you spin me round {jonah #2}

La journée s'est étalée, l'impatience et l'excitation ont totalement déjoué ma perception du temps, les heures se faisant légion. J'ai cru ne jamais arriver à ce moment où j'ai du mettre un tablier pour commencer à cuisinier. Pourtant, je suis allé à la ferme, j'ai surveillé que tout s'y passait bien, j'ai même discuté avec Morales histoire de ne pas rentrer à l'appartement et attendre misérablement l'heure fatidique. Une fois rentré, j'ai vaqué à quelques occupations de dimanche après-midi, c'est-à-dire peu productives, comme surfer sur Instagram et y ajouter des nouvelles photos. Avant de me déguiser en chef trois étoiles (faut bien rêver), je suis allé passer un peu de temps devant un miroir pour y choisir les vêtements que je porterai ce soir. Loin de moi de vouloir faire bonne impression (hum), je porte en général peu d'attention aux habits, même si on m'a déjà dis avoir un goût inné vestimentaire. Je veux juste ne pas paraître dépareillé pour un diner d'anniversaire, celui de mon employé qui plus est. J'ai un rôle à tenir, une image à faire passer, bref, toutes les excuses y passent pour que j'opte finalement pour un col roulé noir, tapissant chiquement mon poitrail musclé. Une petite dose d'eau de parfum et je suis prêt pour œuvrer à l'appétit de Jonah qui ne saurait tardé dans une heure environ. Avant de mettre les ingrédients sur le plan de travail, je dépose mon téléphone portable non loin de là et active la sonnerie, pour ne pas manquer un appel dans le vif de l'action qui va suivre. Et puis, le mélange des saveurs peut enfin commencer.
Je commence par m'occuper des légumes de saison, fèves et asperges, oignons et épinards y passent, tous récoltés ce matin même. Les épices suivent le cours, le thym, le laurier et l'ail ne dérogeant pas à la règle. Le riz, enfin, est préparé et accompagné d'un bon bouillon de légume. Comme le tout manque de matière grasse, je rajoute une rasade d'huile d'olive et de beurre. Je ferme la cocote et n'ai alors plus qu'à attendre ce qui me paraît interminable. Pendant que le risotto cuit, je prépare les à côtés, pancetta et parmesan italiens, et dresse la table du salon qui n'est pas très grande mais fera l'affaire à deux. Je garde ça simple, ce n'est pas un diner romantique ou quoique ce soit, c'est un anniversaire, on se calme. Et je finis par ornementer le tout d'une bouteille de vin sicilien qu'une de mes relations m'a offerte, un de mes rares ex dont je me suis rapidement séparé par manque de temps. En y repensant un peu, c'était connard de ma part... mais ce n'est pas ma faute si je suis autant occupé. Mes proches savent qu'entre la ferme et une relation, il ne faut pas m'imposer d'ultimatum, ça se termine en général mal.
19h26, je suis en train d'inspecter le risotto qui commence à bien coller, quand j'entends la sonnerie retentir dans tout l'appartement. Les effluves de vapeur me donnent soudainement un petit coup de chaud et je me débarrasse alors du tablier pour aller accueillir mon invité. Juste, reste simple, ça devrait aller. J'inspire un petit peu avant d'ouvrir et de me retrouver devant Jonah qui n'a pas changé depuis la dernière fois qu'on s'est vu. Un sourire honnête s'arrache de mes lippes alors que je sonde son visage à la recherche d'une quelconque réaction qui m'attendrira ou me fera rire en silence. « Salut Jonah. Entre, je t'en prie. », je lâche finalement en me décalant sur la droite pour le laisser passer avant de refermer derrière lui la porte d'entrée. Je ne voudrai pas l'avouer, mais mon coeur est en train de pomper toute l'adrénaline dont il a besoin pour faire face à l'excitation et la joie que me donnent sa présence chez moi. « Tu peux garder tes chaussures ou les enlever, c'est comme tu préfères. Fais comme chez toi... » Un nouveau petit sourire pour le mettre à l'aise et je retourne en vitesse dans la cuisine (américaine, plus facile pour regarder la télévision ou parler en même temps), remettant le tablier, et m'assurant que le risotto soit bien imprégné. Je goûte un peu au plat puis retiens toute mon attention sur le jeune homme qui se familiarise avec le lieu. « Alors, les vaches ne t'ont pas trop enquiquiné sur la route ? » Petit clin d'oeil à notre discussion de la dernière fois. « J'espère que tu as passé une bonne journée... » N'avait-il pas un repas familial ce midi ? Ou quelque chose de ce genre, je ne m'en rappelle plus très bien. En attendant sa réponse, je prends quelques pincées de sel pour les jeter dans le riz cuit à souhait, d'où plein de saveurs printanières s'y échappent et se répandent dans toute la pièce.
J'espère sincèrement qu'il en aimera chaque bouchée. C'est son anniversaire et je clos un peu les festivités.

Le jour de ses 28 ans est arrivé.
Comme prévu, Jonah ne voyait pas cette journée comme un jour différent. Il n’avait que 28 ans, ce n’était pas non plus l’âge de sa vie. Ce début de journée fut riche en nourriture et en beuverie. Heureusement qu’il a pris le temps de faire une sieste pour décuver. Il n’aurait pas tenu pour ce soir. Il était dix-sept heures quand il se réveilla de sa sieste. Le bouclé prit le temps de prendre une douche et de se laver les cheveux, mettant quelques soins pour éviter que ça ne soit tout plat. Il hésitait réellement à se raser la tête, ça serait quand même beaucoup plus simple. Il y pensera en tout cas.
En termes de vêtement, c’était autre chose. Le brun ne savait pas s’il devait s’habiller formellement ou pas. Il mit quelques minutes à trouver une tenue mais ce fut chose faite. Un pull léger à col roulé gris clair, et une veste ainsi qu’un pantalon en tissus bleu marine. Des vans au pied et le tour était joué. Il n’avait pas besoin de plus.
A la fin de sa fashion hour, il posa ses yeux sur son téléphone. Il était dix-huit heures trente un peu passé, il avait encore un peu de temps. Son GPS lui disait qu’il en avait pour 20 minutes à pied. Il prit le temps de regarder quelques articles sur le net avant de se lancer dans les rues de Little Tokyo en direction du logement de son patron. Il était tout de même invité, il ne savait pas lui-même ce qu’il devait apporter.
Il a fini par opter pour deux parts de cheesecake d’une boulangerie près de chez lui qui était juste succulente. Cela serait le gâteau d’anniversaire si on peut dire. Mais en tout cas, après cette soirée, le régime sera de rigueur.
Il mit exactement, 21 minutes avant d’arriver à son appartement, montant les quelques marches, il toqua à cette porte inconnue. Le beau brun vient finalement lui ouvrir la porte, laissant le jeune Coleman l’observé de haut en bas. « bonjour patron, merci encore pour l’invitation » dit-il en passant la porte comme il lui proposa. Il garda sa veste sur lui mais préféra tout de même retirer ses chaussures. Une habitude qu’il tenait de quand il vivait avec sa mère.
Un sourire s’étira sur ses lèvres, secouant la tête doucement à ses propos. « aucune vache à l’horizon, mais j’y ai croisé pas mal de cabot » en direction des quelques racailles qu’il a pu croiser. « j’ai apporté le dessert » dit-il en lui montrant finalement le paquet en carton qu’il avait en main. « pas mal oui, riche en nourriture et ce n’est pas fini encore » dit-il en haussant les épaules. Il avait quand même hâte de goûter à la nourriture du brun.
Dans tous les cas, ses yeux avaient réussi à détourner son regard de son patron. Préférant observer la décoration de cet appartement et c’était plutôt agréable. Il avait du goût le ténébreux, sauf s’il était déjà meublé.

Après avoir assaisonné avec amour le plat en train de se fignoler dans la marmite, je jette un coup d'oeil à Jonah par dessus le plan de travail, l'observant se mouvoir dans le salon. Son regard capte l'ensemble puis se concentre sur quelques détails, décorations, bibelots qui traînent ici et là. Il n'y a pas grand chose à découvrir, mise à part des piles de magazines dans un coin, des pots pourris dans d'autres, la télévision, un tableau, etc. Mais sa curiosité non dissimulée me fout un sourire aux lèvres, comme bien souvent en sa présence. C'est qu'il a de l'humour, certes léger, mais tout de même, et ça le rend déjà un peu plus vivant, un peu humain, moins vide comme une coquille dont on a enlevé la moelle. « Mon pauvre... », je lâche dans un petit rire nerveux, me mordant la lèvre inférieure. « Je vais t'achever. Blague à part, tu manges à ta faim, ça nous fera toujours des restes. » Même si j'ai mis tout mon amour dans ce risotto aux légumes printaniers et à la pancetta, je ne désire pas non plus qu'il finisse malade comme un veau. Peut-être aurait-il mieux valu l'inviter hier soir, mais la journée aurait été beaucoup trop éreintante. Je comprends qu'il se soit rempli la panse le midi avec sa famille, c'est un moment crucial à ne pas manquer. D'ailleurs, il me tarde d'en arracher quelques détails, histoire de savoir tout simplement. N'est-ce pas l'objectif de ce repas, hormis le désir de fêter ses vingt-huit ans ? De mieux se connaitre, d'apprécier certains traits provenant de l'autre, de mieux s'apprivoiser afin que l'ambiance au magasin soit au top ? Je quitte donc la cuisine, laissant reposer quelques minutes avant de l'inviter à s'assoir, et le rejoins dans le salon. Je ne peux m'empêcher de poser mon regard sur son ensemble vestimentaire qui parfait son visage angulaire, encadré de bouclettes proprement coiffées. Il est certain qu'il y a passé plusieurs minutes et rien que cette pensée me laisse songeur et satisfait, laissant sur mes lippes l'ombre d'un sourire. « Tiens, laisse-moi te débarrasser des desserts, c'est cool d'y avoir pensé. », dis-je en tendant la main vers lui. L'échange se fait silencieusement, mes doigts effleurant les siens sans accroche ou gêne, dans une simplicité presque déconcertante. Un souffle fait gonfler ma poitrine pour ensuite s'échapper discrètement de ma bouche, signe d'un pic de bien-être. Ça a l'air si facile avec Jonah. Je récupère donc le dessert surprise puis l'interroge sur son déjeuner. « Tu as pu voir ta famille ? » C'est un sujet qui m'importe beaucoup, chez mes amis, mes connaissances et mes aventures amoureuses. C'est sûrement une thérapie que j'essaye de m'imposer : essayer de trouver le bonheur familial chez les autres pour me rassurer de la relation désastreuse avec la mienne.

Le cocon de Yaël, Jonah venait juste d’y entrer.
Si on lui avait dit plus tôt qu’il allait visiter l’appartement de son patron, il ne l’aurait pas cru, surtout le jour de son anniversaire. Alors oui, il était bien curieux de ce qu’il s’y trouvait. On lui avait assez répété que la décoration d’un appartement reflétait la personnalité de l’habitant. Peut-être qu’il allait réussir à l’achever ce soir, mais Jonah avait un sacré estomac tout de même et sa sieste l’a beaucoup aidé à digérer. « Je vais tenir, j’aime les défis ! » dit-il légèrement amusé des paroles de son patron.
Son observation terminée, il se retourna vers Yaël qui semblait avoir fini pour le moment en cuisine.
Il lui tendit l’emballage où se trouvait deux parts de cheesecake aux fruits rouges. « je ne pouvais pas venir les mains vides » il aurait été trop mal à l’aise. Il prit l’initiative de s’installer sur la chaise, en face de la table simplement décoré pour l’occasion. Cela aurait pu être malaisant s’il s’était mis en tête qu’il s’agissait d’un rendez-vous romantique. Pourtant, c’était bien une rencontre pour en apprendre un peu plus sur eux.
Il croisa les jambes, une habitude qu’il a pris depuis son adolescence. C’était très féminin, mais ça lui importait peu pour le coup. « oui, on a mangé ensemble pour ceux qui sont à Los Angeles. J’ai une grande famille, on a tous été adopté sauf deux. » rapide retour de son déjeuner, mais il n’y a rien eu de très pimpant. Pas d’histoire qui valait le coup d’être raconté.
La famille Coleman qui a toujours voulu aider les enfants au besoin, c’était bien le cas pour Jonah et même s’il ne leur dit pas souvent, il leur en est totalement favorable. S’il a joué au tennis c’est grâce à eux, s’il est vivant, c’est aussi grâce à lui… même si le tennis n’est plus. « qu’est-ce que vous avez cuisiner ? » oui, il n’aime pas trop parler de lui. Mais ça l’intéressait aussi de savoir ce qu’il avait cuisiné.

C'est l'oreille bien tendue que je vais déposer les deux desserts sur le plan de travail et que j'éteins enfin le feu sous la marmite, écoutant chaque mot qui sort de la bouche de mon seul et unique employé. La famille est un sujet qui me tient à cœur, qu'elle nous emplit le coeur de joie ou qu'elle nous pince le myocarde de douleur. Dans le premier cas comme dans l'autre, j'ai besoin d'en entendre parler dans mon entourage pour palier au manque dont je fais face toutes les semaines depuis mes dix-sept ans. Cette absence de famille que j'arrive à combler en me liant d'amitié avec certaines personnes qui me complètent le plus, même si parfois ça ne suffit clairement pas. Il m'arrive de penser à ma petite soeur, Myriam, qui m'a tendu la main il y a quatre ans de cela, qui est la seule à être présente dans ma vie. Mais elle est occupée et elle préfère ne pas révéler au reste de la famille qu'elle m'aide, qu'on se voit régulièrement, ce qui ne peut pas combler entièrement le vide que je ressens parfois.
La famille de Jonah, les Coleman, ont l'air de s'entendre beaucoup mieux les uns envers les autres, et surtout d'être ouverte d'esprit à défaut d'être soudée. N'est-ce pas ce qui prévaut le plus ? Être accepté et respecté ? Mais peut-être que je me trompe, il y a toujours des désavantages à supporter dans les relations familiales, certaines plus lourdes que les autres. Aussi, j'écoute avec attention ce que pense le brun de ses nombreux proches. A ma grande déception, il ne s'étend pas plus que ça, puis je me dis que c'est sûrement bon signe... ça signifie qu'il se sent bien en leur compagnie. Je finis donc de préparer le plat en l'assaisonnant encore un peu, en rajoutant la pancetta, les herbes, puis je l'apporte sur la table pour que le jeune homme puisse en avoir une meilleure vue. « Voilà mister Coleman. Risotto aux légumes printaniers, pancetta sur son lit de mascarpone. » Mes lèvres se déforment sous un petit sourire moqueur, et je profite du moment pour lui présenter aussi le vin que j'entreprends alors d'ouvrir. « Et parce que c'est un sacrilège de ne pas accompagner ça d'un bon vin, je l'ai pris de ma réserve, c'est un sicilien, très ferme et robuste, mais rond. Je l'aime bien parce qu'il ne déçoit pas. Il a un corps dans le palais, du début jusqu'à la fin, sans interruption. » Je fais aussi simple que possible, mais s'il a des questions, je suis sûr qu'il saura me les poser. Jonah n'est ni renfermé, ni intimidé, il a juste besoin d'un peu de punch dans sa vie. Je le sers donc dans son verre à pieds puis verse la même quantité dans le mien. Pas de jaloux, et il peut se resservir quand il le souhaite de toute façon. Il fait toujours bon de déguster un vin avant de commencer à manger, car le goût peut changer avant et après. Je prends donc le verre rempli, le porte à mon nez puis l'avance vers le bouclé. Il est temps de trinquer. « A toi et tes vingt-huit ans, joyeux anniversaire Jonah. », je lâche finalement en plissant des yeux sous un sourire honnête, presque attendrissant. Les verres s'entrechoquent dans un bruit aigüe de festivité, puis je porte à porte le mien contre ma bouche, déversant le liquide carmin pour en goûter chaque nuance. « Mh... Ouai, hâte de voir ce qu'il vaut avec le plat. » Il est enfin temps de se substanter, alors je sers en premier l'invité, l'heureux élu du jour. Ceci fait, je peux enfin m'assoir tranquillement sur la chaise dédiée et remplir mon estomac tout en continuant de s'enquérir de la vie de Jonah. « J'espère que tu vas te régaler. Y'a le sel et le poivre quelque part, n'hésite pas. » Un petit silence s'ensuit, sûrement pour prendre le temps de savourer les premières bouchées. « Je t'ai jamais demandé, en fait, si tu te plaisais ici, mise à part la boutique, etc. Tu as pu t'installer correctement ? » Ce n'est pas forcément un point que j'ai abordé aux entretiens, la vie personnelle d'un employé se limite à ses hobbies et ses centres d'intérêt. Mais maintenant qu'on est en train de faire plus ample connaissance, c'est l'opportunité d'en savoir un peu plus sur ses conditions de vie à Los Angeles. Il n'est pas aisé de trouver son plaisir en si peu de temps.

L’américain se montrait un peu plus bavard que d’ordinaire.
Certainement à cause de l’alcool qu’il a bu ce midi et qui traine encore dans son sang. Pourtant, il n’en dit pas plus sur sa famille. Peut-être parce qu’il ne savait pas quoi dire tout simplement. Sa famille était quelque peu banale, sauf en termes d’adoption. Adopter autant d’enfants, ce n’était pas dans les normes. Jonah ne s’y ai jamais arrêté, ça lui convenait d’être ainsi après tout. Puis, ce n’est pas comme s’il était le type de mec à se poser des questions sur le regard des autres, loin de là même.
Finalement installé sur la chaise, face à cette table joliment décorée. Son patron revient rapidement avec leur repas de ce soir. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, cela avait l’air appétissant. A croire que son beau patron était un petit cordon bleu. « cela à l’air très bon » dit-il en sentant l’odeur. Le vin fut sorti, il écouta la tirade du beau brun, malgré qu’il ne comprenne pas réellement ce que cela voulait dire. « j’ai quasiment rien compris mais je vais le déguster avec plaisir » dit-il le plus honnêtement.
Il prit son verre et commença à sentir avant de lever son verre en direction du ténébreux. Cela lui importait peu qu’on lui souhaite son anniversaire, mais venant de son patron. C’était différent. Il en but une gorgée à son tour, c’était plutôt bon en bouche, c’était sûr. « je vais me régaler, je n’en doute pas » son regard plongé dans le sien durant ses paroles. Il finit par goûter la première bouchée, c’était fondant en bouche, délicieux. « c’est délicieux » dit-il en souriant doucement.
Son attention se porta sur l’ancien militaire d’après ce qu’il avait compris. Il haussa les épaules doucement, trouvant cette question plutôt vague. « oui, enfin j’ai ma famille ici et j’y ai fait mes études alors on peut dire que j’ai une petite attache pour cette ville » rien de fou, c’est juste rempli de souvenir qu’il apprécierait parfois oublier, surtout s’il croise de nouveau le chemin de Jihane. « j’ai trouvé une colocation avec un jeune homme de vingt-deux ans, on est plutôt solitaire tous les deux alors ça se passe bien, aucune embrouille » et heureusement, jonah est plus que blessant quand sa colère lui prend.

Déjà, sous les effluves du vin rouge, ma bouche se désinhibe et s'y installe une sensation agréable, presque euphorique, comme si chacune de mes papilles fourmillent. Cela m'incite de tremper encore mes lippes dans le liquide sirupeux et acide, et d'en déguster toute la tonicité. Il se marie parfaitement avec le risotto, salé à point, et les légumes et la viande qui l'accompagne. Le tout est fondant, à la fois croquant, bref un délice, non pas pour me vanter. Et j'espère sincèrement que mon employé, mon Jonah, se régale tout autant de ces ingrédients complémentaires. « Merde, faut vraiment que je t'apprenne alors. », je lâche amusé par son honnêteté légendaire. Ça fait du bien d'avoir devant un homme qui ne se cache pas sous de fausses illusions, qui fait passer les minutes sans prétendre à rien. J'aurais pu prendre ce trait de caractère pour de l'humilité, mais le fait est que les iris de Jonah sont beaucoup trop ternies pour s'y résoudre. Quelque chose, quelqu'un l'a rendu ainsi. Peut-être est-ce une bonne chose ? Mais on ne peut pas me convaincre que ce sourire doit rester cacher le plus possible, parce qu'il illumine tout son visage, il est à craquer avec.
Décidément, le vin commence bel et bien à délier ma langue. Attention... il s'agit de mon employé, pas un de mes plans cul sur The Chart. Il a beaucoup plus de valeur. Ne va pas tout gâcher s'il te plait. Je grimace discrètement mais me laisse aller par la profondeur du regard que le jeune homme me lance. Merde, me serai-je pris au piège moi-même ? Il adore mon plat et ça n'aide pas ma conscience à refaire surface, son compliment et ses coups d'oeil me grisant de plus en plus. Ce doit être le vin... arrête. Je pose le verre un peu plus loin de l'assiette et compte pour ne pas y boire à nouveau dedans.
Pour en revenir à la vie de Jonah, je me rappelle maintenant avoir lu ce petit détail sur son curriculum vitae. « Oh super. Vous êtes sur la même longueur d'onde au moins. » Solitaire. Le mot résonne dans ma tête, je n'arrive pas à m'en défaire, même après une autre bouchée du risotto. « D'ailleurs, tu as toujours été... solitaire ? » J'y viens enfin, tout en douceur, parce que je ne veux pas l'effrayer, encore moins le faire fuir. C'est son anniversaire, cela me peinerait de lui faire de la peine, de quelque sorte qui soit. « Je sais que ça convient à certaines personnes, mais parfois ce n'est pas un choix qu'on s'impose. » Parfois, c'est une croix qu'on porte malgré nous sur les épaules et qu'on traîne qu'importe où l'on aille.

L’américain était en pleine dégustation du vin.
Il était loin d’être doué pour connaître les différentes particularités du vin. Forcément, il ne comprit pas un mot du petit speech du basané mais il lui aura tout de même dit en passant. – vous pourrez tenter, mais je ne garantis pas que je serai un bon élève surtout si c’était un mec aussi sexy qui lui faisait le cours. Il passera plus son temps à l’observer qu’à l’écouter. Heureusement que ces profs n’étaient pas des plus attirants, ça à sauver ses études -déjà qu’il ne les appréciait pas.
Finalement, son attention se porta sur la nourriture qui était délicieuse sans aucun doute. Le bouclé appréciait le goût en bouche, c’était fondant. Il lui fit ce compliment, parce qu’il se devait de le remercier pour le mal qu’il s’était donné à cuisiner. Finalement, il lui parla du fait qu’il s’était bien installé, qu’il avait trouvé une colocation et que ça se passait plutôt bien entre eux. – il vaut mieux pour une colocation qu’on soit sur la même longueur d’onde, sinon ça risquerait d’être désastreux heureusement, ça ne lui est jamais arrivé.
Il leva les yeux de son assiette, reposant son verre à côté de lui à sa question. – je viens d’une grande famille, j’ai toujours eu ce besoin d’être seul. Je sais que je ne suis pas le plus joyeux comme mec, mais … j’ai toujours été comme ça. dit-il en haussant les épaules. Ca évolue quand il est en couple, mais ça retombe aussi rapidement. Jonah n’a pas trouvé sa petite flamme encore. Une habitude qui lui pèse sur les épaules et s’il a déjà pensé à se laisser partir, il savait qu’il lui suffisait de trouver cette flamme.

Pas un bon élève ? Je n'y crois pas trop au vu de son CV, mais il a peut-être ses raisons qui le poussent à ne pas vouloir s'attarder sur l’œnologie. Parfois, on préfère déguster sans vraiment savoir ce qu'il se cache derrière, sans chercher l'intellect. C'est comme manger dans un restaurant trois étoiles et laisser le mystère de chaque plat imprégner son palais. Il peut en être de même pour un vin, on aime ou on n'aime pas, qu'importe sa provenance ou la richesse de son corps.
La conversation va bon train, pour l'instant, et je préfère éloigner mon verre pour ne pas être tenté d'y tremper un peu trop les lèvres. Je n'ai pas envie de gâcher cette soirée en étant pompette et en finissant par dire de la merde à Jonah. C'est fortement déconseillé vu le lien qui nous unit, d'employé à patron. Ce qui me semble plus juste et plus intéressant va bien au-delà de piques humoristiques qu'on pourrait s'envoyer par dessus table. Il s'agit de ce trait de caractère de Jo qui m'intrigue fortement, sa solitude et le brouillard qui voile ses iris ténébreuses. Je me demande, depuis que j'ai parlé avec lui dans le réfectoire, s'il a toujours été ainsi ou s'il y a une raison contextuelle récente. Et je suis rassuré de l'entendre dire qu'il a l'habitude, que ce n'est pas contre sa nature de se tenir éloigner des autres. Le jeune homme a besoin d'espace, de temps personnel, c'est tout à fait compréhensible. « Je ne peux qu'imaginer. », je commente en reprenant du risotto sur ma fourchette et la fourrant dans ma bouche. Mais est-ce que ça explique sa nonchalance ? Cette vie qui semble s'être éteinte dans sa poitrine. Si je l'interroge à ce sujet, ce serait peut-être allé trop loin. « Il y a une différence entre vouloir être seul et ne pas être joyeux ? » Maudite soit ma curiosité qui aura un jour raison de moi. « C'est dommage en tout cas, parce que ton sourire est vachement canon. » Je vous l'ai dit : il ne faut pas que je boive trop de vin. Je lâche les mots sans les mâcher préalablement et en sous-pesant le pour et le contre. Voilà ce que ça donne comme résultat, même si j'assume complètement. Ma remarque éveille même un sourire affectueux (ne vous imaginez pas des choses, je vous connais) aux commissures des lèvres, à la frontière d'une barbe rapidement rasée. La vérité n'a pas de filtre. « Je te resserre ou tu en as eu assez ? » J'essaye de me reprendre avec une politesse non dissimulée, me relevant un peu plus sur la chaise et plaquant le regard du bouclé contre le mien.

En réalité, l’américain ne sera pas un bon étudiant à cause du professeur.
S’il avait été totalement nonchalant au début, le bouclé a tout de même pris le temps d’observer un peu plus son patron. Il l’a certainement même un peu trop regardé pour son propre bien. Finalement, le jeune coleman lui expliqua à propos de son côté solitaire. C’est toujours resté une partie de sa vie. « en effet, vous ne pouvez que » dit-il en haussant les épaules. Il avait juste ce besoin, ce désir d’être seul. Certainement un mal être qu’il a lui-même du mal à connaître.
L’écoutant une nouvelle fois, il pencha la tête sur le côté doucement. Il n’avait pas tort pour le coup. « difficile à dire, j’imagine que c’est le cas en effet » au fond, il n’a jamais pris le temps d’y réfléchir pleinement. Par contre, les paroles suivantes de son patron le firent tilter. Il leva les yeux vers lui, croisant son regard noisette. « ah oui ? vous trouverez que j’ai un beau sourire patron ? vous m’en voyez plus que ravi de le savoir » dit-il avec un sourire amusé. En vrai, ça lui faisait plaisir et le clin d’œil qui suivit voulait tout dire.
L’alcool tournait déjà dans son sang, en plus de celui qui restait de ce midi. Il avait déjà presque fini son assiette mais il était déjà quasiment repue. « je suis repu mais merci de la proposition, je vais garder une petite place pour le cheese cake » dit-il en finissant son verre de vin. « par contre, je reveux bien un peu de vin » il attrapa la bouteille et s’en servit un fond de verre. Observant alors le beau brun ténébreux pour savoir ce qu’il en était de son côté.
N’empêche que Jonah était plus à l’aise qu’il ne l’aurait cru, et il se demandait bien ce qu’ils allaient pouvoir faire après ce repas.

Bingo. Le voilà, encore une fois, ce sourire. Il naît sur son visage, s'étend sur ses lèvres fines mais élégantes, relève ses pommettes et son grain de beauté. Dans une rapidité sans gêne, j'essaye de capter l'instant pour le graver intérieurement, histoire que je m'en rappelle un peu plus tard. Il est beau, comme ça, quand il laisse son cœur prendre possession de ses gestes, contrôler ses mouvements jusqu'au moindre battement de cils. Son sourire éclabousse et est terriblement contagieux puisqu'il ne fait qu'agrandir celui déjà collé au coin de mes lippes. A aucun moment, je ne baisse des yeux, gêné par la situation peu commune entre un patron et son employé, parce que je m'en fous un peu et que je n'ai pas l'intention de rater chacune nuance de ce feu éphémère qui vient d'apparaître. J'aurais aimé pouvoir l'alimenter un peu plus longtemps, le temps que cette soirée se termine, le temps de plusieurs minutes, de quelques heures. Le clin d'oeil de Jonah transforme cette simple envie en un désir dont je mordille inconsciemment la lèvre inférieure. « Magnifique aurait été plus convenu, mais je n'retire pas ce que j'ai dis. Plus que ravi, hein ? » Putain de charme. Il y a des gens avec qui ça ne trompe pas, avec qui ça coule tout seul. Plus que ravi, ça veut dire quoi dans son langage ? Je commence sérieusement à m'échauffer, mais merde c'est mon employé, il faut que je redescende les pieds sur Terre et la tête sur les épaules. Je ne peux pas le draguer ouvertement, aussi mignon soit-il, ce n'est pas du tout professionnel de ma part. Lui, au moins, il garde son vouvoiement conventionnel, il a compris. Il travaillait chez Ford, c'est un vrai de vrai. Je tousse contre ma paume pour essayer de me donner un coup de pied au cul et propose alors de le resservir par pure politesse. Mais il est repu et garde une petite place pour le dessert dont il vient de révéler le secret. Ce n'est pas de ma faute si ces goûts s'accordent pour l'instant au mien... mais est-ce vraiment nécessaire de le voir autrement que comme une bonne connaissance, un ami cher ou un jeune à aider ? Faut-il que je m'excite au moindre sous-entendu ? Mais la véritable question est plutôt : puis-je réprimer les papillons qui bercent actuellement mes reins dans une sensation agréable ? Non. « Je t'en prie. Je me garde également pour la suite. Des cheesecakes donc... t'as de la chance que je ne respecte plus les lois du Talmud depuis perpette. Sinon c'était mort. » Ma religion ? Celle qui m'a rejeté avant même que ma famille ne le fasse ? J'en rie doucement maintenant. Je n'ai pas perdu complètement la foi, mais disons que les mœurs et les interdictions traditionnels me laissent froid. Et je suis bien content ce soir de pouvoir mélanger viande et produit laitier. En me levant, j'attrape le paquet sur le plan de travail juste derrière et le ramène sur la table avant de commencer à l'ouvrir avec attention. Les deux parts ont l'air d'être délicieuses et sont massives, j'en bave d'avance. « Merci encore. », je lui avoue en haussant des sourcils, signe d'anticipation. Je change rapidement les assiettes et pose une part dans chacune. Sans précaution, ni couvert, j'attrape la mienne et l’enfourne dans ma bouche pour en déguster une première bouchée. « Hmm... » Je ne peux pas m'exprimer plus en détail, mais je pense que le brun comprendra.

Il devait bien l’avoué, Yaël avait un charme fou.
Maintenant qu’il pouvait le voir de plus près et d’une façon plus « intime », l’américain devait bien l’avouer. Son patron était terriblement sexy en plus d’être cultivé et doué de ses mains (enfin en termes de bricolage bien sûr). Ce petit compliment balancé, laissa le jeune Coleman totalement dans le mood. Son sourire s’était agrandi et il le remercia de ce compliment qui l’émoustilla quelque peu. Ce fut bien pire quand il balança le mot « magnifique ». C’était bien la première fois qu’on qualifiait quelque chose de sa personne comme étant magnifique. Est-ce qu’on pouvait sauter sur son patron ? Ce n’était pas réellement légale mais là tout de suite, il avait cette boule de chaleur dans son bas ventre qui venait de naître. Et cela à cause de sa gueule de séducteur et un simple compliment qui ne devrait être que grotesque à ses yeux. « relativement plus ravi encore » dit-il en plantant son regard dans le sien. Il aurait pu en rougir le bouclé, mais il se pinça pour éviter ce genre de réaction futile.
Il était temps qu’il détourne le regard car ça devenait un poil oppressant. Il ne pouvait pas sauter sur son patron, pas encore. Certes, cela faisait un petit moment qu’il n’a pas eu de relation sexuelle. Il devrait d’ailleurs y remédier et vite, un bar gay ferait certainement l’affaire en plus d’une petite branlette pour ce soir.   « vous as donc une religion différente ou ancienne religion. Il est vrai que je ne connais rien de toi…vous pardon » l’alcool le rendait faible, voilà que le tutoiement sortait de sa bouche. Il resta silencieux, observant les moindre faits et gestes de son patron sexy.
Il avait l’air d’un gamin face à un bout de gâteau. Il avait donc bien choisi le dessert. Il but une autre gorgée de son verre quand il le vit en train de croquer à son cheesecake. C’était bizarrement si sexuel. Le vin passa de travers et il se mit à tousser tapant sur son torse pour calmer sa toux. Il prit son verre d’eau pour calmer sa gorge. Il n’était pas humain pour faire ce genre de chose face à lui.
Jonah n’aura jamais été aussi respectif alors qu’il n’y avait pas de réel acte de drague ou de séduction. Il se faisait des films. « wow, c’est pas passé dans le bon trou. » ça lui faisait toujours mal mais c’était rien face à ce qui se trouvait dans son boxer qui semblait se réveiller rapidement. il ne faut plus que je le regarde. C’était mieux pour son petit cœur, et l’alcool… c’est fini pour lui. Il devait simplement manger son cheesecake sans réfléchir.

Je rêve où Jonah est en train de consciemment flirter avec moi ? Son sourire qui s'étend, son clin d'oeil et, maintenant, voilà qu'il exprime sa joie d'être ici, assis à cette table en ma compagnie. C'est même plus qu'une joie si j'ose bien comprendre le sous-entendu. Une excitation ? Entre ça et mon profil qu'il a dégoté sur The Chart, je dois le prendre pour un signe, non ? Le délicieux et malicieux bourdonnement dans mon bas-ventre ne fait qu'empirer à mesure que les répliques s'enchaînent. Heureusement, on change rapidement de sujet et on passe au dessert. Les cheesecake tombent à point nommé, car cela fait un bail que je n'en ai pas mangé un. Non pas par obligation religieuse, chose dont je me suis délesté il y a bien des années, depuis mon entrée à l'armée, mais par manque de temps. D'ailleurs, mon employé me fait remarquer à quel point il en sait peu sur moi et "faute" en me tutoyant, ce qui m'arrache un sourire. Le fait de le savoir s'interroger sur mon existence n'est pas déplaisant, et j'espère bien garder un peu de mystère pour ne pas me révéler totalement sous ses yeux. C'est toujours plus excitant non ? « Tu en sais déjà pas mal... sur des questions relativement personnelles en plus. » Je n'hésite pas à lui balancer la conversation qu'on a eu, plus tôt dans la semaine, à propos de l'application de rencontre et notre orientation sexuelle. « J'pense que tu peux arrêter de me vouvoyer Jonah, maintenant qu'on en est au dessert. », j'ajoute en m'esclaffant intérieurement sous la gaffe. J'avais oublié à quel point il est grisant de flirter avec un gars plus jeune et surtout de découvrir sa réaction au fur-et-à mesure de l'échange, alors que rien ne nous liait véritablement. C'est agréable de tisser des liens, quels qu'ils soient, et de se rapprocher petit-à-petit de lui. N'était-ce pas le but premier de ce petit diner entre patron et employé ? Ok, on s'est peut-être un peu décaler du sentier, mais c'en est en rien la fin du monde. On s'amuse bien, à cet instant, c'est le plus important étant donné la nature de notre petite réunion : son anniversaire, jour d'amusement. Et si Jonah retrouve le sourire à cause de mes petites piques déplacées, je ne vais pas me gêner pour continuer.
Je mords dans la part de cheesecake, enivré par le vin et le divertissement, enfonçant mes lèvres sur la crème laiteuse et mordant avec insistance sur la croûte de biscuits. Le goût renversant et le sucre me font lâcher un marmonnement jovial, la bouche trop pleine pour exprimer mes pensées immédiates. Je déguste chaque bouchée et finis même par me pourlécher les lèvres du trop de crème. Je suis vraiment un gros porc... Des toussotements me sortent de la torpeur et je découvre tout à coup la pauvre Jonah en train de s'étrangler à moitié sur sa chaise. Je m'arrête net, le fixant avec inquiétude et incompréhension. « Ça va ? » Et je suis totalement sérieux à ce moment, étant même prêt à me lever pour aller lui tapoter le dos. Mais Jonah a l'air de s'en remettre plus ou moins bien après avoir avalé un verre d'eau. Le vin lui fait donc défaut, tiens, tiens. J'aurais pu sourire à cette pensée, mais ne voudrais pas qu'il le prenne comme une moquerie. Je me restreins donc. « Je vois ça... Me meurt pas sous la main kiddo, j'ai besoin de toi. » Kiddo. Mon employé a quand même 28 ans et est un bien grand jeune homme qui sait s'occuper de lui, la preuve se tient devant lui, bien coiffé et vêtu. Pourtant, je ne peux m'empêcher de le voir comme mon benjamin à qui je dois apprendre à mordre dans la vie. Et c'est grave si je commence avoir des pensées peu orthodoxes à son égard ? Parce que mordre à la vie, ça me donne tout plein d'idées saugrenues... je suis décidément sans espoir. Je m'exaspère moi-même. « On a peut-être un peu trop descendu la bouteille. » J'aime provoquer l'hilarité, surtout si mes remarques savent toucher en plein cœur Jonah. « Au moins, tu as aimé. C'est bon à savoir pour la prochaine fois. » Parce qu'il y en aura une ? Je l'espère, oui. L'alcool délie les langues et détend les esprits taris par la dureté de la vie. Il nous révèle la véritable nature enfouie en chacun de nous. Je lâche un soupire de satisfaction et lève mon regard vers le bouclé. « Je vais pas tarder à rattraper mon retard finalement. Je commence doucement, promis. Le Talmud c'est juif. Toi, voyons voir, je dirai... Catholique ? » Je ne suis sûr de rien, je ne sais même pas s'il est croyant ou pas. Mais à l'écoute de sa réplique tout à l'heure, sur une "religion différente", j'en déduis qu'il serait au moins chrétien.

Le tutoiement semblait venir tout seul.
Pourtant, Jonah savait que cette barrière leur permettait tout simplement de ne pas passer d’étape. Punaise, s’il utilisait le tutoiement, il aurait pu se permettre beaucoup de chose ce soir, surtout avec l’alcool qu’il a dans son sang. « je le sais car je suis tombé sur votre profil, je ne l’aurais jamais su sinon » et c’était une très bonne chose qu’il soit tombé sur son profil The Chart. D’ailleurs, il se demandait si Yaël était lui-même tombé sur son profil ou pas ? Il ne lui a jamais dit. « je sais que je pourrais arrêter de vous voyez mais j’ai l’impression que cela nous aide à mettre une certaine limite » et il espérait que Yaël avait bien compris le sous-entendu de cette phrase.
En réalité, en vue de sa manière qu’il avait de manger le cheesecake, il lui aurait déjà sauté dessus s’il ne s’accrochait pas à sa chaise. La preuve en était qu’il s’étruqua à moitié avec son vin. Il était totalement désirable, voir même presque obscène mais c’est certainement le vin qui doit aider à voir de l’héroïsme partout. Il mit quelques minutes à s’en remettre. Il finit par reprendre son souffle, regardant son patron qui semblait plutôt inquiet. Bien sûr, il le rassura tout de même. « kiddo ? j’ai l’impression de retourner dans mon adolescence. Je ferais plus attention patron » un sourire au coin moqueur ou séducteur, à voir comment le prend le basané.
Certainement qu’ils avaient certainement un peu trop bu, surtout qu’il avait déjà bien consommé ce midi avec sa famille. S’il s’écoutait, il serait déjà à califourchon sur son patron pour goûter à ses lèvres sucrées mais c’était certainement à cause de l’alcool qu’il pensait à tout ça. Et puis, il ne valait mieux pas qu’il bouge trop non plus, ça commençait à se réveiller en dessous de la ceinture… fichu hormone.
Finalement, le sujet de la religion revient sur le tapis et c’était mieux pour lui, ça lui évitait de repenser trop aux lèvres du brun. Il préféra se concentrer sur son cheesecake, le mangeant doucement. « athée, je n’ai pas de religion particulière et je pratique rien du tout » ça serait une perte de temps pour lui. Et puis, l’idée de se priver de quelque chose pour quelqu’un… non merci. « du coup, plus de religion ? pourquoi ? » c’était peut-être un peu trop intime, mais sa langue se déliait un peu trop vite.

Comme quoi, j'aime parfois lâcher prise, ne plus avoir le contrôle, marcher vers l'inconnu. Surtout quand il s'agit de flirter et d'expérimenter les sensations qui s'en dégagent habituellement. Peu y résisterait et je n'en fais pas parti. J'aime jouer avec le feu, avec les sentiments d'autres que je trouve bon à avoir dans mon lit, sous mon corps. C'est en général rapide et je ne passe pas par dix chemins, mais cette taquinerie qu'on se renvoie avec Jonah est bien trop plaisante pour ne pas l'éterniser. Aussi, je lui propose de briser le contrat qui nous lie pour cette soirée assez égayante en terme de nourriture et de sous-entendu sexuel. Du moins, ces derniers en sont à mes yeux, je ne m'en cache pas. Mais le bouclé voit sûrement un peu plus loin que le bout de son nez et renifle les conséquences dont je m'en fous pour l'instant éperdument. « C'est vrai, t'as sûrement raison. » L'employé est plus sérieux et vigilant que le patron, c'est une première dans l'histoire de l'entreprenariat, bravo. Le boss préfère s'amuser, insouciant, et le caissier s'accroche sur sa chaise en essayant de rester le plus responsable possible malgré les verres de vin qu'il a sifflé.
La discussion redescend d'un cran, même si je prévoie bien de la rallumer un peu plus tard à coup de questions intimes. Je n'ai rien vu de son profil The Chart et je me sens un peu en position d'infériorité à son égard. Et puis, ça me donnera le plaisir de parler cul avec lui, comme deux homme qui sympathisent. Ce ne seront pas les premières, ni les dernières histoires à être raconté autour d'une tablée masculine. La religion est donc le premier sujet que je mets sur la table et j'énonce mes doutes à son propos. Je vois bien les Coleman catho avec leur lubie de grande famille reconstruite mais heureuse et généreuse. Seulement, c'est un mauvais point pour moi, Jonah ne croyant pas en une quelconque divinité. On se rejoint donc plus ou moins sur ce point, même si je reste quand même toujours attaché à ma religion. Comme disait mon grand-père, un juif ne perd jamais de vu ce pourquoi il a été crée. Inspirant, non ? A la question du brun, je hausse des épaules, peu enclin à revenir sur cette période de ma vie, mais j'obéis, ayant poussé la devinette. « Parce qu'elle ne voulait pas de moi, de ce qui fait parti de moi... ma sexualité, mon désir de m’enrôler à l'armée. J'ai préféré la fuir avant qu'elle ne devienne un réel fardeau. Même si ça signifiait quitter ma famille et ne plus la revoir. Enfin, ça, c'est aussi à cause de... hm, c'est une autre paire de manche. » Une deuxième bouchée de cheesecake, plus subtile, suit mes paroles et permet de les dédramatiser un peu. Je ne veux pas qu'on ait pitié de moi, bien au contraire, c'est la meilleure décision que j'aurais pu faire de toute ma vie. J'ai brisé des chaînes qui n'étaient pas encore trop lourdes. Je me suis sauvé d'un monde pour en trouver un autre où j'ai certes perdu pied mais où je m'épanouis aussi depuis trois années. « Donc plus de religion, même si je la respecte énormément et je comprends ceux qui s'y sente à l'aise. » Mais je suis contre ceux qui s'en servent pour répandre le mal et influencer des tiers personnes... à renier leur fils par exemple. Ce sujet est délicat et je préfère passer à autre chose tout en changeant de position sur la chaise. « Il me faudra essayer de faire un cheesecake, tu viens de me rendre accro. » C'est vrai, c'est suave, c'est sucré et crémeux, mais croquant en dessous. Un pur délice pour un dessert. « En parlant d'addiction, je déconne hein, j'ai été déçu de ne pas trouver ton profil sur The Chart. » Un sourire malicieux transperce à nouveau ma bouche alors que je lui lance un clin d'oeil complice par dessus la table. Il me faut vraiment en finir avec cette histoire, c'est très frustrant d'être mis de côté.