I think you need help... (nelloa 5)

Trois mois se sont écoulés depuis la naissance du fils d’Ainhoa. Mateo, c’est le prénom qu’elle lui a donné. Il est évident que je n’ai pas eu mon mot à dire, de toute manière, je ne sais pas ce que j’aurai pu dire si elle m’avait demandé si le prénom me plaisait. Ce n’est pas à moi d’en décider, c’est son fils après tout. Il fait partie de notre séparation, je ne compte pas m’attacher à ce microbe. Le problème, c’est que j’étais là quand il est né, j’ai soutenu sa mère comme j’ai pu, j’ai même coupé le cordon. J’aurai dû refuser, mais je l’aurai peut-être regretté. Je n’en ai aucune idée, tout n’est pas très clair dans mon esprit. En trois mois, on s’est croisées deux fois. Une fois parce que j’avais des trucs à récupérer dans l’appartement que nous habitions, et qu’elle habite aujourd’hui avec son fils, et la seconde fois par hasard, en centre ville. J’ai bien vu qu’elle était épuisée, comme toute mère qui s’occupe seule d’un nouveau né. Mais je ne suis pas là pour lui proposer mon aide, de toute manière, j’ai repris le boulot, j’ai pas le temps pour ça, et pas l’envie non plus. Elle a choisit de garder et d’élever cet enfant qui est la preuve de sa tromperie, je ne vois pas pourquoi ou comment je pourrai accepter une chose pareille. Et puis, je déteste les enfants.
Je ne boîte quasiment plus, il m’arrive d’avoir des relents de douleur parfois pendant certains exercices, mais selon mon kiné, c’est normal. J’ai encore quelques mois de rééducation devant moi. Mon temps libre, je le passe à chercher un nouveau chez moi, une petite maison de préférence, à acheter. Marre de louer, et marre de squatter chez mon frère et sa Barbie. il est temps pour moi d’avancer, seule désormais. Hier j’ai visité une super petite villa sur Pacific Palisades, un peu trop de gamins qui braillent aux alentours, mais c’est une opportunité que je ne veux pas laisser filer. Et pour ça, je dois passer récupérer des papiers chez Ainhoa. Après lui avoir envoyé un message pour la prévenir, je frappe à la porte, attendant qu’elle me donne l’autorisation d’entrer. J’ai beau avoir encore les clés, j’estime que ce n’est plus chez moi. « Salut… je te dérange pas longtemps. Ça va ? » Elle est cernée, on voit qu’elle ne dort pas beaucoup. Elle a les joues un peu moins creusées, signe qu’elle s’alimente un peu mieux, du moins je l’espère. « J’ai juste quelques papiers à récupérer et je te laisse tranquille. » Je lui adresse un petit sourire et file directement dans le bureau pour trouver ce dont j’ai besoin. J’entends déjà les pleurs du petit garçon qui redoublent d’intensité. La sensation est désagréable.
Lorsque je reviens dans le salon avec mon butin entre les mains, Noa a disparu, il n’y a plus que Mateo dans son transat qui pleure à s’en péter les cordes vocales. Nouvelle grimace. « Noa ? » Je soupire et m’approche du bébé. « Eh bonhomme, va falloir baisser le volume un peu, elle est où ta mère ? » Il en a rien à foutre de ce que je lui raconte, je sais pas ce qu’il a, mais il est pas content. Et quand je vois qu’il commence à devenir tout rouge, à avoir du mal à respirer, je me décide à poser mes papiers sur la table et détacher le nourrisson, pour le prendre dans mes bras. Il se calme immédiatement sans que je comprenne trop pourquoi. « Ouais, voilà, c’est fini. Et si on allait chercher ta mère maintenant ? » Je fais le tour des pièces et trouve la jeune femme dans la salle de bain, visiblement à bout de forces, de nerfs, de tout. « Hey… ça va ? » que je lui demande, le gamin dans les bras.

Cela fait maintenant trois mois que le petit garçon partage ma vie, trois mois pour apprendre à se connaître. Avant mon accouchement, j'imaginais la vie que l'on allait avoir, mais j'en étais bien loin. Je pensais que les choses allaient être sympa, que les pleurs allaient être une légende. Ils font pourtant partie de mon quotidien maintenant, les pleurs et la fatigue aussi. Si avant son arrivée, l'énergie me manquait à cause d'un manque d'alimentation, aujourd'hui c'est causé par des nuits trop courtes. Je me suis faite rattraper par la réalité, car finalement, c'est ça être parents. Ce n'est pas comme si des livres, des documentaires ou des films n'en parlaient pas. Malgré la fatigue, j'entreprends de ranger un peu l'appartement, car clairement, ça saute aux yeux que je suis doucement en train de perdre le contrôle de ma vie. Cependant, mes plans sont interrompus par un message de Nell qui m'annonce vouloir passer ici pour récupérer des papiers. Sans attendre plus longtemps, j'embarque le petit garçon avec moi dans la salle de bain et je file à la douche. Nous ne nous sommes pas vues depuis la naissance de Mateo, alors si je pouvais au moins faire un petit effort et éviter de l'accueillir avec des vêtements remplis de lait. Après quelques minutes, je ressors et repose le petit garçon dans sur son matelas, dans le salon. Pile à ce moment, on frappe à la porte. « Salut... je te dérange pas longtemps. Ça va ? » Je souris légèrement, pour effacer les traits fatigués qui ont envahi mon visage depuis plusieurs semaines. « J'ai juste quelques papiers à récupérer et je te laisse tranquille. » La jeune femme rentrée, je referme la porte derrière elle. « Ne t'en fais pas, fais comme chez toi. » Au fond de moi, c'est un peu toujours le cas, même si Nell doit penser bien différemment, elle n'aurait pas cogné à la porte sinon. Je profite de sa présence pour m'éclipser un peu. Le temps de quelques minutes, je n’ai pas à me préoccuper de Mateo, de ce qu’il fait et de s’il est en sécurité ou non. Dans un premier temps, si je quitte la pièce, c’est pour pouvoir finir de me préparer tranquillement, mais ça devient rapidement un moment pour souffler un peu. Depuis la naissance de mon fils, je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’avoir du temps pour moi. D’abord calme, le petit garçon commence doucement à s’agiter et à pleurer. Je soupire légèrement et m’appuie sur le meuble de la salle de bain. Avec un peu de chance, il va bientôt se calmer. « Noa ? » Consciemment, j’essaye de rester la plus silencieuse possible. Même si Nell n’a jamais voulu d’enfant, elle n’est pas un monstre au point de le laisser pleurer jusqu’à la rupture de ses cordes vocales. Les cris et puis d’un coup, plus rien. Qu’est-ce qu’il a pu se passer ? Mes peurs s’évaporent lorsque je vois la jeune femme débarquer dans la pièce, Mateo dans ses bras. « Comment tu fais ? » Je passe mes mains sur mon visage. Elle est là depuis seulement quelques minutes et le petit garçon se calme déjà. Pourquoi est-ce qu’il ne fait pas cela avec moi ? « Je crois qu’il ne m’aime pas, il n’arrête pas de pleurer avec moi. » Ce qui ne rend pas le rôle de maman très facile. Même si j’aimerais rester forte face à elle, j’en suis bien incapable. Je lâche prise et des larmes commencent à couler le long de mes joues, alors que je viens m’asseoir sur le bord de la baignoire. « J’en peux plus. »

« Ne t'en fais pas, fais comme chez toi. » me dit-elle une fois mes pieds posés dans cet endroit que nous partagions il n’y a pas si longtemps. C’est nostalgique que j’ère dans ce lieu, un peu triste aussi, même si je crois que d’un côté, je me suis fait une raison. Les choses sont ce qu’elles sont. Difficiles, certes, mais je ne peux ni changer le passé, ni changer le présent. Ainhoa est mère désormais, et elle est mère seule. J’essaie tous les jours de laisser de côté tout ce que j’ai vécu avec elle à l’hôpital, l’accouchement, le cordon, le bébé… Alors forcément, quand je vois ce petit bout dans son transat… Non. J’ai jamais vraiment aimé les enfants. Je tolère à peine ceux des autres, c’est pour ça que je n’en voulais pas moi même. Je m’éclipse sans tarder dans le bureau pour récupérer ce dont j’ai besoin, mais visiblement, le petit Mateo n’a pas l’air de vouloir me laisser tranquille. Et où est sa mère au juste ? Je suis obligée de le prendre dans mes bras, par peur sûrement qu’il s’étouffe, ou je sais pas. Je suis un peu maladroite, j’ai jamais pris dans mes bras un bébé si petit. Je maintiens sa tête, j’ai vu ça dans les films et dans les séries. Il se calme immédiatement. Mouais. Je cherche mon ex petit amie, un peu paniquée qu’elle ait laissé son gamin pleurer comme ça. Je la retrouve dans la salle de bain, visiblement à bout. « Comment tu fais ? » me demande-t-elle en regardant le petit. Mon regard se pose sur le bambin, avant de se reposer sur Ainhoa. « Euh bah j’en sais rien. Il avais peut-être juste envie d’être porté. J’imagine. » J’y connais rien, elle le sait. « Je crois qu’il ne m’aime pas, il n’arrête pas de pleurer avec moi. » Je soupire un peu, ça me fait mal au coeur qu’elle puisse penser un truc comme ça. « Mais n’importe quoi. » Et puis sans que je n’ai pu dire autre chose, voilà qu’elle lâche, se mettant à pleurer. Elle est à bout de nerfs. Elle n’en peut plus. Merde, et je fais quoi avec ça moi ? « J’ai lu quelque part que les bébés pleurent parce qu’ils se sentent en sécurité pour exprimer leurs émotions. S’il pleure pas avec moi c’est parce qu’il me connait pas. » Je n’ai aucun lien avec lui, je ne l’ai pas porté, et clairement, je l’aime pas. Ouais enfin, faut quand même qu’il arrête d’être aussi mignon, et de me regarder comme ça avec ses grands yeux noirs. « T’as personne qui peut t’aider un peu ? Prendre le relais ? Ton frère, j’en sais rien ? » Histoire qu’elle souffle un peu. Parce que j’imagine que d’être H24 avec un gamin qui braille, clairement ça ferait péter un boulon à n’importe qui. « Ça va aller. C’est normal, j’pense que c’est un truc de mère ça, d’être dépassée. » Je lui fais une petite moue compatissante et glisse tendrement mes doigts sur sa joue. « Eh, ça va aller. » Elle est plus forte qu’elle ne l’imagine. Elle ne le sait juste pas.

Lorsque la jeune femme arrive dans la pièce, Mateo dans les bras, calme, c’est trop pour moi. Je ne comprends pas, je ne dois pas faire quelque chose correctement. « Euh bah j’en sais rien. Il avait peut-être juste envie d’être porté. J’imagine. » Ce n’est pas que ça, ce n’est pas possible. Je ne suis pas une mère indigne, je ne le laisse pas pleurer dans son transat à longueur de journée. Quand quelque chose ne va pas, je viens le prendre contre moi, mais bien souvent ça ne suffit pas. Aujourd’hui, avec la présence de Nell, cela a été la goutte d’eau de trop, j’avais besoin de faire un break. « Mais n’importe quoi. » Ses sentiments ne sont sûrement pas encore développé, il doit même ignorer ce que c’est, mais ça y ressemble quand même. Si vraiment il m’aime, il pourrait me le démontrer autrement. « J’ai lu quelque part que les bébés pleurent parce qu’ils se sentent en sécurité pour exprimer leurs émotions. S’il pleure pas avec moi c’est parce qu’il me connaît pas. » Si elle dit ça, c’est pour me rassurer, j’en ai bien conscience. Et puis, pourquoi lit-elle des articles de ce genre ? « T’as personne qui peut t’aider un peu ? Prendre le relais ? Ton frère, j’en sais rien ? » « Il a ses problèmes à gérer, je ne veux pas lui imposer les miens en plus. » Suite à mon accouchement, il m’a révélé avoir des difficultés dans son couple, dans son couple et dans son coeur. Alors lui rajouter à cela un emploi de baby-sitter, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. « Je devrais peut-être rentrer chez moi un temps. » C’est une solution possible. Un peu extrême, mais si je dois en arriver là un jour, je le ferais. Ça devrait réjouir ma mère en plus de ça. « Ça va aller. C’est normal, j’pense que c’est un truc de mère ça, d’être dépassée. » Nell vient doucement glisser sa main contre ma joue. Je ferme alors les yeux, profitant du moment, de cette tendresse qu’elle m’offre. En ce moment, je ne connais pas vraiment ça, mais j’étais loin de me douter que la fois où ça reviendrait, ce serait venant de Nell. « Eh, ça va aller. » Je pose doucement ma main sur la sienne et je viens la déplacer pour déposer un baiser dessus. C’est un peu bête de faire cela en voyant notre situation, mais c’est un réflexe. « Tu veux bien le garder un peu, s’il te plaît. J’ai besoin de reposer mes oreilles un peu. » Si vraiment elle ne veut pas, je ne la forcerais pas. « Je n’avais pas signé pour ça. » Avec cette phrase, je prends un risque. Car ce bébé, Nell n’en voulait pas et il est la raison pour laquelle nous ne sommes plus ensemble aujourd’hui, alors elle n’est pas forcément celle qui va me plaindre. Elle pourrait presque sortir un "je te l’avais dit". « Par contre, je crois qu’il t’aime bien, vraiment. » Le petit garçon serre entre ses doigts le haut de la jeune femme et il lui lance de grands sourires.

Je ne m’attendais pas à ce que cette petite chose s’arrête de pleurer une fois dans mes bras. J’ai pas l’habitude de prendre des enfants comme ça dans mes bras, et encore moins aussi petits. En général, les bébés ou les enfants ne m’approchent pas trop, ou alors juste pour jouer, mais quand ils sont plus grands. Là, c’est un peu l’inconnu, je sais même pas si je fais les choses bien, si je le tiens correctement. Enfin il a pas vraiment l’air de s’en plaindre visiblement. J’essaie de rassurer mon ex qui semble totalement perdue, submergée, à bout de nerfs. Ça parait logique, elle s’en occupe seule depuis la naissance. Mais bon, elle l’a voulu aussi. Je lui demande si elle ne peut pas trouver de l’aide auprès de sa famille, ses amis, mais la réponse est claire. Son frère a d’autres choses à gérer. Oui enfin, on a tous quelque chose à gérer, mais aider les gens qui nous sont proches, ça me semble important. Bref. « Je devrais peut-être rentrer chez moi un temps. » affirme-t-elle, le regard perdu au loin. Chez elle. Loin. Cette simple idée me serre un peu le coeur mais je ne dis rien, je ne devrais même pas ressentir une chose pareille. On n’est plus ensemble, elle fait ce qu’elle veut, va où elle veut. Je n’ai plus mon mot à dire sur rien la concernant désormais. J’essaie de la rassurer un peu, lui dire que c’est normal de ressentir tout ça, d’être dépassée. Mon geste tendre me semble au départ un peu déplacé, mais je vois que ça a l’air de lui faire du bien. Elle pose la sienne par dessus pour venir la prendre entre ses doigts, et dépose un baiser sur ma paume. Mon coeur s’emballe, je me suis interdit de ressentir encore quoi que ce soit, parce que ce serait trop dur, trop compliqué. Mais de toute évidence, ces choses ne se contrôlent pas. « Tu veux bien le garder un peu, s’il te plaît. J’ai besoin de reposer mes oreilles un peu. Je n’avais pas signé pour ça. » Cette dernière phrase me fait un peu serrer les dents. Parce que si, elle a signé pour ça. Elle a choisi sa grossesse, face à notre couple. Mais je ne dis rien, me contente d’encaisser. De toute manière, les choses sont ce qu’elles sont aujourd’hui, on peut plus rien chance à ce propos. Ce petit mollusque est ici désormais. « Par contre, je crois qu’il t’aime bien, vraiment. » Je baisse les yeux sur la petite chose qui trône encore dans mes bras, et il sourit. C’est vrai qu’il est mignon, même si ça reste un bébé. « Tu sais quoi, prend un bain. Je vais essayer de gérer avec lui, détends-toi. Ok ? » Elle est presque sur le point de pleurer juste parce que je lui laisse l’opportunité de souffler un peu. Peut-être que je ne devrais pas, mais je ne me vois pas la laisser dans cet état. Je quitte la salle de bain avec le marmot dans les bras, et retourne dans le salon pour laisser un peu de temps à Ainhoa, seule et au calme. Quand le petit garçon se remet à pleurer, je comprends que quelque chose ne va pas, mais quoi. C’est l’odeur qui m’alerte. Oh génial. Merci pour le cadeau. Je panique un peu, est-ce que je remonte pour qu’elle s’en occupe, ou est-ce que je me fais violence ? Je sais même pas faire. Un peu de courage, et je vais changer la couche du petit gars, avec un tutoriel sur mon téléphone, quand même. Je suis clairement pas à l’aise, je sais pas combien de temps je peux mettre pour arriver à le déshabiller, le changer et le rhabiller, mais c’est pas glorieux. Au point que je sens une présence derrière moi. Elle est déjà sortie du bain ? Mais ça fait pas une heure que je suis là à le changer si ? Lui, ça a l’air de le faire marrer.

Alors oui, on pourrait dire que j’ai cherché tout ce qui m’arrive : la colère de Nell, le bébé, la fatigue. Mais en réalité, j’avais imaginé autre chose quand je parlais de famille. Pour commencer, je voyais les choses à deux et non seule, cependant, vu comment tout cela a été fait, je ne peux pas reprocher à la brune d’être partie. Si les rôles avaient été inversés, j’aurais sûrement fait la même chose. Néanmoins, les sentiments que j’ai pour elle sont toujours là et la voir dans cet appartement, qui a été le notre un jour, me remplit de joie. Ça me rend heureuse, oui, mais ça m’effraie aussi. Parce que finalement, je ne suis pas à la hauteur, je le sens bien. Je suis épuisée, négligée et à bout de nerf. La preuve en est avec ma réaction lorsque je vois que Mateo ne pleure pas dans ses bras. « Tu sais quoi, prend un bain. Je vais essayer de gérer avec lui, détends-toi. Ok ? » Cette proposition m’étonne au plus haut point. Pourquoi veut-elle m’aider comme ça ? Ne déteste-t-elle pas ? « Tu es sûre ? » Sans parler de notre histoire, de nos différents, si Nell ne veut pas d’enfants, c’est bien parce qu’elle n’aime pas ça. Alors je suppose qu’elle prend sur elle pour me proposer un tel service. Un large sourire se dessine sur mes lèvres à l’idée de faire un break le temps de quelques minutes et je suis bien incapable de l’effacer. La jeune femme s’en va, le petit garçon dans ses bras. Lorsque la porte de la salle de bain est fermée, je souffle un grand coup, comme si on venait de me retirer un poids. Ce n’est pas comme cela que je qualifierais mon fils, mais pendant un court instant, je ne vais plus avoir de responsabilité ou devoir être attentive au moindre de ses gestes. C’est la première fois en trois mois et honnêtement, ça fait du bien. Installées confortablement dans le bain, j’entends au loin Mateo qui pleure. Je sais que je n’ai pas à m’inquiéter, il n’est pas seul, mais naturellement, mon coeur de maman s’emballe. Faire une pause, ce n’est pas si facile que ça. Le temps semble suspendu. J’attends à ce que Nell arrive d’une minute à l’autre dans la pièce, mais rien. Qu’est-ce qui peut bien se passer ? Après plusieurs minutes, inquiète de ce qu’il a bien pu se passer, je sors de l’eau, m’habille rapidement et file dans la chambre du petit garçon. Je me suis inquiétée pour rien. En arrivant, je découvre mon ancienne petite amie, là, en train d’essayer de le changer. Amusée par la scène, un large sourire se dessine sur mon visage. Mais je n’interviens pas, pas encore. Si la jeune femme m’a proposé de prendre le relai durant un petit moment, ce n’était sûrement pas pour m’avoir sur le dos. Mais après de longues secondes là, à les regarder, je ne peux m’empêcher de signaler ma présence. « Ça va ? Tu t’en sors ? » Afin de vérifier par moi-même, je me rapproche de la table à langer. « C’est plutôt bien. Tu as compris com.. » Comment. Voilà ce que je voulais dire. Même si ce geste est vu et revu à la télévision, c’est beaucoup moins facile que ce qu’il n’y paraît. Alors je me demandais comment la jeune femme avait réussi, me cachait-elle un talent inné avec les enfants ? Mais avant de pouvoir finir ma phrase, je remarque son téléphone posé sur la table à langer. « Un tuto, vraiment ? » Je la regarde, un large sourire sur les lèvres. L’avoir ici, c’est vraiment apaisant et ça se voit facilement chez moi. « Je te laisse finir du coup, tu es si bien partie. » Elle est en si bon chemin, ça serait quand même dommage de l’interrompre. « Je vais aller faire à manger. Tu restes avec nous ? » Je pose la question, plus par politesse qu’autre chose : je ne compte pas la laisser partir comme ça. Pour la remercier de ce petit moment, sûrement, pour l’avoir un peu plus avec moi, assurément. Je quitte le petit garçon et la jeune femme pour redescendre dans la pièce de vie. Sans plus attendre, je commence à m’activer en cuisine, préparant un repas qu’affectionne la brune.

« Tu es sûre ? » me demande-t-elle, les yeux humides. Oui, je le suis. Qu’elle en profite, c’est mon jour de bonté. Je la laisse tranquille, prendre un peu de temps pour elle, je pense qu’elle en a cruellement besoin. Je ne suis pas mère et je ne peux qu’imaginer, mais déjà quelques minutes et je suis dépassée. Alors j’imagine qu’elle… laisse tomber. Mais finalement, je crois que je m’en tire pas si mal, j’arrive à me débrouiller, et on dirait bien qu’elle a raison. Ce p’tit gars m’aime bien. Il se laisse faire alors que je galère, ça a même l’air de l’amuser. « Ça va ? Tu t’en sors ? » Je suis du genre habituée aux surprises, je ne sursaute pas facilement. Mais là j’étais tellement concentrée que je suis surprise par la voix d’Ainhoa. « Oui oui. » Je m’en sors. Je la sens s’approcher, pendant que la voix de la nana continue son cours de changement de couche sur mon téléphone, posé en équilibre sur le côté de la table à langer. « Un tuto, vraiment ? » demande-t-elle en souriant. Je tourne la tête pour la regarder, une main sur le ventre du petit garçon pour ne pas qu’il bouge. « Aux grands maux les grands remèdes ! » Ça me servira pas à grand chose de savoir changer une couche, sauf si mon frère devient papa et que je dois m’occuper d’un potentiel neveu ou nièce, mais on en est pas encore là. « Je te laisse finir du coup, tu es si bien partie. » Maintenant que j’ai presque fini… Il me reste plus qu’à attacher ce machin de la mort, et rhabiller l’enfant. On se retrouve demain quoi. « Je vais aller faire à manger. Tu restes avec nous ? » Je me retourne à nouveau pour la regarder, hésitant un instant. Mauvaise idée. « Je euh… oui. Pourquoi pas. » Mauvaise, très mauvaise idée. Je me pince la lèvre en me retournant et j’entends Ainhoa rejoindre la cuisine. Je m’adresse alors au petit Matteo. « J’aurai dû dire non. T’en penses quoi toi ? Tu t’en fous, tu la vois tous les jours ta mère. Ouais bah moi pas. Et elle me manque tu vois. » Je soupire un peu, secouant la tête pour moi-même. J’accroche la couche et me bats avec les pressions du pyjama. L’angoisse ce machin. Mais j’y arrive finalement, et récupère le bonhomme dans mes bras, puis mon téléphone dans ma poche avant de retourner dans la pièce à vivre. « J’pense que j’peux concourir au temps le plus long passé à changer une couche… C’est pas glorieux ! » Oui mais en attendant, pas de pleurs du petit gars. Je le repose dans son transat et le rattache comme il faut pour éviter une catastrophe. Ça commence déjà à sentir bon dans la cuisine. Je rejoins mon ex petite amie et naturellement glisse une main dans son dos en me rapprochant, sans même y réfléchir, comme un réflexe. « Tu as besoin que je t’aide à faire quelque chose ? »

La scène qui se trouve face à moi a tendance à me faire sourire. Nell n'est clairement pas dans son environnement ici et ça se voit, mais elle ne baisse pas les bras. Ça ne m'étonne pas vraiment, elle a été et sera toujours comme ça. Je m'avance d'eux, de ces deux personnes qui comptent le plus pour moi. En voyant la technique utilisée par la jeune femme, je ne peux m'empêcher de faire une remarque. « Aux grands maux les grands remèdes ! » Nell a été sur des champs de bataille, ce n'est pas une couche qui va lui mener la vie dure. Elle ne s'y connaît pas ? Aucun problème, elle apprendra seule. Sur sa lancée, je ne souhaite pas l'interrompre. Et qui sait, si elle s'attache à Mateo, elle passera peut-être plus souvent ici. Quoiqu'il en soit, ce qui compte pour l'instant, c'est le moment présent. Alors pour la remercier et aussi parce que l'heure du repas approche, je lui propose de rester manger ici. « Je euh... oui. Pourquoi pas. » Je ne sais pas si j'aurai accepté une réponse négative. J'aurais dû, mais sûrement après avoir insisté un peu, en ayant réitéré la demande au moins une fois. Je les laisse tous les deux et redescends. Je commence alors à sortir différents ustensiles pour cuisiner. Alors que je commence à faire revenir la viande dans une poêle, Nell revient, mon fils dans ses bras. « J'pense que j'peux concourir au temps le plus long passé à changer une couche... C'est pas glorieux ! » « Je pense que tu t'en es très bien sortie. Enfin.. on pourra juger de cela s'il y a un incident. » J'entends par cela une éventuelle fuite ou pire, une couche qui déborde. Inutile de parler de choses qui pourraient nous couper l'appétit, surtout si proche du repas. Mon ancienne petite amie dépose le garçon dans son transat et vient ensuite vers moi, déposant l'une de ses mains dans le bas de mon dos. Par réaction, un frisson parcourt mon corps. « Tu as besoin que je t'aide à faire quelque chose ? » Ce n'est qu'une main, un contact anodin, je ne dois pas me faire de films. Alors je me concentre et regarde autour de moi pour savoir ce qu'elle pourrait faire. « Je veux bien que tu coupes les tomates. J'ai bientôt terminé avec la viande, on pourra les ajouter directement après. » J'accompagne mes paroles d'un sourire. Puis à deux, nous continuons la préparation du chili. Plus les minutes passent et plus l'odeur dans la pièce est agréable. « Tu veux goûter ? » Dis-je, alors que je lève une cuillère remplie du plat vers elle, ma main positionnée en dessous pour ne pas en faire tomber partout. « Il s'est endormi, je vais aller le coucher dans sa chambre. Tu peux préparer les couvert en attendant ? » Depuis quelques temps, nous n'entendons plus de bruits et en regardant par-dessus l'épaule de Nell, j'ai remarqué ses yeux fermés. Je repose la cuillère et vais récupérer Mateo. Je veille à ne pas le réveiller, je monte l'escalier et le dépose dans son lit. Avant de redescendre, je fais attention à bien mettre en marche le baby-phone. La jeune femme est avec moi, alors forcément, j'ai un peu la tête en l'air, mais ça serait dommage de passer à côté d'un réveil du petit garçon. « Voilà, nous ne sommes plus que toutes les deux. »

« Je pense que tu t'en es très bien sortie. Enfin.. on pourra juger de cela s'il y a un incident. » J’arque un sourcil. « Tu me crois si nulle que ça ? » Je ris légèrement, parce que oui, franchement, un accident pourrait bien arriver, et je suis sûre que ça arrive même aux meilleures mères qui soient. Enfin, moi je suis pas sa mère, mais je veux dire que… Bref. Je rejoins mon ex petite amie dans la cuisine et lui propose un coup de main, sans faire attention à mon geste qui semble aussi naturel qu’il l’a toujours été. Et pourtant. « Je veux bien que tu coupes les tomates. J'ai bientôt terminé avec la viande, on pourra les ajouter directement après. » Je hoche la tête et m’exécute. L’odeur devient de plus en plus agréable, et mon ventre gargouille légèrement. Elle me demande si je veux goûter, approchant la cuillère de mon visage. Je hoche la tête et trempe d’abord mes lèvres pour être sûre de ne pas me brûler, avant de goûter véritablement. « Hummm, un délice. » On va se régaler. Ainhoa a l’air fière d’elle, tant mieux. Un regard vers son fils, il est l’heure d’aller le coucher, je hoche la tête quand elle me propose de mettre le couvert pendant qu’elle va coucher son fils.
Je termine de mettre le couvert alors que la jeune femme redescend, baby-phone à la main. « Voilà, nous ne sommes plus que toutes les deux. » Je lui offre un petit sourire. Je sais pas pourquoi je suis restée, ni même pourquoi ça me fait plaisir de passer du temps avec elle. Je m’étais promis de ne pas faire ce genre de chose, parce que ça peut conduire à autre chose. Et je ne suis pas, et ne serai jamais prête à vivre avec un enfant. A jouer un rôle de mère alors que je ne le suis pas. Matteo est son fils, il le sera toujours. Mais moi, je ne serai jamais sa mère. Je sais qu’Ainhoa en rêve, j’ai bien vu son regard pétiller d’une manière différente quand elle m’a vue avec son fils dans les bras. Mais moi, c’est au dessus de mes moyens. Je n’ai jamais voulu d’enfants, et je n’en veux toujours pas.
Je laisse la jeune femme s’installer et vais chercher le plat pour nous servir. Après tout, j’ai vécu ici autant qu’elle, je suis un peu chez moi, d’une certaine façon. En tout cas, j’agis comme tel. Je nous sers toutes les deux avant de reposer la casserole sur un dessous de plat, au milieu de la table. « Bon appétit. » Je me jette presque sur le plat en faisant des petits bruits d’appréciation. « Je pensais, tu as une nounou pour le petit ? » Merde, la question sous-entend peut-être des trucs qu’il ne fallait pas, je le vois dans son regard. Si elle imagine que je vais me proposer pour le garder de temps en temps, c’est niet. « Peut-être que tu devrais trouver quelqu’un pour le garder de temps en temps, histoire de t’aérer un peu l’esprit ? Je suis sûre que tu serais encore capable de me battre au bowling. » Je lui offre alors un sourire. Cette fois, le sous entendu est équivoque. J’aimerai pouvoir faire de nouveau des choses avec elle. Mais sans son fils. Je ne peux rien lui offrir d’autre. Pour le moment.

« Tu me crois si nulle que ça ? » Je n'irais pas jusque là, mais à en voir son attrait pour les enfants, il n'est pas difficile d'arriver à une telle conclusion. Ce n'est d'ailleurs pas un reproche. Au début, j'étais un peu comme elle, j'appréhendais ce moment, puis avec le temps et les répétitions, j'ai commencé à m'y faire. Maintenant, je pourrais même changer une couche la nuit, sans lumière. Redescendue à l'étage, je commence à m'atteler en cuisine et je suis rapidement rejointe par Nell qui se propose pour m'aider. Ce n'est pas la première fois que nous faisons la cuisine ensemble, malgré les absences répétées de la jeune femme à cause de son métier, nous avons toujours pris plaisir à faire des choses ensemble lorsqu'elle était là. Durant la préparation, Mateo finit par s'endormir sur son transat. Afin de ne pas perturber son sommeil et de profiter au maximum de ce moment de calme qu'il nous accorde, je décide de le monter dans sa chambre. Il n'y a plus qu'à espérer que ce changement d'endroit ne l'empêche pas de faire correctement sa sieste. En redescendant, la table est mise et je ne peux m'empêcher de sourire. Pendant un temps, j'ai l'impression d'être revenue dans le passé, comme si rien n'avait changé entre nous. Je prends place face à une assiette et laisse la brune en faire autant. « Bon appétit. » Dit-elle avant de commencer à manger. Très vite, je l'imite et déguste à mon tour le plat. « Je pensais, tu as une nounou pour le petit ? » Quelque peu surprise par la question, je relève la tête vers elle. « Peut-être que tu devrais trouver quelqu'un pour le garder de temps en temps, histoire de t'aérer un peu l'esprit ? Je suis sûre que tu serais encore capable de me battre au bowling. » Un sourire se dessine naturellement sur mes lèvres. Est-elle vraiment en train de me proposer de sortir ? Le dire à haute voix risque de compliquer les choses, alors j’essaye d’agir comme si de rien était, comme si c’était tout à fait normal de l’entendre me dire cela. Ça l’est peut-être après tout ? Avec tout ce qu’il s’est passé, je vois peut-être le mal partout. « Avec la reprise de mon boulot qui approche, je vais bien devoir trouver une solution. Je pensais l’inscrire à la crèche. » Je ne vais pas rester ici toute ma vie, pour mon bien, mais aussi pour le sien, j’ai besoin de retourner au boulot, d’avoir autre chose que ces deux étages ici. « Mais une baby-sitter de temps en temps, pour sortir, c’est une très bonne idée. Je ne voudrais pas que tu gagnes suite à un forfait. » Dis-je amusé, laissant la porte ouverte à une possibilité de se revoir. De nous deux, je suis sûrement celle qui se jetterait le plus facilement dans un tel plan, qu’il soit merdique ou non. Je suis toujours amoureuse d’elle, rien n’a changé là-dessus, alors je prends tout ce qu’elle peut m’offrir. « Je suis contente que tu sois là. » Cette phrase s’échappe de mes lèvres avant que je vienne prendre une nouvelle bouchée de chili. « Comment ça se passe de ton côté ? » La dernière fois où nous nous sommes vues, Mateo est venu au monde, alors autant dire que toute l’attention s’est portée sur lui, mais je n’oublie pas Nell et tout ce par quoi elle doit passer. « Tu vas repartir ? » Ces quelques mots sont difficiles à sortir. Peut-être parce que malgré la rupture, la voir repartir sur le champ de bataille aura le même effet que lorsque nous étions en couple.

Je sais pas bien ce qui me prend de poser une question pareille. Mais c’est venu naturellement, alors autant laisser les choses se faire comme tel. J’ai envie de passer un peu de temps avec elle, sans son fils. C’est trop demander ? Je sais que maintenant il est là, et qu’elle sera pour toujours désormais une mère, en plus d’être une femme. Je dois l’encaisser, surtout si je continue d’imaginer qu’on pourrait se retrouver, au moins un peu. « Avec la reprise de mon boulot qui approche, je vais bien devoir trouver une solution. Je pensais l’inscrire à la crèche. » Je hoche la tête tout en continuant de manger. La crèche c’est une bonne idée, ça lui libèrerait un peu de temps, mais ça reste sur ses horaires de boulot, et le soir, il est toujours là avec elle. « Mais une baby-sitter de temps en temps, pour sortir, c’est une très bonne idée. Je ne voudrais pas que tu gagnes suite à un forfait. » Je laisse échapper un petit rire amusé, heureuse qu’elle considère la question, proposition à demi-mot. « C’est vrai que ce serait pas très glorieux. J’attends mieux de ta part. » Un sourire complice échangé, et je termine mon assiette avec appétit. « Je suis contente que tu sois là. » Je ne réponds rien à ça, me contente simplement de lui adresser un regard lourd de sens. Moi aussi je suis heureuse de passer un peu de temps avec elle, même si je n’étais pas venue là dans cette optique. « Comment ça se passe de ton côté ? Tu vas repartir ? » Je sens une sorte de détresse dans sa voix, il y a toujours cette peur qu’il m’arrive quelque chose, je le sens. Mais une petit voix dans ma tête me dit que c’est aussi en mon absence qu’elle a pris du bon temps, et qu’est arrivé ce qui est arrivé. Alors je me sens partagée dans mes propres sentiments. « Oui. » Je m’essuie la bouche avec la serviette et me laisse retomber contre le dossier de la chaise, sans la lâcher des yeux. « Dans trois semaines. Je suis en plein entraînement pour retrouver ma condition physique. » Ce boulot fait partie de ma vie, et j’avais appris à jongler avec, jusqu’à ce que la femme que j’aimais -et que j’aime toujours - ne décide de tout détruire. Même si selon ses dire, elle n’a rien décidé. Mais le résultat est le même. « J’pense que ça va me faire du bien. J’ai besoin d’air un peu… » En même temps, mon retour a été chaotique. Rentrer blessée, apprendre que ma petite amie est enceinte, assister à son accouchement. Tout ça, c’était loin de ce que j’avais prévu quand je pensais rentrer pour la retrouver. Mais la vie en a décidé autrement. « Si tu veux me plumer au bowling, va falloir faire ça avant. » On sait jamais ce qui pourrait m’arriver en mission, c’est toujours l’incertitude, on le sait aussi bien l’une que l’autre.

Lorsque Nell me propose cette partie de bowling, c'est comme une porte qui s'ouvre. Je sais néanmoins que ce ne sera pas facile. D'ailleurs, rien ne dit que ça finira par mener à quelques choses : même si elle a passé quelques minutes à s'occuper de Mateo, la jeune femme ne veut pas d'enfants dans sa vie. Mais là, à ce moment précis, ce n'est pas ce qui compte. La jeune femme me propose une sortie ensemble, je dois m'arranger pour pouvoir accepter. « C'est vrai que ce serait pas très glorieux. J'attends mieux de ta part. » Le bowling, c'est l'une des premières choses que nous avons faite ensemble et c'est aussi un rendez-vous que nous avions l'habitude de prendre lorsqu'elle revenait. En parlant de ça, maintenant que Nell va mieux, il est logique que l'armée veuille que la jeune femme reparte. Maintenant, ça ne me concerne plus et pourtant, il est toujours autant difficile pour moi d'en parler. Mais c'est une partie d'elle, alors parler de sa vie, c'est aussi aborder ce sujet. « Oui. Dans trois semaines. Je suis en plein entraînement pour retrouver ma condition physique. » Concentrée sur mon assiette, je relève doucement la tête. « Trois semaines ? » Mais.. c'est tellement court trois semaines. Elle va bientôt repartir et je vais définitivement la perdre. Cela a toujours été difficile de lui dire au revoir, mais là, ce sera différent, je vais être obligée de lui dire au revoir, sans être sûre de la revoir après. « J’pense que ça va me faire du bien. J’ai besoin d’air un peu… » Je ne peux pas lui reprocher cela. Son métier, c’est quelque chose qui la remplit de joie. Pour beaucoup d’entre nous, ça pourrait paraître étrange, prendre l’air sur un champ de bataille, vraiment ? Là-bas, elle se sent entière, utile. Elle s’y sent bien et après tout ce qui est arrivé, elle a besoin de retourner avec ses amis et collègues. « Tu repars vite.. » Même si ça ne me regarde plus, je ne peux m’empêcher de partager ma détresse face à cette nouvelle. Mais n’étant pas au centre de l’attention, je reviens rapidement au sujet initial. « Tu vas pouvoir refaire ce que tu aimes. » Un sourire, timide, se dessine sur mes lèvres. « Si tu veux me plumer au bowling, va falloir faire ça avant. » C’est l’occasion ou jamais, je dois en profiter. « On pourrait se faire ça la semaine prochaine ? Ça te laissera du temps après pour te préparer. » Ou d’autres moments pour que l’on se revoit, si l’envie lui dit. « La perdante invite l’autre à dîner après ? » Rajouter ce petit défi, ça rend la chose plus intéressante et je ne voudrais pas que ce rendez-vous s’arrête à une partie de bowling. Le repas terminé, je laisse Nell partir. Elle est restée beaucoup plus longtemps que prévu, je ne vais pas en plus lui demander de m’aider pour la vaisselle. Mais le rendez-vous est pris, nous allons très vite nous revoir.