And then, I saw her | EliJin

C’était la panique. Elle était pourtant sûr de l’avoir avec elle quand elle était partie ce matin. Un petit footing en ville en écoutant les dernières chansons à la mode, quelques étirements en s’arrêtant dans un parc avant de rejoindre son appartement de Bel Air. Mais une fois la porte franchie, alors qu’elle c’était laissée tomber dans le canapé, elle avait machinalement tâtonné la poche de son legging de sport pour récupérer son précieux smartphone. Son cœur avait manqué un battement lorsqu’elle n’avait pas senti ce dernier dans l’étroite poche. Des jurons en coréen c’étaient aussitôt échappés d’entre ses lèvres alors qu’elle c’était relevée en panique du canapé. Les coussins de ce dernier c’étaient retrouvés par terre et elle avait secoué vivement le plaide qui reposait sur celui ci, comme dans l’espoir vain que son téléphone se trouve dans un pli, et ne réapparaisse par magie. Mais rien. Plan B, si elle ne le retrouvait pas elle devait le bloquer au plus vite, il n’était pas question que quelqu’un fouille dans son téléphone, surtout que, si celui-ci se déverrouillait en détectant son visage, le code réclamé en cas d’échec de reconnaissance facial était le plus simple du monde : un, deux, trois…quatre, cinq et … tenez-vous bien : six. Oui, elle n’avait pas été très inspirée et n’avait jamais pensé à le changer puisqu’elle utilisait la caméra frontale pour le déverrouiller. Dans son téléphone il y avait toute ça vie et bien plus encore : photos de soirées arrosées, drunk selfies, voir même selfie un peu dénudée, accès illimité à ses réseaux sociaux qui, si l’on ignorait tout l’argent que lui donnait son père, étaient techniquement son gagne-pain, et puis une liste de numéro de téléphone interminable avec les contactes de toute la haute société coréenne. Sans oublier un accès à sa carte de crédit via apple pay ! Elle avait ouvert son macbook sans plus attendre, afin d’accéder à son compte icloud pour bloquer son téléphone lorsque le téléphone fixe se mit à sonner. Un soupire s’échappait d’entre ses lèvres, encore du télémarketing, à tous les coups ! Avait-elle vraiment le temps d’envoyer balader un énième vendeur de panneau solaire ? Essayant de garder son calme, elle se décida à répondre et heureusement pour elle, puisqu’au bout du fil, une voix masculine lui annonçait avoir trouvé son téléphone et lui donnait rendez-vous à trois heures dans un salon de thé à Little Tokyo. Pas de demande de rançon, pas de menace… Peut-être qu’enfin de compte il y avait encore des gens bons dans ce monde.

Une douche et un changement de tenu plus tard, Soojin se mit en route pour le salon de thé. Sans son téléphone : pas de Uber, pas d’application pour appeler un taxi, pas de selfie pour partager [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] sur instagram. C’était tellement frustrant. Elle se retrouvait forcée de marcher, jusqu’à qu’elle ne puisse faire signe à un taxi. Little Tokyo n’était pas la porte à côté.
Quelques kilomètres et quelques dollars dépensé et voilà qu’elle arrivait devant le fameux salon de thé. En retard de quelques minutes, à son habitude, elle poussait la porte de la boutique, scrutant rapidement la pièce avant de voir un charmant jeune homme assit en face de ce qui ressemblait à son précieux smartphone. Elle s’avançait sans plus attendre vers lui, l’observant se lever maladroitement. De toutes les personnes qui aurait pu trouver son téléphone à Los Angeles il avait fallu que ce soit un asiatique. Asiatique qui ressemblait même à un coréen.  « Bonjour… Je suis Elio.» lâchait-il, et Soojin pensait immédiatement « Bon, si c’est un coréen, ce n’est pas un vrai coréen. », puisqu’à ses yeux tout ceux nés ici n’était pas véritablement du pays du matin calme. Et au vu du prénom du jeune homme, elle doutait un peu de ses origines. « Soojin. » lâchait-elle à son tour, esquissant poliment un sourire, alors que le jeune homme lui indiquait le téléphone ainsi que la chaise qui lui faisait face. « J’espère oui. » répondait-elle échappant un petit rictus nerveux avant d’attraper le téléphone pour voir s’il s’agissait bien du sien. « Oui, c’est le mien. » soufflait-elle de soulagement, se laissant enfin tomber sur la chaise qui faisait face à celle de son sauveur. « Merci, je vous en dois une! » ajoutait-elle, jetant un rapide coup d’œil à ses notifications avant de reposer le téléphone sur la table alors qu’il lui proposait de boire quelque chose. « Oui, avec plaisir. Je vous invite, je vous dois bien ça. » Elle attrapait le menu qui trainait sur la table, regardant rapidement la liste avant de faire signe à un serveur qui passait par là : « Un thé au lait, glacé, s’il vous plait. » puis elle reportait son attention sur Elio pour l’inviter à commander à son tour.

Charmant, bien habillé, un peu timide peut-être, mais pleine de bonnes intentions puisque, après tout, il venait de lui rendre son téléphone intacte… Il n’y avait pas à dire : Soojin était bien tombée. Elle aurait pu se retrouver face à un gros lourd, près à lui réclamer quelques centaines de dollars contre son téléphone, mais non. Elle était face à un coréen, un vrai, qui avait la présence d’esprit de se dire ‘je n’aimerais pas que ça m’arrive à moi, donc je vais faire en sorte que cette personne retrouve son téléphone’, c’était beau et ça faisait partie des choses qui lui manquait le plus depuis qu’elle vivait à Los Angeles. Soojin prit rapidement les choses en mains, comme elle avait trop souvent tendance à le faire. Peut-être trop sûre d’elle, pas assez timide et simplement habituée à avoir ce qu’elle voulait rapidement. Alors elle commandait un thé, observant Elio, vraisemblablement prit de court, qui bafouillait un peu avant de commander un café. Elle l’observait, sans gêne, alors qu’il semblait mal à l’aise, à la recherche de ses mots. Lorsqu’il rouvrit la bouche c’est, ce coup-ci, non pas de l’anglais qui en sortit mais du coréen. Un petit accent du sud qui s’expliquait bien vite par l’origine du jeune homme. « Oh… Jeju. » répétait-elle en hochant lentement la tête. « Probablement un fils de pêcheur. » pensait-elle aussitôt, jugeant toujours tout le monde trop vite. Hong Li-Oh, elle ne connaissait pas beaucoup de Hong, elle devait bien l’avoué. « Hm, Li-Oh, Elio… je vois. Au début j’ai cru que tu étais un américain d’origine coréenne. » Avouait-elle. C’était astucieux comme changement. De son côté elle n’avait pas changé de nom, simplement parce que ses parents ne voulaient pas que les Lee se fasse appeler autrement. Selon eux c’était renier leurs origines. Alors en attendant chaque fois qu’elle allait à Starbucks on écrivait son prénom n’importe comment sur sa commande et elle ne pouvait jamais faire un boomerang décent ! « Moi c’est Lee SooJin. Je n’ai pas de prénom à consonance anglaise. Donc ici on charcute mon prénom et je souffre en silence. » plaisantait-elle, tentant de détendre un peu l’atmosphère, ou en tout cas d’aider Elio à se détendre car le pauvre semblait presque intimidé. Est-ce qu’il savait qui elle était ou est-ce qu’il avait juste peur des inconnus ? Soojin se demandait si elle avait bien fait de se présenter sous son prénom complet. Elle n’était pas Lee Hyori, tous les coréens ne connaissait pas son prénom, mais il y avait toujours une possibilité qu’il ait entendu parler de sa famille, ce qui pouvait, jouer aussi bien contre elle qu’en sa faveur. Elle remerciait rapidement le serveur alors que leur boisson arrivaient enfin, venait machinalement trinquer avec le verre du jeune homme avant de boire quelques gorgées de sa boisson et de demander : « Tu l’as retrouvé où du coup ? Je ne l’ai même pas sentie tomber. » puis comme pour être sûr qu’il suivait bien la conversation, et ce changement un peu soudain de sujet, elle précisait : « Le téléphone.»

« Vers Bel Air... » Elle avait du le faire tomber juste avant d’arriver chez elle, peut-être même qu’elle aurait pu le retrouver si elle s’en était rendu compte à temps et qu’elle était revenue sur ses pas… Elle n’aurait, cecit dit, pas eu la chance de rencontre Li-Oh, qui était franchement mignon. Ça devait être un mal pour un bien. « Oh je vois. J’habite à Bel Air et j’essaie de courir une fois par jour. J’ai dû le perdre en rentrant. » expliquait-elle. « C’est marrant qu’on ne se soit pas croisé avant du coup, si tu cours dans le coin régulièrement. » En même temps Soojin changeait de trajet un peu tout les jours, en fonction de son humeur, donc elle croisait rarement les même personne lors de ses footing. « Ouais, j’ai cru comprendre que si quelqu’un trouvait un téléphone sa priorité n’était pas de retrouver son propriétaire. » lâchait-elle en pouffant de rire. « J’ai eu de la chance que tu le trouves et que t’arrives à la déverrouiller et m’appeler avant que je ne le bloque. » avouait-elle. « J’étais tellement en panique une fois chez moi, j’ai retourné ton mon salon en pensant que je l’avais peut-être perdu en rentrant. » D’ailleurs elle n’avait pas ranger tout son bordel, mais qu’importe, la femme de ménage s’en chargerai. Elle prenait quelques gorgées de son thé avant de répondre. « Je vis ici depuis deux ans environs. Et toi ? » C’est vrai qu’il avait un bon accent, alors soit il avait tout simplement des facilités, soit il était là depuis de nombreuse années. Soojin avait beau être un peu trop centré sur sa petite personne, elle n’en était pas moins curieuse de savoir ce qu’un jeune homme de Jeju faisait ici.

Six ans déjà qu’il vivait ici, ça expliquait son bon accent. Elle qui avait étudié à New York, et qui était à présent ici depuis deux ans avait malgré tout garder ce petit accent coréen et avait trop souvent tendance à utiliser sa langue maternelle, comme c’était le cas en ce moment. Une nouvelle vie loin de la pression de la société coréenne, elle pouvait totalement le comprendre, sauf que pour elle une partie de cette pression était venue avec elle en la personne de ses parents. « Hm je comprends. Ma mère a voulu ça aussi, c’est pour ça qu’on est venu ici. » avouait-elle. « Y’a beaucoup moins de pression ici, moins de jugement aussi, je trouve. » Elle prenait une nouvelle gorgée de son thé avant de répondre à la nouvelle question du jeune homme. « Toute ma famille a déménagé ici. Enfin mon père et mon frère ainé passent toujours beaucoup de temps à Seoul pour le travail, mais sinon pour le reste on s’est tout relocalisé ici. C’est plus tranquille. » admettait-elle. Ce n’était pas si souvent que ça qu’elle pouvait parler de ça avec un coréen, puisqu’en général elle passait du temps avec des américains pour éviter de se retrouver face à un coréen qui connaitrait sa famille et sa réputation. Mais visiblement Elio n’avait aucune idée de l’influence de la famille Lee à Séoul. Après tout il était de Jeju, il venait littéralement d’une autre île, alors il n’était pas étonnant que les affaires de la capitale lui soit inconnu. « A Seoul je n’peux rien faire, dès que je sors, dès que je fais un truc, on risque d’en entendre parler le lendemain. J’peux pas porter ce que je veux, j’peux pas aller en boite ou boire trop… J’ai une image a respecter. Alors qu’ici, je suis libre de faire ce que je veux, mes parents n’en sauront rien puisque personne, ou presque, ne les connait. Je peux rentrer totalement bourrée si j’en ai envie. C’est agréable. » Pas de pression social, ou presque. Elle se devait toujours de montrer une image parfaite sur les réseaux sociaux, évidemment, et se méfier autour des coréen (donc devait faire gaffe à son comportement à K-town et avec sa famille), mais sinon c’était un peu une nouvelle vie pour Soojin, comme un retour à ses années facs, ses premières années de libertés. « T’avais quelle sorte de pression en Corée ? ta famille ? tes études ? »

Famille nombreuse, un père qui lui foutait la pression pour ses études, le poids de devoir montrer l’exemple avec ses petits frères… Tout ça Soojin connaissait, pas personnellement puisque de son côté, n’ayant jamais été une potentielle candidate pour la reprise de l’empire familiale ses parents ne lui avaient pas trop mis la pression, mais elle avait bien vu ce que ça avait fait à Minho, bien vu l’homme froid et manipulateur qu’était devenue l’aîné. Alors elle comprenait, elle s’imaginait à leur place et aurait probablement fait pareil. Elle sirotait son thé en l’écoutant, il avait l’air très proche de son frère et Soojin se demandait si ce dernier était également venu à Los Angeles ou s’il était resté en Corée, sous la pression parentale. « C’est vrai que c’est agréable. » notait-elle, observant le jeune homme se pencher sur la table, sourire charmeur collé aux lèvres. « J’avoue que je suis bien tombée. Coréen, bien intentionné et charmant. » Elle se penchait à son tour, lui lançant un regard malicieux. « Quels étaient les chances ? » Elle attrapait son thé, le terminant avant de le reposer sur la table, sans quitter des yeux Elio. « T’as ajouté ton numéros dans mon téléphone au passage ? » Ouais elle n’avait pas froid au yeux Soojin, surtout depuis qu’elle était à Los Angeles, elle reprenait le contrôle, adieu toutes les fois où elle avait joué les innocentes, voir prude, simplement pour satisfaire cette image de fille parfaite, celle que toute les mères coréennes aimeraient voir épouser leur fils. Maintenant, elle pouvait aller droit au but, sans détour, sans faire semblant. Juste être elle-même. Cette fille trop sûre d’elle. « Parce que ce serait idiot de ne pas se revoir après ça. »

« Maybe… » avait-il lâcher avec ce sourire en coin charmeur. Il se la jouait mystérieux, très bien, elle vérifierait si son numéro était bien là plus-tard. L’absence de ce dernier risquait de la refroidir, elle n’aimait pas courir après les gens, elle avait trop l’habitude d’avoir ce qu’elle voulait du premier coup. En terminant sa boisson, elle réalisait que le simple fait qu’il ai enregistré ou non son numéro dans le téléphone d’une inconnue en disait long : s’il ne l’avait pas enregistré, alors il gardait cette image de parfait gentleman, respectueux, qui avait simplement fouillé ses contacts pour lui remettre au plus vite son portable. Mais s’il l’avait enregistré, ça signifiait qu’il avait suffisamment fouillé dans son téléphone pour se dire « oui, je veux revoir cette personne », ce qui était à la fois mignon et en même temps un peu creepy. Ça impliquait une fouille plus ou moins minutieuse de ses photos et/ou réseaux sociaux. Elio reprenait alors la parole et l’idée qu’il ait mis le nez dans son téléphone lui semblait soudainement innocente. Après tout, il n’avait pas l’air d’un pervers, alors pourquoi flipper maintenant. Et puis, sa proposition de second rendez-vous semblait presque maladroite. C’était trop mignon, il n’avait pas dû penser à mal en fouillant son téléphone. Oui, elle s’en persuadait maintenant. « Jeudi soir? Ok. » Dit-elle sans hésitée. Si elle se mettait à trop réfléchir elle n’allait jamais le revoir. « Diner et ciné. On a qu’à se dire 8pm et on se retrouve devant ce salon de thé. Comme ça, si je n’ai pas ton numéro, le rendez-vous tiendra quand même. » ajouta-t-elle. Elle avait toujours l’air si sûre d’elle. Il avait proposé le rendez-vous pourtant en cet instant on aurait cru qu’elle était celle qui l’invitait. Sans plus attendre, elle sortait quelques billets de son ridicule sac à main chanel, les déposait sur la table, avant de glisser son téléphone dans son sac et de se lever. « A jeudi. » avait-elle conclu, un sourire charmeur sur les lèvres, avant de lui faire un clin d’œil et de quitter les lieu.