no shame no blame. (chasper #1)

neuf heures du matin, début de matinée tranquille, sans encombre. je regarde mon agenda, coche la dernière case, celle tout en bas et le referme. ma to-do list n’est pas bien grande pour le week end, heureusement. je devais juste préparer une activité pour les petits lundi mais ça a été rapide. et maintenant, je n’ai plus qu’à profiter. shawn n’est pas là et ne rentrera pas avant ce soir, je peux donc préparer mon planning sans me poser trop de questions. déjà je mets au four la quiche au poireau surgelée et règle le minuteur pour qu’il se déclenche une demie heure avant que je ne passe à table. on verra ça tout à l’heure. j’ai l’impression de tourner un peu en rond en ce moment, comme un hamster en cage. en rangeant mes affaires dans ma chambre je vois ma paire de baskets et réfléchis quelques secondes. ça fait longtemps que je n’ai pas couru et c’est vrai que ça m’aide lorsque je veux me vider la tête. alors pourquoi pas ? allez, je ne tergiverse pas plus longtemps et m’habille pour aller courir un peu. je coince mon téléphone dans la poche de mon legging, connecte mes écouteurs pour pouvoir écouter ma musique et me voilà prête. je prends ma bouteille d’eau que j’accroche à ma ceinture prévue à cet effet avant de me diriger vers la véranda. je sors et la ferme à clé avant de glisser cette dernière dans mon autre poche. plus qu’à lancer ma musique et je commence à courir. je commence tranquillement, histoire de me mettre en jambe. au bout d’une dizaine de minutes je commence à fractionner mon entraînement, monte un peu plus au niveau du cardio et calme le jeu. j’arrive au bout de mon parcours habituel et retourne vers la maison. normalement je cours depuis environ une demie heure si je suis à mon rythme normal. je trottine, m’étire un peu et vois le dernier virage de sable avant ma maison, me voilà bientôt rentrée. enfin.. c’était sans compter sur cette silhouette dans l’eau. un surfeur, rien de très fou dans l’océan. peut être l’endroit par contre, normalement seuls les habitants peuvent se baigner ici. peut être que c’est l’un de mes voisins. en gentille citoyenne que je suis je m’apprête même à faire un signe de la main mais je m’arrête nette dans mon geste, le bras encore collé à mon corps. oui, parce que cette silhouette sur l’eau, je suis persuadée de la connaître. et je la connais.je ne sais pas s’il m’a vu mais moi je l’ai bien vu ça oui. je reste debout pendant de longues secondes, peut être de longues minutes. j’attrape mon eau et m’hydrate un peu. impossible de détacher mon regard alors je me laisse tomber dans le sable, assise là à le regarder évoluer sur l’eau.

...you give me your smile... a piece of your heart... you give me the feel I've been looking for... you give me your soul... your innocent love... you are the one I've been waiting for... i've been waiting for...

Je n'arrive pas à me sortir cette chanson de la tête. Les mêmes paroles se répètent en boucle dans ma tête. Faut que j'arrive à me la sortir de la tête. Je ne peux pas penser à... cette chanson. Même si cette chanson est belle et forte et... bordel. Il est temps que je me lève, que je me sorte du lit et que je sorte tout court en fait. C'est assez ironique tout de même de ne pas réussir à trouver le sommeil et de pourtant être incapable de me sortir du lit. C'est pourtant pas mon genre de rester le regard dans le vague à réfléchir à tout et à rien.

...we're lost in a kiss... a moment in time... forever young... just forever... just forever in love... when you came into my life... it took my breath away... 'cause your love has found its way to my heart...

Cette chanson me poursuit jusque dans la douche. Non, aucune insinuation salace là-dessus. Allez, ça suffit, j'arrête de penser à tout ça. J'ai jamais trop aimé repenser au passé de manière générale. Je vois pas pourquoi les choses changeraient à présent. Je sors de la douche, j'enfile un débardeur, un short et je fais un passage éclair dans la cuisine. Je compte pas rentrer avant un moment, alors il faut bien que je fasse des provisions ! Je remplis la glacière, j'y glisse même quelques petits en-cas spéciaux, on ne sait jamais ce qui pourrait se passer après tout. J'attrape mon smoothie, la glacière et je vais mettre tout ça dans la [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Je retourne dans la [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] pour attraper ma planche de surf, et me voilà parti pour la plage. Je vais aller à Pacific Palisades, en général dans ce quartier y a moins de monde. Y a pas mal de résidences et de plages privées, ou du moins plus à l'écart. Et j'ai clairement pas envie de me battre pour chaque vague avec une vingtaine d'autres surfeurs !

J'arrive et il n'y a absolument personne. Il faut dire qu'on n'est pas non plus dans la meilleure des saisons. Mais aujourd'hui il fait beau, les vagues ont l'air incroyables, et il est hors de question que je ne m'éclate pas ! Je sors de la voiture, j'enlève mon débardeur, mes chaussures, et je sors la planche. Quelques secondes plus tard je suis déjà dans l'eau, je fonce vers les vagues et je me met debout sur la planche. Je perds l'équilibre, je tombe et je recommence. Cette fois je réussis mais ça ne m'empêche pas de replonger, encore et encore et encore. Et j'oublie tout, jusqu'à ce que je discerne quelqu'un sur la plage, une femme, qui me fixe. Pas n'importe laquelle. Je n'ai pas besoin d'être près pour la reconnaître. Je me demande bien ce qu'elle fait ici... Je pourrais la rejoindre maintenant et lui poser la question mais je décide de faire un peu le show... Après tout, elle a l'air bien installée dans le sable, autant que je lui donne à voir ! Alors je nage de nouveau, je vais à la rencontre d'une vague, magnifique, et je monte sur la planche, je garde l'équilibre, je me laisse glisser jusqu'à me rapprocher au plus possible du rivage. Cette fois je la rejoins. Et je plante ma planche dans le sable à quelques pas d'elle. « Le spectacle te plaît ? » je lui demande, petit sourire accroché aux lèvres. « Non que tu as l'air plutôt absorbée par la vue. » je reprends d'un ton taquin.

je ne sais pas s’il m’a vu. en tout cas moi oui. ah ça pour l’avoir vu… je suis même fixée sur lui, totalement hypnotisée. c’est dingue quand même. je ne l’ai pas vu pendant… dix ans ? et là, en l’espace de quelques semaines je le croise deux fois. deux unviers totalement différents par ailleurs. aujourd’hui on est seuls. je ne sais pas si c’est une bonne chose. je ne sais pas non plus si c’est une bonne idée que de rester là. en fait, je ne sais pas grand chose à ce sujet. sur ce “nous” qui semble nous caractériser. je l’ai perdu de vue du jour au lendemain. sans préavis, rien. il a juste disparu. et voilà que maintenant, il semble hanter ma vie. cette vie construite, ce présent qui n’a pastout de réjouissant. j’y ai réfléchi un peu, c’est vrai que le fait que je le recroise le soir de ma fête de fiançailles c’est quand même totalement impromptu. ça aurait pu être n’importe quand et il a fallu que ce soit là. pour aujourd’hui il n’y a rien de précis à part que c’est… aujourd’hui. posée sur le sable, je continue de l’observer. il évolue dans les vagues presque comme un danseur. une grace que je ne lui connaissais pas forcément ou du moins pas à ce point. c’est cmme si il faisait corps avec l’océan. c’est assez dingue. à moins que le soleil ne me tape trop sur la tête et que je divague totalement. ça peut être une solution également, je pourrai y penser. ou pas. parce qu’il est descendu de sa planche et qu’il se dirige vers le sable. c’est à dire vers moi. oh la, je n’avais pas pensé à ça dans la suite des événements moi. c’est qu’il m’a vu, ça c’est certain maintenant, il n’y a plus de doutes à avoir à ce sujet. sa planche se plante non loin de moi et même s’il ne se fixe pas face à moi, je sais que ses paroles me sont destinées. ” le spectacle te plaît ? non que tu as l'air plutôt absorbée par la vue. “ j’esquisse un léger sourire face à ces paroles quelque peu insolentes quand on y pense. mais c’est lui ça. c’est le caractère de l’adolescent dont j’étais folle amoureuse. pas sa langue dans sa poche, à dire ce qu’il pense, à se foutre du regard des autres. oui, jasper. ” je dois avouer que oui, le spectacle me plait bien. la vue était plutôt jolie. enfin y’avait quelqu’un qui s’agitait dans l’eau juste devant moi mais ça n’a rien enlevé au charme du paysage. “ oui alors on sait tous les deux que c’est lui que je regardais mais je ne vais pas le lui dire comme ça. ce n’est pas dans mes habitudes. ” tu te débrouilles plutôt pas mal… “ ce n’est pas comme si je m’y connaissais en surf ceci dit mais j’estime que si il arrive à rester sur sa planche pendant plus de deux secondes c’est qu’il est plutôt doué.

« je dois avouer que oui, le spectacle me plait bien. la vue était plutôt jolie. enfin y’avait quelqu’un qui s’agitait dans l’eau juste devant moi mais ça n’a rien enlevé au charme du paysage. » Je ne peux empêcher ma bouche de s'étirer dans un sourire. Les années qui ont passé n'ont rien enlevé à son charme à elle ! « Pas très observatrice à ce que je vois ! » je réplique alors. « Je ne m'agitais pas dans l'eau, j'étais plutôt dessus... c'est le principe du surf, je peux t'apprendre si tu veux ! » je lâche alors sans me séparer de mon sourire mais en y ajoutant une pointe d'arrogance. Je ne sais pas vraiment si j'ai le "droit" de la taquiner ou non, mais dans tous les cas je m'en fiche et je le prends le droit. Ne serait-ce que pour écarter la monotonie affolante de sa vie. J'ai bien vu son enterrement de vie de jeune fille et c'était vraiment triste... c'était plutôt un enterrement tout court en fait. D'ailleurs je comprends même pas comment elle en est arrivée là. « Merci. » je réponds simplement quand elle me complimente sur mes compétences de surfeur, bien que j'ai parfaitement conscience qu'elle n'y connaisse rien. Charlotte Clark sur une planche, j'aimerais bien voir ça ! Je fais quelques pas jusqu'à la voiture garée à côté et j'en sors la glacière, que je ramène et que j'ouvre, faisant signe à Charlie de se servir si elle le souhaite. « Alors, Miss Clark, que faites vous ici, toute seule sur une aussi belle plage ? » C'est vrai que de toutes les plages de la ville, il a fallu qu'on se retrouve sur celle-ci. « Tu habites dans le coin ? » je demande finalement, dans un éclair de lucidité. Wow, si elle habite dans un quartier aussi huppé... enfin ça ne changerait pas grand chose mais... quand même. Je serais surpris.

" pas très observatrice à ce que je vois ! je ne m'agitais pas dans l'eau, j'étais plutôt dessus... c'est le principe du surf, je peux t'apprendre si tu veux ! " pour le coup j'éclate de rire. parce que son idée est risible il faut bien le reconnaître. " moi sur une planche ? en fait non, ça reviendrait à "moi dans l'eau". même si je fais parfois du yoga, j'ai l'équilibre d'un gamin de 15 ans qui prend sa première cuite. " à peu de choses près. ouais, définitivement ce genre de sports ce n'est pas pour moi. il faut des compétences que je n'ai définitivement pas. il finit par me remercier lorsque je vante ses talents de surfeur à demi-mots. je ne m'en suis pas cachée, c'est vrai qu'il est plutôt doué. je ne veux juste pas lui laisser croire que je suis trop admirative. voilà tout. je le vois qui récupère quelque chose dans une voiture garée là, je suppose donc que c'est la sienne. il en sort une glacière qu'il vient poser non loin de moi. il semble me faire signe de me servir mais je ne bouge pas pour le moment, quelque peu surprise encore de le voir là. alors, miss clark, que faites vous ici, toute seule sur une aussi belle plage ? tu habites dans le coin ? " je le regarde amusée et hoche doucement la tête. " oui, un peu plus loin. " en vérité il n'est vraiment pas loin de chez moi. vraiment pas loin. " j'ai eu envie de courir et il n'y a pas meilleure vue que celle là. " ça c'est certain. s'il y a bien une chose que j'aime en habitant dans le coin, c'est cette vue. " et toi alors ? qu'est ce que tu fais par ici ? je ne pense pas que tu vives avec les jonhson ? " la maison juste derrière nous. après tout oui, cette plage est censée être privée. " t'as quoi à me proposer ? " que je lui demande finalement en montrant d'un signe de tête la glacière. bien loin de moi l'idée d'aller fouiller comme ça.

Je la dévore des yeux regarde et c'est fou. Elle est aussi belle que dans mon souvenir, simple mais avec ce petit je ne sais quoi, ce petit grain de folie et de liberté. Mais dans un sens elle est aussi très différente de celle que j'ai connu. Plus classique, rangée, 'parfaite'. Mais pas dans le bon sens. On dirait qu'elle a oublié ce que c'est de vivre, vivre pour de vrai. Crier de toutes ses forces. Prendre un bain de minuit. Danser nu dans son appartement. Faire une bataille de nourriture. Ou même simplement faire des marathons de films et séries en se nourrissant exclusivement de chips, pizzas et glaces. Non, je n'imagine pas la fille devant moi faire ce genre de chose. Celle qui est devant moi se lève à 6h tous les matins, elle fait un jogging et du yoga, elle boit des jus détox et de l'eau plate, elle ne mange que du poulet sans la peau, jamais rien de gras, elle est toujours bien habillée, maquillée, coiffée, sans que rien ne dépasse. Et puis évidemment elle a M. Parfait accroché à son bras, avec le joli caillou brillant qu'il lui a offert lui ornant le doigt. Je ne sais pas si mes soupçons sont justes ou non, mais en tout cas c'est l'impression que j'ai, et je ne peux m'empêcher d'avoir envie de mettre un coup de pied dans la fourmilière et de faire trembler son monde un peu, même l'espace d'un instant. Et non, ce n'est ABSOLUMENT PAS parce qu'elle est fiancée à Mr. Parfait que je fais ça. Nope, pas du tout. « Wow, je disais ça pour plaisanter mais... tu vis vraiment ici ? » je m'exclame alors. En fait, ça ne m'étonne même pas. Puis au fond je sais qu'elle mérite d'avoir tout ça, la jolie maison, la super vue et la belle histoire d'amour... C'est peut-être un peu égoïste de ma part de vouloir fourrer mon nez dans tout ça. Au moins j'en ai conscience. Un peu. Un tout petit peu. « Non, je ne vis pas dans le coin... certainement pas. J'ai une petite maison à Westwood, vers UCLA. Ça paye pas de mine, mais ça me suffit. » je réponds simplement en haussant les épaules. Faut dire qu'en grandissant j'ai été habitué à ne pas avoir grand chose, alors comme qui dirait, je me satisfait du nécessaire. J'ai un toit sur la tête, le reste est accessoire. D'ailleurs faut voir chez moi, y a un canapé, une table basse, une télé, une table avec deux chaises, un lit et une armoire. Ouais, les quelques pièces de la maison font un peu vides, mais quelle importance ? « T'as quoi à me proposer ? » Sa voix me ramène au moment présent. Cette fois je ne peux me retenir. « Pas sûr que ça t'intéresse. J'ai des sandwiches poulet-ananas-sauce salsa, du soda ou des joints. Mais j'imagine que t'es plutôt du genre jambon-beurre et eau plate ? » je lâche d'un air taquin. Non qu'elle doit avoir un minimum conscience que sa vie est monotone, n'est-ce pas ? A moins que vraiment je me fasse des films, mais pour l'instant elle m'a pas tellement prouvé le contraire. « Enfin y a rien de mal à ça, c'est juste un peu... ennuyeux. » Peut-être que je pousse un peu trop. Mais peut-être que c'est fait exprès. Peut-être que j'ai envie de la titiller assez pour qu'elle s'énerve. Peut-être aussi que je suis juste un abruti.

« wow, je disais ça pour plaisanter mais... tu vis vraiment ici ? » je hoche doucement la tête un peu amusée qu’il s’en étonne. enfin bien sur il ne pouvait pas savoir où je vis mais s’il pose la question… enfin voilà je pensais juste devoir confirmer son idée mais il y a du coup cette surprise. et oui ça m’amuse. « un peu plus loin oui. » que je répète machinalement. je lui retourne la question en étant certaine de mon côté qu’il ne vit pas ici du moins pas dans la maison derrière nous. peut être qu’il vit plus loin mais c’est vrai que j’en doute. après il peut aussi me surprendre, sait-on jamais. « non, je ne vis pas dans le coin... certainement pas. j'ai une petite maison à westwood, vers ucla. ça paye pas de mine, mais ça me suffit. » je souris mais sans pour autant être dépressive. disons que si ça lui convient c’est le principal. et il semble avoir un lieu qui lui convient alors… je me concentre ensuite sur cette glacière qui l’accompagne. « pas sûr que ça t'intéresse. J'ai des sandwiches poulet-ananas-sauce salsa, du soda ou des joints. mais j'imagine que t'es plutôt du genre jambon-beurre et eau plate ? enfin y a rien de mal à ça, c'est juste un peu... ennuyeux. » je lève les yeux au ciel, c’est qu’il me cherche lui. « non mais donc ! c’est pas vrai. déjà j’aime pas trop le jambon beurre. » oui, je ne suis pas fan, je trouve ça un peu gras pour pas grand-chose. ça n’a même pas de goût. « je veux bien goûter un de tes… sandwich si on peut appeler ça comme ça. qui met de l’ananas dans un sandwich d’ailleurs ? » y’a que lui pour faire ça, ce mélange est clairement improbable. « mais non pas de soda je n’aime pas ça… et le joint… pas sure. » en même temps j’en ai jamais fumé, pas une seule fois. même pas pour essayer. faut dire que ça ne m’a jamais attirée à l’époque, bien trop concentrée sur la danse d’abord et sur mes études ensuite. pas de place pour ce genre de choses.

Je dois reconnaître que je suis un peu impressionné par ce calme olympien qu'elle garde en permanence, comme un masque indélébile qui ne la quitte jamais. Du moins c'est l'impression qu'elle me donne. L'impression d'être toujours en contrôle. « Je veux bien goûter un de tes… sandwich si on peut appeler ça comme ça. Qui met de l’ananas dans un sandwich d’ailleurs ? » Bon sang elle me tue. Mais j'avoue que j'aime bien en fait. Cette apparence candide et toujours maîtrisée me désarçonne un peu, mais je n'y vois qu'un challenge de plus, qu'un peu plus l'envie de déranger son petit monde un peu trop parfait. « Les gens fun qui aiment l'aventure... et prendre quelques risques » je réplique alors que mes lèvres s'étirent dans un mince sourire avant de finalement mordre dans un sandwich, me délectant du goût sweet & sour du sandwich. Un pur délice, un tourbillon de saveurs. « Mais non pas de soda je n’aime pas ça… et le joint… pas sure. » Cette fois je me contente de secouer doucement la tête de droite à gauche d'un air amusé. J'avale enfin ma bouchée, et je vais même jusqu'à lâcher un petit rire désabusé. « Ça m'aurait étonné tiens... , je lâche toujours amusé par la situation. Même si au fond j'en reviens toujours pas qu'on soit là tous les deux, assis sur la plage comme si de rien n'était. « Mais où est ton sens de l'aventure ? Si je me souviens bien tu n'avais pas tant peur de prendre des risques à l'époque... » Après tout, elle a toujours été miss parfaite, sauf qu'à l'époque du lycée, elle n'a pas hésité à se rapprocher du type mystérieux qui voulait se donner mauvais genre. On en a passés des bons moments, mais c'était il y a bien longtemps. Et même si je vois toujours en elle, cette miss parfaite que je trouvais terriblement irritante (et à la fois irrésistiblement attachante), je vois bien qu'elle n'a plus autant ce goût du risque qu'à l'époque. Enfin si on peut appeler ça le goût du risque... le sens de l'aventure... la petite étincelle... bref, ce petit truc qui donne un vrai sens à la vie. Et je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il s'est passé. J'attrape finalement un sandwich dans la glacière. « Dis-moi, de quoi tu as peur ? » je lui demande d'un timbre plus bas empreint de mystère, presque dans un murmure, me rapprochant d'elle un peu plus que nécessaire pour lui donner le sandwich.

” les gens fun qui aiment l'aventure... et prendre quelques risques. “ je le vois bien que ça l’amuse et surtout qu’il se fiche de moi. c’est assez évident que cette réflexion m’est totalement destinée. je lève les yeux au ciel et ne prends pas la peine de répondre à cette attaque grotesque. et j’essaye surtout de cacher cet air amusé sur mon visage. je finis par répondre à la deuxième partie de ses propositions et je me heurte aux mêmes sarcasmes. ” ça m'aurait étonné tiens... mais où est ton sens de l'aventure ? si je me souviens bien tu n'avais pas tant peur de prendre des risques à l'époque... “ une époque lointaine, très lointaine. une époque où tout semblait plus simple, plus facile. je soupire légèrement et perds quelque peu mon sourire. cette vie dans laquelle on essaye de m’enfermer est vraiment loin de me correspondre et c’est quand je repense à mon passé que je m’en rends le plus compte. comme là. réellement. je suis sortie de mes pensées par des mouvements juste à côté de moi et je reprends conscience de là où je suis. sur cette plage avec jasper. il sort de la glacière un autre sandwich avant de s’approcher de moi. ” dis-moi, de quoi tu as peur ? “ sa façon de faire, son air plus doux, cette approche différente me fait esquisser un léger sourire. et surtout cette question à laquelle je prends le temps de réfléchir alors que j’attrape ce qu’il me tend. ” peut être d’aimer ça ? “ interrogation légitime oui. imaginez que j’aime ça… ce serait totalement absurde. me replonger dans ces sensations passées et presque oubliées. oui presque, parce que quand il est là avec moi, j’ai quelques bribes qui me reviennent en tête. rien de concret parce que je me refuse à me laisser aller à ces souvenirs anciens. mais des souvenirs quand même. je soupire avant de finalement venir croquer dans le sandwich. j’esquisse d’abord une grimace lorsque le goût de l’ananas vient frapper mon palai mais une fois que je l’ai appréhendé c’est une légère expression de surprise qui prend place sur mon visage. ” c’est… pas mauvais. “ que je dis une fois cette première bouchée avalée. je souris même avant d’en reprendre une deuxième. ” ça se laisse manger quoi. “ une façon d’admettre qu’il avait raison sans pour autant lui dire. ” tu deviens quoi alors ? rassure moi, tu ne t’es pas lancé dans la cuisine hein ? “ je le taquine parce qu’au fond pourquoi pas. même si je ne suis toujours pas convaincue à 100% par ce mélange improbable. c’est peut être pour ça que je croque à nouveau dedans. histoire d’être certaine voyez vous…

« Peut être d’aimer ça ? » Je n'arrive pas à retenir ce petit sourire de s'installer sur mes lèvres. J'adore la voir comme ça, succomber à la tentation. Ouais je sais c'est mal, et peut-être que ça fait de moi un mec dégueulasse, mais je m'en fous. Elle est assez grande pour savoir ce qu'elle fait après tout. Si elle veut passer du temps sur la plage avec moi plutôt que rentrer auprès de son Ned Flanders ridicule là... qui suis-je pour l'en empêcher hein ? « C’est… pas mauvais. » « Avoue-le, tu adores ça ! » « Ça se laisse manger quoi. » Cette fois je laisse échapper un rire. Je commence à retrouver ma Charlie. Cette fille têtue qui s'était donné comme mission de dérider le gamin renfrogné que j'étais, qui y avait passé des semaines jusqu'à enfin réussir à m'apaiser. Une époque bien lointaine. Et pourtant je ne peux m'empêcher d'y replonger, en pensées, en rêves. J'ai presque l'impression que ça n'a jamais existé que dans ma tête. Etrange sensation. « Tu deviens quoi alors ? Rassure moi, tu ne t’es pas lancé dans la cuisine hein ? » Je lève les yeux au ciel. Elle n'en démordra jamais, miss-je-veux-toujours-avoir-raison. Ça va qu'elle est mignonne dans le genre agaçante. « Et pourquoi pas ? T'as plutôt l'air d'aimer mon sandwich on dirait ! » Non, les taquineries ne cessent jamais, même si elles restent bon enfant. Faut dire que ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus, alors j'y vais encore en douceur avec elle. Faudrait pas la brusquer non plus. « Qu'est-ce que je deviens... hum, j'ai été viré de mon boulot de Barman. Mon Boss et moi on avait des opinions un peu... divergentes. Alors... on s'est séparés d'un commun accord vois-tu. » je réponds alors. Inutile de lui dire qu'après l'avoir croisée là-bas quand elle a fêté son enterrement de vie de jeune fille m'a légèrement fait péter un câble. J'ai peut-être un peu bu, perdu mon sang-froid et été forcé de partir avant que les flics se pointent. Mais ouais, pas la peine de lui filer tous les détails. « Tant pis, ils y perdent au change, j'emmènerais mes talents de guitariste ailleurs ! » que je réplique alors en haussant. Je suis toujours passé d'un boulot à l'autre comme on change de chemise, je me suis jamais posé où que ce soit, et ça ne m'a jamais posé aucun problème, j'aime être libre comme l'air. Ne pas avoir de responsabilités, pas d'attaches, ça me ressemble bien après tout. « Pour l'instant, je surfe. » Petit sourire plein d'insouciance. « Et toi alors ? Dis-moi tout, comment tu en es arrivée là, à vivre dans un petit quartier chicos, avec un joli caillou à ton doigt ? »

c’est amusant comment, malgré ce temps passé depuis nos années lycée, on se parle comme si de rien n’était. j’aurai pu avoir de la rancoeur, j’aurai pu lui en vouloir d’être parti comme ça. mais on m’a toujours dit que ça ne servait à rien d’avoir autant de haine en soi. je ne dis pas que je lui ai pardonné, j’ai toujours envie d’avoir des explications. mais disons que ce n’est plus comme avant. je vais bien, presque bien. et puis c’est sacrément agréable de le revoir, de discuter de nouveau avec lui, de rire avec lui. oui, ça l’est. ” avoue-le, tu adores ça ! “ il cherche toujours après moi, comme je cherche après lui. comme si rien n’avait réellement changé. peut être qu’au fond, rien n’a changé ? non je ne peux pas dire ça. tout a changé. on n’est plus des enfants, on a plus cette insouciance et maintenant c’est avec des responsabilités qu’on doit composer. moi du moins, je n’ai pas le choix. je ne sais pas réellement ce qu’il devient, je me suis toujours promis de ne pas devenir folle et chercher à savoir qui il était, ce qu’il était devenu, faire des recherches sur lui. je ne suis pas comme ça mais je dois avouer que l’idée m’a quand même quelque peu titillé. et j’ai résisté, ce que je fais toujours. je résiste. ” et pourquoi pas ? t'as plutôt l'air d'aimer mon sandwich on dirait ! “ qu’il me répond en premier lieu quand je lui demande ce qu’il devient. je secoue la tête avec une grimace comme pour lui signifier qu’il raconte des bêtises. à moitié vrai, à moitié faux. ” qu'est-ce que je deviens... hum, j'ai été viré de mon boulot de barman. mon boss et moi on avait des opinions un peu... divergentes. alors... on s'est séparés d'un commun accord vois-tu. “ je ne vois pas vraiment. enfin je comprends qu’il n’a plus son boulot mais c’est cette histoire d’opinions divergentes que je ne comprends pas. parce que je ne connais pas l’histoire surtout faut dire. il semble il y en avoir une en tout cas. ” tant pis, ils y perdent au change, j'emmènerais mes talents de guitariste ailleurs ! “ il a raison de voir les choses comme ça. et c’est vrai qu’il est doué avec une guitare. y’a pas à dire… ” pour l'instant, je surfe. et toi alors ? dis-moi tout, comment tu en es arrivée là, à vivre dans un petit quartier chicos, avec un joli caillou à ton doigt ? “ forcément il fallait que ça revienne sur le tapis ça. ” comment j’en suis arrivée là hein… y’a pas vraiment d’histoire tu sais, c’est juste… comme ça ? “ pourquoi je n’arrive pas à le lui dire ? pourquoi je n’arrive juste pas à dire que je n’ai rien demandé, qu’on me l’a imposé. parce que j’ai peur du jugement ? parce que j’ai peur qu’il me dise que ce n’est pas ce qu’il me faut ? ou peut être parce que j’ai peur qu’il s’en fiche et qu’il m’encourage à suivre cette voie tracée pour moi ? je ne sais pas mais ça a du mal à sortir. ” c’est la vie. “ je n’ai pas le visage de la femme heureuse d’avoir cette vie en tout cas mais je sais bien faire illusion. ” d’ailleurs je vais devoir y aller… le temps passe vite par ici. “ ou plutôt je fuis, oui c’est plutôt ça. ” on se croise souvent ces temps ci j’ai l’impression non ? “ je me redresse et retire le sable de l’arrière de mes jambes et de mes fesses avec toute l’élégance que peut accompagner ce geste. ” ça arrivera peut être bientôt de nouveau ? “ qui sait ? je n’ai pas envie de lui dire aurevoir, je n’ai pas vie de prononcer ces mots qui concluerait cette parenthèse. parce que j’aime y être, dans cette parenthèse. alors je lui adresse un sourire et agite ma main, un rapide salut avant de retourner à ma petite vie bien rangée. avant de classer dans un coin de ma tête ce moment hors du temps.

« Y’a pas vraiment d’histoire tu sais, c’est juste… comme ça ? C’est la vie » qu'elle me réponds. Je préfère ne faire aucun commentaire. Déjà parce que j'ai l'impression que c'est un sujet un peu sensible. Ensuite parce que j'ai le sentiment qu'il y a bien plus derrière tout ça qu'elle ne veut bien le montrer, et je ne veux pas la brusquer. Elle est un peu comme une biche sauvage, à l'affût du moindre bruissement de feuille pour prendre la fuite. Et je ne veux pas qu'elle s'enfuit, je ne veux pas qu'elle m'échappe encore une fois. Même si c'est probablement extrêmement égoïste de penser comme ça. Quoi qu'il en soit, on dirait que ce mariage, ce fiancé, cette vie, elle n'a rien choisi de tout ça, on le lui a imposé. Ou elle se l'est imposé à elle-même pour faire plaisir à papa chéri. Mais je ne crois pas que tout ça soit de son propre chef. Alors je compte bien la détourner du "droit" chemin, pour son propre bien. Mais voilà qu'elle s'en va déjà, prétextant une chose ou une autre. Je vois bien qu'elle ment, qu'elle se ment à elle-même. Mais j'ai l'impression que je réussis à capter son attention ces derniers temps. Oui, on se croise souvent. Après ne pas s'être vus pendant plus d'une décennie, on se croise par hasard à deux reprises. Ça ne peut pas être le hasard, je n'ai jamais cru aux coïncidences. « Ça arrivera peut être bientôt de nouveau ? » Je souris, j'acquiesce comme un idiot quand elle me dit ça en se relevant, en s'éloignant de moi. Je crois qu'elle est trop loin pour entendre quand je réponds: « Je l'espère... »