urbex time (loumi #2)

À la maison, les choses ne se sont pas améliorées. Ma mère continue encore et encore de me dire de faire des efforts suite à l’arrivée de Lou. Mais cette dernière ne peut s’empêcher de me pousser à bout à chaque seconde qui s’écoule, elle se surpasse, vraiment. Surtout que maintenant, elle a commencé à sympathiser avec mon petit frère et clairement, ça m’énerve au plus haut point. Oui, je suis jalouse, c’est officiel. Alors aujourd’hui, après les cours, j’ai décidé d’aller me vider l’esprit un peu, d’aller là où je me sens bien : dans des lieux abandonnés, interdit d’accès. Il est vrai que dit comme ça, ça sonne un peu louche. Mais ce qui est bien dans ces endroits, c’est qu’il n’y a personne et je suis libre de faire tout ce que je veux. Ça tombe plutôt bien en plus, je n’ai pas entraînement aujourd’hui. Lors de mon dernier cours, je suis concentrée sur les aiguilles de l’horloge de la salle. J’aimerais qu’elles tournent à une vitesse folle, mais le cours est barbant et il semble au contraire les ralentir. Quand la sonnerie retentit, je glisse mes affaires dans mon sac et je file à toute vitesse direction le spot que j’ai repéré hier. Non loin de l’école, il ne me faut qu’une demi heure pour m’y rendre. Il s’agit de la partie la plus facile. Maintenant, il faut trouver une entrée et espérer qu’elle ne soit pas trop visible. Il faut quand même se souvenir que faire cela est interdit par la loi. Après avoir tourné autour du lieu durant deux bonnes dizaines de minutes, j’arrive enfin à pénétrer à l’intérieur : une gare abandonnée, remplie de graffitis. Une chose est sûre, je ne suis pas la première à venir ici. Je m’avance doucement, regardant attentivement ce qui se trouve devant moi. Jusqu’à ce que j’entende un bruit dans mon dos. Je m’arrête nette, craignant le pire. Lorsque je me retourne, je tombe sur Lou. Encore. « Tu m’as fait peur ! Tu es folle ou quoi. » Mon coeur bat à toute allure. Je m’imaginais déjà devoir finir ma nuit au commissariat et devoir me justifier auprès de mes parents. J’aurais certainement été privée de sortie, enfin.. ça aurait sûrement été la plus petite des punitions. « Tu m’as suivi depuis l’école ? Mais il faut te trouver une vie. » Je ne vois que ça comme explication, même si ça me paraît encore très abstrait. Pourquoi voudrait-elle me suivre de la sorte ? « C’est bon, tu as vu, tu peux partir maintenant. » Après la peur, suite à la surprise, c’est maintenant la colère qui s’empare de moi. Si je suis venue ici, c’est pour être seule, ce n’est clairement pas pour me retrouver avec elle. Surtout pas avec elle. « Pour me faire chier, tu fais de mieux en mieux quand même. Tu devrais avoir une médaille je pense. » Je lui souris, faussement, avant de me retourner et d’avancer un peu plus dans le lieu. Maintenant que je suis ici, je ne vais quand même pas abandonner sous prétexte qu’elle est ici aussi.

La situation n'est pas plus facile pour moi, mais elle n'est pas pire non plus. Entre mes rendez-vous "obligatoires" chez le psychologue, les conflits avec Yumi et les journées de cours interminables… ouais ça fait pas rêver. Même si pour Yumi, il faut dire que je cherche un peu aussi. Mais c'est plus fort que moi, ça m'amuse de la faire chier. J'adore la gueule qu'elle tire quand elle me voit, je vous jure c'est vraiment trop drôle. Et récemment j'ai trouvé un nouveau terrain de jeu pour la faire chier ; son petit frère. Ouais parce que je l'aime bien celui-là. Et j'ai pu remarquer que ce n'était pas au goût de la jeune fille que de me voir me rapprocher de lui. Jalousie ? Et oui encore. Mais à côté de ça, je me sens chaque jour sombrer un peu plus. Je ne vais pas bien, j'en suis consciente mais je ne fais rien pour que ça change. Parce que s'auto-détruire est beaucoup plus facile que de continuer à se battre. Lutter, à quoi bon ? Je n'ai plus réellement de raison de le faire à présent. Même si je ne suis théoriquement pas seule, je le suis profondément. Entièrement. Et c'est ce qui me rend surement aussi conne avec les gens. Je n'ai envie de m'attacher à personne, et encore moins que quelqu'un puisse ne serait-ce s'attacher à moi. Hors de question. Alors je joue les filles insupportables, la meuf hautaine que rien ne semble atteindre. Qu'on me déteste pour me faire sentir vivante. C'est un peu ça quand on y pense. Bref, c'est moi. A prendre ou à laisser. Mais aujourd'hui au lycée, je préfère me faire un peu discrète. Je tente même de jouer les invisibles, jusqu'à ce que la sonnerie retentisse et que l'empressement de Yumi m'intrigue. C'est pas comme si on devait forcément rentrer l'une avec l'autre, même si c'est ce que sa mère aimerait en soit. Mais là, elle ne prend pas le chemin de la maison. Et c'est ça qui titille ma curiosité. Est-ce qu'elle se précipite aussi vite pour rejoindre son parfait petit ami ? Je n'y crois pas une seule seconde. Mais alors où va-t-elle ? Je reste à quelques longueurs d'elle pour la suivre, intriguée. Après une petite demi-heure, je la vois finalement pénétrer dans ce lieu abandonné. Et pas très rassurant en soit. En vrai ça m'inquiète, et je crois qu'inconsciemment j'ai même un peu peur pour elle. Comme un sentiment incontrôlé de protection à son égard. Pourquoi devrais-je m'inquiéter pour elle ? Je vous jure, des fois je suis un peu bizarre. J'entre à mon tour, essayant de voir ce qu'elle compte trafiquer ici, mais je me prends les pieds dans un truc au sol. Yumi se retourne à cause du bruit, alors que je lève les bras au ciel en mode "surprise". Grillée. « Tu m’as fait peur ! Tu es folle ou quoi. » Je laisse échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. « Tu m’as suivi depuis l’école ? Mais il faut te trouver une vie. » C'est vrai que ça fait un peu glauque dit comme ça. « C'était pas vraiment prévu mais ouais je suis là. » Comme si c'était tout à fait normal en soit de l'avoir suivi. Ouais… ou pas. « C’est bon, tu as vu, tu peux partir maintenant. » Ah non, pas tout de suite. C'est maintenant que ça devient intéressant. « Pour me faire chier, tu fais de mieux en mieux quand même. Tu devrais avoir une médaille je pense. » Un large sourire se dessine sur mes lèvres, victorieuse. « Tu m'expliques ce que tu fais ici ? » Bah ouais, ça m'intéresse. « C'est ton repère secret ? Genre tu viens là pour retrouver Sacha en douce ? » Je fais mine de jeter un œil aux alentours comme si je pensais sérieusement qu'il se cachait là quelque part. « Je suis prête à filmer vos retrouvailles, il peut sortir de sa cachette. » Je sors mon téléphone portable, activant le mode vidéo avant de crier le prénom de son petit ami sans aucune discrétion. « SACHA ! » Ma voix résonne entre les murs, et à en voir la réaction de Yumi je crois que je devrais plutôt me taire. Je suis pas certaine que notre présence ici soit légitime. Je mets une main sur ma bouche en rigolant un peu, dans une grimace pas tellement désolée.

Cet endroit n’est pas le premier spot d’Urbex que je fais et pourtant, dès que j’entends un bruit dans mon dos, je suis complètement tétanisée. Il ne faut pas oublier que je ne suis pas censée être ici, si ça se trouve, il s’agit de policiers qui m’ont suivi et qui sont venus m’arrêter pour me faire comprendre que ce lieu est une propriété privée. En me retournant, je ne tombe pas sur des personnes en uniformes, mais sur Lou et finalement, je crois que c’est pire. Si elle est ici, c’est forcément parce qu’elle m’a suivi et pour le coup, je ne comprends pas vraiment pourquoi elle a fait ça. Elle ne me supporte pas, alors pourquoi vouloir me suivre ? « C'était pas vraiment prévu mais ouais je suis là. » Je soupire légèrement. Je tente de la dissuader de rester, je lui propose même de partir, mais ce serait mal la connaître de penser que ce serait aussi simple. « Tu m'expliques ce que tu fais ici ? C'est ton repère secret ? Genre tu viens là pour retrouver Sacha en douce ? » Mon regard se pose dans le sien et je me dois de le tenir. Si jamais je ne le fais pas, je crains qu’elle comprenne que tout ceci n’est qu’un mensonge. Il faut dire que nous ne renvoyons pas l’image du couple parfait, ou à l’inverse, nous jouons peut-être au couple trop parfait. N’ayant jamais été avec quelqu’un, je ne peux pas vraiment savoir comment agir, j’en fais peut-être des tonnes avec lui. « Je suis prête à filmer vos retrouvailles, il peut sortir de sa cachette. » Je viens croiser mes bras contre ma poitrine et je la regarde jouer la comédie. Elle devrait faire actrice plus tard, elle arrivera peut-être à faire quelque chose. « SACHA ! » Je fronce légèrement les sourcils et serre la mâchoire. « Arrêtes. Il n’est pas là et il ne viendra pas. » Mais ça, je suis sûre qu’elle s’en doutait déjà, sinon elle n’aurait pas fait tout cela. « Personne ne viendra. Enfin ça, c’est ce que je croyais. » Et pourtant, elle est là elle, toujours quand on ne l’attend pas. « Si tu veux rester ici, arrêtes de faire du bruit. Si nous nous faisons arrêter, nous pourrions finir la journée au commissariat. » Elle m’a suivi, mais elle doit sûrement ignorer où nous nous trouvons. « Logiquement, nous n’avons pas le droit d’être là. » Dans le fond, c’est ce qui rend ce genre d’escapade intéressant. Sans ce danger, je suis sûre que beaucoup moins de personnes pratiquerait l’urbex. « Si ça te fait peur, tu peux toujours partir. » Tant qu’elle ne raconte pas cela à mes parents, ça me va. Et puis, ça m’arrangerait qu’elle parte, je comptais faire cette sortie seule, alors sa présence me dérange un peu. « Si tu restes, ne fait rien d’idiot. Ce lieu est abandonné, mais il appartient à quelqu’un, alors dans l’idéal, il ne faut rien abîmer. » Qu’elle parte ou qu’elle reste, finalement ça m’importe peu. Je vais continuer sans me soucier d’elle et ce sera parfait. Très vite, je mets mes mots à exécution et je reprends ma visite là où Lou m’a arrêtée. Je récupère une lampe torche dans mon sac et je m’avance doucement vers l’une des pièces sombres de cet endroit. À entendre les pas derrière moi, la brune a finalement décidé de rester ici. « Ça doit rester entre nous. Tu dois bien te douter que mes parents ne sont pas au courant. » Ils ne sont pas les plus stricts sur Terre, mais ils n’en sont pas moins non protecteurs. S’ils apprenaient ce que je fais, il y a bien longtemps qu’ils me l’auraient interdit.

C'est quoi exactement cet endroit ? Je comprends facilement qu'il s'agit là d'un lieu abandonné, mais ça ne m'aide pas à savoir ce que ma soeur d'accueil (on peut dire ça non ?) fout ici. Et ça, ça m'intrigue. Je ne m'en irais pas d'ici tant que je ne saurais pas ce qu'elle trafique. C'est possible qu'elle soit là pour retrouver quelqu'un. Même si, entre nous, c'est un peu glauque comme lieu de rendez-vous. Mais pourtant, je suis intimement convaincue qu'il ne s'agit pas de ça. Ou alors ce n'est pas de Sacha que l'on parle. Quelqu'un d'autre ? Peut-être suis-je à deux doigts de mettre la main sur un scoop, qui sait ? Ouais mais non. A en voir sa réaction, elle ne s'attendait pas à avoir de la compagnie. Raté, je suis là maintenant. Toujours en première ligne pour lui pourrir la vie. Lou, à votre service. Je m'amuse de la situation, en faisant mine de chercher Sacha dans les parages, joignant les actions à la parole. Elle me regarde d'un air réprobateur, et je ne peux m'empêcher de sourire. « Arrêtes. Il n’est pas là et il ne viendra pas. » Oh non, tristesse. « Quel dommage. » Je fais une moue faussement dépitée. « Personne ne viendra. Enfin ça, c’est ce que je croyais. » Alors que fait-elle ici exactement ? « Si tu veux rester ici, arrêtes de faire du bruit. Si nous nous faisons arrêter, nous pourrions finir la journée au commissariat. Logiquement, nous n’avons pas le droit d’être là. » Je me doutais bien par sa réaction que j'aurais mieux fait de me taire. Arrêter de faire du bruit en faisant la conne. Mais ça ne m'empêche pas de rester surprise que la jeune fille soit capable de faire un truc 'interdit'. « Si ça te fait peur, tu peux toujours partir. » Elle est sérieuse là ? « Oh mon dieu, je suis morte de trouille. » Je joue les pleureuses avant de rire un peu. « Tu m'as inconsciemment fait venir ici pour te débarrasser de moi, c'est ça ? » Genre elle a fait exprès d'agir bizarrement, pour attiser ma curiosité et que je la suive jusqu'ici. Bien joué. Je suis sûre qu'au fond, elle en rêverait. Même pas peur. « Si tu restes, ne fait rien d’idiot. Ce lieu est abandonné, mais il appartient à quelqu’un, alors dans l’idéal, il ne faut rien abîmer. » Je me mets alors au garde à vous en faisant l'incontournable salut militaire. « Ok capt'ain. » Ouais… je suis fatigante. Mais elle ne va pas se débarrasser de moi comme ça. Elle continue son chemin sans se soucier de moi, et j'empresse le pas. Il fait sombre, on voit rien, mais Yumi a apparemment tout prévu puisqu'elle sort une lampe torche de son sac. Ok, c'est une experte. « Ça doit rester entre nous. Tu dois bien te douter que mes parents ne sont pas au courant. » Ah ça, oui. « T'es déjà venue dans ce genre d'endroit ? » J'ai plus ou moins déjà entendu parler de cette pratique, l'urbex je crois. Mais je ne savais absolument pas que Yumi était une adepte. On en apprend tous les jours. En soit, je ne la connais pas en profondeur. Je ne sais pas grand chose sur elle, mais je ne demande qu'à en apprendre plus. Ouais c'est un peu bizarre pour moi que de l'avouer, mais si je suis là, ce n'est peut-être pas vraiment un hasard. Je l'entends soupirer, et avant même qu'elle prenne le temps de répondre je viens rajouter. « Bon ok, je peux me taire si tu préfères. » Et pourtant j'enchaine déjà. « Mais c'est une grande première pour moi alors forcément ça m'intéresse. » Je fais pas semblant là, ça m'intéresse vraiment. Comme quoi, tout arrive. Ça serait si étonnant que ça de nous voir partager un truc ensemble ? En dehors des cours et de la natation j'entends. Quelque chose de plus personnel, plus intense.

Comme bien souvent en ce moment, avoir Lou dans mes pattes ne me plaît pas. Elle est vraiment pire qu'un pot de colle. « Quel dommage. » À son expression, je comprends bien vite qu'elle est ironique. Mais finalement, est-ce que ça me surprend vraiment ? Quoiqu'il en soit, maintenant qu'elle est ici, je sais bien qu'elle ne va pas me lâcher facilement. Me faire chier est devenu son passe-temps préféré, alors pourquoi passer à côté d'une si belle opportunité aujourd'hui. « Oh mon dieu, je suis morte de trouille. » Elle dit ça là, mais c'est parce qu'il fait encore relativement jour. Je ne sais pas si elle réagirait de la même manière à la nuit tombante, dans un ancien hôpital psychiatrique. Lou fait la fille forte, mais je suis sûre qu'elle a certaines failles. « Tu m'as inconsciemment fait venir ici pour te débarrasser de moi, c'est ça ? » Maintenant qu'elle en parle, ça ne serait pas une si mauvaise idée. Doucement, je hausse les épaules. Elle veut jouer, on peut jouer. Avant de continuer, je la préviens de ce qu'il ne faut pas faire. Si jamais on se fait arrêter et qu'en plus de ça, le lieu a été dégradé, alors on risque beaucoup. « Ok capt'ain. » Encore une fois, j'ai l'impression qu'elle ne prend pas les choses sérieusement et ça commence doucement à me taper sur le système. Mais sans un mot de plus, je poursuis la découverte que j'ai commencée un peu plus tôt. Je pense alors au fait que mes parents ne doivent pas être au courant de ça. Ça me semble logique, mais sait on jamais avec elle. « T'es déjà venue dans ce genre d'endroit ? » Quoi ? Elle s'intéresse à autre chose qu'à elle maintenant ? Ce n'est pas l'endroit pour faire ça, nous ne sommes pas ici pour papoter autour d'un thé. Alors je reste silencieuse et m'aventure un peu plus dans l'obscurité. Nous commençons à rentrer dans la partie intéressante de son lieu. Grâce à la lampe torche, je remarque qu'il y a des escaliers face à nous. Alors je ralentis, histoire que Lou ne se prenne pas les pieds dedans et dégringole d’un ou plusieurs étages. « Bon ok, je peux me taire si tu préfères. » Naturellement, je hoche la tête. Mais très vite, elle poursuit, provoquant chez moi un nouveau soupire. « Mais c'est une grande première pour moi alors forcément ça m'intéresse. » « Ce n’est pas ma première fois. » Je suis assez directe dans ma réponse. Elle voulait savoir, elle sait maintenant. Point. On peut s’arrêter là. Pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, à ce moment précis, j’ai envie de parler un peu plus. Peut-être parce que finalement, je n’ai personne avec qui évoquer l’urbex. « Il fut un temps où j’avais besoin de ça pour me sentir mieux. » Lou ne me connaît pas, enfin pas comme ça. Elle ne connaît qu’Yumiko de l’école ou de la natation, elle ignore ce que j’ai pu vivre avec la maladie de ma sœur. « Je me promenais simplement la première fois où je suis arrivée dans un tel lieu. Ça n’allait pas forcément chez moi et j’avais besoin d’être seule, de souffler un peu. » Je voulais pouvoir mettre tout ce qui me pesait sur l’esprit de côté. Dans ces lieux abandonnés, j’avais l’impression de laisser mes problèmes dehors et c’est ce qui me faisait du bien. « Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai trouvé ça tellement beau que j’ai recommencé. Une fois, puis deux. Et désormais, je ne compte plus vraiment. » J’en fais peut-être un peu moins en ce moment, surtout avec l’école qui a repris, mais même sans les visiter, je passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux à observer de potentielles futures visites. « T’avoir à l’appartement, ça m’a donné envie d’en faire un aujourd’hui, un urbex. » Au moins, je suis honnête avec elle, elle ne pourra pas me reprocher le contraire. « Nous sommes dans une gare abandonnée, même si pour le coup, ça ne saute pas aux yeux. »

Mes allures d'ado hautaine, qui ne s'intéresse à rien d'autre qu'à elle-même ne sont pas totalement réelles. Disons que j'aime beaucoup jouer avec les apparences, rester mystérieuse aussi. En réalité j'adore découvrir de nouvelles choses, faire des expériences, tout ça. J'ai toujours besoin de nouveauté, faut que ça bouge dans ma vie. C'est pour ça peut-être que je joue les filles insupportables. Il faut bien que je dépense mon énergie d'une manière ou d'une autre. Et si Yumi est en quelques sortes mon pushing-ball, c'est peut-être pas pour rien. Il y a des gens que je trouve complètement inintéressants, que j'ignore sans aucun problème. Mais avec elle, c'est différent. Y'a un truc qui me pousse à creuser. Elle a quelque chose en plus. Ce n'est pas une fille lambda qui n'a rien dans la tête. Et c'est ça qui m'intéresse chez elle. Alors oui, je suis curieuse d'en apprendre plus sur ses activités extrascolaires. Et sur ce qu'elle aime faire vraiment. Comme venir dans des endroits abandonnés comme celui-là par exemple. « Ce n’est pas ma première fois. » Là clairement je pourrais être capable de sortir une connerie, mais je sais me tenir. Oui, oui. « Il fut un temps où j’avais besoin de ça pour me sentir mieux. » Je ne sais pas à quoi elle fait référence, mais j'arrive à capter quelque chose dans son regard. C'est la même ombre qui s'empare de moi depuis la mort de mes parents. Peut-être sommes-nous pas aussi différentes qu'on pourrait le penser. « Je me promenais simplement la première fois où je suis arrivée dans un tel lieu. Ça n’allait pas forcément chez moi et j’avais besoin d’être seule, de souffler un peu. » Je ne préfère pas lui demander plus de détails, elle n'a certainement pas envie d'en parler. Pas à moi en tout cas. Je suis rien pour elle, et ça j'en suis bien consciente. A part jouer les emmerdeuses de première. « Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai trouvé ça tellement beau que j’ai recommencé. Une fois, puis deux. Et désormais, je ne compte plus vraiment. » Elle parle de beauté, et je hoche un peu la tête. « C'est vrai que ça dégage quelque chose de... puissant. » Et y'a le côté interdit aussi qui me plait forcément beaucoup. « T’avoir à l’appartement, ça m’a donné envie d’en faire un aujourd’hui, un urbex. » Alors ça s'appelle effectivement bien comme ça. « Je suis désolée pour ça. » Une grimace sincère s'installe au coin de mes lèvres. Elle est venue ici pour s'évader, pour souffler un peu et voilà que je ne trouve rien de mieux à faire que de l'emmerder encore. Je connais mes limites, et là, c'en est une. Je ne m'excuse pas souvent, et je crois bien que c'est une grande première avec elle. C'est la journée. « Nous sommes dans une gare abandonnée, même si pour le coup, ça ne saute pas aux yeux. » Effectivement ça ne saute pas aux yeux au premier coup d'œil. Mais c'est justement ça qui est intriguant. Découvrir, imaginer ce que l'endroit était par le passé, ou ce qu'il aurait pu être. On avance encore un peu jusqu'à apercevoir quelques rails, parsemés par-ci par là, ce qu'il en reste du moins. « Ah bah là, c'est tout de suite plus évident. » Je ris un peu avant de m'allonger au sol sur les rails. « J'ai toujours rêvé de faire ça. » Ouais c'est spécial comme délire mais est-ce que c'est vraiment étonnant ? Je ferme les yeux quelques secondes, et imagine les rails se mettre à vibrer signalant l'arrivée imminente d'un train. « Vas-y, essaye. » Je tends la main à la jeune fille pour qu'elle s'allonge avec moi. Je me décale un peu pour lui laisser de la place, m'écorchant par la même occasion le bas du dos sur un clou. A vrai dire je ne m'en rends même pas compte, je ne sens aucune douleur.

Jusqu’ici, je me suis protégée face à Lou, je me suis créée une carapace. Mais là, au sein de ce lieu inconnu, les barrières tombent et je me confis doucement à elle. Ce n’est peut-être pas idée, mais je ne pense pas vraiment à cela sur le coup et pour maintenant, c’est un peu trop tard pour faire marche-arrière. « C'est vrai que ça dégage quelque chose de... puissant. » C’est grand, c’est beau, d’une certaine manière et c’est ça qui me plaît. Ça, et l’idée d’être seule. Mais pour ce détail, je reviendrais une autre fois. « Je suis désolée pour ça. » Je ne peux m’empêcher de la regarder, surprise par ce qu’elle vient de dire. Je pense que c’est assez rare de l’entendre prononcer ces mots, avec moi en tout cas. Mais après tout, je ne la connais pas si bien, peut-être que je l’ai toujours jugée un peu trop vite. Alors que nous nous avançons dans ce lieu inconnu, je lui révèle enfin de quoi il s’agit. « Ah bah là, c'est tout de suite plus évident. » Dit-elle, alors que rails se dévoilent sous nos yeux. Nous descendons encore quelques marches, histoire d’arriver vraiment sur le sol, au niveau où les trains passaient avant. Lou, qui découvre la pratique de l’urbex, n’a pas froid aux yeux. Elle s’avance dans ce lieu abîmé par le temps et se baisse pour s’asseoir, puis s’allonger sur les rails. « J'ai toujours rêvé de faire ça. » C’est assez étonnant à entendre et je pense que mes pensées se reflètent sur mon visage. « Tu as vraiment des rêves bizarres. » C’est le moins que l’on puisse dire. Quand les trains fonctionnent vraiment, faire cela se rapproche d’un suicide. Après, maintenant que le danger est éloigné, c’est vrai que ça peut être plaisant : de faire un geste qui logiquement interdit et de voir ce que ça peut faire. « Vas-y, essaye. » Cela a beau être abandonné, je ne peux m’empêcher d’avoir un peu peur. Et si l’électricité n’est pas réellement coupée ? Non, un drame aurait déjà eu lieu avec Lou. Après une longue hésitation, je finis par céder et je viens m’allonger à côté d’elle. « Tu as raison de te fixer de tels rêves, c’est plus facile à réaliser. » Ce n’est pas une critique, loin de là, même s’il faut se l’avouer, cette envie de s’allonger sur les rails était quand même bizarre. Je n’ai pas de rêve de mon côté, je ne crois pas en tout cas et à bien y penser, je trouve cela assez triste. « Bon.. on devrait continuer. » Oui, on. Je me surprends moi-même à l’inclure dans la suite de mon escapade. Je me relève et tends ma main vers la jeune femme pour l’aider à en faire autant. Une fois debout, Lou se lance la première dans la suite du bâtiment et je me retrouve donc à la suivre. Automatiquement, mon regard se pose sur une tâche de sang sur son haut. « Attends ! Tu avais ça tout à l’heure ? » À en voir comment Lou se tortille pour voir ce qu’elle a dans le dos, je suppose que non. « Je vais regarder. » Je me rapproche d’elle et viens m’accroupir pour être à la hauteur de ce qui semble être une blessure. Bingo. « Merde.. tu t’es coupée. Je dois avoir un pansement dans mon sac. » Je me relève et retire le sac de mon dos pour y chercher ma trousse de secours. Oui, il faut toujours être prévenante, surtout parce que je pars seule. Bingo. Il me reste de quoi pouvoir la soigner, au moins le temps de rentrer à l’appartement. « Soulève un peu ton T-Shirt. » Elle s’exécute et pendant ce temps, j’en profite pour retirer les morceaux situés sur les parties adhésives. Je viens ensuite plaquer le pansement sur sa peau. « Je suis désolée, j’ai les mains froides. » Dis-je, en les retirant rapidement. J’aurais peut-être dû la prévenir un peu plus tôt pour ça. « Comment est-ce qu’on va justifier ça auprès des parents ? » Il y a sûrement une multitude de raison possible à une telle blessure, mais je ne sais pas pourquoi, je panique un peu à l’idée de me faire prendre à faire de l’urbex.

Bon ok c'est vrai, j'ai peut-être des rêves un peu bizarres. Mais j'ai toujours kiffé ressentir cette pointe d'adrénaline, les sensations fortes, tout ça, c'est un peu mon truc. S'allonger sur des rails en fait partie. Même si, pour le coup, il n'y a aucun risque. Je ne suis pas suicidaire non plus quand même. C'est juste un truc original que je peux ajouter sur ma liste. Et finalement je pousse Yumi à faire comme moi, l'invitant à s'allonger à mes côtés. Comme une pause de quelques minutes dans ce tourbillon qu'est la vie. Je commence vraiment à comprendre pourquoi Yumi aime venir dans ce genre d'endroit. Et je crois que j'en ressens déjà les bienfaits. Se retrouver seule, se ressourcer. Souffler un bon coup et prendre le temps de tout oublier. On est toutes les deux, et pourtant, je n'ai pas eu envie de la faire chier depuis plus de cinq minutes. C'est déjà un exploit à souligner. « Bon.. on devrait continuer. » Yumi se relève et me tend sa main pour m'aider à en faire de même. Je la saisis, et nous voilà reparties pour continuer notre exploration. « Attends ! Tu avais ça tout à l’heure ? » Hein, quoi ? « De quoi tu parles ? » Je me tortille dans tous les sens pour essayer de voir ce qui se trame dans mon dos, mais je ne vois absolument rien. « Je vais regarder. » Elle s'accroupit derrière moi pour regarder. « Merde.. tu t’es coupée. Je dois avoir un pansement dans mon sac. » Je n'ai rien senti du tout, l'entaille ne doit pas être très importante. Je sais même pas comment j'ai pu me faire ça, peut-être tout à l'heure quand je me suis allongée sur les rails. « Laisse tomber, c'est rien du tout. » Mais la jeune fille semble déjà déterminée à trouver un pansement dans son sac. Bon ok, je ne vais pas la contredire pour ce coup-là. Je continue à me la jouer gentille. « Soulève un peu ton t-shirt. » Un large sourire se dessine alors sur mes lèvres. « Si tu voulais que je me déshabille, il fallait le dire hein. » Ouais c'est plus fort que moi. Je ne m'appelle plus Lou si je ne saisis pas ce genre de perche. A son contact, un léger frisson se loge dans le bas de mon dos. « Je suis désolée, j’ai les mains froides. » Ouais on va dire que c'est ça. Mon corps se fige un peu jusqu'à ce qu'elle finisse par retirer ses mains. « Merci. » Que je lui dis cherchant un peu à éviter son regard. C'est moi ou c'est bizarre d'un coup ? « Comment est-ce qu’on va justifier ça auprès des parents ? » Je hausse un peu les épaules. En soit, j'aurais pu me faire mal n'importe comment au lycée. Mais je comprends son inquiétude, et le fait de devoir justifier une telle blessure auprès de ses parents. « C'est bon, ils ne le verront même pas. » En disant ça, je me débarrasse sans aucune gêne de mon t-shirt tâché de sang pour enfiler simplement ma veste sans rien dessous. « Pour le t-shirt, je le laverai en douce dans la salle de bains. » Si je le mets dans le linge sale, sa mère risque de tomber dessus et de se rendre compte qu'il y a du sang. « Ça restera entre nous. » Nous partageons toutes les deux son secret de l'urbex maintenant. « Fais gaffe, je vais commencer à y prendre goût. » A l'urbex avec elle, à ce qu'elle joue les infirmières pour moi aussi surtout. Ouais non... j'ai rien dit.

Alors que nous reprenons la marche en direction d'un autre espace de ce lieu, je remarque une tâche de sang sur le haut de Lou. « De quoi tu parles ? » Au moins, j'ai la confirmation que c'est arrivé là. Si c'était au lycée, elle me l'aurait sûrement précisé. Quoique.. elle ne s'en est pas rendu compte là, alors pourquoi cela aurait-il été le cas plus tôt ? Je préfère quand même vérifier. Agenouillée derrière elle, mes craintes se confirment, elle a bien été écorchée ici. Mais avec quoi ? Comment ? Je l'ignore. Avant de rechercher un pansement dans mon sac, je passe machinalement la main dans mon dos pour m'assurer que je n'ai pas la même chose, mais non, rien. « Laisse tomber, c'est rien du tout. » Rapidement, une vague d'hypocondrie s'empare de moi. Avec ce qu'a eu ma sœur, durant ces dernières années, je crois que je m'inquiète beaucoup trop vite maintenant. Il ne faut quand même pas oublié que ce lieu est abandonné et que nous ne sommes sûrement pas les premières à passer ici, il est donc impossible de savoir ce qui peut traîner par ici. Bon.. par contre, c'est juste un pansement pour éviter une tâche supplémentaire, ce n'est en rien désinfectant, elle devra passer par cette case en rentrant. « Si tu voulais que je me déshabille, il fallait le dire hein. » Je lève les yeux au ciel, alors que ces mots s'échappent de ses lèvres. Je ne réponds rien, ça serait simplement rentrer dans son jeu et c'est ce qu'elle veut. Elle finit par s'exécuter et je viens alors déposer le pansement contre sa peau. À ce contact, je ne peux m'empêcher de remarquer sa chair de poule et je m'excuse alors pour les mains froides. Ça ne peut que venir de ça cette réaction corporelle. « Merci. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. Finalement, elle n'est pas toujours insupportable. Ça m'étonne moi-même. Mais rapidement, une inquiétude traverse mon esprit : mes parents. Même si cette blessure pourrait être arrivée n'importe où, j'ai peur qu'ils se fassent du soucis. « C'est bon, ils ne le verront même pas. » Sans vraiment comprendre pourquoi, Lou vient retirer son t-shirt. Mon regard se perd sur ses formes et puis, d'un coup, je viens tourner la tête, essayant par cette action de supprimer l'image qui vient de se graver dans mon esprit. Et merde. « Pour le t-shirt, je le laverai en douce dans la salle de bains. » La jeune femme de nouveau "habillée", mon visage revient sur son axe. « Ça restera entre nous. » « Merci. » C'est à mon tour d'être reconnaissante envers elle. Maintenant qu'elle connaît mon secret, je risque beaucoup. Il ne faut donc pas la contrarier. « Fais gaffe, je vais commencer à y prendre goût. » Sur le coup, je ne peux pas m'empêcher de rire un peu. « Ça va aller, je ne suis pas fan du baby-sitting. » L'avoir sur mon dos au lycée et le soir à l'appartement, c'est grandement suffisant. Après, elle ne parlait peut-être pas de faire cela avec moi, alors j'enchéris dans ce sens-là. « Mais il existe plein de lieux accessibles à Los Angeles pour débuter. » Je ne le sais que trop bien, c'est comme ça que tout a commencé pour moi. J'ai été curieuse et j'ai regardé des vidéos sur YouTube faites par des explorateurs de la région. Cela me permettait d'avoir une idée du lieu à visiter, mais aussi des éventuels risques qu'il y avait derrière. « Il faudra juste que tu évites de te blesser. Je vais commencer à croire que tu veux que je sois là sinon. » Je hausse légèrement avant de remettre mon sac sur le dos et de reprendre la route. C'est assez marrant finalement de jouer un peu au même jeu qu'elle.

Alléluia, ce moment un peu étrange s'est rapidement dissipé. Même si je ne peux m'empêcher de me sentir légèrement troublée. Parce que le contact de ses mains sur mon corps ne m'a pas laissé indifférente. Je préfère refouler cette sensation, ne surtout pas l'admettre au risque de me sentir vulnérable. C'est des foutus conneries tout ça. Je tente de la rassurer pour ses parents. Avec moi, il n'y a pas de risque que son secret soit dévoilé. On dirait pas comme ça, mais je suis quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Sur ça du moins. Je ne suis pas le genre à rapiner aux parents. J'ai plus dix ans, et ce n'est pas comme si j'en avais rien à faire mais presque. C'est même pas mes histoires en fait, je ne fais pas véritablement partie de la famille. Ça compte même pas du coup. Je me surprends à lui dire que je pourrais presque prendre goût à ce genre d'escapade avec elle. Parce que oui, si je dois être totalement honnête, je suis en train de passer un bon moment. Mais loin de moi l'idée de lui avouer. « Ça va aller, je ne suis pas fan du baby-sitting. » Je ne peux m'empêcher de rire. Elle a du répondant quand elle veut tiens. Et étrangement, j'adore ça. « Mais il existe plein de lieux accessibles à Los Angeles pour débuter. Il faudra juste que tu évites de te blesser. Je vais commencer à croire que tu veux que je sois là sinon. » Et si c'était le cas ? « Peut-être. » Que je laisse échapper du bout des lèvres sans véritablement en prendre conscience. C'était pas vraiment censé sortir à voix haute comme ça. Je croise le regard de Yumi, légèrement perplexe. « Bah quoi ? » Je me remets à prendre les choses au second degré dans un haussement d'épaules. Il faut que je trouve un truc pour me justifier. Plutôt crever que de lui avouer que ce moment avec elle n'est pas déplaisant. Ma seule arme est de jouer la carte de l'offensive, pour ne pas changer. La provocation. Ça marche à tous les coups, surtout avec elle. « Je n'ai jamais su résister aux filles qui prennent soin de moi. » Mon regard devient plus séducteur, pour accentuer ma stratégie. Est-ce que je suis carrément en train de lui faire du rentre dedans ? Peut-être bien oui. Enfin pour de faux bien sur, quelle idée. C'est juste ma façon à moi de continuer à jouer les chieuses de service. Mais il n'y a rien d'autre. Absolument aucune once de vérité qui pourrait se cacher derrière tout ça. « C'est ma petite faiblesse à moi. Mea culpa. » Je ris un peu sans véritablement me prendre au sérieux. On est à deux doigts que Yumi finisse par se sentir mal à l'aise là. C'est ça son problème, elle n'a pas d'humour. Ou alors elle a un problème avec le fait qu'une fille puisse la draguer. Ouais c'est peut-être ça le truc. « Fais pas cette tête, je déconne. » On dirait qu'elle a vu un fantôme vu la tête qu'elle tire là, tout de suite. C'est dingue quand même. Bon... si on se concentrait sur la suite de notre découverte ? Je suppose qu'en plus il ne faut pas trop trainer si on ne veut pas éveiller les soupçons en rentrant. On aura qu'à dire que nous avons eu un entrainement improvisé. Ou un cours particulier rien que toutes les deux. Oh intéressant comme idée...

J'étais loin de la vouloir avec moi durant cette escapade. Mais la renvoyer chez nous dès son arrivée, ça ne lui faisait qu'un prétexte pour me balancer auprès de mes parents. Ils m'auraient alors sûrement privée de sortie et autant dire au revoir à ces petits moments seule, dans des endroits comme celui d'aujourd'hui. Alors j'ai décidé de prendre sur moi, de la supporter le temps de quelques heures pour ensuite pouvoir être plus libre. Mais finalement, à mesure que les minutes passent, je me surprends moi-même à ne pas détester sa présence. Lou a certains bons côtés, certains, il ne faut pas non plus s'emballer. Lorsque la jeune femme se blesse, je ne peux pas m'empêcher d'être inquiète pour elle. Malgré l'amertume que je peux ressentir pour elle, par rapport au comportement qu'elle a avec moi, mon côté "paniquée de la vie" reprend vite le dessus. C'est certainement un peu bête et je sais que c'est ce qu'elle pense au fond d'elle. Mais au moins, avec un simple pansement, sa coupure est protégée et son t-shirt n'aura pas de tâche supplémentaire. Bon d'accord.. pour ça, c'est un peu tard maintenant, c'est d'ailleurs le seul élément qui va pouvoir nous valoir des questions ce soir. Néanmoins, sur ce point, il semblerait que je puisse compter sur elle. Et dans le fond, ça ne m'étonne pas tant que ça. Même si Lou est bien, même très bien, vue par ma mère, ce n'est pas pour autant qu'elle s'étale sur de longs détails de sa journée quand on lui demande comment ce sont passés les cours. Nous reprenons notre chemin vers la suite de la visite et c'est alors que la brune vient alors avouer apprécier ce qu'on vient de faire. C'est assez surprenant, je dois l'avouer. Je pensais qu'une fois encore, elle trouverait à redire juste pour être en opposition avec moi. C'est une bonne chose que l'urbex lui plaise, mais ce sera sans moi les prochaines fois. Comme je lui ai dis un peu plus tôt, ces moments me permettent de me retrouver seule. Sans personne quoi. Pour ne pas paraître trop froide, je me tente à un peu d’humour pour lui dire tout cela, comme elle a l’habitude de le faire avec moi. « Peut-être. » Bon.. ce n’était pas vraiment à cela que je m’attendais et pour le coup, je reste bloquée. Il lui arrive quoi là ? La Lou qui se trouve en face de moi n’est plus du tout la même que celle au lycée et malheureusement, je n’arrive plus à percer le vrai du faux. « Bah quoi ? » Peut-être que depuis tout à l’heure, elle me mène en bateau, qu’elle essaye simplement de se rapprocher de moi pour pouvoir attaquer plus facilement après ? « Je n'ai jamais su résister aux filles qui prennent soin de moi. » Pour le coup, je ne peux m’empêcher de soupirer. Pour ce qu’elle vient de dire, mais aussi pour moi. Je pense qu’elle n’a pas conscience de ce que cela a comme effet sur moi. Pour elle, c’est facile. Pour moi, ça ne l’est pas. Et pourtant, nous sommes pareilles. « C'est ma petite faiblesse à moi. Mea culpa. » Lou commence alors à rigoler et je balance alors ma tête de gauche à droite, exaspérée encore une fois. « Fais pas cette tête, je déconne. » « C’est dingue comment ton humour a certaines limites. » Je ne suis plus comme avant, je suis redevenue un peu plus froide et un peu plus distante. La carapace que j’avais accepté d’enlever avec elle un peu plus tôt, je viens de la remettre. Elle prend tout à la rigolade, sans se soucier des conséquences de ce qu’elle dit ou fait. Sans un mot de plus, j’oriente ma lampe torche vers la suite du bâtiment et reprend la marche. Pendant un petit moment, toute cette haine semblait avoir disparu. Mais doucement elle a refait son apparition et c’est dans le plus grand des calmes que se poursuit cette expédition.