les occasions sont bonnes pour fuir la colocation. Si ce n'est pas pour le travail, j'arrive toujours à trouver quelque chose pour justifier mes allées et venues. Tant que je passe le moins de temps possible à l'appartement, tout me va. Et aujourd'hui, cette réunion d'anciens élèves est l'excuse parfaite. Je n'avais pas prévu d'y aller à la base, parce que ça n'a jamais été trop mon truc de jouer aux filles sociables. Et puis le lycée... ouais quand j'y repense, j'étais pas non plus la plus parfaite des élèves de l'époque. Au contraire, ma réputation était plus controversée qu'autre chose. Mais j'ai évolué aussi, et je ne suis plus la fille que j'ai pu être au lycée. Du moins plus entièrement. Alors pourquoi pas ? Je ne pense pas que Jihane viendra, et c'est en grande partie pour cette raison que j'en profite pour y aller. J'ai peut-être un peu surréagit à cette histoire de baiser, c'est vrai, mais en même temps c'était plus fort que moi. J'ai été déçue, blessée même. Parce que je lui faisais confiance, et que je croyais aveuglément à notre histoire. J'ai peut-être été trop naïve, trop faible aussi. Je me suis ouverte à elle sans demi-mesure, abandonnant mes peurs pour ses beaux yeux. Et le retour à la réalité est dur à encaisser. Je suis tombée de haut, et ma confiance en elle a chuté en flèche. Ma confiance en moi-même en a pris un coup également. Comme si tout était brusquement remis en question. Elle, moi, nous. Ce "nous" qui nous définissait depuis sept mois. Cette relation que nous avons bâti ensemble, jour après jour, obstacles après obstacles. Et si c'était l'obstacle de trop ? Je sais pas, je sais plus. J'ai l'impression que ce baiser a tout chamboulé. Et c'est bien plus que ça finalement que je remets en doute. Il ne s'agit pas que de Rain, non. Arrivée au lycée, je reste un peu en retrait pour observer les gens. Quelques groupes se forment naturellement alors qu'un des professeurs finit par s'approcher de moi. Monsieur Robinson, mon ancien professeur d'histoire. La discussion s'engage et je prends des nouvelles de lui, du lycée, et des étudiants d'aujourd'hui. Il est l'un des seuls à l'époque qui me laissait tranquille, enfin disons qu'il avait cerné en moi la personne que j'étais réellement sous les apparences. Et je l'aimais bien. « Bonjour ! » Mon corps se fige lorsque mon regard croise celui de Jihane. Et merde, elle est venue. « Je me souviens à quel point vous étiez toujours fourrées ensemble à l’époque. » Si cette pensée devrait me faire sourire, c'est finalement tout le contraire alors que mon coeur se serre dans ma poitrine. Je n'avais pas vraiment prévu de ressasser les souvenirs liés à mon ex (?). C'est comme ça que je dois l'appeler maintenant ? Notre professeur s'éclipse vers un autre groupe, et je me retrouve seule avec la jeune femme. « Joli collier. » Ça serait mentir que de dire que son cadeau ne m'a pas plu. Elle me connait par coeur, que ce soit sur mes goûts en matière de bijoux ou sur le reste. Et ce collier est juste magnifique. Mais c'est pas forcément pour elle que je l'ai mis. « Oui, il est joli. Merci. » Merci pour ça, et pour toutes ses autres attentions. Même si je n'ai pas pris la peine de la remercier jusqu'à maintenant. « Tu es partie tôt ce matin. » Je hausse un peu les épaules comme si ça n'avait aucune importance. « J'avais des trucs à faire avant de venir ici. » On sait tous que c'est pas la vraie raison. « Je ne pensais pas que tu viendrais d'ailleurs... » Si j'avais su, on en serait pas là justement. Je me dirige alors vers le buffet préparé par le lycée pour prendre un verre, essayant par la même occasion de continuer à la fuir. Si seulement...

Venir ici, ce n’était pas dans mes plans, tout comme blesser Fallon et pourtant.. tout arrive. Je vais néanmoins me la jouer discrète. À cette réunion d’anciens élèves, je désire n’en voir qu’une et c’est bien pour cela que j’enchaîne les salles, sans trop m’attarder sur les gens. Je me calme qu’une fois sa silhouette face à moi. Enfin.. me calmer est un bien grand mot, car doucement mon cœur se met à s’accélérer. La joie de la voir certainement et puis, la peur de ce qu’il va bien pouvoir se passer aussi. Je m’avance et m’immisce dans la conversation qu’elle a avec notre ancien professeur d’histoire. Très vite, il nous laisse toutes les deux. Je pense que je ne pouvais pas demander mieux, d’ailleurs je ne pensais pas que ça arriverait aussi vite. « Oui, il est joli. Merci. » Je hoche doucement la tête, un sourire sur mes lèvres. Je sais que ce n’est pas gagné, que le fait qu’elle porte mon collier aujourd’hui ne signifie tout bonnement rien. À en voir sa tête lorsque je suis arrivée, elle ne pensait pas que je serais là, alors nous pouvons facilement enlever le fait qu’elle l’a mis pour me faire plaisir. « J'avais des trucs à faire avant de venir ici. » J’ai un léger doute là-dessus, mais je n’ai pas mon mot à dire. Après tout, peut-être que j’idéalise la situation. Peut-être que pour me détester pleinement, elle a eu besoin de voir quelqu’un d’autre. Un homme ou une femme, peu importe. C’était peut-être avec cette personne qu’elle était ce matin et tous les autres jours aussi. Non, ce n’est pas possible. Je n’ai pas envie d’y croire, elle ne peut pas avoir remplacé ce que nous étions aussi vite. « Je ne pensais pas que tu viendrais d'ailleurs... » C’est bien là tout l’effet de surprise que j’espérais. La jeune femme se dirige vers l’un des buffets mis à disposition pour ce rendez-vous. Sûrement pour elle un nouveau moyen de me fuir, mais je ne me laisse pas faire et la suis de près. « Je ne pensais pas non plus, mais certains événements ont fait que.. » Il n’y a pas besoin de faire de dessin, nous savons toutes les deux pourquoi je suis là, ce qui a vraiment motivé ma venue ici. « C’est m’ignorer qui t’occupe autant ? Je sais ce que ça fait, j’ai été à ta place à un moment. » À cette époque, nous n’étions pas encore ensemble et pourtant, j’ai eu besoin de m’éloigner de la colocation : j’avais eu l’impression de recevoir un coup de poignard de sa part et je ne voulais plus la voir. C’est sûrement ce qu’elle éprouve à mon égard à ce moment précis, mais j’ai peur de lui laisser trop d’espace. Et si elle m’oublie, qu’est-ce que je vais pouvoir faire ? « Tu me détestes et tu as sûrement toutes les raisons pour le faire, mais est-ce qu’on pourrait parler ? » Je risque de me répéter, de m’excuser encore et encore. Cependant, je suis convaincue que nous avons besoin d’une discussion pour pouvoir avancer, que ce soit dans le bon ou dans le mauvais sens.

C'était peut-être pas une bonne idée finalement de venir à cette réunion d'anciens élèves. Si j'avais su que Jihane serait là, les choses auraient sans doute été différentes. Ouais clairement, je ne serais pas venue. Mais c'est trop maintenant. Je suis prise au piège, et à moins de partir discrètement - ou en courant, je ne peux pas vraiment l'empêcher de me parler. Bon ok, de toute façon c'est pas comme si je pouvais continuer de l'éviter indéfiniment. On vit sous le même toit quand même, ça devenait de plus en plus compliqué pour moi d'esquiver. C'est peut-être pas le meilleur des endroits pour se parler, mais au point où on en est. Au moins ça m'empêchera de partir dans les travers de mon impulsivité. Il y a du monde autour de nous, des gens qui nous connaissent, des anciens professeurs, je ne veux pas me donner en spectacle. « Je ne pensais pas non plus, mais certains événements ont fait que.. » Est-ce qu'elle est venue juste pour moi, pour me voir ? Apparemment. D'un côté, ça me fait plaisir de le savoir. Et forcément ça ne me laisse pas indifférente. Mais... ça me gêne un peu aussi. « C’est m’ignorer qui t’occupe autant ? Je sais ce que ça fait, j’ai été à ta place à un moment. » Effectivement, l'éviter me prend pas mal de temps. C'est même ma principale occupation de ces derniers jours. Je hausse un peu les épaules sans prendre la peine de la contredire, parce qu'elle n'a pas totalement tord. Et je crois que ça ne sert à rien de dire oui, elle le sait déjà. On en a toutes les deux conscience. « Tu me détestes et tu as sûrement toutes les raisons pour le faire, mais est-ce qu’on pourrait parler ? » Je soupire fortement, portant mon verre jusqu'à mes lèvres. Je vais en avoir besoin je crois. Je tourne alors la tête pour planter mon regard dans le sien pour la première fois depuis notre dernière confrontation. « Tu veux parler de quoi ? » Je reste sur la défensive pour le moment. « Je sais pas quoi te dire Jihane. » Et c'est vrai. Je ne sais même plus où j'en suis. Avec elle, mais avec moi-même aussi. J'en suis arrivée à redouter de moi... comme avant. Comme si ce baiser avait tout fait basculer. Retour à la case départ ou presque. Est-ce qu'on est encore sur la même longueur d'onde toutes les deux ? « Tu sais très bien que mes sentiments pour toi ne s'envoleront pas comme ça... » Ça serait peut-être plus simple pour moi que d'appuyer sur un bouton pour arrêter de l'aimer. Si seulement. « Mais... je sais plus Jihane. » Ouais je suis perdue. Et c'est encore pire quand je l'ai face à moi. Parce que je ne peux plus me protéger de toutes les émotions contradictoires que je ressens. Je pensais avoir besoin de temps, mais finalement j'ai l'impression que c'est pas de bonne augure pour la suite. Parce que tous les doutes refont surface, toutes les interrogations aussi. Et c'est un putain de merdier dans ma tête. Dans mon coeur aussi surtout. Elle est responsable de toute cette histoire.

La retrouver ici, c’était la seule solution qui s’offrait à moi, la seule que je voyais au moins. Pourtant, la confronter dans un lieu public, ce n’est pas forcément la meilleure des idées. Il n’y a pas que nous, il y a les autres aussi et cela peut compter pour le reste de la conversation. Néanmoins, à ce moment précis, toutes les personnes autour de nous ont disparu, je n’ai d’yeux que pour elle. Je la suis, comme son ombre, ne voulant pas la laisser m’échapper. Arrivées près du buffet, je me sers un verre et attrape l’un des muffins présentés. Puis je me lance, je lui parle et lui demande une nouvelle chance de m’exprimer. Pour lui dire quoi ? Je ne sais pas, ce n’est pas encore vraiment bien dessiné dans mon esprit, on verra bien ce qui vient au moment venu, si jamais elle m’en laisse l’occasion. « Tu veux parler de quoi ? » De nous, de ce que j’ai fait et de ce que je pourrais faire pour que les choses s’améliorent. Beaucoup de sujet, tous centrés sur elle. « Je sais pas quoi te dire Jihane. » Je ne peux pas la blamer, elle a sûrement encore ce baiser en mémoire et je ne lui ai pas vraiment laissé le temps de se préparer. La confronter ici, c’est assez bizarre, mais c’est le seul moment que j’ai trouvé où elle ne m’ignorait pas, ou au moins pas de manière violente. « Tu sais très bien que mes sentiments pour toi ne s'envoleront pas comme ça... » Au fond de moi, je suis soulagée. Bien sûr, rien n'est arrangé, mais elle éprouve toujours quelque chose pour moi et ça, c'est synonyme d'espoir. « Mais... je sais plus Jihane. » Je baisse doucement la tête, alors que je viens prendre l'une de ses mains dans la mienne. Elle pourrait facilement me repousser, c'est vrai, que ce soit à cause de ce que je lui ai fait ou du regard des autres. Je ne sais plus vraiment où elle en est par rapport à cela et pourtant, j'ai pris le risque, aux côtés de toutes ces personnes qui ont accompagné nos années lycée. « Tu n'es pas comme les autres filles Fallon. » Et au fond de moi, je crois que je l'ai toujours su. « Il y a des années, ici même, dans ces couloirs, j'étais amoureuse de toi et rien n'a changé. » Alors oui, il s'est passé de nombreuses choses entre cette époque et le début officiel de notre relation, mais la finalité reste la même : nous nous sommes éloignées, perdues de vue, puis nous nous sommes retrouvées et comme une évidence, nous nous sommes aimées. « Dis-moi ce que je dois faire et je le ferai. Je suis prête à tout. » Je ne joue pas sur les mots, je suis honnête avec elle. Si quelque chose est possible, alors je veux le savoir. Mais si finalement elle pense qu'essayer sera peine perdue, alors j'accepterais ma sentence. Si Fallon ne veut plus me voir, je ne pourrais pas la forcer indéfiniment et on devra alors trouver une solution pour tout, pour la colocation notamment.

Je lui avoue avoir encore des sentiments pour elle. En réalité, c'est pas comme si c'était possible de les faire s'envoler du jour au lendemain dans un claquement de doigts. Ça serait plus simple mais c'est malheureusement pas le genre de choses qu'on peut contrôler. Même si le comportement de Jihane m'a blessé. « Tu n'es pas comme les autres filles Fallon. » Et pourtant, on en est là aujourd'hui. « Il y a des années, ici même, dans ces couloirs, j'étais amoureuse de toi et rien n'a changé. » Mon coeur s'emballe alors que je tente de ne rien montrer. Bien sur que ça me fait plaisir de l'entendre dire qu'elle est amoureuse de moi depuis le début, même si forcément ça a toujours été plus flagrant chez elle que chez moi. « Dis-moi ce que je dois faire et je le ferai. Je suis prête à tout. » Je secoue un peu la tête comme par réflexe. « Il n'y a peut-être plus rien à faire. » Je baisse inconsciemment les yeux en direction du sol, esquivant son regard. « Ce n'est pas tant le baiser le problème. » Enfin si, quand même un peu. Qu'elle ne croit pas qu'elle peut recommencer à embrasser n'importe qui après ce que je viens de dire sinon je l'étripe, littéralement parlant. « C'est plus profond que ça encore. » Je soupire fortement avant de relever le regard sur elle. « Je sais que tu n'es pas bien depuis le Mexique, cette histoire avec ta grand-mère, tout ça... » Et ça, je peux comprendre. Je me suis suffisamment mise à sa place pour essayer d'imaginer la douleur qu'elle a pu ressentir. Le même genre que celle que j'ai ressenti lors du suicide de ma mère. Ce n'est pas comparable en soit, et pourtant, c'est de sa mère qu'il s'agit aussi. Même si elle ne l'a finalement jamais connu. « Mais j'étais là pour toi, je faisais tout pour que tu te sentes le mieux possible. Et toi... t'as même pas été foutu de me parler. » Au lieu de ça, elle a préféré se renfermer sur elle-même. Et pire que ça, elle m'a menti pour sortir toute seule dans ce foutu bar. La suite on l'a connait déjà, inutile de remuer le couteau dans la plaie. C'est ça que je lui reproche finalement, plus que ce baiser échangé avec Rain. Même si c'est bien ça à la base qui a tout ruiné. « Si tu n'arrives même pas à te confier à moi alors à quoi je sers hein ? » J'essaye de mettre des mots sur ce qui a finalement engendré tous mes doutes. Parce que oui, je suis en train de tout remettre en cause. Elle, moi, nous. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de se battre pour notre couple ? Est-ce que nous sommes réellement faites l'une pour l'autre ? En réalité, je n'en suis plus si convaincue. Si j'écoute simplement mon coeur, il n'y a pas de doute possible ; c'est elle et personne d'autre. Mais il y a malheureusement d'autres critères à prendre en compte. « Je croyais qu'on était au dessus de tout ça... » Je croyais que notre amour était plus fort que tout. Mais apparemment je me suis plantée, et la chute est douloureuse.

Pour elle, je serais prête à tout. Cela a toujours été le cas et je m'en rends compte un peu tard. Je l'ai aimé, avant de la perdre de vue et je ne veux pas que cela se reproduise. Qu'on résout cela à deux ou qu'on décide d'aller voir quelqu'un pour nous aider, je prendrais tout ce qu'elle voudra. « Il n'y a peut-être plus rien à faire. » Bon.. je pensais qu'il y avait de l'espoir, mais autant dire que là, avec cette phrase, elle est complètement en train de l'anéantir. J'ai pourtant envie d'y croire : je ne peux pas laisser notre histoire se finir comme ça, pas après tout ce que nous avons vécu. « Ce n'est pas tant le baiser le problème. C'est plus profond que ça encore. Je sais que tu n'es pas bien depuis le Mexique, cette histoire avec ta grand-mère, tout ça... » Je ne peux m'empêcher de grimacer un peu. Elle n'a pas complètement tort et je le sais bien. C'est d'ailleurs ce détail qui m'a poussé à sortir ce soir-là, à avoir envie de me changer les idées. « Mais j'étais là pour toi, je faisais tout pour que tu te sentes le mieux possible. Et toi... t'as même pas été foutu de me parler. » Je n'ai pas réagi comme il le fallait, je ne peux pas le nier. Même si en réalité, il m'a fallu du temps pour m'en rendre compte. Ce n'est pas idéal, surtout quand on n'est pas seule. Tout ce que j'ai pu faire ces dernières semaines a impacté Fallon et visiblement, plus dans le mauvais sans que dans le bon. « Si tu n'arrives même pas à te confier à moi alors à quoi je sers hein ? » Je serre légèrement les dents. J'aimerais pouvoir lui donner une réponse, mais pour l'instant, je me contente de la laisser vider son sac. Si j'ai eu besoin de venir ici pour lui parler, c'est visiblement réciproque, malgré le fait qu'elle m'ignore depuis plusieurs jours. « Je croyais qu'on était au-dessus de tout ça... » « J'ai merdé en beauté et je le sais. » Je ne peux pas la laisser baisser les bras. « Que ce soit le baiser ou comment j'ai réagi suite à notre voyage au Mexique. » Je reconnais mes fautes, inutile pour moi de me voiler la face. Tout ce qu'elle m'a dit là, j'en ai pleinement conscience. « Cette découverte m'a complètement chamboulée et je n'ai pas su comment réagir, comment le faire correctement en tout cas. Toute la colocation en a pâti et j'en ai bien conscience, mais ce n'est pourtant pas ce que je voulais. » Parfois, malgré nos envies, nous agissons différemment. C'est exactement ce qu'il s'est passé là : j'avais besoin d'elle et pourtant je me suis éloignée, ne voulant pas la faire souffrir avec ce que je vivais. « Je crois que j'ai voulu te protéger d'une certaine manière, maladroitement, je te l'accorde. » Sortir ce soir-là, c'était aussi lui accorder un peu de répit. « Je ne savais pas comment me sortir de là, alors je ne pouvais pas te demander de le faire à ma place. » Elle a toujours été à mes côtés, elle a toujours essayé d'agir et pourtant, j'avais l'impression que rien ne suffisait. Elle ne faisait pas les choses mal, loin de là, mais je pense que je cherchais à me concentrer sur autre chose, sur un problème qui n'avait finalement pas de solutions simples et qui m'a doucement fait sombrer. « C'est dommage de s'en rendre compte dans les pires moments, mais j'ai compris que je portais trop d'importance à des personnes qui ne font pas partie de ma vie, alors que toi.. je t'ai délaissée. »

Est-ce que c'est si grave que ça ? Pour être honnête, j'en sais trop rien. J'ai du mal à faire preuve de discernement depuis sa révélation, parce qu'au fond de moi-même, je suis perdue. J'avais réussi à occulter les doutes de mon esprit pendant un certain temps, mais les voilà repartis pour un tour. « J'ai merdé en beauté et je le sais. Que ce soit le baiser ou comment j'ai réagi suite à notre voyage au Mexique. » C'est déjà bien qu'elle le reconnaisse. Même si elle aurait sans doute mieux fait de réagir avant qu'on en arrive là. Presque à ce point de non-retour. Cette découverte l'a complètement chamboulée, et c'est tout à fait compréhensible en soit. C'est pas ça que je lui reproche, et ça, je pense qu'elle l'a compris. J'ai réussi en quelques sortes à lui dire ce que j'avais sur le cœur, et ça fait du bien. Je me sens comme libérée d'un poids. Même si ça n'apaise pas forcément toutes mes peurs. « Je crois que j'ai voulu te protéger d'une certaine manière, maladroitement, je te l'accorde. Je ne savais pas comment me sortir de là, alors je ne pouvais pas te demander de le faire à ma place. » J'arrive un peu mieux à comprendre là où elle veut en venir, et à me mettre à sa place aussi. Finalement ce n'était pas une si mauvaise chose que ça d'essayer de se parler l'une et l'autre. La communication est l'une des clés principales dans un couple, et nous en avons encore la preuve aujourd'hui. Et si elle avait réussi à me parler, à se confier à moi avant, je pense que nous aurions pu éviter le drame. Ce n'est jamais bon de garder les choses pour soi. Bon ok, je suis peut-être pas la mieux placée pour dire ça. Mais mes erreurs du passé m'ont permis d'évoluer et de me rendre compte de certaines choses justement. « C'est dommage de s'en rendre compte dans les pires moments, mais j'ai compris que je portais trop d'importance à des personnes qui ne font pas partie de ma vie, alors que toi.. je t'ai délaissée. » Je hoche un peu la tête, comme pour confirmer ses propos. C'est un peu ce que j'ai ressenti. J'ai été mise à l'écart par ma petite amie, et ce n'est jamais agréable. « C'est pas grave, je peux comprendre. » Je n'ai pas envie qu'on se fasse la guerre plus longtemps. Ça me fait du mal de l'ignorer, et ça me blesse aussi de la voir dans cet état. Je n'ai pas envie de renoncer complètement à nous pour une connerie qui n'en vaut finalement pas la peine. « Je crois qu'on a toutes les deux besoin de temps. » Elle comme moi, l'une sans l'autre. Ce n'est pas une rupture définitive, parce que je l'aime et que je l'aimerai sans doute toujours, mais plutôt une sorte de parenthèse. Comme un break, une pause pour prendre du temps chacune de notre côté. « Je t'aime Jihane, tu le sais très bien. » J'ai arrêté de me cacher par rapport à ça. « Mais pour être heureuse ensemble, il faut déjà que nous le soyons avec nous-mêmes. » Voilà pourquoi il vaudrait mieux que nous prenions un peu nos distances. « C'est mieux pour nous deux. » Je ne sais pas si c'est exactement ce qu'elle espérait entendre à la base, mais je préfère être honnête avec elle. Inutile de se projeter vers le futur, si les bases initiales de notre relation ne sont pas suffisamment solides. Ouais je me surprends même un peu moi-même de vouloir faire autant les choses bien. Mais quand c'est de Jihane qu'il s'agit, c'est différent. C'est elle qui m'a fait devenir une meilleure personne, et qui continue de le faire encore.

Le soir où tout est arrivé, le soir de mon anniversaire, je n'ai pas vraiment pu poser des mots sur mon geste. Elle aurait sûrement dit que je cherchais juste à me justifier et elle aurait sûrement eu raison, mais elle ne doit pas douter de mes sentiments. Si j'ai embrassé Rain, ce n'est absolument pas parce que je ne ressens plus rien pour elle. J'étais simplement perdue et pour remédier à cela, j'ai agi avec stupidité. « C'est pas grave, je peux comprendre. » Finalement, d'avoir forcé cette discussion, ce n'est pas une si mauvaise chose. J'ai pu poser des mots sur tout ça, sur ce baiser accidentel, mais aussi sur tout ce qu'il a pu se passer suite au Mexique. On ne peut pas dire que j'ai été la petite amie la plus exemplaire, j'ai même plutôt bien foiré dans mon rôle. « Je crois qu'on a toutes les deux besoin de temps. » Mon regard, d'abord planté dans le sien, finit par dévier et par contempler le sol. Ce qu'elle me dit là, ça ne m'enchante pas des masses. Je n'ai pas besoin de temps, j'ai besoin d'elle. J'ai besoin de la voir sourire, de la sentir près de moi, de l'embrasser. Mais est-ce que je suis vraiment en position pour réclamer quelque chose ? « Je t'aime Jihane, tu le sais très bien. » C'est toujours ça, ses sentiments sont bel et bien toujours là. « Mais pour être heureuse ensemble, il faut déjà que nous le soyons avec nous-mêmes. » Elle n’a peut-être pas complètement tort, il est peut-être préférable que je mette à plat toutes ces histoires qui concernent ma famille, pour pouvoir ensuite vivre pleinement notre histoire. « C'est mieux pour nous deux. » « Fallon.. » Ce n’est pas forcément à cela que je m’attendais, mais n’est-ce pas peut-être pas une si mauvaise idée. Un break, ce n’est pas la fin. N’est-ce pas ? Ce qui me fait le plus peur dans cette histoire, c’est de la perdre. Je ne veux pas que cela arrive, je ne laisserais pas cela arriver. S’il faut passer par là, qu’il en soit ainsi. « Je t’aime tellement, si tu savais. » Elle n’a pas de doute à avoir là-dessus et elle doit déjà le savoir, je n’aurais pas fait tout cela pour pouvoir la voir sinon. Doucement, je dépose l’une de mes mains sur sa joue. Les personnes autour de nous n’existent plus pour moi, il n’y a qu’elle. D’ailleurs, je n’ai même plus l’impression d’être dans notre ancien lycée, à cette réunion d’anciens élèves. « Si tu penses que c’est ce qu’il y a de mieux à faire, alors je te suis. Je te suivrais n’importe où. » Un léger sourire se dessine sur mon visage, comme une lueur d’espoir à travers la tempête. Simplement poussée par mes sentiments pour elle, mon corps se rapproche un peu plus du sien. C’est ensuite au tour de nos visages et avant qu’elle ne m’arrête, je viens déposer mes lèvres contre les siennes. Un simple baiser qui sonne comme un "à très vite". Un baiser qui aimerait être suivi d’autres, mais au vu de la situation, il vaut mieux ne pas être trop gourmande.

Ça me fait du mal d'en arriver là, et en même temps je pense que c'est le mieux que l'on puisse faire. Je ne mets pas un terme définitif à notre histoire, je décide en quelques sortes de faire un break pour nous laisser l'opportunité de rebondir. On s'aime, mais sans doute pas de la meilleure des manières. Un peu maladroitement peut-être. Et si on veut éviter de continuer à se détruire, nous avons toutes les deux besoin de faire le point. Il ne s'agit pas seulement de moi sur ce coup-là mais surtout d'elle aussi. Individuellement parlant. Mais mes sentiments pour elle sont toujours là. Et ça sera probablement toujours le cas. Quoi qu'il puisse arriver, Jihane est et restera spéciale à mon coeur. J'essaye de la rassurer à ce niveau-là, parce que je n'ai pas envie qu'elle pense que je ne l'aime plus. Ce n'est pas là le problème. « Fallon.. Je t’aime tellement, si tu savais. » Je le sais, et je peux le sentir aussi. En réalité je crois que je n'en ai jamais douté. Même si elle en a embrassé une autre. Mais si elle ne m'aimait pas, elle n'aurait jamais été capable d'endurer tous les obstacles et tout le mal que j'ai pu lui faire subir pendant des années. J'ai l'impression d'ailleurs que je m'en veux encore pour ça. C'est quelque chose que je ne contrôle pas, comme inconscient. Et j'ai peut-être besoin aussi de me pardonner à moi-même, définitivement, pour pouvoir avancer dans notre relation. A deux. Main dans la main. « Si tu penses que c’est ce qu’il y a de mieux à faire, alors je te suis. Je te suivrais n’importe où. » Je hoche un peu la tête. Effectivement, je pense que c'est le mieux à faire pour nous deux. Je ne sais pas combien de temps ce break pourrait durer, et je ne préfère pas forcément y penser. Inutile de précipiter les choses. Même si je suis consciente que ça va être difficile, pour elle comme pour moi. Ça l'est déjà. Et la jeune femme n'arrange pas la situation en venant déposer un doux baiser sur mes lèvres. Je ne la repousse pas, et profite même un peu de ce baiser comme pour marquer officiellement le début de notre pause. Comme une promesse de se retrouver quand le moment sera venu. Pendant une micro seconde, j'en oublie presque où nous sommes et les gens qui nous entourent. Mais une voix se fait entendre derrière nous et je reviens vite à la réalité. « Oh mon dieu mais vous êtes ensemble ! » Julian, un ancien ami à nous du lycée. « C'est plus un épisode que j'ai loupé là, c'est carrément une saison toute entière. » Avec les années, nous nous sommes malheureusement perdus de vue, mais ça me fait plaisir de le revoir ici. Je viens le saluer, en le prenant dans mes bras alors qu'il s'adresse cette fois-ci directement à Jihane. « Félicitations, t'as finalement réussi à l'avoir. » Il lui fait un clin d'œil et je ne peux m'empêcher de répliquer. « Hey oh, j'suis pas un trophée ! » Je ris un peu, sans prendre la peine de remettre la situation dans son contexte. C'est compliqué entre Jihane et moi, et nous ne sommes pas vraiment ensemble en soit, mais sur le moment, ça n'a que très peu d'importance. Je me rends finalement compte de mon évolution, puisqu'il y a de ça encore quelques mois, j'aurais sans aucun doute directement voulu rectifier les choses pour ne pas avouer la vérité. C'est différent à présent. « Je suis presque jaloux, moi qui ai toujours eu un faible pour toi. » Il parle encore à Jihane, faisant volontairement comme si je n'étais pas là pour me charrier. Il n'a pas changé après toutes ces années. « Tu l'as touches, je te tue. » Je le tape sur l'épaule en rigolant. Je sais qu'il n'est pas sérieux, et je ne le suis pas non plus. Mon regard se pose alors sur Jihane, dans un petit sourire. Comme pour lui montrer que même si nous sommes en break, je veillerais toujours au grain. Ça ne change rien en soit.

Ce baiser est soudain, il n'est pas calculé, mais bon dieu qu'il me fait du bien. Après ces quelques mois à ses côtés, cette séparation est difficile à vivre et l'avoir un peu contre moi, me donne la force dont je vais avoir besoin durant cette pause. Mais il est peut-être un peu trop soudain. En m'avançant vers elle, je n'ai pas réfléchi, je n'ai pas pris en considération les personnes autour de nous et le fait qu'elle ne voulait peut-être pas s'afficher de la sorte. Il est maintenant trop tard pour revenir en arrière, une personne témoin de cette scène vient nous interrompre. « Oh mon dieu mais vous êtes ensemble ! » Par réflexe, nous nous tournons toutes les deux vers l'homme qui se rapproche. Ça va, cela aurait pu être pire. Cela aurait pu être quelqu'un qu'on ne pouvait pas saquer à l'époque. « C'est plus un épisode que j'ai loupé là, c'est carrément une saison toute entière. » Si seulement. Avec tout ce qu'il s'est passé dernièrement, je ne sais même pas si j'arriverais à mettre des mots sur nous, sur notre histoire. Nous avons vécu de bons moments, c'est vrai, mais la crainte de devoir en parler au passé pourrait tout gâcher. Mais bon.. est-ce qu'il est vraiment nécessaire d'en arriver là ? Je ne pense pas. Il ne s'agit que d'une réunion d'anciens élèves, notre vie privée ne regarde que nous et nous pouvons facilement rester vagues à ce sujet. « Félicitations, t'as finalement réussi à l'avoir. » À cette réflexion, je ne peux m'empêcher de rire un peu. « Hey oh, j'suis pas un trophée ! » Peu de personnes étaient au courant de ce que je ressentais pour la blonde à l’époque et de ce qu’il s’était passé entre nous. Mais je suppose qu’aux regards que je pouvais lui lancer, il ne fallait pas s’appeler Einstein pour comprendre ce qu’il se tramait. « Je suis presque jaloux, moi qui ai toujours eu un faible pour toi. » « Tu l'as touches, je te tue. » Je ne peux m’empêcher de regarder Fallon, un sourire sur les lèvres. Julian n’a pas conscience de ce qui se joue sous ses yeux. Ce n’est rien pour lui, juste une petite réflexion lâchée comme ça, alors que pour moi, c’est le signe que tout est encore possible entre nous. « Il faut faire attention, elle peut mordre. » Finis-je par dire, sur le ton de la plaisanterie. Ce n’est pas tout rose entre nous, mais pour éviter de gâcher des retrouvailles, il est peut-être préférable de faire comme si tout allait bien. « Mais merci, ça fait toujours plaisir à entendre. » Je ne peux pas dire que c’était réciproque, puisque je n’avais d’yeux que pour Fallon, mais il est toujours plaisant d’entendre qu’on plaît, ou qu’on plaisait en l’occurrence. « Et toutes les deux, ça fait combien de temps ? » « Un peu plus de sept mois. » Encore une fois, je prends le chemin de la simplicité. Nous étions ensemble depuis sept mois à mon anniversaire, alors je n’ai pas complètement tort. C’est juste qu’aujourd’hui, le terme couple n’est plus celui de rigueur. Malheureusement. « Ah oui, quand même. C’est le grand amour ! » Je ne vais pas le contredire là-dessus, c’est ce que je ressens à l’égard de la blonde. « Ça n’a pas toujours été facile. » C’est le moins que l’on puisse dire. Si avant le Mexique les choses semblaient plus simple, il a fallu passer par beaucoup de bas pour en arriver là. Et la route est encore semée d’embûches, mais cela devrait nous rendre plus fortes si on arrive à s’en sortir. « Mais ne t’en fais pas, on t’invitera à notre mariage. » Encore une fois, je dis cela sur le ton de la plaisanterie. Ce n’est pas quelque chose dont nous avons vraiment parlé et autant dire que là, c’est loin d’être d’actualité. « Je vais vous laisser, je vais aller faire un petit tour pour voir d’anciens élèves. » C’est un peu mentir que de dire cela. Je n’ai personne d’autre à voir, la seule qui m’intéressait ici était Fallon. « Au plaisir de te revoir ! » Dis-je à l’attention du jeune homme. « On se retrouve ce soir. » Dis-je cette fois-ci à la jeune femme. Je m’approche d’elle et dépose un tendre baiser sur sa joue. Faire autre chose, c’est être un peu trop gourmande et je ne voudrais pas que cela me retombe dessus plus tard.

Je suis moi-même surprise de voir que je n'essaye pas de remettre la situation dans son contexte. Disons que ça ne change pas grand chose en soit de dire à Julian que nous sommes plus vraiment en couple. C'est un détail. Enfin un détail important quand même, parce que ça change pas mal de choses pour nous, mais les autres n'ont pas vraiment besoin de connaitre toute l'histoire. C'est compliqué, et ça ne regarde que nous. Et mine de rien, en ne disant pas toute la vérité, je garde quand même une légère emprise sur elle. Hors de question que je la laisse me filer entre les doigts pour autant. Je n'ai pas envie de la perdre. C'est peut-être un peu égoïste de ma part comme raisonnement, et alors ? Malgré tout ce qui se passe en ce moment, Jihane n'est pas vraiment "libre" non plus. Et en jouant les filles jalouses comme je viens justement de le faire, c'est un bon moyen pour moi de lui faire comprendre. Ce break entre nous n'est pas une permission pour elle d'aller voir ailleurs, qu'on soit bien d'accord. Pour moi non plus d'ailleurs, en réalité je n'en ai même pas envie. « Et toutes les deux, ça fait combien de temps ? » C'était à peu près sûr qu'il allait vouloir des détails. « Un peu plus de sept mois. » Jihane prend le relai pour lui répondre, et elle ne rétablit pas totalement la vérité non plus. Si on pouvait couper court à cette discussion, ça serait quand même mieux. Parce que je ne suis pas vraiment super à l'aise là. « Ah oui, quand même. C’est le grand amour ! » Ça l'est pour moi, dans un sens. Mais un amour aussi fort que le nôtre implique de grandes responsabilités. « Ça n’a pas toujours été facile. » Et faut croire que ça ne l'est toujours pas. On a bien eu quelques mois de calme, où les choses étaient plus simples, mais avec nous, ça a toujours été un peu les montagnes russes. C'est notre marque de fabrique. « C'est le moins que l'on puisse dire. » Ajoutais-je en riant un peu, pour dédramatiser la situation. « Mais ne t’en fais pas, on t’invitera à notre mariage. » Mon corps se fige lorsque Jihane prononce le mot "mariage". Ça fait vraiment bizarre de l'entendre parler de ça, même si je suis bien consciente que c'est pour plaisanter. Sauf que... ça me ramène à tous les doutes que je peux avoir. Notamment sur nos différences, et le fait que nous soyons potentiellement pas sur la même longueur d'onde. Nous n'avons jamais eu l'occasion d'en parler entre nous, mais je la connais. Et c'est bien ça qui me fait peur. Est-ce que je suis vraiment celle qu'il lui faut ? « Je vais vous laisser, je vais aller faire un petit tour pour voir d’anciens élèves. Au plaisir de te revoir ! » C'est pas plus mal que de commencer à se laisser un peu d'espace. « On se retrouve ce soir. » Elle vient alors déposer un tendre baiser sur ma joue. « A ce soir. » Ça me fait quand même un léger pincement au cœur tout ça.