gohst from a present past / isacek

jace's phone a écrit:

J'ai revu Luke hier soir.

La phrase à elle seule, envoyé à son meilleur ami, avait suffi à créer un cataclysme dans l'esprit et la poitrine du blond. Les questions qu'il avait fui la veille reviennent en trombe et massacre tout son corps. Il se sent si lourd, comme si un étaux d'une tonne tombait sur ses épaules pour le clouer au sol. Le sentiment d'être piégé et complètement prisonnier de ses émotions ne fait qu'augmenter d'heure en heure. Plus il attend, seul dans son appartement, plus il en devient fou, fait les cents pas, se masse le menton puis les tempes, jusqu'à n'en plus finir. Il lui fallait appeler à l'aide, une sorte de SOS, aussi avait-il envoyé ce SMS, plein de mystère et de frustration, à Isaac. Et ce dernier, comme s'il avait compris au premier regard, s'est empressé de lui répondre.
Dès le message relayé, Jace ne perd pas une seconde de plus à se torturer l'esprit, à vouloir chercher des explications, des réponses à l'événement qui s'est passé. Il file pour sortir de chez lui et retrouver son ami qui l'attend quelques blocs d'immeuble plus loin, là où la circulation se fait un peu plus rare. L'air, plus frais que dans son appartement bien que chaud, lui fait du bien et il en inspire une belle gorgée pour mieux l'expirer ensuite. Déjà, à cet effet, son coeur se calme quelque peu dans sa cage étroite, lui donne de quoi avoir la force pour supporter les habitants du quartier.
Direction l'orphelinat, là où travaille Isaac. C'est aussi dans cette bâtisse qu'il l'a rencontré la première fois, et rien que ce souvenir en entrouvre d'autres, plus difficiles à supporter. Le lieu est lourd de signification et Jace pensait ne plus avoir l'énergie de s'y rendre. Mais la seule solution à son problème y réside et y bosse, alors il se résout à l'impensable et prend pieds dans la bâtisse. Elle n'a pas changé, à l'intérieur, et le chercheur se revoit encore sortir par la porte, accompagné de Luke et de leur Jenny à peine un an. Sa gorge se noue au point de lui en faire mal, mais la concierge ne lui donne pas l'occasion de s'y attarder, ni de faire un pas de plus. « Bonjour Monsieur, vous désirez ? » Jace semble revenir d'un long rêve et cligne plusieurs fois des cils avant de s'éclaircir la voix et d'expliquer le but de sa visite. « Bonjour, je viens Isaac Carter, un des éducateurs. Il m'attend normalement. » La femme semble soudainement un peu plus à l'aise dès lors que le blond ait prononcé le nom d'un de ses collègues. Elle hoche de la tête et tend une main qu'il regarde sans vraiment comprendre. Puis, il lâche une petite exclamation, se souvenant de la procédure. « Ah oui, c'est vrai, tenez, ma carte. » Il se présente officiellement et signe ensuite un papier de décharge, comme toutes les fois où Lucas et lui étaient venus ici. La concierge garde la carte verte, ne la rendant qu'à la sortie, puis prend un combiné à ses côtés et semble appeler quelqu'un. Jace se demande s'il s'agit directement d'Isaac ou pas. Il le saura de toute façon dans quelques minutes. « Il arrive Monsieur, on le signale de votre présence. » Raté, quelques secondes. Il remercie la femme derrière sa vitre d'accueil et s'en détache en attendant le brun. Il lui tarde vraiment de le voir arriver dans les couloirs latéraux ou le grand escalier double qui lui fait face.
Ces carreaux sont très beaux. Il joue avec un moment du bout de son pieds, évitant à tout prix d'observer seul ses propres souvenirs de l'intérieur du bâti. Le Luke qu'il a revu hier soir lui suffit pour l'instant.

Les carreaux, ils sont beaux, ils sont rangés par terre à l'infini. Et au bout d'un moment, ils disparaissent pour laisser place à une matière beaucoup moins brute et dangereuse, idéale pour les enfants. Mais cela ne suffit pas pour que Jace lève les yeux et se mettent à revoir l'endroit tel qu'il était à l'adoption de Jenny. Car les belles fresques dessinées par les enfants et les décorations aux lumière n'ont pas changé. Il y en a peut-être un peu plus qu'il y a quatre ans de cela, mais l'atmosphère reste la même. Le blond fuit donc le passé qui lui ferait monter immédiatement les larmes aux yeux. Il n'ose pas le regarder en face de peur de ne pas supporter cet endroit. Il doit rester, encore plusieurs minutes, plusieurs heures, cela dépendra d'Isaac.
Ce dernier ne se fait pas trop attendre, et lorsque le bruit de ses pas arrive jusqu'au oreilles du blond, il relève cette fois la tête pour saluer son ami du mieux qu'il peut. Malgré la veille, malgré le lieu plongé de souvenirs, malgré la tristesse, il garde aux lèvres un petit sourire empli d'honnêteté et de bienveillance. La vivacité du brun lui donne un peu de courage au fond. Il l'embrasse en retour, le serrant brièvement dans ses bras et tapotant fébrilement ses épaules. « Salut Isaac. », lâche-t-il nonchalamment à l'intention du destinataire. La mélancolie est encore trop présente pour qu'il suive l'entrain du compère. « Ça va et toi ? » C'est devenu un automatisme ces dernières semaines alors que la dépression commençait à prendre racine dans son coeur et son esprit. On lui avait posé la question tellement de fois, alors qu'il n'allait pas bien, qu'il avait fini par mentir à tout le monde.
Isaac l'invite à le suivre et Jace s'exécute donc, grimpant le grand escalier qui se rétrécit d'étage en étage. Lorsqu'ils arrivent au tout dernier, le blond se rend compte qu'il l'emmène chez lui, ce qui le rassure un peu. Il essaye de reprendre son souffle et se sent un peu plus léger. « Pfiou, ça te fait faire le sport de la journée. », lui dit-il pour se détendre. Lorsqu'ils s'engouffrent tous les deux chez le brun, Jace porte un oeil curieux aux alentours, essayant de s'habituer au changement de décor. Il hésite à la proposition d'Isaac, car il a grand besoin d'un remontant après ce matin. Il finit par craquer. « Je veux bien, merci. Tu as quoi à me proposer ? » Il ne s'attend pas à grand chose, mais assez pour faire passer la pilule. Sans en dire plus, il aperçoit une chaise et s'y accoude, détestant s'assoir le premier alors qu'il est invité. C'est une habitude qui lui est restée de ses parents, très à carreaux sur les formalités et l'étiquette d'un bon hôte ou invité. Quoiqu'il soit, il remercie son ami de ne pas lui sauter à la gorge concernant Luke. C'est bon de savoir qu'il ne l'embête pas avec ces histoires de coeur et de cul. Cela signifie qu'il tient réellement à lui, tout comme il le garde dans son cœur. Il faut savoir que Isaac a joué un rôle important dans l'adoption de Jenny par les Trent-Pulaski. Aussi, Jace s'est beaucoup attaché et entiché de l'éducateur enfant et se donne comme mission de l'endurcir pour qu'il arrête de se faire marcher sur les pieds. Cela le rend hors de lui, car il sait que son ami est bien trop bienveillant et généreux pour élever la voix ou faire valoir ses droits. « Merci pour l'invit' en tout cas. » Ses sentiments lui jouent des tours et rosissent ses joues à mesure qu'il avance vers le but de sa visite. « Je crois que j'en ai besoin. » De le voir, de sortir un peu de chez soi, de voir autre chose que les murs blancs de son appartement ou du laboratoire. Cela fait longtemps qu'il ne s'est pas posé pour aller voir un ami. Un besoin de solitude l'avait empoigné, mais lorsque les choses deviennent trop difficile il est nécessaire de ne pas rester démuni et de garder en tête un flot continu de pensées et de questions tourmenteuses.  

D'un regard, d'une seule phrase, Isaac a compris ce dont a besoin le blond. Isaac le comprend en général très rapidement, c'est ce qui fait leur alchimie. Inversement, Jace pourrait dire en un SMS que son ami ne va pas, même lorsque son sourire dément toute dualité interne. Isaac cache très bien son jeu en plus de cela, n'ayant pas l'habitude d'être de mauvaise humeur. Il prend la vie à pleins bras, comme elle est, bonne ou mauvaise, et il l'admire rien que pour cela. Le brun fait preuve d'un optimiste qui parfois le prend des nues, mais qui est si rafraichissant quand on broie du noir.
C'est le cas aujourd'hui.
Jace a revu Luke, et depuis il ne sait plus quoi faire. Tout revient le bousculer en plein fouet et c'est la panique dans sa poitrine, dans ses pensées. L'alarme a sonné, et Isaac a répondu présent. Sans lui, il serait tombé bien bas depuis belle lurette.
Le blond accepte donc la bière avec un petit sourire, conscient que son ami en achète rien que pour les occasions de ce genre, c'est-à-dire quand il vient squatter l'appartement (sans nécessairement passer par l'accueil de l'orphelinat). Un petit « Merci... » sort de sa bouche et l'alcool ne met longtemps à couler dans son œsophage. Le liquide divin le désaltère et le fait soupirer d'aise, le temps d'une minute, oubliant tout le bordel. Mais le visage de son ex-mari revient le hanter, et Jace, s'avouant battu, laisse tomber sa tête, les yeux observant le sol du salon. « Ouai... je me sens con à ce moment. Tellement con. Je sais pas si j'oserai te raconter TOUT. J'ai merdé Isaac, je te jure. » L'enseignant-chercheur prend une inspiration et ose relever un peu la tête pour faire face à son meilleur ami. Ils sont sensés tout se dire, tout s'avouer, chacun de leurs ressentis, de leurs sentiments, mais à cet instant Jacek se remémore du bon temps passé en compagnie de Lucas, et pique un fard. Ses joues, malgré le bronzage californien, prend une teinte rose. Comment est-ce que j'ai pu ? Mais la question suivante est tout aussi hasardeuse. Comment est-ce que je vais raconter ça à Isaac ? Sans que son histoire ne tourne au porno gay, scène classique de la salle de bain. Mon Dieu. Oui, ce dernier doit se retourner sur son nuage. « Revoir Luke c'est une chose, mais j'ai... on a... » Le blond toussote pour bien prendre le temps de mettre les mots correctes sur ce que les anciens époux ont partagé cette nuit. « Il était dans un sale état, tu le connais. » Complètement torché donc. « Et j'ai voulu prendre soin de lui, même après un mois... surtout après un mois sans lui. » Il l'avoue, Lucas l'avait terriblement manqué. Jouer à l'infirmier, à la mère poule, c'était donc plus fort que lui, il n'avait même pas pu résister. « Alors je l'ai ramené chez moi, mais il a... on a commencé à devenir intime. Et puis, il est parti, comme ça, et... Je comprends plus rien. » Jace met ses mains sur son visage, dépité, et complètement perdu. Il ne sait pas, il ne sais plus ou alors peut-être n'a-t-il jamais su. Il sait juste qu'il avait carrément apprécié le moment intime que lui et Luke ont partagé. Il a adoré, mais un peu trop par rapport au brun qui lui a cassé à nouveau le coeur. Puis est venu le déni, puis la honte, et enfin la tristesse. Et si tout cela était mal ? Et si ça ne faisait pas honneur à Jenny ?

Jacek vient de révéler à son meilleur ami ce qu'il s'est passé entre Lucas et lui hier soir, la raison pour laquelle il a paniqué ce matin et lui envoyé un message de détresse. Il le fait en lui épargnant des détails et des images bien gênants sur les événements qui ont pu arriver... dans la salle de bain par exemple. Le rouge clairsème directement les jours du polonais alors qu'il se masse le visage de ses palmes, essayant d'extérioriser ses émotions comme il peut. Il aurait souhaité que cela n'advienne pas, et d'un autre côté il a apprécié l'échange malgré l'état soporifique de Lucas. Il en a juste très honte et leurs comportements à tous les deux ne l'enfoncent que plus encore dans l'incertitude et le flou. Que penser de tout cela ? Il espère qu'en en parlant à Isaac, ce dernier saura quoi répondre, aura les mots pour le rassurer, ne serait-ce que quelques uns.
D'un coup d'oeil, le blond remarque bien que son ami a compris ses sous-entendus, ce qui l'agite un peu plus sur la chaise. Il aurait souhaité ne jamais à avouer ce genre d'intimité au brun, mais les événements le perturbent beaucoup trop pour qu'il se taise à jamais et ravale ses peurs et ses doutes. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un d'horrible ? Sa moral s'en retrouve ébranler à la suite de cette nuit et il est incapable de penser rationnellement tout seul. C'est donc l'oreille attentive qu'il attend que son ami dise quelque chose, n'importe quoi. Le brun ne le déçoit pas, quand même il le pourrait. A mesure qu'il parle, qu'il réagit à ses aveux intimes, Jacek sent sa poitrine s'apaiser. La boule qu'il ressent au creux de son estomac se décontracte un peu pour devenir plus supportable. « Je ressens encore des choses pour lui. Je n'aurai pas du l'approcher autant. C'est peut-être mal... vis-à-vis de Jenny. Et lui a été assez clair. » Cette dernière phrase sonne amèrement dans sa bouche, repensant à Luke qui s'est éclipsé juste après avoir eu son du contre les carreaux de la salle de bain. Comment peut-il faire ça après tout ce qu'on a vécu ? Et son "merci" murmuré résonne encore entre ses deux tempes, comme s'il le remerciait pour le sexe, seulement ça, comme s'il n'était rien d'autre qu'un corps qu'il a souillé l'instant de quelques minutes seulement. C'est tout ce que je représente à ses yeux maintenant ? Un sac de viande dont les souvenirs sont assez excitants pour taper dedans ? Ces pensées révoltent l'enseignant qui s'en mord les lèvres. « Tu penses que c'est à cause de ça qu'il est parti juste après hier soir, sans rien dire ? », lâche-t-il finalement, sentant son coeur s'ouvrir à nouveau sous la peine amoureuse, comme il l'avait ressenti en signant les papiers de divorce. « J'aimerai être comme lui, m'en foutre complètement. Tu crois que je devrai l'oublier ? » Après un mois sans nouvelle, dix mois d'enfer et de solitude, n'est-ce pas une idée envisageable et raisonnable ? Parce que Lucas est une épave et qu'il risque de se noyer en cherchant à le repêcher par tous les moyens possibles. Pourquoi aimer quelqu'un qui ne vous rend pas la pareille ?

En quoi est-ce mal de baiser son ex-mari après la disparition de leur fille et leur divorce signé ? Jacek a toujours été un homme de raison et de morale, alors s'être donné aussi facilement à Lucas après tant de mois d'éloignement, d'énervement et de douleur lui donne du fil à retordre. La mécanique de ses pensées le renvoie systématiquement, après cette entrevue bien brève, au déshonneur de la mémoire de Jenny, au bafouement de leur relation passé qu'il pensait sacrée fut un temps. Mais cette période est révolue, il faut que je me fasse à cette idée. Il a l'impression de s'accrocher à un fantôme qui ne lui correspond plus, mais dont le visage et le reste l'appellent toujours encore... de part ses pulsions mais aussi ses sentiments. La conclusion est difficile pour lui de l'assumer, mais son coeur ne lui laisse pas d'autres choix. Je l'aime encore, alors que je ne devrai pas. Car, Isaac a beau dire quoique ce soit sur la complexité des sentiments humains, ce n'est pas de l'amour que Jace a vu chez Luke hier soir et ce matin. Une chose est sûr, c'est que le brun ne lui ferait en effet aucun mal, du moins pas physiquement. « Alors pourquoi je me sens comme une merde ? », lâche l'enseignant sans peser les mots qu'il prononce. La bière qui tient dans sa main lui revient à l'esprit et l'envie de boire l'alcool monte en flèche et résonne dans tout son être. J'aimerai être soûl, comme lui. Lui aussi veut s'abandonner à cet instant aux effluves de l'alcool qui désinhibent tous les sens et tous les maux. Ce serait tellement plus facile que de devoir faire face à cette peine qui lui bouffe le cœur et les entrailles. Non, vraiment, je n'avais pas besoin de ça en plus. Le blond porte le goulot à ses lèvres pour s'abreuver de plusieurs gorgées à la suite, avant de poser sa bouteille par respect pour Isaac. L'asiatique lui fait toujours face, avec la même sérénité que Jacek admire et envie beaucoup. « Tu dois partager ton secret avec moi Isaac... tu parais si tranquille. », fait remarquer gentiment le blond qui s'accoude sur le bord du divan, ses prunelles bleues dévisageant doucement le visage de son ami d'un regard fatigué. « Je me suis jeté corps et âme dans le boulot, depuis des semaines. Tout ça pour revenir au même niveau. » Tous ces efforts qui n'ont servi à rien, si ce n'est qu'à cacher seulement la perte des deux êtres qui lui étaient le plus chers. Ils ne sont les seuls à partager sa vie, certes, Isaac en est la preuve vivante en face de lui, mais ils étaient ses perles, les deux moitiés de son coeur. L'un est à présent nécrosé, l'autre brisé et humilié. « T'as pas des anecdotes à me raconter cette semaine ? » Une petite histoire ou une astuce sur son boulot, sur les orphelins qu'il garde, lui ferait l'effet d'un baume.

Bien sûr qu'il ne sait pas. Jace ne peut pas espérer venir chez son meilleur ami pour qu'il lui montre un chemin construit spécialement pour lui. Isaac n'a pas réponse à toutes les questions qui recèlent ce monde, même s'il l'apprécie et l'admire notamment pour son intellect développé. Les deux hommes aimaient déjà à l'époque s'arracher les cheveux sur des sujets rhétoriques, le blond ne pensait seulement pas qu'ils en arriveraient à ce point, qu'ils aborderaient sa relation intime ou inexistante (il ne sait plus) avec son ex-mari, ni la disparition de Jenny. Cela va bientôt faire un an. Que le temps passe vite. Et que de choses arrivent en à peine une année d'existence. L'étreinte, dans laquelle l'entraîne Isaac à cet instant, est très appréciée et Jace en profite chaque seconde. Les tapes dans le dos le rassure pour quelques minutes à venir et l'encourage à tourner la page le temps de sa rencontre avec son meilleur ami. Il se mortifierait plus tard, à moins que l'asiatique n'ait une meilleure solution à lui proposer afin d'avancer, de se permettre d'oublier Luke et tout ce qu'il représente à ses yeux. Mais ai-je vraiment envie de l'oublier ? Son cœur émietté lui hurle à cet instant par l'affirmative et les paroles d'Isaac finissent par le convaincre. Se nourrir d'amitiés ? Rencontrer quelqu'un d'autre qui voudrait de lui ? Ces propositions ne lui permettent pas du tout ridicules, bien au contraire. « Merci Isaac. Je crois que tu as raison. J'ai laissé de côté certaines personnes qui m'étaient proches. Même des collègues de travail. Je crois que je n'en avais simplement pas la force d'interagir avec eux, tu sais de devoir parler de tout ça à répétition. Je t'en parlais à toi, ça me suffisait déjà amplement. Mais le fait est que j'ai besoin d'eux. Punaise, j'ai l'impression que ça fait des lustres que je n'ai pas partagé de café, que je ne suis pas entré dans un bar accompagné... » La réalisation éclate de point fouet sur son visage alors qu'il énumère ses pensées à voix haute, sans vraiment s'en rendre compte. Isaac est comme sa conscience, avec qui il converse quotidiennement. Du moins, il lui fait assez confiance pour ne pas le juger ou pour ne pas soupirer d'ennui lors de leur conversation.
Mais assez parler de moi. Le polonais ne veut pas enfoncer son ami dans une dynamique qu'il ne cerne qu'au tiers, alors il préfère changer de sujet et demander des nouvelles de l'orphelinat qu'il connaît bien pour s'y être rendu plusieurs fois, fut un temps. Il hoche la tête, soudainement envieux d'entendre l'aventure de ce petit Ethan, car les frasques infantiles lui manquent terriblement. Il a du y faire face pendant quatre années, parfois s'en mordant les ongles, réfléchissant à la punition qu'il allait donner à Jenny. Aujourd'hui ? Il revivrait cent fois ces tribulations si cela lui permettait de revoir sa fille. En quelques sortes, le petit jeu de cet Ethan, qui a tourné au vinaigre, actionne les souvenirs qu'il garde de sa paternité, et un sourire ému vient ostensiblement s'accrocher à ses lèvres. Un léger rire vient même rider ses commissures, première réjouissance depuis bien longtemps. « Aaaw, le pauvre petit. Au moins, il a un grand avenir qui s'ouvre à lui ahah. Quelqu'un devrait l'inscrire à un club de baseball. » Jacek s'occuperait de chacun de ces orphelins s'il le pouvait, tellement Jenny lui manque. Malheureusement, cet Ethan, comme plein de jeunes ici, n'aura peut-être pas cette chance. La nostalgie embaume progressivement le coeur de l'enseignant à mesure qu'il pense aux orphelins, jusqu'à ce qu'une idée lui viennent à l'esprit, aussi rapidement qu'une foudre s'écrasant par terre. « Après tout ce temps, je n'ai jamais demandé, mais... vous acceptez des intervenants extérieurs ? » Il se rend compte que sa question peut prendre Isaac au dépourvu, alors il se reprend et tente de s'expliquer. « Jenny me manque. Les enfants en général. Et j'ai l'impression que c'est une bonne chose à faire que de vouloir en aider quelques uns. Tu crois que c'est possible ? Je ne sais pas... venir faire des petites expériences en physique-chimie, les aider dans leurs devoirs ? Qui sait, payer à cet Ethan des cours de baseball ? » En cette période, l'argent coule sans qu'il n'ait véritablement de dépenses énormes à faire puisqu'il se contente de payer un loyer universitaire, les charges qui vont avec, et sa nourriture. Pourquoi ne pas s'en servir pour aider quelques gamins à s'épanouir ? Pourquoi rester dans son coin à les ignorer et à avoir peur de tromper la mémoire de sa fille ?