a little loss of innocence. (ginsea #2)

il y a ces moments que je redoute. ceux où je dois la voir. depuis qu’elle a quitté la maison il y a quelques semaines, plus rien n’a de sens. j’erre à travers les murs sans trop savoir où aller. ce silence m’angoisse et m’oppresse. le rire d’eileen, les cris d’evan, même les pleurs. tout ça me manque. sans compter le manque de leur mère mais ça, c’est vraiment la dernière chose à laquelle je veux penser. je ne peux pas. c’est impossible. mais là, elle est là. je la vois, je ne peux pas l’ignorer. après tout je reste son agent. faut dire que ça aussi j’ai du mal à le comprendre. elle aurait pu me virer, trouver quelqu’un d’autre facilement. chelsea est connue et ce n’est pas les opportunités qui manquent. en vérité, je m’attendais vraiment à voir notre contrat être déchiré. passer à la trappe. et pourtant non. je suis là, elle est là. je me suis parée de mes talons, d’un jean moulant et d’une chemise ample. ce rouge à lèvres derrière lequel je me cache. comme un masque, un rempart à la tristesse, une force que je veux montrer aux autres. à elle. loin de ma carcasse que je traîne en pyjama chez moi en me déplaçant avec mon verre de vin ou mon pot de glace. les enfants me manquent voilà tout. c’est juste ça. c’est tout. c’est juste un infâme, monstrueux bordel dans ma tête. puis mon nom vient à être prononcé et je relève la tête. ” pardon ? “ le contrat, l’émission, les nouveautés, les horaires. tout ce que je dois vérifier et approuver. faire mon boulot et être rigoureuse. on remonte les manches et on y va. je peux le faire. je ne suis douée que pour ça de toute façon. ” oui oui tout me paraît bien. “ c’est ce qu’on avait défini avec chelsea mais je me permets quand même de lever le regard vers elle pour voir si elle est toujours d’accord avec ça. ça semble être le cas. et la réunion s’approche de la fin. je vais bientôt pouvoir retrouver mon canapé, mon verre de vin, mon pot de glace à la vanille. je devrai peut être penser à prendre un chien. ou un chat, c’est plus indépendant. j’en sais rien… juste combler ce putain de vide qui règne chez moi. ” je crois qu’on a terminé oui. merci à tous. “ les formules de politesse, les blabla habituels avant de prendre congé de tout ce petit monde. je cherche des yeux la danseuse dans l’espoir d’un dernier regard mais je ne la vois pas. pas tout de suite. c’est seulement lorsque j’entends sa voix monter dans les aigus que je la localise dans la pièce. je me retourne et la vois au téléphone, agitée, énervée et avec un air d’inquiétude sur le visage qui ne me dit rien qui vaille. ” hey ça va ? “ je ne peux pas m’en empêcher, surtout qu’il me semble bien l’avoir entendu prononcer le nom de sa fille. et oui, je me sens concernée. c’est peut être idiot mais tant pis. quitte à me faire refouler, je m’approche d’elle, attends la suite.

C’est dingue quand même. A la base, ce genre de soirée/réunion, j’adore. Tant que ça touche à mon boulot, j’adore ça. C’est une chance. Mais depuis quelques temps, c’est de plus en plus difficile d’apprécier ce genre de moment. La raison ? La présence de Gina. Depuis qu’elle nous a foutus dehors les enfants et moi, je l’ai en travers de la gorge. Je sais que ça devait arriver un jour, même si je pensais qu’on était bien tous les quatre, mais je m’attendais à quoi au juste ? Elle n’avait pas de vie intime, de vie privée. Maintenant, elle peut faire ce qu’elle veut avec qui elle veut. Bordel, pourquoi cette pensée me donne la nausée ? Elle est là, pas loin, j’essaie de ne pas la regarder, ne pas lui donner de l’importance, même si putain c’est dur. Je discute avec tout le monde, je garde le sourire, je sais très bien faire semblant. Peut-être que c’est une carrière d’actrice que j’aurai dû faire. Il n’est pas trop tard remarque. La réunion touche à sa fin, et c’est pile à ce moment là que je reçois un appel. C’est la baby sitter. Mon coeur s’affole, c’est jamais une bonne chose de recevoir un appel de sa nounou. Je décroche et l’entends parler à toute vitesse, j’ai du mal à comprendre. « Attends calme-toi respire un coup je comprends rien à ce que tu me racontes. » Je suis concentrée sur sa voix au max que je peux, c’est pas simple. Elle begaye, elle panique. « Eileen. Eileen est… putain…. » Je glisse ma main dans mes cheveux, il faut que je réfléchisse vite. Mais soudain j’entends la voix de Gina. Elle choisit bien son moment elle. Elle me demande si ça va, j’ai une tête à aller bien sérieux ? « Non ça va pas. Eileen a disparu. » Mon coeur bat à tout rompre. J’essaie de demander des précisions à Heather mais elle a du mal à parler. « Heather, reste où tu es au cas où elle revienne. Ne lâche pas Evan des yeux. J’arrive. » Je raccroche et plante mon regard dans celui de Gina. J’ai peur comme j’ai jamais eu peur. « Ils étaient au parc, elle a disparu, envolée. » J’ai envie de chialer, de hurler, j’ai tellement peur qu’il lui soit arrivé quelque chose, je vais pas tenir…

” non ça va pas. eileen a disparu. “ j’ai cette phrase qui résonne dans ma tête. je l’ai entendu la dire oui, mais là ça résonne. encore et encore. les mots qui reviennent inlassablement. eileen a disparu. non, ce n’est pas possible. figée sur place, je tente de me concentrer sur ce qu’elle dit ensuite au téléphone, espérant avoir plus d’informations. ” heather, reste où tu es au cas où elle revienne. ne lâche pas evan des yeux. j’arrive. “ oui manquerait plus que lui aussi disparaisse. j’ai un rire cynique qui me vient en tête. foutu réflexe de défense. faut que j’arrive à me concentrer, que je me focalise sur eileen, sur chelsea, sur cette heather a qui je vais arracher la tête incessamment sous peu. ” ils étaient au parc, elle a disparu, envolée. “ ou la démembrer entièrement la heather. fort possible. ” ok on y va. “ alors non, je ne lui laisse pas le choix. et que ça la dérange ou non, ce n’est pas mon soucis. le fait est que j’ai ma voiture qui m’attend en bas de l’immeuble, prête à partir et que ça peut nous faire gagner du temps. je l’attrape par la main, mets de côté cette sensation étrange au bout de mes doigts qui remonte jusqu’à ma nuque et je nous amène près de l’ascenseur. ” la voiture est prête à partir, c’est quel parc ? “ comme ça l’itinéraire pourra être calculé avant qu’on arrive, pas de bouchons ni rien à prévoir. l’utilité d’un chauffeur je présume. ” elle était habillée comment aujourd’hui ? “ première question, pour situer un peu, pour faire la conversation. tout est silencieux, si silencieux. j’aimerai pouvoir arriver à lui dire quelque chose, la rassurer ou quoique ce soit d’autre, mais je n’y arrive pas. ça ne sort pas. je ne sais pas si c’est ma propre inquiétude qui me bloque ou le fait que je ne me sente pas légitime à être inquiète peut être. c’est ridicule et incompréhensible. je me sens honteuse de m’inquiéter. pourtant mes ongles manucurés que je me ronge jusqu’à la peau sont bien là pour prouver que je ne suis pas sereine. ” elle a des endroits où elle aime aller ? ou des copines chez qui elle aurait pu aller ? “ comme si je ne le savais pas ça… enfin ça ne fait pas si longtemps que ça qu’ils n’habitent plus à la maison, je sais que les enfants changent vite de fréquentation mais tout de même. on arrive devant le parc et je descends de la voiture en même temps que la danseuse. ” va retrouver evan et cherche ici, je vais faire le tour en voiture. “ c’est marrant, ce parc c’est celui pas loin de chez moi. celui où on allait parfois. au moins je sais que eileen connaît les lieux, ça me rassure un peu. ” on se tient au courant ? “ une promesse de mon côté, une demande pour elle. même si ça me semble logique qu’elle le fera, je préfère qu’elle sache que oui, je me sens concernée. je remonte dans la voiture et indique à mon chauffeur de commencer à rouler autour du parc. ” on tourne en s’éloignant d’accord ? “ je ne sais pas jusqu’où on va aller comme ça. je sais juste que je serre entre mes doigts mon téléphone. trois fois que je vérifie que le son est bien allumé. légèrement stressée. totalement angoissée. je ne sais pas si le temps défile trop vite ou non mais il y a quelque chose qui cloche. je regarde à droite, à gauche, je vois des silhouettes mais aucunes qui ne ressemblent à celle d’eileen. on continue encore et toujours. prochain tour on arrivera dans ma rue. la voiture roule, moi je guette et dans cette rue, celle qui mène vers chez moi, je vois une silhouette. plus petite qu’un adulte, plus grande qu’un chien errant et surtout sur deux pattes. ou pieds en l'occurrence. ” stop ! “ que je crie au chauffeur avant de descendre de la voiture. ” eileen ? “ ma voix qui résonne sur les murs de ces bâtisses sans âme. foutu quartier. elle se retourne, pas de doutes. je m’élance vers elle, ne me rends même pas compte que je deviens très douée en course à talons. arrivée à sa hauteur je m’accroupis et la prends dans mes bras. ” mais eileen ! pourquoi t’es partie ? ça va tu n’as rien ? “ les questions d’usage avant de me reculer pour la regarder sous toutes les coutures. non ça a l’air d’aller. elle a des explications à fournir mais pour le moment j’ai plus important à faire. téléphone déverrouillé, j’appelle chelsea. ” hey je l’ai trouvé. [...] elle va bien promis ! elle a un peu peur je crois mais tout va bien. [...] on est… à la maison. je reste ici avec elle, la voiture te récupère là où on t’a déposé. “ cette conversation n’a ni queue ni tête. mais l’essentiel est posé. eileen va bien. j’envoie la voiture comme promis vers le parc tandis que je rentre avec eileen dans les bras à la maison. ” tu ne refais jamais ça promis ? “ pourquoi est ce qu’elle devrait me promettre quelque chose au fond… je la pose dans le canapé et vais préparer dans la cuisine deux chocolats chauds et deux verres de vin. quelque chose me dit que ça ne manquera pas.

« ok on y va. » Je ne me pose aucune question. Gina est à l’origine de mes retrouvailles avec Eileen, du développement de mon amour pour elle, de mon instinct maternel aussi. C’était inévitable qu’elle développe pour elle beaucoup d’amour, après tout, nous avons vécu toutes les trois pendant trois an. « la voiture est prête à partir, c’est quel parc ? » « Celui où on allait ensemble à deux rues de chez toi. »[/color] Elle attrape ma main et je sens mon coeur qui bat plus fort d’un seul coup, et pourtant ce geste aussi anodin me rassure. Une fois dans la voiture, j’ai le sentiment d’avoir les mains congelées. Elle me demande comment elle éait habillée aujourd’hui, je ferme les paupières pour me concentrer, tentant de retrouver ce détail dans mes souvenirs. « Un t-shirt jaune, et une salopette short en jean. Elle devait avoir sa veste avec les symboles australiens, celle que tu lui as offert qu’elle adore. » Je tremble, j’ai peur, mon coeur est si serré qu’il en est douloureux. Je tords mes doigts dans tous les sens, angoissée à l’idée qu’il puisse lui arriver quelque chose. Gina me demande s’il y a des endroits où elle aime aller, des copines chez qui elle aurait pu aller. Je secoue la tête, perdue. Elle est jeune pour ça. « Non, à part le centre équestre je vois pas, ou le zoo, mais c’est trop loin. Et je doute qu’elle sache où vivent ses copines. » Je passe mes mains nerveusement dans mes cheveux et nous arrivons au parc. Elle me somme d’aller chercher Evan pendant qu’elle fera le tour avec le chauffeur. « on se tient au courant ? » me demande-t-elle. Naturellement, je viens poser ma main sur la sienne, la serrant un peu. « Bien sûr. » Et je sors de la voiture pour aller récupérer mon fils, et rester avec Heather. Je lui pose un milliard de questions, j’essaie de comprendre. De toute évidence, on va changer de nounou, parce que c’est une faute professionnelle, je ne sais pas ce qui aurait pu arriver de pire. Les minutes me semblent des heures, quand finalement mon téléphone sonne, c’est Gina. Elle a trouvé Eileen, elle va bien. Mon dieu je suis rassurée. La voiture passe nous chercher Evan et moi et nous dépose devant chez Gina. Ça fait echo dans ma tête, elle a dit ‘à la maison’. Elle aurait dû dire ‘chez moi’. Peut-être que je chipote. Evan dans mes bras, je frappe à la porte et quand Gina ouvre, je lui donne le petit garçon pour fondre directement vers ma fille. « Mon coeur… tu m’as fait tellement peur… » J’ai envie de pleurer si fort. « Pourquoi tu es partie comme ça ?! Qu’est-ce qui t’a pris hein ? » Ma voix n’a pas pour but de l’engueuler, je veux juste comprendre. « Je voulais rentrer à la maison. Et voir Gina. » Je serre les dents. Quand elle dit ‘la maison’, je sais qu’elle parle de cette maison ou nous nous trouvons. Je tourne la tête vers Gina, les yeux rougis d’avoir trop pleuré tout à l’heure dans le parc. Je repose finalement mon regard sur ma fille, alors que je suis encore à genoux sur le sol pour être à sa hauteur. « Tu aurais pu me demander, on aurait trouvé un moyen pour que tu puisses venir ici pour voir Gina. Chérie, tu peux pas nous faire peur comme ça… » Je sens qu’elle a envie de pleurer elle aussi, je n’irai pas plus loin, je me contente de la prendre contre moi et la bercer un peu. Une fois que nous sommes un peu calmées, je la laisse avec son chocolat dans le salon et rejoins Gina qui a préparé pour nous deux verres de vin. « Tu peux le poser, tu vas voir il se déplace déjà tout seul. » Il marche à quatre pattes et se tient même debout en s’aidant des meubles. Une vraie petite tornade. J’ai du mal à croire qu’il aura un an dans deux mois.

tout s'enchaîne si rapidement. je lui demande les informations de base pour la retrouver, je la dépose au parc, on tourne et là, je la vois. elle est là eileen. ascenseur émotionnel en action, c'est eut être la meilleure sensation de la journée celle ci. celle de la retrouver. une fois sa mère prévenue, je m'occupe de la ramener à la maison et de nous préparer à boire. je tente d'agir naturellement et pas du tout comme si mon coeur avait failli sortir de ma poitrine durant la dernière heure. non, vraiment pas. le temps de terminer de tout préparer et on frappe à la porte. pas besoin de chercher qui ça peut être. je me précipite pour ouvrir en me doutant de l'état dans lequel elle doit être. je me retrouve avec evan dans les bras sans m'y attendre mais c'est loin de me déplaire. " et salut mon bouchon. qu'est ce que tu es grand ! " je l'embrasse sur la joue et referme la porte alors que chelsea est directement allée voir eileen. je l'écoute l'interroger sur la raison qui a poussé la gamine à s'enfuir et me rapproche pour écouter l'explication. je m'arrête nette lorsque j'entends cette dernière. rentrer à la maison et me voir. j'ai à la fois le coeur qui se gonfle d'amour mais se brise également. je ne pensais pas que ces deux sensations pouvaient être ressenties en même temps. et pourtant c'est le cas. chelsea me regarde et j'esquisse un petit sourire triste. je ne sais pas trop comment réagir face à cette révélation. définitivement pas. " tu aurais pu me demander, on aurait trouvé un moyen pour que tu puisses venir ici pour voir gina. chérie, tu peux pas nous faire peur comme ça… " nous, oui, il y a ce nous. parce que moi aussi j'étais morte d'inquiétude. " elle a raison tu sais. " on pourrait trouver un moyen, on l'aurait fait. on le fera ? je ne sais pas. mais ils me manquent. tous les trois. les revoir là dans le salon, mon salon, me fait réaliser ça avec amertume. je regarde la mère et la fille encore un peu sans trop savoir où me mettre. si j'ai encore le droit d'assister à ça. evan s'amuse avec mes cheveux et je rigole avec lui. " tu peux le poser, tu vas voir il se déplace déjà tout seul. " je relève mon regard vers la danseuse les yeux écarquillées. " oh. okay. " petit pincement au coeur quand je réalise que j'ai manqué ça. " alors comme ça mon bonhomme tu bouges tout seul. " je m'accroupis et le dépose au sol. il ne tarde pas à se mettre en action. " ah oui c'est un rapide. " je rigole en gardant un oeil sur lui. la maison est toujours sécurisée, en même temps quand on a récupéré eileen elle était bien plus jeune, il avait fallu prendre des mesures. " je suis triste d'avoir manqué ça. " que je lâche en récupérant mon verre de vin. " et qu'eileen soit revenue jusqu'ici sans prévenir. " je n'y suis pas pour grand chose, mais je tiens à ce qu'elle le sache quand même.

J’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. Quand on sait que j’avais abandonné Eileen à son père quand elle n’avait que 9 mois, et aujourd’hui j’ai cru que mon coeur allait lâcher en imaginant le pire… J’essaie de lui faire comprendre à quel point elle m’a fait peur, mais elle est encore petite et les notions de ce genre sont différentes pour un adulte et un enfant. Une fois que j’ai fini de parler avec elle, je la laisse un peu tranquille, je lui ai dit ce que j’avais à lui dire, et j’imagine qu’elle a dû avoir peur elle aussi. Je reviens finalement vers Gina qui tient toujours Evan dans ses bras. Je suis épuisée, ça m’a vidée. Je propose à mon agent de déposer mon fils sur le sol pour voir à quel point il galope. « ah oui c'est un rapide. » Je ris légèrement avec elle. « Laisse tomber il me retourne la baraque. » Il a tendance à être curieux et vouloir aller mettre son petit nez un peu partout, surtout là où il n’a pas le droit. Heureusement, Eileen est grande et elle le surveille aussi, elle sait ce qu’il a le droit ou pas de faire. « je suis triste d'avoir manqué ça. et qu'eileen soit revenue jusqu'ici sans prévenir. » Je plonge mon regard dans le sien, touchée qu’elle se livre à moi de cette façon. « Tu n’y est pour rien. » Pour Eileen en tout cas. Enfin, d’un côté je peux comprendre qu’elle s’en veuille, c’est elle qui nous a demandé de partir. Mais on ne pouvait pas imaginer qu’Eileen veuille revenir ici, et pire, fugue pour le faire. « Et puis, tout n’est pas perdu, il n’a pas encore fait ses premiers pas. » je dis ça au moment où il est déjà en train de se hisser en s’accrochant sur le rebord du canapé, pour se mettre debout. « Je pense qu’il est plus très loin. » Je ne sais pas à quel âge a marché Eileen, je n’étais plus en contact avec Connor depuis le jour où je suis partie, et je n’avais plus vu ma fille depuis le jour où je l’ai abandonnée. Alors ce genre d’infos, je ne les ai même pas. « Peut-être qu’il faudrait qu’on trouve un moyen qu’elle vienne ici de temps en temps, quand tu as du temps. Pour qu’elle puisse te voir, et qu’on évite ce genre de frayeur… » Ça semble logique que la petite fille ait besoin de voir Gina, finalement, même si je suis sa mère, elle a grandit autant avec Gina qu’avec moi depuis qu’elle est revenue dans ma vie. « Chérie fais attention à ton chocolat sur la table, sinon ton frère va le renverser. » J’ai toujours un oeil sur eux, en permanence. Et les élever seule, c’est pas simple. Je ne pensais pas que je ressentirai le manque de Gina, sur autant de points…

« laisse tomber il me retourne la baraque. » au vu de l’énergie qu’il peut produire déjà là, j’imagine que dans un endroit qui lui est connu il est beaucoup plus remuant. oui un endroit connu… plus que ma maison je suppose. aïe, ça pique de penser ça. bordel c’est si compliqué cette situation. un vrai bordel. j’esquisse néanmoins un petit sourire, je ne laisse rien paraître. je suis douée pour ça. des restes d’une carrière d’actrice surement. je lui parle quand même de mes regrets. un peu noyés par cette situation actuelle. « tu n’y est pour rien. » elle non plus ne semble pas s’attarder sur la première partie de ma phrase au vu de sa réponse. parce qu’elle parle de eileen. le reste visiblement c’est moi la responsable, elle me l’avait bien fait comprendre à l’époque. même si ce n’était pas réellement ma volonté. disons que c’était un peu compliqué de lui demander de rester. ça aurait pu paraître étrange comme demande. mais j’aurai du. ou peut être pas ? non je ne sais toujours pas. quel foutoir. « puis, tout n’est pas perdu, il n’a pas encore fait ses premiers pas. je pense qu’il est plus très loin. » je repose mon regard sur evan qui semble d’accord avec sa mère. il n’est plus très loin en effet. il se tient déjà bien sur ses jambes. même s’il est encore petit je le trouve bien dégourdi. c’est marrant. « oui je pense que tu as raison, ça ne devrait plus trop tarder. » ce qui me fait sourire. je pense forcément à nathan. je l’ai vu faire ses premiers pas même si je ne ressens pas la même chose qu’en ce moment. c’est étrange pourtant. je devrai être plus proche de mon filleul que du fils de la danseuse que je représente non ? tout est si… compliqué. encore et toujours. même ce que je ressens ne me semble pas logique. « peut-être qu’il faudrait qu’on trouve un moyen qu’elle vienne ici de temps en temps, quand tu as du temps. pour qu’elle puisse te voir, et qu’on évite ce genre de frayeur… » je sors de mes pensées pour réfléchir à ce qu’elle vient de dire. un moyen pour qu’elle vienne ici. ça me plairait bien sur mais ça serait bizarre ? le temps que je remette mes idées en place je l’entends parler à eileen du chocolat. ça me sort de ma rêverie. « j’aurai toujours du temps pour vous… enfin pour elle. » définitivement oui. toujours. « mais ça ferait une sorte de garde partagée c’est ça ? ou tu serais là aussi ? et evan ? » beaucoup de questions auxquelles je ne suis pas certaine de préférer une réponse plutôt qu’une autre. bien sur que j’ai envie qu’elle soit là et evan aussi. mais… ah oui j’ai déjà dit que c’était compliqué je crois. ça l’est toujours. à vouloir trop de choses je crois que mon cerveau et mon cœur ne font que rentrer en conflit. l’un toujours là pour rappeler à l’autre de faire attention. et au final, je souffre quand même.

Notre échange est presque banal, comme deux amies qui discutent des enfants de l’une. Mais dans le fond, je sais que ce n’est pas ça. Pas seulement ça. J’ose croire que nous sommes encore amies, il reste toujours quelque chose mais quoi ? Je l’ignore. En attendant, nous parlons des futurs premiers pas d’Evan qui ne semble plus très loin d’arriver à marcher tout seul. Je ne suis pas impatiente que ça arrive, j’ai déjà du mal à gérer toute seule, je sens que ça va compliquer encore plus les choses. Mais je ne dis rien, je ne me plains pas. J’ai juste peur de ne jamais pouvoir reprendre mon boulot là où je l’ai arrêté quand je suis tombée enceinte du petit garçon. Aujourd’hui, le monde entier est au courant, des photos de paparazzi ont été publiés, même si j’essaie de garder ma vie privée privée, c’est pas toujours évident.
Finalement, je fais un pas vers Gina en lui proposant de trouver une solution pour qu’elle puisse voir les enfants un peu plus souvent, et éviter le genre d’incident que vient de nous faire vivre Eileen. « j’aurai toujours du temps pour vous… enfin pour elle. » Mon coeur a raté un battement à son premier mot. Ce ‘vous’ qui lui a échappé avant qu’elle ne se reprenne. Pourquoi mon coeur bat-il si vite maintenant ? Je ne la lâche pas des yeux, elle poursuit. « mais ça ferait une sorte de garde partagée c’est ça ? ou tu serais là aussi ? et evan ? » Je sens bien qu’elle est au moins aussi perdue que moi, voire pire. En soi, elle n’est ‘personne’ pour mes enfants, si ce n’est qu’elle m’a aidée, et que si on y réfléchit bien, Eileen ne serait pas là sans cette tête de mule de Gina. Et je ne l’en remercierai jamais assez. C’est normal que cette enfant soit aussi attachée à Gina, elle n’a connu que cette maison, et ce ‘binome’ que nous formions mon agent et moi, dans l’éducation de la petite fille. « Pas vraiment garde partagée, quelque chose de plus libre. Quand elle te réclame et que tu es dispo je te l’amène, pour une journée, deux jours, trois jours, comme tu veux, elle elle sera toujours contente de toute manière. Et Evan pareil, si tu veux t’en occuper de temps en temps, je suis sûre qu’il serait très content. Et puis ils sont très proches tous les deux, je pense qu’ils se manqueraient de ne pas être ensemble plus d’une demi-journée. » Je lui souris, avant de reposer mes yeux sur les deux amours de ma vie. Jamais je n’aurai pensé pouvoir ressentir ça un jour. C’est volontairement que j’ai éludé la question de Gina à savoir si je serai là aussi. Je n’ai pas besoin de l’être, je lui fais une confiance aveugle. Mais si elle veut que je sois là, c’est une autre histoire, même si je doute un peu qu’elle ose me le demander vraiment. Ou qu’elle en ait réellement envie. Bref.

je ne comprends pas trop où elle veut en venir avec cet arrangement un peu bizarre. enfin je ne vais pas m’en plaindre si je peux les voir plus souvent. parce qu’ils me manquent. enfin les enfants. oui voilà que les enfants non ? de toute façon chelsea je la vois dans le cadre du boulot et c’est ce qu’il faut. ne pas tout mélanger. même si c’est compliqué, voir quasi impossible. parce que je sais très bien que je l’inclus dans ce “les” qui désigne la famille halliwell. en même temps c’est difficile de faire autrement. et puis après tout on a vécu un moment ensemble donc c’est peut être normal qu’elle me manque. je n’en sais rien. est ce que c’est normal ? je ne suis pas certaine que quelqu’un ait une réponse à cette question. à part un psy peut être mais non, je ne retournerai pas en voir un. hors de question. quoiqu’il en soit je veux plus d’explication sur ce qui semble être sa solution pour qu’ils puissent me voir et que je puisse les voir également. ” pas vraiment garde partagée, quelque chose de plus libre. quand elle te réclame et que tu es dispo je te l’amène, pour une journée, deux jours, trois jours, comme tu veux, elle elle sera toujours contente de toute manière. et evan pareil, si tu veux t’en occuper de temps en temps, je suis sûre qu’il serait très content. et puis ils sont très proches tous les deux, je pense qu’ils se manqueraient de ne pas être ensemble plus d’une demi-journée. “ je hoche la tête plusieurs secondes, le temps de prendre en compte ce qu’elle me dit. donc pas quelque chose de trop formel, ce qui me va en l’occurrence. ” j’aime bien cette idée. et oui je ne pense pas qu’on puisse les séparer, ils se sont bien trouvés. “ je rigole légèrement d’ailleurs en les observant ensemble. j’ai vraiment envie de passer du temps avec eux, surtout vu la vitesse à laquelle ils grandissent. et je n’ai pas envie que ça devienne une contrainte. ” tu serais prête à me confier tes enfants pendant trois jours sans être là ? enfin sauf si tu veux venir aussi ces fois là ? “ c’est un peu une question déguisée mais c’est surtout une question non assumée. je crois que ça me plairait qu’elle soit là oui. je crois qu’elle me manque. peut être un peu trop d’ailleurs.

Cette soirée m’a retournée. J’ai le ventre en vrac, je ne m’attendais pas à vivre quelque chose d’aussi fort niveau émotions, et je m’en serai bien passée. Le seul avantage que j’y trouve, c’est que nous sommes là tous les quatre chez Gina, comme avant. Et ça fait du bien à mon coeur, même s’il bat un peu plus vite que la normale. Je propose finalement à Gina de pouvoir voir les enfants un peu plus souvent, parce qu’ils la réclament, surtout Eileen, ce qui est évident vu qu’elle n’avait toujours connu que cet équilibre, en tout cas depuis la mort de son père. Et je sais que Gina est attachée à eux, je ne veux pas l’en priver, c’est pour ça que je propose une situation ‘à l’amiable’. Je lui fais confiance, je sais qu’elle s’en occupera bien, elle l’a toujours fait, même mieux que moi c’est pour dire. « j’aime bien cette idée. et oui je ne pense pas qu’on puisse les séparer, ils se sont bien trouvés. » Je les regarde tous les deux en souriant. Ils sont inséparables, Eileen est très protectrice avec son frère et je trouve ça adorable. Et même s’ils n’ont pas le même père, ça n’a aucune importance. « tu serais prête à me confier tes enfants pendant trois jours sans être là ? enfin sauf si tu veux venir aussi ces fois là ? » Je la regarde avec une intensité rare. Est-ce qu’elle est en train de me proposer d’être là, de venir avec eux, de passer du temps avec elle ? Je crois que le rose me monte aux joues un instant. Je baisse les yeux sur ma tasse et souris légèrement. « Oui, bien sûr que je suis prête à te les confier. Je te fais confiance. » Aveuglément. En tout cas en ce qui les concerne. Pour de ce qui est de prendre soin de mon coeur, c’est un peu plus difficile. « Et je… enfin oui, je pourrai venir aussi. De temps en temps. Si tu as envie. » Je relève les yeux vers elle, plongeant dans son regard à corps perdu. Pourquoi est-ce si difficile ? J’aimerai pouvoir lui dire ce que je ressens, mais j’ai tellement peur de me prendre un mur… « Tu me diras quand tu es dispo, que tu as du temps pour eux. Je m’arrangerai pour te les amener. » Je ne la lâche pas des yeux, même si mon regard alterne quelques fois en de fractions de secondes, sur ses lèvres. Il faut que j’arrête. Vraiment. « Merci en tout cas pour ce soir… » De m’avoir aidée, entre autre. Cette trêve me fait du bien, quoi que j’en dise.

je ne sais pas ce qu’il se passe. tout semble si… différent. et en même temps c’est toujours nous. je crois ? quoiqu’il en soit il faut qu’on s’entende. pour les enfants. oh que c’est bizarre dit comme ça. on dirait que je parle de mes enfants, qu’en quelque sorte on est sur un divorce et qu’il faut qu’on se répartisse la garde où je ne sais quoi. c’est hyper bizarre, peut être un peu dérangeant. mais tout ce que je sais c’est que je veux les voir. parce qu’ils me manquent. et chelsea aussi. peut être un peu oui. ” oui, bien sûr que je suis prête à te les confier. je te fais confiance. “ qu’elle me répond avec un air sur le visage un peu bizarre. que je ne connais pas. que je n’ai jamais vu. ” merci. “ c’est sincère. enfin je sais qu’elle l’est aussi. ” et je… enfin oui, je pourrai venir aussi. de temps en temps. si tu as envie. “ je hoche la tête doucement. oui j’en ai envie. vraiment. ” tu me diras quand tu es dispo, que tu as du temps pour eux. je m’arrangerai pour te les amener. “ un sourire prend place sur mon visage, peut être un peu trop grand mais je m’en fiche. je prends conscience de ce qu’il va se passer. que je vais les revoir. que je ne serai pas séparée d’eux aussi longtemps que je viens de l’être. et oui, ça me rend heureuse. ” pas de soucis oui. “ à deux doigts de la remercier encore, toujours. une légère crainte d’en faire trop peut être. ” merci en tout cas pour ce soir… “ je m’étonne un peu. et je me rappelle de ce qu’il s’est passé jusqu’à maintenant. ” c’était normal, pas besoin de me remercier. “ la soirée touche à a sa fin. je prends eileen dans mes bras en lui disant une nouvelle fois de ne plus s’enfuir et qu’on se reverra vite. elle aussi pourra demander à sa mère quand elle voudra me voir. je pense qu’elle ne comprend pas vraiment qu’on ne vive plus tous ensemble. moi non plus dans le fond mais c’est comme ça. on doit faire avec. c’est notre vie maintenant. j’embrasse ensuite evan et me redresse pour prendre rapidement chelsea dans mes bras. une étreinte qui me fait autant de bien que je trouve un peu étrange. non, le pire c’est quand je m’éloigne d’elle. j’ai l’impression de perdre mes repères. mais il faut que je la laisse partir. il le faut. un dernier sourire et je referme la porte derrière eux. je lâche un soupir et commence à ranger la vaisselle. je ne sais pas ce que je vais faire maintenant mais je sais que j’ai le coeur un peu plus léger qu’en me réveillant ce matin.