"Fields of feels" feat. Chris

Alors que Jay a placé sa seconde main dans le creux de mes reins, je peux déjà sentir ses doigts effleurer le bas de mon dos, juste sous le tissus de ma chemise. Comme une ancienne habitude bien vite retrouvée. Un nouveau frisson réveille mon épiderme, rallume une flamme qui semblait jusque là oubliée. Enfouie. Je me redresse, juste assez pour plonger mon regard dans le sien sans avoir à m’éloigner trop. Mes yeux sont attirés par son geste, sa lèvre inférieur désormais emprisonnée par ses dents. Un geste loin d’être anodin ou innocent. « Je n’ai pas du tout envie d’être sage … ! » m’avoue-t-elle dans un souffle avant d’approcher sans attendre une quelconque réponse de ma part. Je pourrai l’en empêcher, reculer et reprendre une distance raisonnable pour le bien de tous. Mais je n’en ai aucune envie. Alors quand ses lèvres retrouvent les miennes, c’est comme un feu d’artifices qui sévit dans tout mon corps. Je laisse échapper un souffle contre ses lèvres, comme un soulagement qu’elle ait choisit de faire ce dernier pas, réduisant à néant les derniers centimètres qui nous séparaient encore. Au fond de moi, je sais que ce n’est pas une bonne idée, que ça risque de nous faire plus de mal qu’autre chose. Mais la sensation est pour le moment beaucoup trop agréable pour que j’ai envie d’y mettre un terme. J’amplifie le baiser, mêlant ma langue à la danse sans aucune pudeur. Je la connais par coeur, je sais exactement ce qu’elle aime, et j’en profite. Mes doigts glissent dans sa chevelure, la pulpe de ces derniers venant masser légèrement son cuir chevelu. C’est dangereux. Très dangereux. Mais beaucoup trop plaisant. Quelques pas et nous retrouvons le canapé. Je la pousse dessus pour qu’elle se retrouve assise et prends place à califourchon au-dessus d’elle. C’est comme si toutes les barrières s’étaient envolées, et je repousse chaque pensée sensée qui voudrait me faire arrêter cette mascarade. En est-ce seulement une ?
Mais lorsque j’entends le bruit d’une voiture dans les gravillons de l’allée, je ressens déjà la frustration d’écourter ce moment, avec l’incertitude qu’il puisse être retrouvé un jour. Je mets fin au baiser, le souffle plus court, et me relève rapidement alors que la portière de la voiture claque. C’est notre fille aînée, je reconnais les bruits de chacune des habitudes de nos filles. Lorsque la porte s’ouvre, je suis debout en train de récupérer la bouteille de vin vide et nos deux verres. « Oh, j’pensais pas qu’il y aurait quelqu’un encore debout à cette heure-ci ? » « Bonsoir chérie. Il est pas si tard, si ? » Un regard à ma montre et… ah si. Quand même. Emma nous regarde tour à tour, un sourire au coin des lèvres. « Vous avez passé une bonne soirée ? » « Oui, on a bien discuté. Et toi ? » J’adresse un regard à Jay, avec l’impression étrange que Emma sent les choses et qu’elle sait déjà. J’espère que non…

Contre toute attente, dans une envie claire et non dissimulée, Chris se laisse aller. Son souffle au touché de vos lèvres en dit long. Il t’étire même, l’espace d’une demi seconde, un infime sourire satisfait. Elle te rend ce baiser sans une once d’hésitation. Il n’y a pas de mouvement de recul, pas de retrait, … rien. Rien d’autre que son corps contre le tien. Vos langues se retrouvent. Tu as l’impression de ne plus respirer tant le plaisir de la retrouver dans cette intimité est grisant. Ses mains vagabondent. Elles savent où elles vont et ton corps frissonne comme il ne l’avait plus fait depuis longtemps. Personne ne te connais comme Chris. Il vous faut peu de temps pour retrouver le canapé. Sur toi, Chris continue de t’embrasser. Tu as la peau en feu. Tes paumes retrouvent ses fesses avant que lentement tes doigts se glissent dans son dos, sous son chemisier. Tu quittes ses lèvres pour capturer son cou. Tes garde-fou sont tous tombés. Ta raison est en panique dans un coin de ta tête, incapable de se faire entendre. Elle n’en a plus l’habitude. Elle peine à donner de la voix. Ce soir, tu n’écoutes rien ni personne. Tu as trop envie d’elle, de Chris, ta femme. Elle le serait toujours … n’est-ce pas ?

Soudain, un bruit bien trop familier coupe court à cet élan de luxure. Des pneus sur le gravier de l’entrée. Vos corps se tendent. Comprennent. Chris se redresse, vos yeux se croisent à peine et la brune est debout en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Merde ! Tu te pinces les lèvres avant de tenter de reprendre une respiration posée. La frustration a rarement été aussi forte. Tu inspires et expires profondément avant de te redresser à ton tour. Alors que la porte s’ouvre, qu'Emma fait son entrée et que Chris s’affaire à ranger les preuves alcoolisées de votre égarement, tu constates avec un brin de panique que tes vêtements sont chiffonnés. Plus que d’habitude ? Le bouton de ton haut était-il déjà ouvert plus tôt dans la soirée ? De dos, tu t’affaires à lisser l’invisible avant de t’assurer que l’album photos de tout à l’heure est bien rangé, lui aussi. « Oh, j’pensais pas qu’il y aurait quelqu’un encore debout à cette heure-ci ? » Ta fille est étonnée. Un peu. « Bonsoir chérie. Il est pas si tard, si ? » Tu ignores si Chris est parfaite comédienne ou si la notion du temps lui a véritablement échappé mais dans un geste de pure mimétisme, tu regardes l’heure également. Ah oui. Quand même … 
Emma laisse son regard jouer au ping pong entre Chris et toi. Son sourire en coin t’amuse. Tu as presque envie de lui rendre la pareille mais te contrôles du mieux que tu peux pour garder la face. Tu sais que Chris n’apprécierait pas « Vous avez passé une bonne soirée ? » C’était le moins qu’on puisse dire, effectivement. « Oui, on a bien discuté. Et toi ? » Chris se tourne vers toi et tu te concentres à nouveau pour ne rien faire transparaitre. La complicité de vos regards est entière. Pourtant, tu la sais chercher un peu de support en cet instant. Tu t’approches de ton ex-femme en cuisine et glissant dans son dos, à l’abris du regard de Emma, tu rentres un bout de sa chemise dans son jeans afin de lui faire comprendre qu’elle était un peu débraillée. La laissant gérer cette situation, tu déposes des sous-verres dans l’évier et rejoins Emma. “Je pense que maman avait besoin de se détendre un peu après sa lourde semaine.” Tu peux deviner Chris manquer d’avaler de travers dans ton dos. Cela t’amuse un brin avant que tu ne continues comme si de rien était :  “Alors tu sais bien moi … J’ai toujours quelques histoires à dormir debout qui peuvent être partagées.” Tu ajoutes dans un éclat de rire presque sincère : “J’ai du avoir la langue bien pendue quand je vois l’heure qu’il est !” Tu fais de ton mieux. Plus ou moins. Les sous-entendus sont là mais tu t’estimes plutôt fière de leur discrétion. Ton esprit est encore embué par le vin et ton corps se remet toujours de l’envie lui ayant été coupée dans l’élan … tu ne pouvais pas faire de miracle non plus. “Mais oui, raconte nous ta soirée et puis je m’en irais” Ton sourire s’adoucit. Simplement.

Jamais je n’aurai imaginé que cette soirée se terminerait de cette manière. Et encore, j’ai comme l’impression que je ne suis pas au bout de mes surprises, parce que Jay n’est pas encore partie. Et présentement, je n’ai pas vraiment envie de la voir partir. Pourtant, je ne vis pas seule ici et je sais que la laisser rester ici jusqu’à tard est une mauvaise idée. Mais à cet instant précis, je m’en soucis guère. Je sens les mains de mon ex-femme se glisser sous ma chemise, frôlant mon épiderme alors que je frissonne. Je sens tout mon corps réagir à notre échange, et j’ai envie de plus. J’intensifie notre baiser, je n’ai aucune envie d’y mettre fin. Mes baisers s’étendent jusqu’à sa mâchoire, s’emparent de son cou sans plus attendre et je me délecte d’entendre au creux de mon oreille sa respiration devenue plus hachée. Mais alors que mes mains commençaient à s’aventurer à leur tour sous le haut de Jay, j’entends du bruit dans l’allée. La frustration me gagne et je grogne de devoir me séparer d’elle justement quand j’aurai voulu avoir tout mon temps.

Je suis déjà à une distance relativement normale quand Emma entre à la maison, surprise de nous voir encore debout. Est-il si tard que ça ? Un regard à ma montre me confirme que oui. Et après tout, on a bien le droit de discuter jusqu’à tard, non ? Elle nous demande si notre soirée était bonne, je cherche à rester le plus détachée possible, commençant à ranger la cuisine dans laquelle reste les preuves de notre soirée. Jay et moi échangeons un regard, et j’ai peur qu’Emma soit trop perspicace. J’entends des pas se rapprocher, je les connais par coeur, et le parfum qui s’insinue jusque dans mes narines me ferait presque tourner la tête. Je n’ai pas le temps de me retourner que je sens la main de mon ex-femme se glisser à l’arrière de mon jean et je me sens exploser. Qu’est-ce qu’elle fait ? Je n’ai pas le temps de me retourner qu’elle est déjà repartie, et je m’empresse de remettre correctement ma chemise dans mon jean, le coeur battant la chamade. « Je pense que maman avait besoin de se détendre un peu après sa lourde semaine. » Je lève les yeux au ciel, pour moi-même, mais amusée par les joutes verbales de mon ex-femme. Et je ne suis pas au bout de mes peines. « Alors tu sais bien moi … J’ai toujours quelques histoires à dormir debout qui peuvent être partagées. J’ai du avoir la langue bien pendue quand je vois l’heure qu’il est ! » Je me pince les lèvres, dos à elles, pour encaisser les sous-entendus de Jay. Elle exagère, avec ça, si Emma ne comprend pas… Je finis de laver nos verres et range la bouteille de vin vide dans le bac prévu pour ça, avant de les rejoindre. « Tu connais ta mère, quand elle commence on ne l’arrête plus. » Je vois le regard d’Emma se poser sur l’album photo que Jay avait poussé, mais il n’est pas à sa place, et notre fille aînée connaît très bien la maison. « Reparler du passé, c’est bien des fois. Tant qu’on se remémore les jolis moments. » Je suis sûre qu’elle a compris. Sans attendre je récupère l’album pour aller le ranger et laisse à son attention « On était pas d’accord sur la couleur de ta robe pour le Noël 2001. J’ai dit bleu, ta mère était pas d’accord. » Je n’aime pas mentir, mais pour quelque chose de ce genre, c’est plus un jeu qu’autre chose. Je n’ai simplement pas envie qu’elle s’imagine quoi que ce soit, déjà que je ne sais pas ce que ça veut dire… Jay propose à notre fille de nous raconter sa soirée, ce qu’elle fait sans attendre, de manière assez succincte. « Mais bon, si j’avais su que vous étiez en plein flash back, je serai pas rentrée si tout. » Son sourire en dit long, et je me racle un peu la gorge, adressant un regard à Jay. Il est temps pour elle de partir je crois, et je compte sur elle pour ne pas rajouter de sous entendu. Elle offre un câlin à notre fille aînée, avant que je ne la raccompagne à la porte. « C’était agréable, cette soirée. Tu sais que tu es la bienvenue. » Elle le sait, évidemment. Mais je ne me voyais pas dire autre chose tout en sachant qu’Emma rôde encore. Pourtant, le regard que je pose sur les lèvres de mon ex-femme, une fraction de seconde, suffit à raviver mon envie. Plus bas j’ajoute, juste pour qu’elle entende, c’est à peine audible. « Reviens quand tu veux. »