i want you as a friend... and more (aubrey)

Je ne regrette absolument pas la soirée que j'ai passé avec Aubrey. Ce fut pour le moins surprenant, mais mon dieu ce que c'était bon. Pour être honnête, je ne m'attendais pas forcément à coucher avec elle à la base. Mais disons qu'une chose en entraînant une autre... notre attirance mutuelle a fini par avoir raison de nous et les choses ont rapidement dérapé. Pour mon plus grand bonheur et plaisir personnel. C'était sa première fois à elle, avec une fille, et j'en suis plutôt flattée. Sauf que dans le feu de l'action, je n'ai pas réellement réfléchi aux conséquences. Et si la jeune femme recherchait une relation sérieuse ? Je n'ai pas envie de me mettre en couple. Je n'ai pas le temps pour ça, et même si je l'apprécie sincèrement, ce n'est pas dans mes plans. Ce n'est pas elle comme on dit, mais c'est moi. Juste moi. Je préfère profiter de ma jeunesse et m'amuser. Mais depuis notre soirée, et avec le recul, je me demande si je ne lui ai pas envoyé de mauvais signes. Je surprends la brune me regarder, à la dérobée, pendant que nous sommes au Planet. Elle me sourit aussi, beaucoup. Et ça me fait peur. C'est bien la première fois que je suis confrontée à ce genre de situation. D'habitude, avec mes autres conquêtes, il n'y a pas de problème. En même temps pour la plupart je ne les revois pas. Jamais. Pas d'emmerdes comme ça. Mais avec elle, c'est un peu différent. On travaille ensemble et on se croise forcément plus que la normale. Même si je me surprends à l'éviter depuis la dernière fois. Je sais pas pourquoi, mais cette situation me rend mal à l'aise. Je ne veux pas blesser la jeune femme, ou lui donner de faux espoirs sur mes intentions. Il faut que les choses soient claires. Une bonne fois pour toute, pour enterrer ce malaise qui commence à devenir un peu pesant. Et je ne suis pas sûre que les choses aillent en s'arrangeant. Elle veut me voir, pour parler. C'est ce qu'elle mentionne dans son message en me donnant rendez-vous chez elle. Merde alors. C'est moi ou c'est pas bon signe ? J'ai vraiment l'impression de ne pas être sur la même longueur d'onde qu'elle, et ça m'inquiète. Comment vais-je pouvoir mettre les choses au clair avec elle sans lui faire de mal ? Bon ok, je vais aller chez elle. Il le faut. J'ai besoin d'être totalement honnête avec elle. Elle veut parler ? On va parler. Au risque de passer pour la méchante qui ne veut pas d'un quelconque attachement. En même temps je ne lui ai rien promis non plus. Même si j'aurais peut-être pu directement lui dire que je ne cherchais rien de sérieux avec elle. Ou avec qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Arrivée devant sa porte, à l'adresse indiquée, je prends quelques minutes pour souffler un grand coup avant de signaler ma présence. Le sourire instinctif qui se dessine sur son visage en me voyant ne me rassure pas tellement. « Salut Aubrey. » Une boule vient se loger dans le fond de ma gorge, alors que ma voix s'enraille légèrement. En réalité je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise depuis longtemps. J'ai l'impression de revenir des années en arrière, comme une gamine en manque de confiance. « Tu voulais me voir ? » La Theo entreprenante qui n'a pas froid aux yeux n'en mène pas large.

Déjà quelques temps sont passés depuis la nuit passée avec Theo, sans que le sujet ne soit abordé. Dernière cette absence de communication ne réside en aucun cas une forme de gêne, du moins, par chez la Scott. Avant cet épisode, Aubrey n’aurait jamais envisagé faire quoique ce soit avec une femme. Non pas que ce soit impensable mais de ce côté là, Aubrey est encore une enfant, métaphoriquement bien sûr. Quand des filles de son âge sont déjà sexuellement active depuis longtemps, avec beaucoup d’expériences et des certitudes sur leur orientation sexuelle, ce n’est pas le cas pour la brune, qui a encore tout à apprendre. Enfin ça, c’était avant ce moment passé sa collègue. La barmaid a été sa première expérience avec une femme, et contre toute attente, la Scott a adoré ça. Elle était un peu anxieuse, presque intimidée face à Theo, mais dans le feu de l’action, les barrières se sont levées et une assurance insoupçonnée s’est révélée chez la brune, qui a su prendre les choses en main quand son tour est venu. Bon, elle ne va pas se revendiquer lesbienne après ça, car son attirance pour son beau frère est encore bien présent. Par contre, elle est prête à assumer une certaine attirance pour les deux sexes. Une pensée qui arrive à la faire sourire bêtement, sans rien y comprendre. La seule ombre à ce tableau, c’est qu’après cette nuit avec sa collègue, Aubrey n’a plus vraiment eu de contact avec elle. Elles travaillent ensemble, mais durant les dernières semaines, ça n’a été que des échanges brefs, quelques mots échangés pour le boulot, et rien de plus. Étrangement, même leurs plannings avaient changé. Et Theo aussi d’ailleurs. Elle si avenante, c’est comme si elle évitait Aubrey. Un comportement qui commençait à la faire douter, jusqu’à avoir mille et une question dans sa tête. Est-ce qu’elle avait fait quelque chose de mal ? Cette nuit était-elle désastreuse mais Theo n’osait pas lui dire ? Tourner autour du pot, c’est pas dans les habitudes d’Aubrey. C’est pour ça qu’elle a décidé d’inviter Theo chez elle, pour pouvoir parler au calme, en tête à tête, sans obligation autour d’elles.

Elle aurait pu choisir un autre endroit, mais le choix du lieu réside surtout dans l’emploi du temps de l’étudiante. Quelques cours, et surtout un entraînement de boxe en fin de journée. Aubrey aurait pu le repousser, mais elle tient à cette séance. C’est une recommandation de son thérapeuthe, cette activité sportive lui permet de canaliser ses émotions, traduire sa colère en coups sur un sac au lieu de cracher des mots sans penser aux conséquences. De ce fait, par un soucis géographique, c’est plus simple pour Aubrey de rentrer à son appartement, qui est non loin du campus, plutôt que de repartir ailleurs pour retrouver Theo. Une fois l'entraînement terminé, et avant que la jeune femme n’arrive, Aubrey file sous la douche et passe des vêtements propres. C’est au moment de sortir de sa chambre que les coups annonçant la présence de sa collègue se font entendre sur la porte d’entrée. Elle se précipite donc, en prenant garde de ne trébucher sur rien, afin de ne pas faire attendre la jeune femme. Dès que la porte s’ouvre, un sourire s’inscrit automatiquement sur les lèvres de la Scott, heureuse de voir la Fergusson. Outre ce qu’il s’est passé, elle est une amie pour Aubrey, et cette distance la touche plus qu’elle ne le montre. Avant, elle ne s’ouvrait pas beaucoup, restait dans sa bulle pour se sentir en sécurité mais depuis quelques mois, Aubrey fait des efforts, tisse des liens et des affinités. Et Theo en fait parti. Elle a été là pour l’écouter, la réconforter ou lui faire oublier ses soucis personnels. Ce n’est pas bien. « Salut Theo. » dit-elle en réponse aux paroles de l’autre brune. Cette dernière a l’air un peu nerveuse, c’est super bizarre, ça doit être la première fois qu’Aubrey la voit ainsi. « Oui, mais entre, tu ne vas pas rester dans le couloir.» En disant cela, la jeune femme se décale pour laisser le champs libre à sa collègue. C’est seulement une fois la Fergusson à l’intérieur qu’Aubrey referme derrière elle, et s’avance dans l’appartement pour la guider jusqu’au salon. « S’il te plaît, ne regarde pas le désordre. La tornade Sissy est passée ce matin, et personne n’a eu le temps de ranger. » Sissy, ou la fille d’Ellie, sa colocataire. Elle est adorable, mais qu’est-ce qu’un enfant peut-être bordélique. Aubrey ne range pas ses affaires tous les matins, mais à côté de cette enfant, elle est super maniaque ! « Est-ce que ça va ? Tu as l’air… un peu pâle. » Oui, c’est le mot. C’est comme si le visage de Theo avait perdu ses couleurs, alors que le soleil ne manque pas dans cette ville.

Malgré la situation, je reste quand même contente de la voir. En réalité je regrette la distance que je nous ai volontairement imposé depuis la soirée de la dernière fois. Mais c'est inconscient, quelque chose que je n'arrive pas vraiment à contrôler. « Salut Theo. » Je tente d'esquisser un semblant de sourire un peu forcé. « Oui, mais entre, tu ne vas pas rester dans le couloir. » Pourquoi avait-elle envie de me voir ? Je suis peut-être en train de me faire des films monstrueux, mais je ne peux m'empêcher d'imaginer le pire scénario. Parce que dans ma tête les raccourcis se font peut-être un peu trop rapidement. Faut dire que c'est bien l'une des premières fois que nous sommes amenées à nous voir en dehors du boulot, ou presque. Et c'est ça qui m'inquiète, après ce qui a pu se passer entre nous. Surtout que nous avons pas eu l'occasion d'en reparler aussi. Par ma faute soit dit en passant, c'est vrai. Je suis la brune jusqu'au salon, restant pour le moment assez silencieuse. « S’il te plaît, ne regarde pas le désordre. La tornade Sissy est passée ce matin, et personne n’a eu le temps de ranger. » Ça va, j'ai connu pire. Et en même temps c'est normal quand on habite en colocation avec une maman. En tout cas je suis assez mal placée pour juger en matière de désordre. « Heureusement que tu n'es jamais venue chez moi alors. » Répliquais-je en rigolant légèrement, pour essayer de détendre un peu l'atmosphère. Vivre sous le même toit que son frère de neuf ans, croyez-moi, c'est quelque chose. Surtout entre quatre murs, dans un studio ridiculement étroit. Cette partie-là de ma vie a été volontairement mise sous silence. Voilà pourquoi personne (ou presque) ne vient jamais chez moi depuis l'accident. Je reste encore assez mystérieuse de ce côté-là. En même temps, j'ai toujours un peu de mal à parler de moi aux autres. Mon histoire est particulière, et je ne veux pas attirer une quelconque pitié de leur part. Je suis comme je suis, avec mes zones d'ombre, et c'est très bien comme ça. Ce n'est pas le drame de ma vie qui doit fatalement caractériser la personne que je suis. « Est-ce que ça va ? Tu as l’air… un peu pâle. » Je hoche un peu la tête par réflexe pour ne pas qu'elle s'inquiète. Tout va bien, tout va parfaitement bien même. Hormis le fait que je ne sache pas trop comment me comporter avec elle. Concrètement les choses auraient été bien différentes si Aubrey n'avait pas été quelqu'un que j'appréciais sincèrement. Avec quelqu'un d'autre, un(e) inconnu(e) de passage, il n'y aurait eu aucun problème. « Oui, ça va. » J'essaye d'éviter au maximum son regard, essayant de focaliser mon attention sur n'importe quel autre détail de la pièce. Un bibelot décoratif, un cadre photo, ou tout ce qui pourra trouver refuge à mes yeux. Tout et n'importe quoi. « Aubrey, je... » J'avale ma salive, cherchant difficilement mes mots. « Je crois qu'il faut qu'on parle. » Mon ton est sérieux, peut-être un peu trop d'ailleurs. Signe que je ne suis pas forcément à l'aise dans cette situation. Et le regard perplexe de la jeune femme me pousse à croire qu'elle n'imagine pas une seule seconde ce que je m'apprête à lui dire. Mais je préfère être honnête avec elle que de faire perdurer indéfiniment ce malaise. Je l'aime bien, et je ne veux pas que cette histoire vienne entacher notre amitié. Ça serait dommage quand même...

Ce rendez-vous (ou quoique ce soit d’ailleurs) a pour but d’obtenir des réponses. Rien de plus. Aubrey n’aime pas rester dans l’incertitude, se poser trente six questions. Foncer, exiger des réponses. C’est le conseil qu’elle a donné à Loan il n’y a pas si longtemps. Ce n’était pas pour le même sujet, car pour la patronne du Planet, cela concernait le plan sentimental alors que là, avec Theo, c’est loin d’être le cas. C’est plutôt le plan amical, savoir si la Scott a fait quelque chose de travers qui justifie cet éloignement, et peut-être la fin de son amitié avec la Fergusson. Tout s’enchaine un peu rapidement après la fin de sa douche, mais ce n’est pas un problème pour la brune, qui aime vivre à 100 km/h. Elle ouvre la porte, et accueille la jeune femme comme elle le ferait en temps ordinaire, si c’était dans leurs habitudes de se voir en dehors du boulot. Malgré les interrogations, Aubrey ne veut rien laisser paraître. Avant de tirer des conclusions trop hâtives, elle préfère obtenir des réponses, car si ça se trouve, elle fait fausse route. Un sourire traverse ses lèvres quand sa collègue évoque un certain côté bordélique chez elle. La Scott n’est pas super maniaque, mais elle aime voir un ordre régné, pour s’y retrouver elle-même. Après, chacun s’organise comme il le souhaite. Franchement, ce n’est pas un point de jugement pour l’étudiante. Arrivée dans le salon, la barmaid décide de mettre les pieds dans le plat, en demandant à Theo si ça va. Elle ne l’avait pas remarqué dès l’ouverture de la porte, mais la jeune femme est différente, absente, en retrait. Serait-elle malade ? Non, à priori. Mais ça, cela reste à voir, car c’est le genre de question qu’on aime éviter, pour empêcher que d’autres arrivent ensuite. « D’accord. » dit la brune, assez peu convaincue par cette réponse. Au pire, elle reviendra à la charge un peu plus tard. Pour l’heure, les choses sérieuses semblent commencer. L’avantage avec Theo, c’est qu’elle ne tourne pas autour du pot, et c’est une qualité que la Scott apprécie aujourd’hui. Le sujet n’est pas des plus plaisants, alors s’il fallait prendre des gants à chaque phrase, elles ne seraient pas rendues. « Je suis d’accord avec toi. » D’accord avec le fait de devoir parler. Il y a des choses qui ne sont pas dites, et la brune préfère que ça change. L’hypocrisie, elle aime pas ça. Elle le vit déjà au quotidien dans sa propre famille, ou y assiste dans les couloirs des bâtiments de l’UCLA. C’est un virus. Un poison mortel. Quelque chose qui ne doit pas arriver jusqu’au Planet, car c’est le seul endroit où la sincérité règne. C’est donc pour ça qu’elle prends les choses en main, sans attendre que Theo dise de quoi elle veut parler. Aubrey décide de prendre le premier tour de parole, que ça plaise ou non. « Sois franche avec moi. Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? » La question est posée, sans une once d’agressivité, car c’est de la curiosité, uniquement de la curiosité, même si Aubrey croise les bras sur sa poitrine, en fixant sa collègue. Elle préfère rester debout, car si ça se trouve, l’échange sera bref. « Je pose la question car depuis la nuit qu’on a passé ensemble, tu es distante. Tu m’évites comme la peste. Tu changes ton emploi du temps. Donc tu sais, si j’étais juste nulle à chier, tu n’es pas obligée de te donner toute cette peine. Tu peux aussi me le dire, et basta. » Elle se laisse aller à un petit rire, bien qu’il soit un peu sarcastique, car si c’est effectivement ça le problème, ce serait un peu hypocrite de la part de l’autre brune, qui n’était pas sans savoir que la Scott était inexpérimentée avec les femmes.

Maintenant que je suis là, autant l'avoir cette discussion que je repousse depuis trop longtemps déjà. Je suis consciente que je ne pourrais pas l'éviter indéfiniment. Nous sommes adultes, et sur le coup ma réaction est un peu immature, j'en suis bien consciente. C'est juste que je n'ai pas envie qu'elle me voit de la mauvaise manière. Je tiens à elle, à nous, et je ne veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous. C'est justement là la preuve de mon attachement à son égard. Dans le cas contraire, j'en aurais strictement rien à foutre de ce qu'elle peut bien penser. Et je ne prendrais même pas la peine de venir la voir, et d'avoir cette discussion avec elle. Mais Aubrey est ma collègue, et de surcroît une amie qui compte énormément à mes yeux. L'une des seules avec qui je me sens bien dernièrement. « Je suis d’accord avec toi. » De toute évidence, la brune semble du même avis que moi. Il faut vraiment qu'on en parle. Mettre les mots sur les choses, pour clarifier la situation. J'ai besoin de ça pour me sentir plus légère. Pour me sentir plus à l'aise en tout cas. Je ne veux pas continuer de laisser planer ce doute qui me fout le cerveau en vrac. « Sois franche avec moi. Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? » Je grimace légèrement, gênée que la jeune femme puisse se remettre en question. C'est vraiment pas le but recherché. Et pourtant, ma réaction ces derniers temps peut porter à confusion. « Je pose la question car depuis la nuit qu’on a passé ensemble, tu es distante. Tu m’évites comme la peste. Tu changes ton emploi du temps. Donc tu sais, si j’étais juste nulle à chier, tu n’es pas obligée de te donner toute cette peine. Tu peux aussi me le dire, et basta. » Je secoue la tête comme par réflexe. « Non, c'est pas ça... » Je fuis légèrement son regard avant d'ajouter. « C'est pas toi, c'est moi. » C'est pas l'excuse la plus banale qui soit ? Je lève un peu les yeux au ciel, carrément honteuse de lui sortir ce genre de refrain. Mais comment pourrais-je le dire autrement ? « J'ai peur de pas avoir été assez clair dès le début avec toi... » C'est vrai que je n'ai pas pris le temps de lui parler de mes intentions, avant de coucher avec elle. Et fatalement, j'ai peur qu'elle puisse s'imaginer des choses. J'aurais peut-être dû faire les choses différemment. La prévenir que je ne suis pas à la recherche d'une relation sérieuse. L'engagement et moi, ça fait deux. Disons que je n'ai même pas assez de temps pour moi alors pour une relation, encore moins. Je veux juste profiter, m'amuser et prendre du bon temps. Comme ce moment d'intimité que nous avons passé ensemble ô combien agréable. « Aubrey... je... j'ai adoré notre nuit ensemble, vraiment, c'est pas ça le problème. » Je veux la rassurer par rapport à ça, parce qu'elle n'a rien fait de mal. Au contraire. Elle s'en est très bien sortie de ce côté-là. Suffisamment bien pour me donner envie de recommencer d'ailleurs. Mais ça, c'est une autre histoire. J'avale difficilement ma salive, alors que les mots ont un peu du mal à sortir. Mais je ne veux pas perdre notre amitié et la complicité qui nous lie depuis le début. Surtout pas. « Je ne sais pas exactement ce que tu t'imagines, mais je... je n'ai pas envie de m'engager dans une relation, c'est pas du tout ce que je recherche. » Bon, voilà, c'est dit. Je me sens soulagée d'un certain poids, en espérant tout de même qu'elle ne le prenne pas mal. Je n'ai peut-être pas fait les choses bien, mais c'est ce que j'essaye de faire à présent. Pour me rattraper. Et pour éviter que ce malaise perdure entre nous.

Toute cette situation pourrait presque conforter Aubrey a ne pas s’aventurer sur le chemin des relations amoureuses ou physiques. La brune n’a pas beaucoup d’expériences, elle est plus observatrice qu’actrice, et de ce qu’elle voit de sa position n’est pas franchement plaisant. Elle voit des couples qui sont ensemble sans s’aimer. Elle voit des couples se déchirer. Elle voit des personnes qui se tournent autour sans avouer leur sentiment. Et elle voit encore bien d’autre chose. Cependant, qu’importe ce qu’Aubrey peut observer, ça ne lui donne pas envie de se plonger corps et âme dans quelque chose de sentimental. Ça semble si compliqué. Avec des non-dits. Des quiproquos. Des malentendus. L’amour est donc ainsi, un sentiment fait de complications perpétuelles ? Si c’est c’la, la brune passe son tour. Comme le dit le proverbe : on est mieux seul(e) que mal accompagné(e). Pour l’heure, elle aimerait bien obtenir des explications de la part de Theo, au sujet de ce brusque changement de comportement. Elle ignore ce qu’il s’est passée, mais elle n’est pas encore assez idiote pour ne pas pointer du doigt cette nuit. C’est à partir de ce moment que tout a changé. La brune ne prend pas de gant, fonce dans le tas, en espérant que cette conversation se termine au plus vite. Si, comme elle le suppose, elle est responsable de l'attitude de Theo, la solution est toute trouvée : s’éviter à l’avenir. Franchement, Aubrey est spécialiste dans ce domaine. Cela fait des années qu’elle évite les gens, qu’elle les repousse pour ne pas s’attacher, et prendre le risque de souffrir. Il lui suffira de faire deux pas en arrière, et revenir à l’ancienne elle. Un jeu d’enfant.

Mais la barmaid lui assure que ce n’est pas la raison de ce changement. Pire, elle lui sort l’excuse la plus utilisée de tous les temps, que ce soit dans la vraie vie que dans le monde du cinéma : ce n’est pas toi, c’est moi. Cette phrase fait rire Aubrey, sans qu’elle ne puisse contenir le rire. C’est tellement cliché, elle pensait ne jamais l’entendre dans la bouche de quelqu’un, et encore moins que ça lui serait adressé. Comme quoi, tout arrive. Les bras toujours croisés sur son buste, la Scott écoute la suite des explications. Elle craint de ne pas comprendre, malheureusement, et ça se manifeste par un léger froncement de sourcils. Aubrey a beau être ignorante, elle pensait avoir saisi les intentions de sa collègue. D’ailleurs, elle pense avoir bien interprété les signes, sachant qu’elle a pu en avoir la confirmation par des mots (et des actions ô combien délicieuses). Il y a quelque chose qui lui échappe, et elle espère que la suite des mots de la Fergusson va lui permettre de mieux comprendre. Cette dernière lui apprends qu’elle a apprécié la nuit qu’elles ont passé ensemble. Ouf, c’est un soulagement de l’entendre, et ça fait un peu de bien à son égo, il faut être honnête. Par contre, ça ne lui dit toujours pas où est le problème. Alors elle garde le silence, elle garde ses commentaires pour elle, dans l’attente de mieux. Et finalement, après plusieurs détours, il faut l’avouer, Theo aborde ses craintes. Elle ne veut pas s’engager dans une relation, et semblait croire que c’était ce que voulait Aubrey. « Je… je ne m’imagine absolument rien. » Au moins, c’est dit. Demander à la jeune femme de sortir avec elle, dans une relation exclusive, n’a même jamais effleuré l’esprit d’Aubrey. Oh oui, Theo est magnifique, amusante, séductrice, intelligente… mais de là à se mettre ensemble, c’est un peu trop. Avant cette nuit passée avec elle, la Scott ne savait même pas qu’elle pouvait être attirée par les femmes, et encore moins coucher avec l’une d’elles. Il va falloir un peu de temps pour l’accepter, et peut-être envisager se mettre en couple avec une femme. C’est trop tôt pour décider de quoique ce soit, et même si la situation était différente, ce n’est pas dans les projets d’Aubrey de se poser avec quelqu’un. « Attends, tu es super bizarre parce que tu croyais que j’allais te demander de sortir avec moi ? Wow, non Theo. Sans vouloir te manquer de respect, tu es géniale mais j’ai pas envie de sortir avec qui que ce soit pour l’instant. J’ai déjà une vie assez compliquée à gérer pour y mettre un ou une petite amie. » Et c’est peu de le dire. Entre cette histoire de faux couple avec son meilleur ami, les sentiments pour Orlando qui se font de plus en plus fort malgré les efforts d’Aubrey pour les ignorer… si elle doit en plus se consacrer à une troisième personne, la brune risque de perdre la tête, et de prendre un abonnement chez le psychologue pour le restant de sa vie. En fait, à ce rythme, elle peut déjà réserver une chambre dans le service de psychiatrie.

C'est fou à quel point j'ai réussi du jour au lendemain à perdre tous mes moyens avec elle. Comme si la Theo confiante et sûre d'elle s'était finalement volatilisée dans les airs. Je ne sais même plus comment je dois me comporter avec elle, ni ce que je dois lui dire. J'ai l'impression de prendre des pincettes, de mettre les deux pieds dans le plat comme on dit. Tout ça parce que je ne veux surtout pas lui faire de mal. Ça part plutôt d'une bonne intention à la base, même si j'en ai l'air totalement ridicule de l'extérieur. Aubrey n'est pas dans ma tête et elle ne sait pas vraiment ce que je pense, et pourquoi je suis aussi distante avec elle. Si c'est pour la protéger au départ, ce n'est de toute évidence pas la bonne manière de m'y prendre. Ça, je m'en rends compte sans doute un peu tard. Mais vaut mieux tard que jamais non ? Je me lance finalement pour essayer de lui expliquer tant bien que mal la situation. De mettre des mots pour justifier mon comportement liés à des craintes beaucoup plus profondes. Je marche un peu sur des œufs, sans trop savoir comment lui faire passer gentiment le message. Je ne veux pas qu'elle se braque, ou pire encore qu'elle se sente mal à cause de moi. Ce n'est pas le but recherché, loin de là. Je n'ose même pas la regarder dans les yeux dans l'attente d'une quelconque réaction de sa part. Ouais clairement, je n'en mène pas large à cet instant. « Je… je ne m’imagine absolument rien. » Ouf, c'est déjà une bonne chose. Rien que de l'entendre dire ça me soulage bien plus qu'elle ne pourrait l'imaginer. « Attends, tu es super bizarre parce que tu croyais que j’allais te demander de sortir avec moi ? Wow, non Theo. Sans vouloir te manquer de respect, tu es géniale mais j’ai pas envie de sortir avec qui que ce soit pour l’instant. J’ai déjà une vie assez compliquée à gérer pour y mettre un ou une petite amie. » Bon ok, là, je me sens un peu conne. Complètement même. J'étais finalement à côté de la plaque. « Ouais c'était complètement con en fait, je suis désolée. » Avec le recul, ma réaction a vraiment été poussée à l'extrême. Et je sais pas pourquoi j'ai pris peur comme ça, mais c'est un peu n'importe quoi. Disons que je ne suis pas vraiment habituée à gérer ce genre de situation. L'attachement et toutes ces conneries sont des choses que je me suis toujours interdite. Je n'ai pas le temps pour ça, encore moins l'énergie. Alors oui, j'ai paniqué. Parce qu'Aubrey est une fille bien, et que son innocence a réussi à me toucher. Mais je suis contente de savoir que mes doutes n'ont plus réellement lieu d'être. « Mon cerveau fait parfois des raccourcis un peu étranges. » Et c'est le cas de le dire. Sur ce coup-là, il s'est plus fait des films qu'autre chose. « J'aurais dû t'en parler tout de suite au lieu de t'éviter comme je l'ai fait. » Ça nous aurait éviter d'en arriver à cette situation embarrassante. « Mais je suis soulagée qu'on soit finalement sur la même longueur d'onde. » Ça m'enlève un important poids sur le cœur, à tel point que je me sens brusquement plus légère. Et tous les questionnements accumulés depuis quelques temps se sont définitivement envolés. « Tu m'en veux pas ? » Je la regarde avec mes yeux de biche, en penchant la tête légèrement sur le côté. Le regard du chat poté, vous connaissez ? Avec ça, elle ne peut pas vraiment m'en vouloir... enfin j'espère en tout cas. Je n'ai pas envie d'avoir tout gâché avec mes conneries. Amies alors ? Et pourquoi pas plus si affinités...

Le suspense est insoutenable. Aubrey n’a jamais été une fille très patiente. Attendre, elle n’aime pas ça. Elle préfère avoir une réponse tout de suite, ou pas de réponse du tout, elle s’en moque. Elle est le genre de fille à pouvoir passer au dessus de bien des choses, comme il est si facile de tourner la page d’un livre. En matière de relationnel, la brune est une pro. Elle excelle dans ce domaine depuis la mort de sa mère, période où elle n’a fait que se renfermer sur elle-même et ériger des barrières autour d’elle pour que personne ne puisse l’atteindre.

Mais parfois, la patience a du bon. En l’occurence avec Theo, qui après de longues minutes crache enfin le morceau. Un petit discours assez angoissant pour le commun des mortels. Pas pour la Scott, qui peine à rassembler les morceaux. Il lui faut quelques instants pour comprendre ce qu’il se passe, jusqu’à avoir un éclair de lucidité. Là, elle exprime son hypothèse à haute voix, et prend même les devants dans le cas qu’elle s’avère réelle. La Fergusson est géniale, mais de là à la considérer comme son âme soeur, et faire valser ses principes, non. Elle reconnaît que ce serait une solution pour régler certains problèmes, mais ce serait opter pour la facilité, et ne pas être honnête avec sa collègue. Cette dernière confirme d’ailleurs le point de vue de la Scott, et s’excuse. Des excuses que la miss balaie d’un geste vague de la main, pour lui faire comprendre que ce n’est rien. Le monde est tellement compliqué qu’il est possible de créer des malentendus sans le vouloir. Les divergences d’opinion sont courantes, tout comme les esprits contradictoires. Aubrey n’est pas étonnée qu’il y ait eu méprise entre les deux filles. Elle n’en veut pas à sa collègue d’avoir eu une attitude aussi peu… mature. Elle lui prouve en lâchant un rire franc, quand elle voit Theo lui faire des yeux de biche digne d’un dessin animé pour enfants. « Non, je ne t’en veux pas Theo. » Pour lui prouver, la jeune femme fait quelques pas dans la pièce pour se rapprocher de sa collègue, et ainsi la prendre dans ses bras. C’est bien mal connaître la Scott de croire qu’elle peut prendre la mouche pour si peu. Et ça, elle compte bien lui faire savoir. Elle la libère de son étreinte, et fait un pas en arrière pour lui redonner son espace. « Il faut y aller très fort pour que je sois rancunière envers quelqu’un. À ce jour, il n’y a qu’un personne qui me vient à l’esprit : mon père. Ça fait sept ans que je lui mène la vie dure. Pourquoi ? Car je ne l’ai pas connu avant ça. Ma mère n’a été qu’une maîtresse pour lui, lui a fait un gosse, et n’a assumé que le jour de sa mort, quand il n’a pas eu le choix que m’accepter sous son toit. » Aubrey fait des efforts, des efforts monstres, mais elle a encore beaucoup de mal à accepter son père. Ce n’est pas pour rien qu’elle a accepté de vivre en colocation avec Ellie et sa fille. C’était l’occasion rêvée pour quitter la villa de son père, et ne plus voir sa belle-mère tous les jours. Cette femme la déteste, car elle est l’image de l’adultère de son mari. Donc bon. Une haine justifiée, mais pas à faire subir à une adolescente qui venait de perdre sa mère. « Alors, sur une balance, entre ça et ton petit caca nerveux… tu ne fais pas le poids. » dit-elle en laissant entendre un nouveau rire, avant de faire quelques pas en direction de la cuisine, avec une idée précise en tête. « Tu veux boire ou manger un truc, ou tu es encore toute retournée par cette situation ? » Le regard qu’Aubrey pose sur sa collègue change, il est plus taquin, pour lui faire comprendre la plaisanterie, et lui faire accepter que c’était une bêtise qui n’a pas entâchée leur amitié. Bien au contraire.

Finalement, il ne fallait pas en faire tout un plat. Après avoir craché le morceau, je me rends compte à quel point j'ai été ridicule de penser une seconde qu'Aubrey puisse s'imaginer des choses. Apparemment, la jeune femme est loin de tout ça. Et tout comme moi, sa vie est bien trop compliquée pour qu'elle puisse envisager de sortir avec quelqu'un en plus du marché. Les relations amoureuses, c'est pas rien à gérer. En réalité je n'ai jamais eu l'occasion de le faire, mais je suis convaincue d'une chose ; je n'ai pas le temps pour ces conneries. Pas l'envie non plus. On est jeune, ça nous tombera bien dessus au moment voulu. Et sans doute quand nous nous y attendrons le moins. En attendant, rien nous empêche de profiter et de prendre du bon temps. C'est en tout cas comme ça que je vois les choses. Et c'est ce que j'avais en tête en couchant avec ma collègue. Friends with benefits. Une amitié sans prise de tête, avec tous les avantages. Sans les inconvénients de la vie de couple, les comptes à rendre et tout le reste. Non, très peu pour moi. Maintenant que les choses sont claires entre nous, j'ose espérer qu'elle me tiendra pas rigueur de mon comportement. En soit, même si je n'ai pas été très intelligente de venir lui parler de moi-même, l'important c'est que ça soit fait maintenant. Plus de mensonges, plus de distances inutiles, plus de problèmes. Fini. « Non, je ne t’en veux pas Theo. » Un petit sourire de soulagement s'affiche au coin de mes lèvres, alors que la brune vient me prendre dans ses bras. Elle mentionne après ne pas être spécialement rancunière. Ou en cas de force majeure uniquement comme avec son père. Je sais déjà plus ou moins que sa situation familiale n'est pas celle que l'on peut rêver. Elle est née d'un adultère, elle me l'a avoué la dernière fois. Et je peux donc comprendre que son père soit l'exception qui confirme la règle. Elle a de quoi lui en vouloir, même si paradoxalement elle a quand même la chance qu'il soit encore là. Les relations familiales sont compliquées, souvent conflictuelles, mais personnellement je donnerai tout pour ce qui est en mon pouvoir pour avoir la chance d'avoir au moins l'un de mes deux parents encore en vie. Je lui prête une oreille attentive, et ne la juge pas. Ce n'est pas mon rôle, même si je pense que je serais tentée à l'avenir d'essayer de l'aider à accepter plus son père. « Alors, sur une balance, entre ça et ton petit caca nerveux… tu ne fais pas le poids. » Je rigole avant de faire mine d'être choquée par ses mots, lui faisant les gros yeux. « Comment ça je ne fais pas le poids ? » Je me mets en position de boxe pour accompagner mes propos en rigolant. « Fais gaffe, tu pourrais être surprise. » Je fais peut-être pas de boxe, contrairement à elle, mais quand il s'agit de me défendre je ne suis pas la dernière. Mon rire se mélange au sien, et ça me fait vraiment du bien de pouvoir retrouver cette complicité avec elle. « Tu veux boire ou manger un truc, ou tu es encore toute retournée par cette situation ? » Elle continue de me taquiner, et je ne peux m'empêcher de rentrer un peu dans son jeu. « Tu m'as donné la boule au ventre, je suis toute tendue à cause de tes conneries. » En l’occurrence c'était plutôt mes conneries mais passons. « Mais tu sais bien que je ne peux jamais dire non à un verre. Ni rien te refuser tout court d'ailleurs. » Je penche légèrement la tête sur le côté, d'un air charmeur. Ouais le naturel revient vite au galop. « Alors dis-moi, comment ça se fait que Miss Scott ne veuille pas s'encombrer de quelqu'un dans sa vie ? » Je pense bien qu'il y a des raisons là-derrière. Pas que des raisons familiales d'ailleurs. Et j'ai bien envie d'en savoir plus sur elle. Et pourquoi me confier à elle également en retour. Même si ce n'est pas quelque chose que je fais naturellement.

Finalement, tout est bien qui finit bien. Comme quoi, ce n’est pas bon de garder pour soi des impressions. Ce n’est pas bon de tirer des conclusions dans son coin, sans en aviser la principale personne intéressée. Si Theo était venue directement trouver Aubrey, au lieu de chercher à s’en éloigner, les deux collègues n’auraient pas perdu autant de temps dans leur amitié. Certes, il y a des sujets difficiles à aborder, mais il faut savoir prendre son courage à deux mains. Dans le pire des cas, la discussion sera difficile, mais après ça, ce sera une histoire ancienne. C’est quoi le mieux : plusieurs semaines à ruminer dans son coin ou passer un mauvais ¼ d’heure ? Pour la brune, le choix est vite fait.

Désormais, il faut passer à autre chose. Plus question de faire machine arrière, cette histoire appartient au passé. Afin d’effacer les dernières minutes de tension, la Scott propose à la barmaid de grignoter un morceau, ou boire un truc si elle le désire, non sans faire une petite allusion taquine à son comportement. « Mes conneries ? C’est la meilleure celle-là ! » L’air parfaitement outré, et les mains qui se balancent dans le vide. Elle ne manque pas de culot la brune. Aubrey a l’initiative d’engager la discussion, pour rompre le silence, et c’est elle qui se fait charier. Heureusement qu’elle n’est pas à se vexer pour un sou. Theo accepte finalement de partager un verre, tout en essayant d’amadouer la jeune femme avec un soupçon de flatterie. « Mouai. Fais ta maligne toi. » Elle lui adresse un regard faussement sévère avant de s’occuper de tout préparer. Si Theo souhaite aller sur le chemin de l’alcool, elle peut. Mais Aubrey n’a toujours pas changé d’avis à ce sujet. Ça sera donc bière pour l’une, soda pour l’autre. Et c’est dans le salon, plus précisément sur la table basse qu’elle pose la bouteille et le cannette, avant de s’installer dans le canapé, intimant sa collègue de faire la même chose, pour le mettre à l’aise. Aubrey place un pied sous ses fesses, et se cale dans l’un des coins, le corps tourné vers Theo, prête à répondre à sa question. « C’est compliqué. » Qu’est-ce qui ne l’est pas avec elle, elle se pose encore la question. Avant d’aller plus loin, elle récupère la canette pour l’ouvrir, et boire une première gorgée. « Ma mère est morte quand j’avais 15 ans. C’est un peu l’âge des premiers flirts, quand on s’intéresse aux garçons ou aux filles. Du coup, j’avais vraiment pas la tête à ça, et j’avais plus personne vers qui me tourner. J’aurai pas pu le faire avec ma belle-mère et encore moins ma demi-soeur. Ça fait que je n’ai eu aucune relation ou expérience jusqu’à l’an dernier. J’a perdu ma virginité cet été à cause d’une cuite, et avec le mec de ma demi. Évidemment, personne n’est au courant, sinon, vive le drame ! » Aubrey imagine facilement ce qu’il se passerait. Il y aurait des cris, des larmes et sûrement une claque perdue. Oh, elle serait méritée, mais la Scott n’a pas forcément envie d’en arriver là. Les filles commencent à peine à se tolérer donc ça serait plus simple si cette vérité n'éclate jamais au grand jour. Ou alors sur le lit de mort de l’une ou l’autre, quand il y aura prescription depuis longtemps ? Ouais, c’est cool ça. « Sauf que cette seule expérience s’est soldée sur une grossesse non désirée, et une fausse couche. Ça, c’est pas resté secret, alors pour ne pas dire la vérité, j’ai fait croire que le père était mon meilleur ami. Il est dans la combine, et accepte de jouer mon faux petit ami. » Merde, cette idée la fait toujours autant rire. Elle ne comprends pas comment les gens peuvent être aussi crédules pour croire qu’il y a de l’amour entre Balt et Aubrey. Comme quoi, les gens ne font pas attention aux autres dès que ça ne concernent pas leur petite personne. « Je suis née d’un adultère, ma seule expérience se résume à une tromperie, je suis dans une fausse relation… tu commences à comprendre pour l’idée de me mettre en couple avec quelqu’un me répugne un peu actuellement ? » Si Theo ne comprend pas le cheminement, la Scott ne pourra rien faire de plus ! Tout cela est-il que ce n’est pas dans ses projets à court terme, car jusqu’à présent, elle n’a jamais rien vu qui l’ait aidé à voir l’amour comme une chose positive et agréable.

L'art de retourner la situation, ou de dédramatiser mon comportement immature au second degré. Ouais, c'est tout moi ça. Mais comme elle ne m'en tient pas rigueur, je peux facilement jouer la carte de la taquinerie. Encore. En soit, c'est ce que je sais faire de mieux finalement. La Theo qui parle sérieusement ne reste pas bien longtemps dans les parages. Et je suis plutôt rassurée et contente que nous ayons mis ce moment gênant derrière nous. Fini. Maintenant, on passe à autre chose. Pour ça, rien de mieux que d'essayer d'en apprendre un peu plus sur elle. D'un point de vue sentimental. Parce que sur ce sujet-là, a part le fait de savoir qu'elle n'a pas eu beaucoup d'expériences dans sa vie, je ne sais pas grand chose. Elle est mystérieuse, intrigante aussi. Et son désintérêt total de ce côté-là veut forcément dire quelque chose. Pour moi, c'est lié à ma vie compliquée, et à la garde de mon petit frère. Forcément, ça n'aide pas à avoir du temps pour entretenir une relation. Mais pour elle, je ne sais pas d'où cela peut venir. Et quelque chose me pousse à croire que ce n'est pas qu'à cause de son père. Il doit y avoir autre chose qui se cache derrière tout ça. Surtout que finalement, sous les apparences se cache une toute autre femme. Et ça, j'ai pu le voir lors de notre soirée ensemble. Aubrey a été, avec moi, beaucoup plus entreprenante qu'elle ne l'a jamais été. Ou du moins que je ne l'avais jamais connu. Elle avait étonnamment plus confiance en elle. « C’est compliqué. » C'est toujours compliqué. A croire que les relations humaines ont été spécialement créées pour l'être. « [...] J’ai perdu ma virginité cet été à cause d’une cuite, et avec le mec de ma demi. Évidemment, personne n’est au courant, sinon, vive le drame ! » Ah oui, je vois. Finalement elle n'est pas si sage qu'elle en a l'air la petite. « Sauf que cette seule expérience s’est soldée sur une grossesse non désirée, et une fausse couche. Ça, c’est pas resté secret, alors pour ne pas dire la vérité, j’ai fait croire que le père était mon meilleur ami. Il est dans la combine, et accepte de jouer mon faux petit ami. » Je comprends mieux pourquoi elle ne veut plus toucher à une goutte d'alcool. Tomber enceinte de sa première fois, et perdre le bébé, j'imagine à quel point ça doit être un moment difficile. Je grimace inconsciemment, avant de me fondre en excuses un peu gênée. Ma question ne se voulait pas indiscrète à la base. Et j'ose espérer qu'elle ne se force pas à se confier à moi si elle n'en ressent pas l'envie. « Je suis désolée... » Mais son regard se veut rassurant et je comprends assez vite que ça ne la dérange pas de m'en parler. « Je suis née d’un adultère, ma seule expérience se résume à une tromperie, je suis dans une fausse relation… tu commences à comprendre pour l’idée de me mettre en couple avec quelqu’un me répugne un peu actuellement ? » Je laisse échapper un petit rire incontrôlé d'entre mes lèvres avant de répliquer. « Effectivement, je comprends mieux. Le terme "compliqué" prend tout son sens dans une situation comme la tienne. » Coucher avec le mec de sa demi-sœur, ou comment se foutre dans de sacrés beaux draps. « Et ce mec, t'as de réels sentiments pour lui ? Ou c'était juste une connerie parce que t'étais bourrée ? Enfin je crois que j'ai déjà ma petite idée sur cette question... » Là est la réelle question. J'essaye de creuser un peu, mais bizarrement je sens que je connais déjà la réponse. Ça se voit dans son regard, elle a un truc pour lui. Et même si je me suis totalement plantée sur ses intentions avec moi, sur ce coup-là, je suis plutôt convaincue de comprendre ce qu'il en est vraiment. Elle s'interdit d'envisager une quelconque relation avec quelqu'un, parce que celui qu'elle veut n'est pas accessible - ou du moins pas disponible. « On ne contrôle malheureusement pas les sentiments qu'on peut avoir, sinon ça serait trop simple. Si tu ne veux pas envisager de te mettre en couple avec quelqu'un, c'est surtout parce que ton cœur, lui, semble déjà avoir fait son choix. » Ce qui explique facilement son désintérêt total pour toutes autres relations.

Décidément. Cette histoire n’a jamais été autant raconté. À croire que ce qui doit rester secret est ce qui s’ébruite le plus facilement. Au moins, l’information vient de la principale intéressée. Ce n’est pas un ragot déformé à force de le trimbaler d’oreille en oreille. Par ailleurs, tout comme pour Loan, la patronne des filles, quand Aubrey lui a raconté, il y a peu de chance que Theo aille raconter tout à ça à l’une des connaissances de la Scott. Elles n’évoluent pas dans les même sphères. Une grande chance d’ailleurs. Et c’est aussi pour ça que la brune apprécie sa collègue. Elle fait parti de ce monde qui est le sien, le domaine professionnel, où il ne faut pas jouer un autre rôle. Ici, point de fille de Lawrence Scott. Elle n’est qu’Aubrey, l’une des employées du Planet, l’une des barmaid. Point. Et ça lui convient.

La brune balaie les excuses de son amie d’un revers de main. Ce n’est rien, elle ne pouvait pas savoir, et ça ne dérange pas la jeune femme d’en parler. Elle a eu le temps de passer au dessus de cette expérience. Le temps de faire son deuil aussi. Le mois de novembre a été désastreux, une descente vers les enfers sans perspective de retour en arrière. Mais elle a tenu bon, elle a su se ressaisir et depuis quelques semaines, Aubrey va mieux. Elle peut parler de cette histoire sereinement, sans fondre en larmes ou devoir programmer un rendez-vous avec son thérapeuthe. C’est un peu comme une cicatrice de guerre qu’on exhibe fièrement, même si le côté tromperie, ça, elle en est peu fière. Pour finir, elle fait un rapide résumé de la situation, pour que Theo comprenne d’elle-même cette aversion qu’elle a pour l’idée même d’être en couple avec quelqu’un. L’âge, la situation, l’éducation… ça n’a rien à voir. C’est réellement son passif qui la pousse à prendre ses distances, même si son coeur développe des sentiments qui lui mettent des bâtons dans les roues. Une chose qu’Aubrey ne contrôle pas, et qui ne passe pas inaperçu, car sa collègue est la deuxième personne en peu de temps à pointer le doigt sur cette évidence. « De base, je le hais. Il est tout ce que je déteste. Issu du beau monde. Il se sent supérieur aux autres. Méprisable. Désagréable aussi. Condescendant ! » dit-elle, avant qu’elle ne laisse échapper un rire amusé. La liste est longue, si bien que la Scott pourrait y passer le restant de la journée. « Mais il revient sans cesse vers moi depuis quelques mois et… j’sais pas. C’est comme si depuis ce qu’il s’est passé entre nous, plus je le repousse, et plus il m’attire. Le truc pas logique quoi. » Nouveau rire, un poil gêné cette fois, sa main qui se perd dans sa nuque, signe de son embarras. Elle n’est pas à l’aise avec les sentiments en général, et là, elle ne contrôle vraiment rien, et ça l’agace au plus haut point. Aubrey aime sentir qu’elle maîtrise ce qu’il se passe. Avant, elle s’en moquait, mais depuis l’accident de voiture qui lui a coûté la vie de sa mère, elle aime avoir un certain contrôle sur les choses qui l’entourent. Ça ne s’explique pas, c’est une sorte de sécurité. Chose qu’elle n’a pas avec les paroles qui lui sont adressées. D’ailleurs, les paroles de Theo réussissent à lui tirer un rire franc. Il faut dire que les mots lui sonnent comme familier. « Tu ne vas pas me croire, mais Loan m’a sorti le même discours le mois dernier ! » C’est à se demander pourquoi elle persiste à aller consulter. Si deux personnes de son entourage lui sort le même discours dans un intervalle assez court, autant faire des économies ! Ah oui, mais c’est son père qui règle à la fin. C’est en partie la raison qui la pousse à continuer. « Mais oui, je le reconnais. Il ne me laisse pas indifférente sauf que… c’est juste dingue. J’ai l’impression qu’il me déteste depuis le premier jour. Que je ne suis que la demi-soeur reloue. Et puis, parfois, c’est comme s’il y avait des sous entendus dans ses propos mais… je ne sais pas si c’est moi, si je me fais des films ou s’il y a vraiment un message dernière. » Il faut dire qu’Orlando a l’art de rendre chèvre la jeune femme. Il sait trouver les mots pour l’énerver. C’est un don. Mais dernièrement, entre le moment qu’ils ont passé à son retour de Boston, ou cette discussion dans les gradins… Aubrey ne sait plus trop. C’est comme s’il y avait deux versions du jeune homme. Une version détestable, qui se moque des sentiments des autres. Et une autre plus prévenante. Une version qu’il est rare d’apercevoir.

Après toutes ces confessions, elle se décide enfin à mettre la main sur la canette de soda pour l’ouvrir, et boire une première gorgée. Le côté pétillant, et la fraîcheur, c’est tout ce dont elle avait besoin. Ca la pousse à remettre un peu les pieds dans le plat, maintenant que le malaise est passé, que la situation est clarifiée. « Avec toi la dernière fois, j’ai pu oublier tout ça. C’était comme être dans un endroit où toutes ces merdes n’existent pas. Pas de fausse relation, pas de secret, pas de famille exécrable. C’était juste… sans prise de tête, de l’impulsivité pour répondre à une envie, une tentation… car ouais, tu es une tentatrice. » Maintenant que la barmaid sait qu’elle n’a aucune vue sur elle, Aubrey espère pouvoir plaisanter sur ce qu’il s’est passé, voir même en parler librement, sans sentir la jeune femme se tendre et avoir les poils des bras qui se dressent sous le stress.

Il est apparemment tout ce qu'elle déteste à première vue. En tout cas le tableau qu'elle peint de lui n'est pas très flatteur, et ça me fait plutôt rire. Parce que finalement, les opposés s'attirent comme on dit. A croire que cette expression colle parfaitement à leur relation. C'est drôle quand même, à quel point nous sommes impuissants face à la puissance de nos sentiments. C'est eux qui nous contrôlent, sans même qu'on puisse avoir notre mot à dire. Ça me fait penser un peu à moi... et à mon don d'être attirée par l'impossible. Genre par une femme mariée et hétéro par exemple. Ouais voilà. Depuis que mon chemin a croisé celui de Wendy, à cette soirée, je n'arrive pas à me l'enlever de la tête. Pourtant je ne devrais pas, je suis parfaitement consciente qu'il ne pourra jamais rien se passer entre elle et moi. Mais justement... c'est ça qui m'attire, je crois. Le côté impossible, l'interdit. C'est quelque chose que je ne peux malheureusement pas contrôler. « Tu ne vas pas me croire, mais Loan m’a sorti le même discours le mois dernier ! » Mon rire se mélange au sien, alors que j'imagine parfaitement notre patronne avoir un discours comme celui-là. De son côté, elle a l'expérience et je pense qu'effectivement j'ai réussi à taper dans le mille en perçant à jour ma collègue. « Mais oui, je le reconnais. Il ne me laisse pas indifférente sauf que… [...] » Et oui, il y a toujours un "mais". Sinon ça serait trop beau, trop simple. Et en règle générale, personne n'est attiré par les histoires trop basiques. « Je pense que tu réfléchis beaucoup trop. Mets ton cerveau sur off, et arrête de te poser trente six mille questions... tu verras bien comment les choses évolueront entre vous. Faut laisser le temps au temps, ne surtout pas te prendre la tête. » Je m'arrête un instant avant d’enchaîner en souriant. « Bon je sais, c'est plus facile à dire qu'à faire... mais tu ne perds rien à essayer, au moins. » J'essaye d'être une oreille attentive pour elle, d'être l'amie sur qui elle peut compter. Je suis là pour ça, et si je peux l'aider à se sentir mieux dans sa tête et dans son cœur, c'est le plus important. « Avec toi la dernière fois, j’ai pu oublier tout ça. C’était comme être dans un endroit où toutes ces merdes n’existent pas. Pas de fausse relation, pas de secret, pas de famille exécrable. C’était juste… sans prise de tête, de l’impulsivité pour répondre à une envie, une tentation… car ouais, tu es une tentatrice. » Je penche légèrement la tête sur le côté, tout en ne la lâchant pas du regard. « Une tentatrice tu dis ? » Un petit sourire séducteur se dessine sur mes lèvres, alors que je tends à me rapprocher d'elle, un peu inconsciemment. « Ce rôle me convient parfaitement, et je suis contente d'avoir pu t'aider à tout oublier l'espace d'une soirée. » Finalement c'était mon but, aussi. Passer une soirée en bonne compagnie sans se prendre la tête. Juste profiter, et passer du bon temps avec elle. Se découvrir, intimement parlant, et se laisser emporter par nos envies mutuelles les plus profondes. Ne plus penser à rien d'autre qu'à elle, moi, nous. Ce plaisir charnel qui nous a fait vibrer, dans les bras l'une de l'autre. « Ça a été pareil pour moi. » Avec elle, j'ai pu oublier un peu de mon quotidien difficile. Et même si j'ai cru pendant quelques temps que nous n'étions pas sur la même longueur d'onde, je suis soulagée de savoir que ce malentendu est désormais derrière nous. Notre amitié est importante pour moi, et ça aurait vraiment été dommage de la gâcher à cause d'une connerie comme celle-ci. « Si le cœur t'en dit de recommencer, sache que je ne dirais pas non. Enfin j'dis ça, j'dis rien. » Je ris légèrement, complètement détendue et apaisée d'avoir pu mettre les choses au clair avec elle. Et effectivement, je ne dis pas non à une possible "amitié améliorée" comme on dit. Maintenant qu'il n'y a plus d’ambiguïté entre nous, la porte est ouverte à toutes les possibilités. D'ordinaire ce n'est pas mon genre, je suis plutôt habituée à séduire, flirter et avoir des relations sans lendemain. Ne surtout pas revoir ma conquête pour éviter tous les problèmes. Pas d'attaches, aucun sentiment. Mais avec Aubrey, il y a un petit quelque chose. Une connexion et une complicité que je n'ai encore jamais eu avec personne d'autre. Alors pourquoi pas ?

Elle n’a pas eu le temps de faire remarquer à Theo que certaines choses sont plus faciles à dire qu’à faire, la Fergusson l’a devancé. Les exemples sont nombreux. Arrêter de se prendre la tête. Penser à soi. Faire du sport. Arrêter la cigarette. Chacun de ces exemples ont quelque chose en commun. On a conscience que si on les appliquait, ça nous ferait un bien fou, ça aurait une répercussion positive sur notre corps, notre esprit ou notre quotidien. Or en pratique, on se retrouve face à un mur, érigé par nos soins. Un mur infranchissable, qui nous pousse à faire demi tour, et abandonner l’idée même de changer. Dans le cas d’Aubrey, on lui conseille de faire taire ses réflexions, de moins penser pour se laisser couler ou, au contraire, agir. Mouai. Difficile d’appuyer sur le bouton off du cerveau. Si l’emplacement de ce bouton était connu, ça ferait un bien fou à pas mal de monde. Mais tout comme celui sur les enfants pour qu’ils arrêtent de gesticuler, il se rapproche du mythe que de la réalité.

Le sujet vu de long et en large, la Scott décide d’aborder la soirée qu’elle a passé avec Theo, avec une certaine légèreté, et une forme de recul. En fait, elles n’ont jamais eu l’occasion de revenir sur cet évènement, à cause de l’éloignement volontaire de la barmaid. Désormais, la brune rassurée sur les intentions de l’étudiante, cette dernière pense pouvoir mettre les pieds dans l’plat sans danger. Par ailleurs, le sujet n’est pas si anodin. C’est dans la continuité, cela explique un peu les comportements de la jeune femme. La retenue qu’elle a pu avoir au début de la soirée, et le changement radical à la fin. Comme elle lui révèle, le temps de cette soirée, Aubrey a pu mettre de côté les tracas et plus s’écouter. Mince, c’est le meilleur exemple pour mettre à mal son argumentaire, et prouver qu’il est possible d’appuyer sur le bouton off du cerveau pour juste écouter ses envies et désirs. Aubrey qualifie sa collègue de tentatrice, un mot qui semble lui faire plaisir, qui modifie son comportement. Changement qui fait naître un sourire amusé sur les lèvres de la Scott, qui n’hésite pas à opiner du chef, pour appuyer ses propos. La brune ressent une certaine fierté en apprenant que cette soirée a été à la hauteur des espérances de sa collègue. Au moins, elle ne lui a pas laissé un mauvais souvenir, c’est déjà ça. Et si elle avait des doutes à ce propos, la proposition énoncé sur un ton parfaitement détendu les efface. « Il n’y a pas à dire, tu es cash toi. » dit-elle, alors qu’un rire s’échappe de ses lèvres. En fait, elle ne sait pas trop comment prendre cette information, ce qui la pousse à avaler une nouvelle gorgée de son soda. Non pas que ça lui déplaise, bien au contraire, c’est flatteur de la part de Theo. Mais elle ignore si la proposition est sérieuse, ou si c’est dit sur le ton de la plaisanterie, sans arrière pensée. Le retour du cerveau qui réfléchit un peu trop, on ne va pas refaire la jeune femme, c’est bien parti que être ainsi encore de long mois, voir des années ! Alors, le meilleur moyen reste encore de s’aligner sur ce qu’elle dit, et de le prononcer avec autant de détachement possible, pour pouvoir rebondir en fonction de la réponse. « Et quoi, si je te dis que je suis grave partante, on pose tout et on fait valser nos fringues ? » Nouveau rire détaché, même si étrangement, exprimer cette perspective à haute voix lui fait ressentir de légères sensations dans son bas ventre. Quelque chose qu’elle n’avait plus ressenti depuis cette fameuse soirée au Planet. Oups.

Tout est bien qui finit bien. Une fois les choses rentrées dans l'ordre, nous pouvons librement retrouver la complicité qui nous lie, sans avoir peur d'un malentendu ou que sais-je encore. C'est clair à présent entre nous. Et je suis bien contente que la jeune femme se sente suffisamment à l'aise avec moi pour me parler de celui qui fait battre son cœur un peu plus fort que les autres. Elle a des sentiments pour lui, et ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Mais encore faut-il qu'elle soit assez courageuse pour l'accepter et ne plus se prendre la tête avec ça. Laisser le temps faire les choses, et le destin décider pour elle. Parce que finalement est-ce que nous sommes totalement maître de notre propre destin ? Rien n'est moins sûr. Je suis intimement convaincue que rien n'arrive sans raison dans la vie. Et même si c'est parfois très difficile à comprendre, il y aura toujours une explication. Qui sait, peut-être que tout finira par prendre un sens dans leur histoire. A ce moment-là, Aubrey n'aura pas besoin de réfléchir plus longtemps. Elle le saura. Comme on peut parfois le comprendre dès le premier instant, le premier regard. Finalement la discussion dérive sur nous, sur notre soirée. Et sur le fait que nous avons passé un excellent moment en mettant justement notre cerveau sur off, pour tout oublier. Tout est possible finalement. Même si cette sensation reste éphémère, elle n'en est pas moins déplaisante pour autant. Au contraire. Voilà pourquoi je n'hésite pas à lui faire à nouveau du rentre dedans, naturellement, comme je sais si bien le faire. Ouais c'est plus fort que moi, mais je suis comme ça. Et en même temps c'est vrai. Je ne dirais jamais non à une partie de jambes en l'air. Enfin du moins avec elle. Parce que je ne suis pas le genre à coucher avec n'importe qui quand même, faut pas exagérer. Séductrice dans l'âme ou pas. Mais Aubrey a ce petit quelque chose qui me rend complètement dingue. Je suis faible face à elle, mais j'assume. « Il n’y a pas à dire, tu es cash toi. » Un large sourire se dessine sur mes lèvres, alors que je penche la tête sur le côté me mordant légèrement la lèvre inférieure en rigolant. Elle me connait maintenant, et elle sait que l'art de la taquinerie ça me connait. C'est ce qui nous a rendu toutes les deux complices dès notre première rencontre. Le feeling a été immédiat, et je crois qu'il est encore bien plus présent maintenant que nous avons sauté le pas. Faut dire qu'on se connait bien, mieux que quiconque, et intimement parlant aussi. Il n'y a plus aucune barrière entre nous, plus aucun non-dits maintenant. Et ça fait un bien fou de pouvoir avoir quelqu'un avec qui agir librement sans se soucier d'un quelconque jugement, ou quoi que ce soit d'autre. J'ai entièrement confiance en elle, et ce à tous les niveaux. « Et quoi, si je te dis que je suis grave partante, on pose tout et on fait valser nos fringues ? » L'idée est loin de me déplaire. Et en réalité rien que le fait d'y penser me rend toute chose. Mais je sais me tenir... enfin pour l'instant. Un léger rire amusé s'échappe d'entre mes lèvres alors que je ne peux m'empêcher de loucher un peu sur ses lèvres. « Fais gaffe, il faut pas dire ce genre de choses avec moi tu sais. » A moins de ne pas avoir peur des représailles ô combien délicieuses. C'est pas le truc qui tombe dans l'oreille d'une sourde comme on dit. Parce que si elle a vraiment envie de remettre le couvert, je ne vais pas me faire prier. « Je crois que tu sais très bien l'effet que tu peux me faire, tu en as déjà eu un petit aperçu. » C'est une manière pour moi de lui faire comprendre que je suis très sérieuse. J'aime bien la taquiner, jouer un peu avec elle, mais sur ce coup-là je suis sincère. Les réactions de mon corps ne trompent pas. Je réduis la distance qui nous sépare sur le canapé, venant déposer un baiser sur sa joue, juste au coin de ses lèvres. Volontairement à la limite d'un réel baiser. « Ça répond à ta question ? » Je plonge mon regard dans le sien, d'un air faussement innocent.