you know exactly how to talk to me (maeden #2)

Ok, c'est la loose là. La rentrée approche, et j'en ai clairement la boule au ventre. L'époque où cette période de l'année m’excitait est révolue. On est tellement naïfs aussi quand on est petits pour ça. Il suffit d'avoir un nouveau cartable à se mettre sur le dos, et c'est le paradis. Ça a bien changé avec le temps. Bon, je suis contente de pouvoir revoir mes potes, tout ça, mais le reste... merci quoi. En plus l'enfer, cette année il va falloir que je bosse un minimum si je veux pas me planter. Joie intense. C'est pas comme si j'avais le choix en même temps. C'est ça, ou je ne pourrais pas continuer le basket. Encore moins le théâtre. Ça passe par des bonnes notes en classe. Le chantage vous connaissez ? Ouais, j'ai le moral au fond du seau ce matin. Le seum au réveil. Je reste au fond de mon lit, jetant un oeil pendant des heures à mon portable. Snap chat, Facebook, Insta, TikTok, tout y passe. Jusqu'à ce que je bloque une longue minute sur une story Insta de Gioia. Rhaaah. Elle enlace une autre fille dessus - sans doute une pote en soirée ou peu importe, et ça me fait un pincement au coeur. La journée commence mal, très mal. Je pose mon portable sur mon lit, un peu dégoûtée, et me lève pour prendre ma douche. Je sais pas si ma mère est à la maison aujourd'hui, j'ai pas suivi son planning. Mais de toute façon peu importe, je ne comptais pas faire grand chose. Bronzette, piscine et Netflix. Une fois prête, je descends dans la cuisine pour manger un morceau. Ça ira sans doute mieux le ventre plein. En parlant de ça... c'est quoi cette délicieuse odeur ? Je m'approche doucement et aperçois ma mère la poêle à la main. Je rêve ou elle est en train de faire des crêpes ? C'était notre petit rituel du dimanche soir, ou pendant ses jours de repos. Un rituel que nous n'avons malheureusement pas honorer depuis longtemps. « Attends, dis-moi pas que tu as fait des crêpes ? Enfin si, dis le moi justement. Je meurs de faim. » Je ris un peu venant déposer un baiser furtif sur sa joue en guise de bonjour. « Bonjour quand même. » Oui, avec ça, j'en oublierai presque les bonnes manières. Non c'est pas du tout mon genre pourtant. En vrai ma mère ne pouvait pas tomber mieux avec ses crêpes. A croire qu'elle a un radar de super héros pour comprendre de quoi j'ai besoin exactement au moment où j'en ai besoin. « C'est pour une occasion particulière ? » Notre relation s'est apaisée depuis quelques semaines, et même si c'est parfois encore un peu bizarre, j'essaye de mettre ma colère de côté pour essayer de lui pardonner. Depuis ma discussion avec Rayan, j'ai pu comprendre certaines choses et je tente de faire de mon mieux pour arrêter de blâmer ma mère pour toute cette histoire.

Avec Maé, c’est des hauts et des bas en ce moment. Un peu comme avec Cora. Un peu comme avec mes frères et soeurs, un peu comme avec Jamie, et avec Rayan. Ma vie est une montagne russe, je me rassure en me disant que c’est normal, que c’est pout tout le monde pareil. Enfin, je crois que je me suis pas mal compliqué la vie toute seule. Peu importe, je dois faire des efforts, je le sais, si je veux réussir à garder près de moi les gens que j’aime. Et ça commence par Maé. Je la connais de moins en moins, elle grandit vite, très vite, trop vite, et il est souvent difficile ces derniers temps, d’arriver à lui faire plaisir sans tomber à côté. Aujourd’hui, je ne travaille pas. J’ai repoussé ma seule réunion à demain pour pouvoir me poser un peu. Être à la tête de sa propre entreprise, ça signifie ne pas avoir vraiment de week end, ni de vacances. Il faut trouver un créneau pour les rendez-vous médicaux, ou personnels. Mais aujourd’hui, je veux faire un pas vers Maé. La rentrée est pour bientôt, et elle n’a pas l’air bien enthousiaste. Ma fille vit ici depuis un mois puisque son père ne fait que des aller-retour depuis quelques semaines, pour son boulot, ou pour sa nouvelle nana, peu importe. Mais malgré ça, je n’ai pas trouvé le temps - ou pris le temps - de créer un vrai moment avec Maé. Je profite qu’elle dorme encore, ou du moins qu’elle soit dans sa chambre, pour commencer à faire cuire quelques crêpes, comme quand elle était petite. Je souris toute seule en la revoyant debout sur son tabouret, devant moi, sa petite main sur la queue de la poêle, la mienne par dessus, pour faire sauter les crêpes. « Attends, dis-moi pas que tu as fait des crêpes ? Enfin si, dis le moi justement. Je meurs de faim. » Je me retourne en entendant la voix de ma fille et lui adresse un large sourire. « J’ai entendu ton ventre gargouiller jusqu’ici… » Elle s’approche pour déposer un baiser furtif sur ma joue, et je passe ma main libre tendrement dans ses cheveux. « Tu as bien dormi ? » Je pousse l’assiette de crêpes devant elle une fois qu’elle est installée au bar, et dépose celle que je viens juste de faire sauter par dessus la pile. En attendant, je sors tout ce dont elle pourrait avoir envie : sucre, beurre, citron, confiture, pâte à tartiner, caramel beurre salé, sirop d’érable, peanut butter… « C'est pour une occasion particulière ? » Je secoue un peu la tête, sans la lâcher des yeux. « Non, enfin j’avais juste envie de te faire plaisir. Je travaille pas aujourd’hui, je me suis dit que faire des crêpes c’était l’idéal. Comme avant. » Elle dévore ça comme si elle n’avait pas mangé depuis des lustres, pourtant Joana vient une fois par semaine pour cuisiner tout un tas de choses, dont la moitié finissent au congélateur, pour qu’on puisse chacune manger ce qu’on a envie quand on a envie. Je n’ai pas toujours le temps de cuisiner - rarement, même - et pas non plus envie de commander chez des traiteurs. Au moins, Joana cuisine en fonction de nos goûts à toutes les trois. « Alors prête pour la rentrée ? » Je vois sa tête et je secoue la tête. « Ok, oublie cette question. Je voulais pas plomber l’ambiance. » Je ris un peu et balaye l’air de ma main comme pour éluder la question.

La bouffe reste le meilleur remède pour me remonter le moral. Ouais, je mange mes émotions. C'est un peu mon problème. Même si j'ai de la chance de ne pas grossir pour autant. Peut-être que ça ne durera pas, mais en attendant j'en profite. J'ai pas envie de me prendre la tête pour ça. Je le fais déjà suffisamment pour tous un tas d'autres raisons. Et aujourd'hui d'ailleurs c'est la rentrée qui me préoccupe plus qu'autre chose. J'ai pas envie de retourner au lycée. Les cours, ça me gonfle. Moi, je veux devenir actrice. A quoi ça va me servir d'étudier les fonctions exponentielles ou de savoir philosopher sur la conception générale du monde ? Ouais, c'est de la merde. En plus j'ai un mauvais pressentiment. Je sens encore que je vais me taper d'être dans la même classe que Jenny. Quel bonheur. En attendant je vais essayer de profiter de mes derniers jours de vacances pour ne surtout pas penser à ça. On verra bien la semaine prochaine. Je retrouve ma mère dans la cuisine en train de faire des crêpes. Ça, c'est cool. Comment sauver une journée en deux secondes. « J’ai entendu ton ventre gargouiller jusqu’ici… » Elle me connait bien. Un vrai petit estomac sur pattes. « Tu as bien dormi ? » Je hoche un peu la tête à l'affirmative avant de lui demander si on fête une occasion particulière. « Non, enfin j’avais juste envie de te faire plaisir. Je travaille pas aujourd’hui, je me suis dit que faire des crêpes c’était l’idéal. Comme avant. » J'ai le sourire jusqu'aux oreilles. Je suis contente de savoir qu'elle ne travaille pas, mais encore plus heureuse de pouvoir me goinfrer aussi. « C'est une excellente idée. » Je n'ai pas attendu une seconde de plus pour me jeter sur les crêpes. C'est bien beau de les avoir sous le nez, mais le mieux c'est de les engloutir sans aucune pitié. « Elles sont trop bonnes. » Je parle la bouche pleine en riant un peu. « Alors prête pour la rentrée ? » Je grimace instinctivement, tirant la gueule. « Ok, oublie cette question. Je voulais pas plomber l’ambiance. » J'ai pas envie de parler de ça. « Ouais joker. C'est encore les vacances, interdiction d'en parler. » Je fais le signe motus et bouche cousue sur mes lèvres dans une légère moue. « Et c'est pareil pour toi. Interdiction de te voir bosser en douce aujourd'hui, même si c'est juste pour passer un coup de fil de rien du tout. » Elle a dit qu'elle ne travaillait pas aujourd'hui, c'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Pas d'excuses. Faut qu'elle décroche un peu. Les moments rien qu'avec elle sont tellement rares que j'ai envie d'en profiter. « Journée sans portable. » Enfin... pour elle. Moi, c'est impossible, je peux pas. D'ailleurs je jette un œil sur le mien en lui disant ça pour voir si je n'ai pas eu un message de Gioia. Toujours rien depuis sa soirée d'hier. C'est en train de me rendre dingue. Ma mère me fixe du regard, et je hausse les épaules d'un air naturel. « Quoi ? C'était pour toi que je disais ça. » Je ris innocemment.

Même si je n’ai pas toujours été présente pour Maé, elle reste une adolescente, je suis passée par là, et j’ai élevé mes frère et soeur aussi. Je sais à quel point la bouffe peut être important à cette période là. Et de mes souvenirs, ma fille adorait les crêpes, je n’ai plus qu’à espérer ce que soit toujours le cas. Et puis, c’est un repas plutôt familial, un repas qu’on partage, comme une tradition. Alors je me dis que c’est peut-être une bonne manière de nous rapprocher encore un peu. Visiblement, j’ai tapé dans le mille puisqu’elle se jette déjà sur les crêpes déjà faites. J’ai le sourire aux lèvres, heureuse de voir qu’elle mange avec appétit. Et en plus, elle les trouve bonnes, c’est parfait. Souriante, je dépose une nouvelle crêpe chaude sur le dessus de la pile, et glisse une main tendre sur sa joue enfantine. Mon bébé grandit. Je pose la question relative à la rentrée, mais me ravise assez rapidement. « Ouais joker. C'est encore les vacances, interdiction d'en parler. » Ok. Joker, c’est de bonne guerre. Mais bon, je m’étais censurée avant même qu’elle ne l’utilise. « Et c'est pareil pour toi. Interdiction de te voir bosser en douce aujourd'hui, même si c'est juste pour passer un coup de fil de rien du tout. » Je lui offre un sourire amusé. Depuis quand c’est elle qui décide ? Mais je trouve ça mignon, j’imagine qu’elle veut juste passer du temps avec moi, sans parasite. Je hoche alors la tête. « Bien capitaine. » Je vais essayer, même si je sais que ce sera dur. Au pire, je ferai comme les ados, j’irai en cachette avec mon portable aux toilettes. Mais juste après m’avoir demandé de ne pas me servir de mon portable, je la vois qui regarde le sien. Pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle se défend. « Quoi ? C'était pour toi que je disais ça. » Je ris et hoche alors la tête. « Oui. Je vois ça. Fais ce que je dis et pas ce que je fais hein ? » C’est généralement un truc d’adultes ça. Elle grandit trop vite, définitivement. « Tu attends des nouvelles de quelqu’un ? » J’ai bien senti qu’il se passait quelque chose de fort avec sa correspondante italienne, et j’aimerai qu’elle m’en parle d’elle même, sans que je n’ai besoin de poser la question. Peut-être que je me trompe, ou peut-être que je l’espère un peu trop, pour me déculpabiliser de continuer à voir Rayan. Je l’ignore. En parlant de Rayan, c’est mon téléphone perso qui émet le son caractéristique de la sonnerie d’un sms. Heureusement, il est posé écran contre la surface du bar. « Interdiction pour le portable du boulot, mais le perso j’ai le droit ? » C’est le même modèle, seule la couleur change. Le blanc pour le perso, le noir pour le boulot.

J'impose ma règle à ma mère sans aucune gêne. Pas de travail à la maison aujourd'hui. Notre relation a toujours été un peu comme les montagnes russes. Quelques bons moments passés malheureusement très vite rattrapés par le reste. Ses absences, sa maladresse aussi. Et puis cette histoire avec Rayan qui a été la cerise sur le gâteau. Je crois qu'on ne pouvait pas faire pire. Elle est loin d'être la mère parfaite, mais je suis loin d'être la fille idéale non plus. Je suppose que chacune de nous a ses tords. Et si on veut que les tensions s'apaisent, nous devons toutes les deux faire des efforts. Ça passe par sa présence à la maison, à 100%. Pas qu'elle soit juste physiquement présente comme elle peut l'être la plupart du temps. Mais que je puisse avoir la chance d'avoir toute son attention. Pas de parasite, pas d'appels téléphoniques du boulot. Rien. Juste elle et moi, une journée mère/fille comme nous avons pu avoir quand j'étais gosse. Et insouciante. Finalement à cette période-là, c'était cool. Plus léger. Je n'avais pas encore la maturité de comprendre totalement les choses. Ni de lui en vouloir comme j'ai pu le faire après. C'était bien moins compliqué. Mais j'ai mûri, et notre relation a évolué un peu malgré nous. Il est peut-être temps de rattraper toutes ces années perdues. « Oui. Je vois ça. Fais ce que je dis et pas ce que je fais hein ? » Ça, c'est la base. Je profite un peu d'avoir un minimum de pouvoir sur ma mère pour retourner la situation en ma faveur. « Tu attends des nouvelles de quelqu’un ? » Je soupire un peu, toujours les yeux rivés sur mon téléphone. Je jette un rapide coup d’œil sur les réseaux, mais rien de plus non plus. Toujours cette photo de Gioia avec cette fille. « Peut-être. » J'en sais rien en fait. Avec l'italienne, il ne se passe pas un jour sans qu'on ne s'échange au moins deux ou trois messages. Souvent beaucoup plus d'ailleurs. Mais c'est un peu étrange depuis qu'elle est rentrée en Italie. La sonnerie d'un message retentit et mon coeur s'affole. Sauf qu'il s'agit en réalité du portable personnel de ma mère. Fausse joie. « Interdiction pour le portable du boulot, mais le perso j’ai le droit ? » Je fais légèrement la moue. « Non, la règle est la même. » Je croise mes bras sur ma poitrine d'un air réprobateur. « Ok je range le mien aussi alors. » Il faut bien que j'y mette un minimum du mien quand même. « De toute façon c'est en train de me prendre la tête. » Je me lève furtivement pour le balancer plus loin dans les coussins du canapé. Ça me saoule de ne pas avoir de ses nouvelles. Le regard de ma mère devient interrogateur, et je me lance pour en parler. « Ouais... Gioia. » Pour rebondir sur sa question initiale. Je grimace un peu avant d'ajouter. « Elle a l'air bien trop occupée pour répondre à mes messages. » Je laisse échapper un petit soupir, me vengeant en prenant une nouvelle crêpe.

Maé me demande de ne pas toucher à mon téléphone, si on veut profiter d’être ensemble, il faut que je décroche totalement du boulot. Et je suis d’accord avec ça, je compte bien me plier à la règle. Cependant, je vois qu’elle ne l’applique pas pour elle-même puisqu’elle est encore les yeux rivés sur son smartphone. Je me montre curieuse, mais si j’ai le droit à un refus, je n’irai pas plus loin. Et c’est ce qui se passe. Son ‘peut-être’ n’est pas une réelle fermeture de conversation, mais il ne s’agit pas non plus d’une ouverture. Quand mon téléphone pro émet une sonnerie de message, je suis tentée de regarder de qui il s’agit. Je tente déjà de déroger à la règle de ma fille pour la journée, mais Maé me rappelle vite à l’ordre. « Non, la règle est la même. » me dit-elle avec une petite moue adorable. Je jette alors un oeil à son portable dans sa main, et elle comprend vite que pour qu’une règle soit respectée, il vaut mieux qu’elle le soit par tous. « De toute façon c'est en train de me prendre la tête. » J’arque un sourcil en la voyant balancer son téléphone sur le canapé. Je me crispe un peu par peur qu’il chute - même s’il ne doit pas s’agir de la première fois - et relâche mes épaules lorsqu’il s’immobilise entre les coussins. Ouf. « Ouais... Gioia. » Oh ? Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me parle de ce qui la tracasse sans que je n’ai besoin de chercher la petite bête. « Elle a l'air bien trop occupée pour répondre à mes messages. » Est-ce que je sens là de la jalousie ? Je penche un peu la tête sur le côté, intriguée, et un peu curieuse aussi. « Trop occupée c’est à dire ? » Je ne connais pas vraiment la nature de leur relation. J’ai vu qu’elles étaient très proches et très complices quand elles étaient toutes les deux ici, mais je n’ai jamais posé la question. Je sais que Maé se questionne un peu sur son orientation ces derniers temps, c’est de son âge, et c’est normal qu’elle puisse être perturbée par la présence d’une jeune fille de son âge de qui elle semble vraiment très proche. « Vous avez l’air très proches toutes les deux… » Oui, je tente d’en savoir plus en insinuant quelque chose, mais c’est vrai qu’avec tout ce qu’on a traversé, nos différends, mes absences, et le fait qu’elle ait beaucoup - trop - grandit, j’ai un peu du mal à savoir comment discuter avec elle. Alors je prends des pincettes. Mais je suis à son écoute, pleinement, totalement même.

Je remets les compteurs à égalité en me séparant à mon tour de mon téléphone portable. Tant pis si j'ai un message, même de Gioia, ça attendra. Faut que j'arrive à décrocher un peu, parce que si je continue comme ça je vais finir par me faire plus de mal qu'autre chose. C'est déjà un peu le cas d'ailleurs. Alors stop. Je profite de cette journée mère/fille pour faire un break. Enfin c'est vite dit d'ailleurs puisque la conversation dérive rapidement sur le sujet même qui me prend la tête. « Trop occupée c’est à dire ? » Trop occupée à passer du bon temps avec une autre fille ouais. Sérieux, je sais même pas qui c'est celle-là. Genre elle sort de nulle part, Gioia ne m'en a jamais parlé. Et pourtant elles ont l'air déjà bien proches. Rhoo putain je vais vriller si je continue de penser à ça. Je râle un peu d'entre mes lèvres avant de soupirer. « Du genre à préférer faire la fête. » Est-ce que c'est de la jalousie ? Ça y ressemble en tout cas. Et pourtant je n'ai jamais été du genre jalouse avant. Encore moins possessive. Mais là, ouais, ça me saoule. « Vous avez l’air très proches toutes les deux… » Notre complicité a été immédiate et je crois que ça a été flagrant. Ma mère a pu nous voir ensemble pendant quelques jours, c'est pas étonnant qu'elle l'ait remarqué. « J'en sais rien. » Tout ce que je sais, c'est que la distance c'est de la merde. Peut-être que si elle habitait L.A. les choses seraient différentes. En attendant, elle est à plus de 10000 kilomètres d'ici. Ouais rien que ça. Le décalage horaire qui va avec, et surtout les problèmes. « Je crois que je l'aime bien. » Peut-être plus que bien d'ailleurs. Mon coeur tambourine dans ma poitrine quand je repense à nos moments passés ensemble avant les vacances. Je sais pas pourquoi je me confie à elle, peut-être parce que ça me fait du bien d'en parler à quelqu'un. Ça reste ma mère, et elle est sans doute la mieux placée pour apaiser mes maux. « Enfin de toute manière c'est pas la question. » Je secoue la tête comme par réflexe. C'est pas comme s'il pouvait vraiment se passer quelque chose avec elle. Quand je vois comment la distance me monte déjà à la tête, c'est juste pas possible. C'est pas fait pour moi tout ça. Et pourtant, je ne contrôle pas les sentiments que mon coeur peut ressentir. Depuis qu'elle est partie, je ne fais que penser à elle. A nos baisers échangés aussi surtout. Pourquoi les choses ne peuvent pas être simples pour une fois ? Je crois que j'ai le don d'attirer les histoires de merde et les complications.

« Du genre à préférer faire la fête. » C’est de leur âge, de faire la fête. Je tilte seulement maintenant qu’avec le décalage horaire, la jeune italienne doit effectivement être en décalé par rapport à nous, et que donc, il est sûrement l’heure de faire la fête. Mais je sens dans la voix de ma fille que ça la chagrine plus que ça ne le devrait. Il y a un peu de jalousie dans l’air, j’en ai peur. De la jalousie amicale ou autre chose, mais en tout cas, Maé supporte mal que son ‘amie’ ne lui réponde pas pendant qu’elle est en soirée avec d’autres amis. J’essaie d’en savoir un peu plus, je marche à pas de loup. Je sais que ma fille peut partir au quart de tour si elle se sent attaquée, on est pareilles sur ce point. « J'en sais rien. Je crois que je l'aime bien. » Je ne peux réprimer un petit sourire au coin de mes lèvres, mais je ne veux pas qu’elle s’imagine que je me moque d’elle. « Je crois que j’ai vu, oui. » C’était assez évident qu’il n’y avait pas que de l’amitié entre elles, même si c’est un âge où on se cherche. J’ai déjà vu Maé avec ses amies et ça n’avait rien à voir, leur complicité était juste évidente. « Enfin de toute manière c'est pas la question. » Je hoche alors la tête, et me range à son affirmation. Si elle veut y croire. « D’accord. Ce n’est pas la question. » J’aimerai qu’elle m’en parle davantage, mais je n’ai pas envie de la brusquer, ou mal commencer la journée. Pourtant, c’est plus fort que moi. « Tu sais, y’a pas de mal à être un peu perdue. Vous avez partagé beaucoup de choses en peu de temps, et maintenant vous devez apprendre à vivre avec la distance, et je sais que ce n’est pas facile. » Surtout quand on aime quelqu’un. J’ai conscience qu’à leur âge, l’amour c’est autre chose, on se croit follement amoureux alors que ce n’est qu’un béguin, mais tout est vécu puissante dix mille. C’est l’âge. Mais je ne veux pas dédramatiser non plus ses sentiments, quels qu’ils soient. « Vous avez essayé d’en parler un peu, depuis qu’elle est rentrée ? » De leur relation, de ce qu’elles attendaient l’une de l’autre… J’imagine que parler de ce genre de chose ça ne doit pas être facile, je suis la première qui ait des difficultés à ce propos, mais je pose quand même la question, dans le doute. Et je me retiens encore de lui demander si il s’est vraiment passé quelque chose entre elles ou pas. Que je sache, Maé n’a encore jamais eu de relation intime avec un garçon, et ça m’arrange vraiment. Je trouve qu’elle est encore jeune pour vivre ça. Mais s’il s’agit d’une fille, ça me dérangerait moins, c’est différent. Je ne suis pas sûre que Jamie aurait le même avis, mais qu’importe. Pour le moment, j’avance à tâtons.

Je fais un pas vers ma mère sur le chemin des confessions. Un petit pas de rien du tout mais qui veut déjà dire beaucoup. Malgré notre relation un peu houleuse et toutes les tensions, elle reste tout de même l'un de mes seules repères. Il y a Rayan aussi, contre toute attente. J'ai réussi à m'ouvrir un peu à elle la dernière fois. C'est peut-être plus facile de parler à quelqu'un d'extérieur. Même si Rayan est quand même au centre même de mes problèmes. Enfin bref passons. L'avis de ma mère compte quand même à mes yeux, et ça me fait plaisir de tendre à essayer de retrouver notre complicité passée. Le chemin sera long, mais je suis prête à faire des efforts. Comme je suis justement en train de le faire. Même si c'est difficile pour moi que de parler de moi, et surtout de mes doutes. L'adolescence n'est pas une période de tout repos, surtout quand les histoires de coeur s'en mêlent. Je comprends mieux pourquoi maintenant. Ma mère n'est pas bête, et elle me connait un minimum. Elle sait très bien ce que je veux dire quand je lui dis que je l'aime bien. Apparemment elle avait même compris. Mais là n'est pas la question. « D’accord. Ce n’est pas la question. » Non, je ne devrais pas me poser de questions. Parce qu'il n'y a pas d'histoire en soit, tout ça n'a ni queue ni tête en fin de compte. Elle est en Italie, je suis ici. Tout est dit. « Tu sais, y’a pas de mal à être un peu perdue. Vous avez partagé beaucoup de choses en peu de temps, et maintenant vous devez apprendre à vivre avec la distance, et je sais que ce n’est pas facile. » C'est comme si les émotions partagées avec elle avaient été décuplées. Court mais tellement intense. Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, parce que c'est encore nouveau pour moi. Encore plus fort que ce que je n'ai jamais ressenti. « Vous avez essayé d’en parler un peu, depuis qu’elle est rentrée ? » Un nouveau soupir s'échappe d'entre mes lèvres. C'est pas si facile que ça d'en parler. Surtout quand on est pas en face de la personne. Il y a la distance en terme de kilomètres, mais pas que. Ouais c'est pas pareil de se parler par écrans interposés quand même. « C'est un peu compliqué. » Et puis ne pas en parler laisse supposer que les choses ne sont pas réellement concrètes. Et ça, c'est peut-être plus facilement gérable. Enfin en théorie parce que c'est vite dit hein. « Maman ? » J'ai une question qui me brûle les lèvres depuis un moment, et je décide de me lancer. Après tout, ce n'est pas elle qui va me juger. « Comment on le sait quand on aime vraiment quelqu'un ? » Question existentielle. Tomber amoureuse, vraiment amoureuse. Pas juste une histoire de crush ou quoi que ce soit dans ce genre là. Non, le vrai amour. L'amour avec un grand A comme on dit. Parce qu'avec Rayan, ce n'était pas pareil. J'avais des sentiments pour elle, affectueux et sincères, c'était réel, mais avec Gioia, je crois que c'est encore un cran au dessus.

Je suis contente qu’elle se confie à moi, même si on y va doucement, petit pas par petit pas. Je comprends qu’il y a quelque chose qui cloche en ce qui concerne Gioia, sa correspondante italienne qui était venue à L.A. il y a quelques semaines. Ça la tracasse, je le vois bien. Je tente de poser des questions, pour essayer de démêler le problème et comprendre ce qu’il se passe réellement. « C'est un peu compliqué. » affirme-t-elle avec une petite moue qui me brise le coeur. Je hoche simplement la tête, je n’ai pas envie de trop la forcer à parler, elle le fera si elle en ressent le besoin. Et d’ailleurs, je n’ai même pas besoin de poser une nouvelle question qu’elle enchaîne, m’interpellant. Ce mot dans sa bouche, même a son âge, a toujours cet effet sur moi, et mon coeur qui bat un peu plus fort. « Comment on le sait quand on aime vraiment quelqu'un ? » Je ne peux m’empêcher de sourire légèrement. Une fois la dernière crêpe posée sur la pile, je dépose la poêle dans l’évier et me retourne vers ma fille, m’installant sans tarder sur le tabouret de bar, juste en face d’elle. « Je dirai que ça dépend de pas mal de choses. Je pense qu’on ne ressent pas tous l’amour de la même façon. » C’est assez difficile à expliquer d’ailleurs. « Mais en général il ya des signes qui ne trompent pas. Si ton coeur bat plus fort quand la personne est près de toi, si tu frissonnes quand elle te touche, si tu te sens engloutir dans ses yeux quand elle te regarde, si tu penses à elle très souvent dans la journée, si tu as envie d’être avec elle plus souvent… » Je hausse un peu les épaules, ne pouvant m’empêcher de penser à Rayan en disant tout ça. Malgré moi, je me rends compte que ce n’est pas à Cora que j’ai pensé en énumérant toutes ces choses. « Il ya encore tout un tas de facteurs qui pourraient te montrer que tu es probablement amoureuse, mais tu dois le sentir en toi surtout. » Je lui souris tendrement et ajoute. « Et puis, tu verras en grandissant, que tu peux aimer de manière différentes, ça dépend aussi de l’être aimé. Je n’ai pas aimé Cora comme j’ai aimé ton père par exemple. » Et je n’aime pas Rayan comme j’ai aimé Cora et Jamie non plus. Ça ne s’explique pas, les choses sont ainsi. « Tu as l’impression que tu es amoureuse d’elle ? » Il fallait quand même que je demande. Après tout, on est entrées dans le vif du sujet, autant savoir.

Je suis en pleine période de doutes et de questionnements. Je me cherche un peu, et me découvre. Je crois que tout le monde passe par ce genre d'étape au moins une fois dans sa vie. Souvent à l'adolescence d'ailleurs, même si ce n'est pas systématique non plus. Mais de le savoir ne rend pas les choses plus faciles à vivre pour autant. Je suis en plein dedans et dans mon cerveau les questions fusent. C'est encore pire depuis ce qu'il s'est passé avec Gioia. Et quelque chose me dit que je suis pas au bout de mes peines. Alors c'est ça la vie d'adulte ? Aimer, se prendre la tête, souffrir aussi. Génial. Et pourtant tout le monde en redemande. Mais c'est quoi au juste d'être vraiment amoureuse ? Pas juste le petit béguin qu'on peut avoir sur telle ou telle personne. Comme j'ai pu avoir un crush d'adolescente sur Rayan par exemple. Ou une simple amourette de passage qui ne veut absolument rien dire. J'ose poser la question à ma mère. A croire que c'est la période des questions existentielles du genre. Après avoir demandé à Rayan si elle avait toujours aimé les femmes. Ouais on en est là, mais en même temps je me renseigne. Si ça peut m'aider à y voir plus clair. « Je dirai que ça dépend de pas mal de choses. Je pense qu’on ne ressent pas tous l’amour de la même façon. » L'amour, ça a l'air quand même compliqué quand on en parle. Je sais pas si je suis prête pour tout ça. « Mais en général il y a des signes qui ne trompent pas. Si ton coeur bat plus fort quand la personne est près de toi, si tu frissonnes quand elle te touche, si tu te sens engloutir dans ses yeux quand elle te regarde, si tu penses à elle très souvent dans la journée, si tu as envie d’être avec elle plus souvent… » Ah ouais... quand même. Bizarrement c'est un peu tous les symptômes que j'ai eu quand j'étais avec Gioia. Et que j'ai encore d'ailleurs, malgré qu'on ne puisse plus être physiquement ensemble. « Il y a encore tout un tas de facteurs qui pourraient te montrer que tu es probablement amoureuse, mais tu dois le sentir en toi surtout. » Si j'ai bien compris, il n'y a donc pas de science exacte. Mais quand on est amoureuse de quelqu'un, on le sent au plus profond de nous. Ok, alors peut-être que je suis réellement amoureuse d'elle. Parce que ce que je ressens à son égard, je ne l'ai encore jamais ressenti jusqu'à présent. « Et puis, tu verras en grandissant, que tu peux aimer de manière différentes, ça dépend aussi de l’être aimé. Je n’ai pas aimé Cora comme j’ai aimé ton père par exemple. » Et Rayan ? Ouais c'est plus fort que moi, mais je suis un peu obligée d'y penser. Surtout après la discussion que nous avons eu toutes les deux à ce sujet. « Ouais c'est compliqué quoi. » Si on peut aimer de différentes façons, ça commence à faire beaucoup. « Tu as l’impression que tu es amoureuse d’elle ? » Dans ma tête c'est encore un peu confus. Mais je ne peux nier l'évidence de notre complicité, il y a bien une connexion particulière entre nous. « J'avais jamais ressenti ça avant, pour personne d'autre. Enfin je sais pas, c'est bizarre. Je me suis juste sentie tellement bien avec elle pendant deux semaines que… ouais maintenant c'est dur. » Je supporte mal la distance, le fait de pas trop savoir ce que tout ça fait de nous aussi. Mais il faut peut-être que je me rende à l'évidence ; c'est impossible entre nous. « Et toi alors ? » Je dérive le sujet sur elle sans aucune transition. « Rayan. Est-ce que tu l'aimes ? » J'ai besoin d'en avoir le coeur net.

C’est difficile d’expliquer l’amour. C’est un sentiment, une notion qui se manifeste différemment en fonction des individus. Evidemment il y a des choses un peu communes, mais c’est toujours délicat d’arriver à tout englober. Heureusement, je sais ce que c’est, et je peux au moins parler de ce que moi je peux ressentir. Je fais une liste non exhaustive des détails qu’elle pourrait avoir ressenti, à son âge. Je ne parle pas d’attirance physique même si pour moi ça va avec, mais je la pense trop jeune pour ce genre de chose. « Ouais c'est compliqué quoi. » conclue-t-elle sans attendre. Je lui souris tendrement et hausse les épaules. « Disons que ce n’est pas une science exacte. » Et c’est bien ce qui rend les choses plus vraies, d’ailleurs. Je lui demande si elle a l’impression d’être amoureuse, et je l’écoute avec grande attention. « J'avais jamais ressenti ça avant, pour personne d'autre. Enfin je sais pas, c'est bizarre. Je me suis juste sentie tellement bien avec elle pendant deux semaines que… ouais maintenant c'est dur. » Et ça peut se comprendre. Je hoche alors la tête compréhensive. J’allais lui demander s’il s’était passé quelque chose de concret mais elle me devance dans les questionnement. Je suis en train d’étaler de la marmelade sur ma crêpe, et je ne m’attendais pas à cette question. « Et toi alors ? Rayan. Est-ce que tu l'aimes ? » Wow. Ah oui. Comme ça de but en blanc. Je referme ma crêpe et relève les yeux vers ma fille, un mince sourire au coin des lèvres. J’imagine que c’est plus facile de parler de ça maintenant que je sais qu’elle est potentiellement amoureuse d’une jeune fille de son âge, et qu’elle est donc un peu passée à autre chose. « Je crois, oui. » En réalité, je ne crois pas, j’en suis même sûre. « C’est compliqué, à cause du travail, à cause de Cora, et puis toi… » Je ne veux pas la faire se sentir coupable, mais c’est vrai qu’elle entre dans l’équation. « On a essayé de mettre un terme à tout ça, plusieurs fois. Mais à chaque fois qu’on se voit, c’est plus fort que nous, j’avais jamais ressenti ça avant elle. » Même avec Jamie que j’ai aimé passionnément. C’est autre chose avec Rayan, quelque chose que je ne peux qualifier. « Mais je sais que si je veux vivre vraiment quelque chose avec elle, je vais devoir faire beaucoup de concessions, et je ne suis pas sûre d’en être prête. » Dire adieu à Cora pour assumer ma relation avec Rayan, par exemple. « Et puis, je me sens toujours coupable vis à vis de toi, même si j’ai essayé de taire ce que je ressentais pour elle, ça n’a pas fonctionné. » Et au fond, tant mieux, parce que je n’aurai pas connu ce que j’ai connu avec la brune, et ça aurait été vraiment dommage.

Ouais je suis pas au bout de mes peines quoi. Ce n'est que le début des emmerdes je crois. Génial, on adore. Si seulement il n'y avait pas toute cette distance entre Gioia et moi, les choses seraient sans doute plus simples. C'est pas quelques kilomètres de rien du tout, on parle là de l'autre bout du monde ou presque. C'est la merde. Et pourtant, je crois que si j'avais le choix de tout oublier et d'effacer ces deux semaines avec elle, je ne le ferai pas. Enfin j'en sais rien, mais je reste tout de même heureuse d'avoir pu faire sa rencontre. Bref ça reste compliqué et je ne veux pas spécialement continuer de parler de ça avec ma mère. Parlons plutôt d'elle un peu. D'elle et Rayan. Parce que le temps est passé, et je suis plus autant affectée par leur relation que j'ai pu l'être. Disons que je commence un peu à me faire à l'idée. Un peu seulement, ne nous enflammons pas non plus. Est-ce qu'elle est amoureuse d'elle ? Du côté de Rayan, j'ai pu comprendre que ça en avait tout l'air, ou presque. La jeune femme semble vraiment être attachée à elle. Et je veux savoir ce qu'il en est du côté de ma mère. « Je crois, oui. C’est compliqué, à cause du travail, à cause de Cora, et puis toi… » Je grimace un peu, malgré moi. « On a essayé de mettre un terme à tout ça, plusieurs fois. Mais à chaque fois qu’on se voit, c’est plus fort que nous, j’avais jamais ressenti ça avant elle. » D'un côté, ça me rassure de l'entendre. Parce que j'avais un peu peur que Rayan ne soit qu'une "victime". Enfin je me comprends. Mais je connais un peu ma mère, son arrangement avec Cora, tout ça quoi. Et Rayan ne mériterait pas de souffrir. « Mais je sais que si je veux vivre vraiment quelque chose avec elle, je vais devoir faire beaucoup de concessions, et je ne suis pas sûre d’en être prête. Et puis, je me sens toujours coupable vis à vis de toi, même si j’ai essayé de taire ce que je ressentais pour elle, ça n’a pas fonctionné. » Son discours est quasiment le même que celui que j'ai pu entendre de la bouche de Rayan, et ça me conforte dans l'idée que ce qu'il se passe entre elles est réellement sérieux. « C'est ce que j'ai pu comprendre oui. » Je ne sais pas si elle attendait ma bénédiction, ou quelque chose du genre, mais si ça peut l'aider à se sentir mieux, il faut que je le dise. Parce que je ne suis personne pour me mettre en travers d'une réelle histoire. « Ne t'en fais pas pour moi, je crois que je me suis fait une raison. » Je ris un peu, consciente que mon crush d'adolescente n'était pas vraiment sérieux. « Rayan est quelqu'un de bien, et si je peux juste te demander de me promettre une chose, c'est de ne surtout pas lui faire de mal. » C'est pas mes histoires et pourtant ça, j'y tiens. Après tout elle me doit au moins ça.

Si je m’attendais à cette discussion concernant Gioia, je ne m’attendais pas le moins du monde à celle concernant Rayan. Mais je suis honnête avec ma fille, je me suis juré de l’être davantage même si ça n’est pas simple. Alors quand elle me demande si je l’aime, je me dois d’être honnête. Oui. Même si c’est compliqué. « C'est ce que j'ai pu comprendre oui. » conclue-t-elle lorsque je lui avoue que nos tentatives de rester éloignées l’une de l’autre sont restées sans résultat probant. « Ne t'en fais pas pour moi, je crois que je me suis fait une raison. » Je la regarde un peu plus longuement. C’est comme si ça me frappait, qu’elle est devenue si grande, si belle. Comme si elle n’était encore qu’un bébé hier, et qu’aujourd’hui elle vient de fêter ses quinze ans. Le temps passe à une allure folle. « Rayan est quelqu'un de bien, et si je peux juste te demander de me promettre une chose, c'est de ne surtout pas lui faire de mal. » La tendresse dans mon regard est palpable. Malgré son adolescence parfois un peu difficile, je sais que Maé est une jeune fille extraordinaire, avec un coeur énorme. Je n’en ai jamais douté. Et je remercie - intérieurement - son père, d’avoir permis qu’elle s’épanouisse de cette manière pendant que je n’étais pas là. « Je fais du mieux que je peux. C’est pas toujours facile, je l’ai déjà blessée, elle m’a déjà blessée, mais ce qu’il y a au fond de nous c’est… » Je soupire un peu et hausse les épaules. « Indescriptible. » Je lui adresse un petit sourire complice et tends la main pour venir caresser sa joue. « Je ferai attention je te le promets. » Je finis de me préparer une crêpe que je roule et dans laquelle je croque avec appétit. Le téléphone de Maé émet un bip sur le canapé. Je la regarde, je sens bien qu’elle a envie d’aller voir si c’est Gioia. Je fais une petite moue et n’hésite pas longtemps. « Va voir si c’est elle. Tu as le droit de répondre seulement si c’est elle. » Si elle donne ses directives, je peux le faire aussi. Je sais qu’elle attend des nouvelles de sa correspondante et que sachant qu’elle a eu un message, elle ne va faire que penser à ça, et ne pas profiter de cette journée avec moi. Alors autant la laisser aller voir…

Cette discussion mère/fille est à noter dans les annales, parce que ça fait bien longtemps que ce n'était pas arrivé. Et en même temps je crois que ça commençait sérieusement à me manquer. Elle a beau être maladroite, et tout faire pour me faire enrager depuis toujours, ma mère c'est ma mère quoi. Et en ce moment avec mes histoires de coeur, Gioia, tout ça, j'ai l'impression que j'ai encore plus besoin d'elle. Alors j'essaye de mettre de côté mes rancunes et de faire des efforts. A croire que ça fonctionne plutôt bien aujourd'hui. Nous avions peut-être toutes les deux besoin de briser la glace. Clôturer le chapitre Rayan, aller de l'avant. Je lui demande juste de faire attention à elle, de ne pas lui faire de mal. Ce n'est pas mes histoires, mais ça n'empêche pas que je tiens à elle. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Rayan est importante à mes yeux. Je ne la vois pas comme une simple prof. « Je fais du mieux que je peux. C’est pas toujours facile, je l’ai déjà blessée, elle m’a déjà blessée, mais ce qu’il y a au fond de nous c’est… indescriptible. » Vous croyez que c'est possible que les histoires entre adultes soient encore plus compliqué que nos histoires d'ado ? Apparemment y'a du level là. « Je ferai attention je te le promets. » Un petit sourire discret se dessine sur mes lèvres. Très bien, c'est tout ce que je voulais entendre. Je me focalise à nouveau sur mes crêpes lorsque mon portable émet le son d'un message. Mon coeur s'affole un peu, espérant secrètement que ça puisse être Gioia. Je meurs d'envie d'aller voir, juste pour vérifier, mais je ne veux pas rompre le pacte que nous venons de faire avec ma mère. Si je recommence déjà à en faire des miennes, ça va pas le faire. Et pourtant… rhaaa j'ai besoin de savoir. Je croise le regard de ma mère dans une petite moue suppliante. « Va voir si c’est elle. Tu as le droit de répondre seulement si c’est elle. » On peut considérer cette exception comme une urgence non ? « Merci. » Ni une ni deux je me précipite vers le canapé pour zieuter mon téléphone. Et je crois que mon regard s'illumine instantanément lorsque je vois son prénom s'afficher sur l'écran. Elle s'excuse pour ne pas avoir donné de nouvelles, elle n'avait plus de batterie et n'était pas chez elle. Elle précise avoir passé une bonne soirée, même si elle a beaucoup pensé à moi. Bon ok, là, je crois que je suis en train de sourire comme une conne. Je réponds rapidement, avant de revenir auprès de ma mère qui me questionne du regard. Inutile de lui dire que c'était effectivement bien elle, je crois que ça s'est vu. « Elle avait juste plus de batterie. » Je hausse un peu les épaules, consciente d'avoir peut-être réagit un peu trop impulsivement tout à l'heure. Je crois que la distance me fait imaginer tout et n'importe quoi. Genre je sais pas, j'ai l'impression que c'est en train de me rendre dingue. Si seulement elle pouvait être ici, à L.A, ça changerait pas mal de choses. Ça serait peut-être bien aussi qu'on se parle toutes les deux… genre vraiment. Parce qu'on l'a jamais vraiment fait, et je sais pas trop quoi en penser. « Ouais je sais… je me suis peut-être un peu enflammée. » Je ris un peu, ma mère me connait, elle sait comment je suis. Aucune demi mesure. Mais bizarrement ça va déjà bien mieux maintenant. On va pouvoir profiter d'une journée mère/fille sans encombre ou presque. Ça va nous faire du bien.