the heart wants what it wants (Scarlett/Leona)

« Lenny, on reprend ? » demandait un technicien, avec un casque audio autour du cou alors qu’il venait pousser la porte de la sortie de secoure du bâtiment. Leona était là, adossée au mur en béton et tirait une dernière fois sur sa cigarette avant de hocher simplement la tête et de se redresser. Elle jetait sa cigarette, sans même regarder avant de franchir la porte que son collègue lui tenait. Tout comme la veille, elle allait passé la journée ici, entre enregistrement, café, clope et compo de dernière minute. On l’avait contacté il y avait quelques semaines de ça pour composer les musiques d’un film. Pas juste une ou deux pistes, non, un album complet pour lequel elle allait devoir collaborer avec un bon nombre de personne. Alors elle avait visionné de multiple fois le film, avait rencontré les scénaristes et réalisateurs afin d’en savoir plus sur leur vision du long métrage, avant de se pencher sur la rédaction des partitions. Son truc à elle c’était le piano, donc elle créait toutes ses mélodies dessus, mais une fois en studio elle se retrouvait avec d’autre musicien, parfois même des chanteurs, et se devait de diriger son petit monde pour que le morceau final corresponde à ce qu’elle avait imaginé. Si on l’embauchait elle, s’était pour avoir ça pâte sur les morceaux, qu’il y a du piano à l’écoute ou non.
Elle rejoignait ses collègues dans le studio, attrapant son gobelet de café qu’elle avait posé sur une table non loin de là, pour en boire une gorgée. « Okay, rejoue ce qu’on a jusque-là. lâchait-elle entre deux gorgées. Sans attendre un barbu tapotait sur le clavier de son ordinateur et une musique touchante, avec violon, violoncelle et piano s’échappait des enceintes. Silence dans la pièce alors que les deux ingénieurs et les trois musiciens tendaient l’oreille pour écouter, probablement pour la dixième fois le morceau. Long de seulement deux minutes, Leona faisait pourtant rapidement signe au jeune homme de couper le son, une grimace sur le visage. « Le violoncelle ça va pas. » notait-elle. Et personne ne la contredisait, parce que s’il y en avait une qui avait une bonne oreille c’était bien elle. Alors dans des hochements de tête, Lenny et les autres musiciens retournaient de l’autre côté de la vitre pour réenregistrer. Chacun rejoignait son instrument et une conversation, sans aucun mot, s’entamait entre Leona et la violoncelliste, qui tentait de copier ce que la brune jouait avec son piano. « Non, plus bas...plus lent. râlait-elle. Elle se disait souvent que si elle savait jouer de tous les instruments tout irait tellement plus vite, l’album serait probablement déjà terminé. Mais malheureusement, ce n’était pas le cas, alors elle répétait les quelques notes que la violoncelliste ne semblait pas entendre, jusqu’à ce qu’elle l’a les atteigne enfin. « Là! Parfait! On y va. » s’exclamait telle, avant de faire signe à l’ingénieur de lancer l’enregistrement. Et c’était repartie. Deux minutes intenses, où chaque notes et chaque silences, restaient comme suspendu dans l’air. Les yeux fermés, elle écoutait son instrument, baladant ses mains sur le clavier jusqu’aux dernières notes du morceau. « Ok c’est dans la boite. On va devoir attendre pour la suite, le saxophoniste est dans les embouteillages. » nota l'ingénieur dans son micro, alors que Lenny sortait petit à petit de sa bulle et rouvrait les yeux pour jeter un coup d’œil vers la vitre derrière laquelle se trouvait ses collègue. Elle comptait râler un coup, proposer d’enregistrer sans lui, puis d’ajouter son instrument au mixage, histoire de gagner du temps ; mais les mots restèrent coincés dans sa gorge lorsque son regard croisa sa silhouette. Derrière la console d’enregistrement et ses centaines de bouton, juste à côté du barbue et son ordinateur, se tenait Scarlett. Il n’y avait pas de doute, c’était elle, Lenny n’avait de toute façon pas pu oublier son visage et même si sa mémoire lui venait à lui faire défaut, Scarlett avait une telle notoriété et une telle réputation dans le milieu qu’il était impossible pour Leona de totalement l’oublier. « Merde, Capital Records. » pensait-elle. Elle revoyait noir sur blanc le nom de la compagnie écrite sur son contrat. Pourtant ce n’était pas la première fois qu’elle bossait pour eux, mais elle n’avait jamais travaillé sur un projet d’une telle envergure. Ce qui devait expliquer la présence de la blonde ici.
Elle l’observait un moment, silencieusement. Elle ne semblait pas avoir remarque sa présence pour l’instant, trop occupée à saluer les deux ingés son et les deux musiciens, qui avaient déjà quitté leur instrument pour avoir le privilège de serrer la main de la grande patronne. Elle n’avait pas changé, toujours aussi belle, si ce n’était plus. Le temps avait durci ses trais, s’est vrai qu’elle n’avait plus cet air doux et presque innocent qu’elle avait avant. Et puis sa réputation la précédait. Mais Leona n’en était pas moins bouleversée. « Ok, stop, respire, reprend toi. » pensait-elle, se levant enfin pour rejoindre la porte, alors qu’elle avait l’impression que son café allait remonter à tout instant. La main sur la poignet de la porte, elle prit une grande inspiration avant d’enfin rejoindre les autres. Son entrer dans la pièce ne passa pas inaperçu, puisque, bien qu’ils soient tous occupés à dire au-revoir au violoniste, qui avait terminé sa journée, son collègue s’empressa de lâcher : « Ah, voilà l’artiste ! » Leona déglutie en croisant alors le regard perçant de Scarlett, tandis que l'ingénieur du son continuait de parler : « Leona Swanson, c’est la compositrice en chef pour ce projet… » il poursuivait son blabla mais Lenny ne l’entendait plus, totalement perdue dans les yeux de Scarlett, alors qu’elle venait machinalement lui tendre la main pour la lui serrer, comme l’avait fait les autres avants, comme si elle la rencontrait pour la toute première fois. Son corps, contrairement à son cœur, n’avait pas perdu tout ses moyens, et si à l’intérieur c’était le chaos le plus total, de l’extérieur il n’y paraissait rien, ou presque. « Reste cool, reste cool, reste cool...» se répétait-elle, alors que'elle parvenait enfin à détacher son regard de celui de Scarlett pour attraper son café. Dieu qu’elle aurait aimé un shot de tequila, là tout de suite, à dix heures du matin. Mais elle devait se contenter de ce café, trop sucrée à son goût.

Perchée sur de hauts talons, toujours tirée à quatre épingles, je ne ressemble en rien à la femme que j’ai pu être il y a quelques décennies, la cocaïne au bord du nez et les pupilles dilatées d’avoir bu beaucoup trop d’alcool en sortant de scène. J’ai vécu cette vie de débauche, je l’avais rêvée et je l’ai vécue à 1000 pour cent. Aujourd’hui je ne regrette rien, je suis tirée d’affaire même si j’ai bien failli y passer, et j’ai retrouvé une certaine stabilité. A part ma fille, je n’ai jamais été aussi fière de quelque chose, si ce n’est le rachat de ce label de musique. Sa réputation ne s’est pas faite grâce à moi, mais j’ai à coeur de faire perdurer sa réussite, et je me débrouille plus que bien. Depuis ma signature, les bénéfices ont presque triplé. Une chose est sûre, je sais miser sur les bons chevaux. Je ne dis pas que je ne fais pas d’erreur, j’ai aussi foutu de l’argent bêtement par les fenêtres, mais le bilan est positif, et c’est en ça que je sais que mon avenir est plus certain qu’il ne l’a jamais été. Le plus clair de mon temps, je le passe derrière mon bureau, à gérer les rendez-vous, les réunions, les décisions, les appels aux quatre coins du monde. Et deux fois par semaine, je fais le tour des studios de Los Angeles pour voir comment avances les projets que je finance. J’ai une part importante dans certaines décisions finale, et n’étant pas étrangère au domaine musical avant d’avoir racheté Capital Records, je sais aussi que les réalisateurs écoutent les conseils que je peux apporter. Je n’ai pas la science infuse et la création musicale est différente pour chacun, mais je connais le milieu et je sais ce qui marchera et ce qui ne marchera pas. C’est parfois un pari risqué que de sortir des sentiers battus, mais il m’arrive d’être surprise par les réactions du public face à quelques nouveautés. Aujourd’hui, je me rends au studio 22 situé au centre de Los Angeles, pour pouvoir écouter quelques enregistrements et voir l’avancement d’une bande originale pour un film à venir. Si l’équipe du film a fait appel à ma boîte, c’est que c’est un projet un peu particulier, et nous avions carte blanche pour la création. J’ai confié le projet à mon meilleur ingénieur du son, qui allait construire lui-même une équipe de rêve. Lorsque j’entre dans le studio, je salue les employés d’un simple signe de tête pour certains, et d’une poignée de main pour ceux que je connais un peu mieux. Le violoniste prend congé après avoir visiblement enregistré les parties qu’il avait enregistré, il y a de l’animation ici, c’est le moins que l’on puisse dire. Et puis mon regard accroche une silhouette féminine. Elle approche et mon coeur s’emballe dans la seconde. Elle est présentée comme ‘l’artiste’. Oui. Bien sûr. Je n’avais même pas fait attention en signant son contrat, que le nom tout en haut de ce dernier, n’était autre que celui de la première femme a avoir un jour volé mon coeur. « Leona Swanson, c’est la compositrice en chef pour ce projet… » ajoute l’ingénieur alors que je ne parviens pas à détacher mon regard d’elle. « Leona Swanson… » répété-je après lui, plus pour moi-même qu’autre chose. Une main tendue, main que je viens serrer en ne voulant presque pas la lâcher. Combien d’années nous séparent de la dernière fois où nos chemins se sont séparés ? Plus de trente ans, trente-cinq si je réfléchis bien. Je me retrouve étonnamment silencieuse et reprends finalement contenance, me raclant la gorge pour éclaircir ma voix, troublée par ce moment. « Alors, tout se passe comme vous voulez ? Ça avance bien ? » Je reporte mon attention sur l’ingénieur alors que tout mon corps cherche à se rapprocher de Lenny. Il y a tant de questions que j’aimerai lui poser. L’ingénieur me répond et je n’écoute que les grandes lignes, il a toujours beaucoup trop parlé. « Je peux écouter ? » Je me tourne vers Leona et repose sur elle mon regard perçant. « Enfin si vous permettez ..? » La vouvoyer, c’est très étrange…

C’était comme un tsunami d’émotion qui lui arrivait droit dessus alors qu’elle posait ses yeux sur Scarlett. Elle lui serrait la main, ne pouvant s’empêcher de repenser à elles, ce qu’elles avaient été, ce qu’elles auraient pu être si le groupe ne s’était pas séparé comme ça, si elle ne l’avait pas perdu de vu si soudainement. Trente cinq ans qu’elles ne s’étaient pas vu, qui sait où elles en seraient aujourd’hui si elles avaient passé ces années ensemble. Lenny préférait noyer toutes ces pensées dans son café. A quoi bon réfléchir d’avantage a cet univers alternatif dans lequel elle aurait épousé Scarlett. Elle avait eu une vie bien remplie, un mari aimant, une fille merveilleuse et avait eu le bonheur de découvrir l’Europe. C’était très bien comme ça. Il y eut un moment de silence durant lequel alors que Leona se cachait derrière son café et que Scarlett semblait elle aussi perdu dans ses pensées. Puis cette dernière reprit la parole, s’adressant à l’ingé son. « Oui on avance bien! Enfin là dans l’immédiat on est en pause forcé, on a un musicien pris dans les bouchons. Mais sinon… » Et blablabla, Leona ne l’écoutait pas, bien trop occupé a observet Scarlett du coin de l’œil, la détaillant du regard. Elle était loin la jeune adulte qui portait des jeans troués et des t-shirts des Beatles, celle qui s’enroulait dans les draps froissés du motel où elles avaient passer la nuit avant de sauter sur le lit pour réveillé la brune. Ses yeux avaient toujours cette même couleur bleu-gris qu’avant, mais quelque chose y avait disparu. L’insouciance peut-être. « Je peux écouter ?» Leona manqua de s’étouffer avec son café alors que Scarlett lui adressait soudainement la parole. « Bordel, concentre-toi. » pensait-elle, alors qu’elle venait se raclé la gorge, tentant de reprendre contenance. « Oui oui, va y, c’est toi la patronne. » lâcha t-elle enfin avant de se reprendre maladroitement. « Enfin... Allez y. Pardon. »   C’était tellement étrange que ça lui arrachait un léger sourire. Vouvoyez cette femme qu’elle avait pourtant déjà vu sous toutes les coutures et avec laquelle elle avait une histoire commune qui ne pouvait être ignoré. Elle avait l'impression de jouer un rôle. C'était un peu ridicule.
L’ingé son n’attendit plus longtemps avant de mettre play au morceau de deux minutes qu’ils venaient juste d’enregistrer. La violoncelliste et le barbu s’éclipsèrent du studio, probablement pour aller se prendre un café, alors que la musique retentissait dans les haut-parleurs. C’était un morceau touchant, pas vraiment adapté pour ces retrouvailles puisque ce dernier allait être joué lors du décès d’un personnage du film. Mais qu’importe, Lenny avait puisé dans des sentiments sincères en le composant et en le jouant. Elle profitait du moment pour jeter son gobelet de café vide à la poubelle avant de se laisser tomber dans le canapé qui faisait face à la console d’enregistrement où se trouvait l’ingé son. Le morceau prenait fin et le jeune homme hochait la tête d’un air satisfait, avant de sourire à Leona comme pour partager son enthousiasme avec elle. « Il y aura des morceaux plus joyeux, évidemment. » notait-elle, histoire de dire quelques choses.

Je ne suis pas venue là pour rester bloquée face au retour d’un fantôme de mon passé. Alors je reprends contenance assez vite, cherchant à tout prix à masquer mon trouble, ce que je fais plutôt pas mal en général. Mais si j’arrive à berner mon monde aujourd’hui, avec elle c’est encore autre chose. Elle m’a connue à une époque où j’étais véritablement une autre personne. Elle a vu ce que très peu de gens ont vu, et nous avons partagé beaucoup plus qu’une simple tournée, qu’un simple groupe. Parfois je me demande ce qu’auraient été nos vies si elles n’avaient pas été séparées de cette manière, si on avait continué de se voir, ou si on s’était revues plus tôt. Est-ce que les choses auraient réellement été différentes ? Je l’ignore, à quoi bon réfléchir à ça de toute manière. Je reporte mon attention sur le réalisateur de cet album, un peu trop bavard à mon goût, et lui demande si je peux écouter. Mais je dois avoir aussi la permission de Leona, qui s’étouffe à moitié avec son café. Est-ce que je la trouble tant que ça ? « Oui oui, va y, c’est toi la patronne. Enfin... Allez y. Pardon. » Je retiens un rictus d’étirer le coin de mes lèvres. L’entendre me tutoyer naturellement me fait du bien, étrangement. Ça aurait été n’importe qui d’autre, je l’aurais remis à sa place avec un certain mépris. Mais elle… Mon dieu. Je me rappelle encore de ces journées off à parcourir les routes avec ce van blindé de matériel, nos instruments. Je me souviens de ce jour où Kean conduisait, et qu’il avait failli avoir un accident parce que j’avais eu la bonne idée de faire l’amour avec Lenny sur la banquette arrière. Un vague de chaleur me réchauffe en repensant à tout ça, et voilà que Milo lance l’enregistrement. Les mains à plat sur la table, devant la table de mixage, les yeux clos et le dos légèrement penché en avant, je me laisse envahir par la musique, le piano qui a une place centrale. Les émotions me submergent mais je ne laisse rien sembler, et une fois le morceau fini je me redresse. « Il y aura des morceaux plus joyeux, évidemment. » lâche alors cette voix grisante dans mon dos. Je me retourne pour lui faire face et plonge mon regard dans le sien. « J’espère. Le film n’est pas un drame… Mais c’est un bon début. » Comme toujours sur la réserve quand il s’agit de faire des compliments. Je tourne la tête vers Milo et lui demande sans aucun scrupule. « Tu irais me chercher un café ? » Il hoche la tête en souriant. « Noir, sans sucre, c’est ça ? » « Parfaitement. Merci. » Il quitte la pièce me laissant seule avec Leona sur qui je repose mon regard sans tarder. « Vous ici… » Je lui offre un léger sourire. « Alors tu n’as pas lâché la musique… tant mieux. Ça aurait été du gâchis. » Je ne bouge pas de ma place, appuyant mes fesses sur le rebord de la table en prenant soin de ne toucher à aucun bouton. « Tu t’es dirigée côté cinéma, si je comprends bien ? » Je n’arrive pas à la lâcher des yeux, c’est plus fort que moi.

Scarlett se penchait sur la table de mixage alors que le morceau raisonnait dans la pièce. Depuis le canapé Leona ne se faisait pas prier pour détailler du regard les courbes de la blonde, qui avait su garder la forme même avec les années. Trente cinq ans plus tôt elle lui aurait probablement mis la main aux fesses dans cette situation, mais aujourd’hui tout avait changé. La musique laissait place à une petite remarque de Leona, qui fut très vite suivit par un compliment très timide de Scarlett. Lenny avait l’habitude de faire affaire avec des grands patrons dans le même genre que la blonde (pas aussi canon ceci dit), elle avait donc l’habitude d’entendre ce genre de compliment lâché du bout des lèvres, comme si s’enthousiasmer pour quelques choses ne faisait tout simplement pas parti des émotions autorisées lorsque l’on devenait patron. Malgré tout, la Scarlett qu’elle connaissait n’avait jamais été aussi avar de compliment et une petite part d’elle était déçue de constaté qu’elle était devenue comme les autres dirigeant de grand label ou de grosse boite de production.
« Tu irais me chercher un café ?» et a ses mots Milo était déjà partit pour aller lui chercher son café. La machine dans l’entrée du studio était hors service il allait probablement devoir aller faire la queue au starbucks du coin, et rien qu’à cette idée Lenny se sentait nerveuse. Nerveuse à l’idée d’être seule plus de dix minutes avec Scarlett. Enfin… avec cette personne qui ressemblait à Scarlett mais qui n’avait plus grand-chose de la blonde qu’elle avait connu et aimé. Pourtant lorsqu’un sourire vint enfin étirer les lèvres de Scarlett, le cœur de la brune manqua un nouveau battement. Peut-être que celle qu’elle avait aimé était encore là, enfouit sous ces vêtements hors de prix et cet impeccable brushing. Au sourire s’ajoutait le tutoiement et Leona se détendait enfin, venant croiser les jambes, s’installant peu plus confortablement dans le canapé. « Oui, toujours la musique. Je n’sais rien faire d’autre. » déclarait-elle en haussant légèrement les épaules. « Je te rappelle que j’ai pas de diplôme universitaire, sans la musique… je serais juste bonne a être caissière à Wallmart. » Elle échappait un léger rire avant de se reprendre d’un air taquin : « Pardon, est ce qu’il faut que je continue à dire ‘vous’? » Elle la taquinait, parce qu’au fond, même si Scarlett le lui demandait, Lenny refuserait tout simplement de devoir la vouvoyez alors qu’il n’y avait qu’elles dans cette pièce. « Ouais… Le cinéma ça rapporte. Et puis ça me permet de travailler dans l’ombre, c’est assez agréable. » La lumière des projecteurs n’avait jamais vraiment été son truc. Elle avait passé l’âge de faire des tournés dans un van, de se mettre minable la veille d’un show et de se faire un raille de coc avant de monter sur scène. Pouvoir faire ce qu’elle aimait sans avoir à sacrifier sa vie privée, ni sa santé, à cause de la célébrité, c’était juste ce qu’il lui fallait. « J’allais te retourner la question, par politesse, mais… je pense que je sais déjà tout ou presque. » avouait-elle enfin. Ouais, elle en savait même plus qu’elle ne le voulait bien. Entre le divorce et le remariage, et surtout toutes les rumeurs qui couraient au sujet de Scarlett, Lenny avait tout simplement peur de connaitre le vrai du faux. Était-elle infidèle comme on le disait ?

Le début de leur travail est intéressant, j’ai l’impression de ressentir la patte de Leona même s’il y a bien longtemps que je n’ai plus entendu ses notes de piano. Pourtant, il reste quelque chose, une âme sans doute, similaire à ce qu’elle faisait déjà à l’époque. Et c’est agréable, grisant de retrouver ce genre de sensations. Une fois le morceau écouté, je demande à Milo d’aller me chercher un café, simplement pour pouvoir me retrouver seule avec Leona. J’ignore s’il a compris le message ou s’il est juste serviable, mais il s’éclipse, et je peux reposer mon regard sur elle sans détour. « Oui, toujours la musique. Je n’sais rien faire d’autre. » Je souris un peu plus, parce que je sais par expérience que ce n’est pas la réalité. Il y a des tas d’autres choses qu’elle sait faire, mais peut-être pas pour en faire un métier, remarque. « Je te rappelle que j’ai pas de diplôme universitaire, sans la musique… je serais juste bonne a être caissière à Wallmart. » « La question ne se pose pas. » Puisqu’elle a la musique, et qu’elle est douée dans son domaine. Si elle est là, c’est que des gens apprécient son travail, et il y a des gens comme moi pour la payer, alors tout va pour le mieux, elle n’a pas l’air d’être à plaindre. « Pardon, est ce qu’il faut que je continue à dire ‘vous’? » Cette fois un léger rire franchit mes lèvres, ce qui n’est plus vraiment habituel, surtout dans le cadre du travail. Mais avec elle en face de moi, je n’ai plus vraiment l’impression d’être au boulot. « Non évidemment. De toute manière, si tu continues de me regarder comme ça, ça sert à rien que je prétende ne pas te connaître. » Directe, comme à mon habitude. Elle peut essayer de nier, j’ai senti son regard appuyé même lorsque j’étais dos à elle. « Ouais… Le cinéma ça rapporte. Et puis ça me permet de travailler dans l’ombre, c’est assez agréable. » C’est vrai que la notoriété à l’époque qu’on avait, ça ne lui plaisait pas vraiment, c’était un des côtés qui lui ont donné envie d’arrêter, si je me souviens bien. L’important, c’est que sa vie lui convienne comme elle est. « J’allais te retourner la question, par politesse, mais… je pense que je sais déjà tout ou presque. » Cette fois j’arque un sourcil, elle pique ma curiosité. « Tout ou presque. Ça veut rien dire ça ! » Je penche légèrement la tête sur le côté, laissant glisser mon regard sur elle, cherchant volontairement une marque potentielle d’appartenance à quelqu’un, une alliance. Mais rien. « Et toi, tu n’es pas mariée ? Je peine à croire qu’une aussi jolie femme soit encore sur le marché… » Je flirte, c’est plus fort que moi, en même temps, les trente cinq années passées n’ont pas eu d’effet sur elle, elle est toujours aussi belle…

« Non évidemment. De toute manière, si tu continues de me regarder comme ça, ça sert à rien que je prétende ne pas te connaître.» Touché. Les regards baladeurs de Leona n’avaient donc pas échappés à la blonde, faut bien dire qu’elle perdait facilement la notion du temps quand elle regardait Scarlett, donc elle ne serait même pas surprise d’apprendre que celle-ci l’avait prise sur le fait un peu plus tôt. La discrétion n’était peut-être pas son fort. « N’joue pas les victimes, Scar, c’est quand même toi qui a manqué de m’arracher la main un peu plus tôt. Je n’pense pas que tu serres la main de toutes tes relations professionnelles ainsi. » notait-elle un petit sourire aux coins des lèvres. Oui, elle n’était pas discrète mais elle avait du répondant. Scarlett, elle, parlait comme une vrai politicienne et Leona comprenait pourquoi elle était une patronne couronnée de succès. Elle évitait le sujet de sa vie privé, ou des rumeurs à son sujet en quelque mots et un léger mouvement de tête. Une vraie pro. Puis elle observait Leona de haut en bas avant de flirter un peu. Lenny esquissait aussitôt un sourire amusé. Est-ce que les rumeurs disaient vrai, ou est ce qu’elle se laissait aller à ce genre de remarquer parce qu’il s’agissait de Leona ? Difficile à dire, en tout cas ce n’était pas la brune qui allait se plaindre des compliments. « Non, pas marié, mais pas non plus sur le marché. » faisait-elle remarqué. « J’ai simplement pas envie de m’engager pour le moment. » Ou plutôt de se ré-engager, mais bon, Scarlett n’avait pas besoin de tout savoir, pas maintenant en tout cas. Après tout, c’était supposé être un rendez-vous professionnel non ? « Et donc toi… » comment lui demander. ‘toi, tu trompes ton mari souvent ?’, non, certainement pas. « Tu t’es remarié avec ton ex-mari, c’est ça ?» Oui, c’était probablement une news que beaucoup avait oublié, après tout c’était il y a huit ans, et puis aussi connu soit-elle, Scarlett n’était pas beyoncé et elle n’était pas en permanence en première page des journaux. Mais Leona, elle, s’en souvenait, parce que l’annonce du divorce l’avait étrangement réussi, et l’idée qu’elle se remette avec le même mec l’avait déçu. « Il t’as supplié de le reprendre? Comment ça s’est passé ? » Elle n’avait pas tout les détails de l’affaire donc autant assouvir sa curiosité au passage.

« N’joue pas les victimes, Scar, c’est quand même toi qui a manqué de m’arracher la main un peu plus tôt. Je n’pense pas que tu serres la main de toutes tes relations professionnelles ainsi. » Je ne peux réprimer un léger rire qui franchit alors la barrière de mes lèvres. Elle a raison, mais je ne réponds pas pour autant. Je me contente de lui poser une question, me renseignant au passage sur son statut marital. Elle n’a pa la bague au doigt, mais ça ne veut pas dire qu’elle soit célibataire pour autant. « Non, pas marié, mais pas non plus sur le marché. » Touché, coulé. « J’ai simplement pas envie de m’engager pour le moment. » Il est rare de trouver des femmes de nos âges qui n’ont pas envie de s’engager. Ou alors elle a vécu une histoire qui s’est mal terminée avant celle qu’elle vit actuellement. Pour le moment, je n’en sais rien, mais je me connais, je vais chercher à découvrir les zones d’ombre, ce sont celles que je préfère. « Et donc toi… Tu t’es remarié avec ton ex-mari, c’est ça ?» J’arque un sourcil, croisant même mes bras contre ma poitrine sans jamais la lâcher des yeux. Quand on s’est connues elle et moi, j’étais en plein divorce, et je me souviens qu’on avait dignement fêté le jour où le divorce avait été véritablement prononcé. C’était un vent nouveau de liberté, une époque où je pouvais jouir pleinement - dans tous les sens du terme - d’une vie que j’avais choisie. Au final, ça n’a pas duré si longtemps, à peine plus de trois ans à faire le tour du monde, flirter avec les limites, jouer avec nos vies autant qu’avec nos instruments. Mais elle était là, elle, et même s’il y avait Kean avec nous, il n’était qu’un pâle troisième élément. Ça a toujours été elle et moi. Elle m’a vue euphorique, heureuse, mais elle m’a vue sombrer aussi. Mes addictions me foutaient en l’air, j’en suis devenue mauvaise, et même si je l’aimais profondément, je sais que j’ai parfois été dure avec elle, même si je ne l’aurai jamais violentée. Jamais. « Il t’as supplié de le reprendre? Comment ça s’est passé ? » « Il m’a sauvé la vie. » Je vois son regard changer légèrement. « J’ai fait une overdose l’année qui a suivit l’arrêt de la tournée. S’il avait pas été là, je ne serai pas là devant toi aujourd’hui. » Je ne dis pas ça sur un ton grave, j’ai bien senti sa légère déception en me parlant de lui, parce que je lui en avais parlé. « Tu as continué de suivre mon parcours, de loin alors. Qu’est-ce que je dois en déduire ? » Je lui souris légèrement, penchant la tête sur le côté, mutine, charmeuse comme je sais l’être. « Et toi alors ? Pas de mariage ? Pas d’enfant ? Juste une relation où tu n’as pas envie de t’engager pour le moment ? Raconte-moi, je suis curieuse se savoir où tu en es… »

Le sourire taquin de Leona disparu rapidement de son visage lorsque Scarlett annonça que son époux lui avait sauvé la vie. La blonde lâchait tout ça sur un ton léger, pourtant Lenny avait bien du mal à prendre tout ça à la légère vu la gravité du sujet. L’idée même de se dire que Scarlett avait frôlé la mort, sans même qu’elle ne le sache, lui retournait l’estomac. Un sentiment de culpabilité l’envahissait. Elle aurait voulu être là, elle aurait dû être là pour elle. « Tu as continué de suivre mon parcours, de loin alors. Qu’est-ce que je dois en déduire ?» Continuait-elle alors que Lenny était totalement perdue dans ses pensé, le regard dans le vide. « Je…j’savais pas. » lâchait-elle enfin dans un murmure. « J’aurais dû te suivre de plus près visiblement. J’aurais dû t’appeler, prendre de tes nouvelles. Scar… t’aurai pu mourir sans que je le sache… » Son regard se reposait sur la blonde, charmeuse comme toujours, visiblement pas consciente de la bombe qu’elle venait de lâcher. « Du coup j’imagine que si je rencontre ton mari un jour, je vais devoir le remercier. » lâchait-elle enfin, échappant un faible rire à cette idée. Dire qu’elle l’avait si longtemps détesté, voilà qu’elle lui devait ces retrouvailles et ces longues soirées passés à chercher des gossip sur Scarlett. Parce que, aussi marié qu’elle eut été, Leona n’avait jamais oublié Scarlett et avait suivi sa carrière avec une pointe de nostalgie dans le cœur. C’était presque ironique de se dire qu’elle devait tout ça à celui qu’elle avait tant maudit. « Je suis contente que tu sois là en tout cas. » avouait-elle enfin. Oui, plutôt que d’avoir des regrets et de culpabiliser de ne pas avoir été là avant, il valait mieux apprécier le moment, le fait qu’elle était bel et bien là, vivante, et en pleine forme visiblement, puisqu’elle jouait les enquêtrices. « T’es de la police? » plaisantait la brune avant de reprendre plus sérieusement : « J’ai été mariée, pendant bien… vingt-cinq ans. J’ai divorcée y’a quatre ans. J’ai une fille de vingt-deux ans, qui me déteste. J’ai vécu un bon bout de temps en Italie. Et puis… je suis actuellement en couple. En fait ça fait dix ans que je fréquente la même personne… » Elle marquait une pause avant de reprendre, préférant le dire directement plutôt que de laisser Scarlett faire les maths. « Oui, divorcée que depuis quatre ans, mais en couple depuis dix. J’ai trompé mon italien pendant six ans. D’où le divorce et le fait que ma fille refuse de me voir. » Habituellement elle préférait passer sous silence ces détails, parce que c’était souvent mal vu. Après tout, même sa propre mère l’avait traité de salope lorsqu’elle avait appris que Leona avait trompé son mari. Mais elle voyait bien comment Scarlett se comportait et avait entendu pas mal de rumeur, donc elle partait du principe que la polygamie n’était pas vraiment taboue pour elle. Et puis, si elle ne pouvait pas être cent-pour-cent honnête avec Scarlett, avec qui pouvait-elle l’être ?

Lenny se retrouve légèrement désemparée face à l’annonce de cet épisode de ma vie. Si j’en parle avec légèreté c’est parce que je m’en suis sortie, aujourd’hui j’aide même des gamines à ne pas replonger. C’est une belle revanche sur ce que j’ai pu vivre. « J’aurais dû te suivre de plus près visiblement. J’aurais dû t’appeler, prendre de tes nouvelles. Scar… t’aurai pu mourir sans que je le sache… » Je suis touchée qu’elle réagisse de cette manière, pas que sa culpabilité puisse me faire du bien, mais d’un côté, ça signifie peut-être qu’elle a continué de penser à moi, qu’elle regrette d’avoir quitté ma vie sans jamais tenter de reprendre contact. Mais je ne l’ai pas fait non plus, je ne suis pas à blâmer pour autant. C’est la vie qui veut ça. Nous ne sommes que des pantins. « Du coup j’imagine que si je rencontre ton mari un jour, je vais devoir le remercier. » Mon rire se mêle au sien et je hausse les épaules légèrement. « Tu n’es pas obligée. » La situation serait même un peu étrange si ça devait avoir lieu. Et puis, il n’est pas prévu qu’elle rencontre l’homme qui partage ma vie non plus. Pour quoi faire après tout ? « Je suis contente que tu sois là en tout cas. » Ses mots me font plaisir, me font du bien, je ne vais pas le nier, mais je ne vais pas le verbaliser non plus. Un mince sourire sincère suffit à lui dire ce que je peux bien ressentir, si elle arrive encore à lire en moi comme elle le faisait si bien à l’époque. A mon tour de poser des questions. Lorsqu’elle me demande si je suis de la police, je me mets à rire légèrement. Mais elle ne tarde pas à répondre pour autant. Un mariage pendant 25 ans, un divorce il y a quatre ans, une fille de 22 ans, qui la déteste. J’assimile chacune des informations qu’elle me donne. Mais la dernière me plait moins que les précédentes. En couple depuis dix ans, elle choisit un terme vague quant à l’identité et surtout du sexe de cette personne, avec qui - si je sais calculer - elle a trompé son mari pendant un paquet d’années. Mais je n’ai pas le temps d’oser une nouvelle question qui aurait été de toute manière plus indiscrète, que Leona répond à la question que je m’étais seulement posé dans ma tête. « Oui, divorcée que depuis quatre ans, mais en couple depuis dix. J’ai trompé mon italien pendant six ans. D’où le divorce et le fait que ma fille refuse de me voir. » Je lève les mains comme si je n’avais pas de leçons à donner, ou de jugement à faire. « Oh là, je ne suis pas là pour juger.. » Je repose finalement mes mains sur la table, sans lâcher Leona des yeux. « Remarque, c’est une belle performance, te faire prendre six ans après le début de ta relation extra-conjugale… » Je fais une petite moue comme si je saluais l’exploit. « Il a dû être heureux de pouvoir profiter pleinement de toi alors… » Je sonde son regard pour prêcher le faux du vrai. « Elle. Elle a dû être heureuse. Je me trompe ? » Je suis loin d’être idiote, et malgré tout, elle a gardé ces micro-expressions qu’elle avait déjà quand on s’est rencontrées. Je laisse échapper un léger rire, tout en hochant la tête, assimilant ces informations. « Tu es revenue aux femmes alors. C’est pas si étonnant. » Cette fois, c’est un regard complice que je lui adresse.

Elle n’avait pas pour habitude de parler de sa vie privée, que ce soit de son infidélité, de sa famille, ou simplement de sa relation actuelle. Elle ne s’entendait pas très bien avec ses parents, n’avait plus de nouvelle de sa propre fille et préférait ne pas s’étaler sur sa compagne parce que la mentionner menait très souvent aux questions concernant leur rencontre ou la duré de leur relation et c’est deux informations dévoilaient aussitôt l’infidélité de Leona. Et tout le monde ne le prenait pas aussi bien que Scarlett. La blonde, ne jugeait pas, contrairement à beaucoup d’autre qui en apprenant ça mettait Lenny soit dans la case fille facile, soit dans la case manipulatrice sans cœur. Scar, elle, se retrouvait même a félicité Leona d’avoir réussie à cacher cette double vie pendant autant d’année. Leona échappait un petit rire. « Oui, c’est vrai. Si ma fille ne l’avait pas découvert ça aurait peut-être continuer quelques années, qui sait. » C’était peut-être bien égoïste de la par de Leona, de vouloir garder son mari et sa petite-amie, pourtant ces six années avaient été des années merveilleuses. Des années durant lesquels elle était comblée, dans tout les sens du terme. Elle avait l’époux charmant avec son accent chantant, une ado plus ou moins docile avec laquelle elle pouvait passer du temps, une belle maison, une vie de famille comme dans les films, et puis à côté de ça elle avait une romance, aventure palpitante, l’impression de retrouver ce qu’elle avait perdu en quittant le groupe et Scarlett. Au final, sa tromperie lui avait couté cher. « Il a dû être heureux de pouvoir profiter pleinement de toi alors…» Un faible haussement de sourcil, incontrôlée, presque imperceptible, et Scarlett changeait de pronom, visiblement à la fois satisfaite d’avoir su lire dans le regard de Lenny et également amusée que celle-ci soit de nouveau avec une femme. « C’est pas si étonnant? » Répétait-elle, plissant les yeux. « Je suis si prévisible que ça ? » demandait-elle en échappant un léger rire. « C’est vrai, j’ai un faible pour les blondes, j’y peux rien. » admettait-elle enfin en esquissant un sourire amusé. C’était terriblement vrai, quand il s’agissait, en tout cas de ses véritables coups de cœur féminin. Sa toute première petite amie, à l’époque du lycée, était une jolie blonde. Une relation courte, secrète vu l’époque, puis il avait eu Scarlett, évidemment, et enfin sa compagne actuelle. Côté homme, elle n’avait pas vraiment de préférence, et puis il n’y avait, de toute façon, eu que deux hommes dans sa vie : son ex-époux et Kean. « Je dois bien avoué qu’après tant d’année passer avec un homme, et surtout le même homme, ça m’a fait un bien fou de retomber dans les bras d’une femme. » Avec une femme il y avait quelques choses de plus tendre, de plus fusionnel aussi, selon elle. Avec un homme, leurs différences les éloignaient. Jamais il ne comprendrait tout ce qui touche à la féminité, que ce soit les règles douloureuses, l’épilation, le maquillage ou même tout simplement, l’orgasme féminin. Avec une femme il y avait une sorte d’entente facile, une communication plus aisée, plus évidente. Tout n’était pas rose, loin de là, après tout, rien n’était facile quand il s’agissait de sentiments, mais, selon Lenny, c’était tout de même plus simple. Elle en était d’autant plus persuadée qu’elle n’avait pas besoin de parler de mariage avec sa compagne, ni même d’aménagé avec elle pour vivre une relation épanouit. « T’y penses parfois, de revenir aux femmes aussi ? » demandait-elle enfin tout de même curieuse de savoir si les courbes féminines manquait à Scarlett.

« Oui, c’est vrai. Si ma fille ne l’avait pas découvert ça aurait peut-être continuer quelques années, qui sait. » Elle sait bien cacher son jeu alors, ça ne m’étonne pas vraiment d’elle, quand on y pense. Elle sait se montrer discrète et secrète quand il le faut. On a ce point commun toutes les deux. J’appuie sur le fait que cette personne avec qui elle a trompé son mari devait être bien heureux après son divorce, mais bien vite je comprends que ce n’était pas un homme, mais qu’il s’agit plutôt d’une femme. « C’est pas si étonnant? Je suis si prévisible que ça ? » Je ne peux réfréner un rire avant de lui répondre en haussant très légèrement les épaules. « Tu le sais aussi bien que moi, quand on y a goûté et qu’on a apprécié, c’est difficile de s’en passer après ça. » Lenny a été la première femme avec qui j’ai vécu quelque chose d’intense, la première femme sur qui j’ai posé mes mains, mes lèvres, et jamais je n’oublierai cette sensation, que je n’ai même jamais retrouvé jusqu’à lors. « C’est vrai, j’ai un faible pour les blondes, j’y peux rien. » Un sourire plus large étire mes lèvres. Il y a longtemps que je n’avais pas autant souri. Elle avoue avoir pris du plaisir à retomber dans les bras d’une femme après de longues années dans ceux d’un homme. Je comprends très bien cette sensation. « T’y penses parfois, de revenir aux femmes aussi ? » Leona n’a jamais vraiment été du genre à passer par quatre chemins pour avoir gain de cause. Si une question la taraude, elle la pose, c’est aussi simple que ça. Je penche légèrement la tête sur le côté, gardant mon regard perçant planté dans le sien, hésitant un instant quant à la réponse à donner. « Je n’ai jamais vraiment abandonné. » Je reste vague, sentant l’attention de Lenny devenir plus grande. J’adore ça. « Tu as dit que tu t’étais renseignée sur moi, ne me dis pas que tu es passée à côté de ce qu’on raconte… » Oui, Jameson a de jolies cornes de cocu, et le pire c’est qu’il est au courant, mais qu’il sait bien qu’il ne pourra jamais rien contre ça. L’important pour lui c’est que je rentre le soir, et que je dorme avec lui la majorité du temps. Encore ces micro expressions sur son visage, j’adore ça. Elle sait très bien de quoi on parle. « J’ai jamais réussi à me passer du corps des femmes. La faute à qui…? » Regard plus malicieux, presque un peu charmeur. Non, carrément charmeur. « C’est toi qui m’a donné le goût de cette addiction. » Addiction, je n’irai pas jusque là, je ne suis pas une sex addict, mais j’aime partager des nuits d’amour de temps en temps avec des femmes, mais pas n’importe lesquelles. Je me décolle de la table sur laquelle j’étais installée et viens m’asseoir dans le canapé, juste à côté de Lenny. « Et toi, tu as été irréprochable avec cette blonde qui partage ta vie depuis dix ans alors ? » On sait jamais…

« Tu le sais aussi bien que moi, quand on y a goûté et qu’on a apprécié, c’est difficile de s’en passer après ça.» Elle n’avait pas tort, ou en tout cas ce n’était pas Lenny qui allait lui dire le contraire. Elle avait toujours été plus facilement attirée par les femmes de toute façon, donc le fait qu’elle quitte son mari et finisse avec une blonde n’avait pas grand-chose d’étonnant, il fallait qu’elle se fasse à l’idée : elle était prévisible. Ou du moins : Scarlett la connaissait trop bien. La conversation était légère, le professionnalisme était bien loin et tant mieux, Leona n’aurait de toute façon pas pu continuer bien longtemps à jouer l’employée intimidée face à la grande patronne. Alors elle se lançait, allait droit au but. Enfin… presque droit au but. Scarlett lui avait tendu une perche, elle n’avait fait que l’attraper, et c’était un bon moyen d’assouvir sa curiosité pour enfin savoir si les rumeurs disaient vraies. D’ailleurs la blonde ne tarda pas à évoquer ces dernières. « Je sais ce qu’on raconte, je veux juste être sûr. » avait-elle lâcher. C’était plus diplomate de lancer la conversation comme ça, plutôt que de demander directement : « tu trompes ton mari ? ». Mais ça Scarlett le comprenait bien, elle se doutait probablement que la question de Leona n’était pas innocente. « J’ai jamais réussi à me passer du corps des femmes. La faute à qui…? C’est toi qui m’a donné le goût de cette addiction. » Lenny prenait une mine faussement choquée avant d’échapper un petit rire amusé. « Ma faute, ma faute…T’aurais fini par trouvé le chemin, avec ou sans moi. » notait-elle, faussement humble. En fait l’idée d’être la première à avoir eu le plaisir de gouté à Scarlett et surtout d’être celle qui lui avait fait découvrir les plaisirs charnels au féminin lui plaisait bien. Et Lenny osait à peine imaginer tout ce que Scarlett avait bien pu apprendre au fil des années, et elle donnerait cher pour découvrir cette version 2.0 de la blonde, un peu maladroite, avec laquelle avait partagé son lit par le passer. Scarlett venait enfin la rejoindre sur le canapé tout en lui posant une question qui en disait long.« Et toi, tu as été irréprochable avec cette blonde qui partage ta vie depuis dix ans alors ?» « Pourquoi ? ça t’intéresse ? » taquinait aussitôt la brune, comme si l’intérêt n’était pas réciproque. « Peut-être pas irréprochable…. Mais, j’ai été plutôt sage je pense.» Oui elle n’avait jamais franchis la ligne rouge, jamais osé ramener quelqu’un d’autre sous ses draps. Elle avait beaucoup flirté, c’était certain, probablement embrassé une ou deux inconnues, mais ça c’était toujours arrêté là, parce qu’au fond d’elle, même si elle aimait jouer, elle avait aussi terriblement peur de perdre Lise. Oui, elle gardait sa liberté, n’avait pas vraiment la tête à s’engager en lui passant la bague au doigt, mais paradoxalement, elle voulait tout de même l’avoir pour elle, la savoir là quand elle en avait besoin, quand elle en avait envie. Elle n’avait pas envie de la voir partir pour toujours. Leona plantait son regard dans celui de Scar. Qu’est ce qui définissait ‘être sage’ après tout ? est-ce qu’embrasser son irrésistible ex, là tout de suite, était franchir la ligne rouge ? Lenny venait machinalement poser une main sur le genou de la blonde. Lise était toujours là, dans sa tête, mais où est ce que ses sentiments pour Lise commençaient et ceux pour Scarlett s’arrêtaient ? Et puis merde, à quoi bon réfléchir, Lise n’en saurait jamais rien de toute façon. Sans rien ajouter elle se penchait et venait embrasser Scarlett, juste quelques secondes. Bon… de Longues secondes, ok, mais à qui la faute ce coup-ci ? Sa main glissait sur la cuisse de Scarlett comme un automatisme alors qu’elle détachait ses lèvres des siennes, restant tout de même dangereusement proche.  « Tu vois… plutôt sage. » murmurait-elle. Ouais, sage selon sa définition à elle.

Elle sait ce qu’on raconte sur moi, elle voulait simplement avoir la version de la principale intéressée, aka moi. Et elle ne va pas être déçue. Je lui dis ouvertement que c’est de sa faute si j’aime autant les femmes. « Ma faute, ma faute…T’aurais fini par trouvé le chemin, avec ou sans moi. » « Je l’ignore. L’histoire ne le dit pas. » C’est une réalité. Le passé est ce qu’il est, et le propre du passé, c’est qu’on ne peut pas le changer. Le fait est qu’elle a été la première, et pas n’importe laquelle. Après une maigre hésitation, je me décide à rejoindre la brune sur le canapé, juste à côté d’elle. La question me brûle les lèvres, je ne tarde pas à la poser. Elle a trompé son mari pendant six ans, elle n’est de fait pas irréprochable en ce qui concerne la promesse de fidélité du mariage. Mais c’est très surfait. La question est de savoir si elle a été irréprochable avec cette blonde qui partage sa vie depuis maintenant dix ans. « Pourquoi ? ça t’intéresse ? » demande-t-elle, me faisant arquer un sourcil. Est-ce une vraie question ? « Peut-être pas irréprochable…. Mais, j’ai été plutôt sage je pense. » Cette fois je plisse les yeux, essayant de la sonder pour comprendre ce qu’elle peut bien vouloir dire. Pas irréprochable, mais plutôt sage ? Alors quoi ? Elle a eu quelques aventures sans lendemain ? Ou quelques simples baisers sans attente ? La main de la brunette vient se poser sur mon genou, celui le plus proche d’elle, mes jambes étant croisées. Je jette un regard à sa main et redresse mon regard pour le plonger dans le sien, non sans un sourire mutin au coin des lèvres. Je me tourne un peu plus vers elle, posant mon coude sur le dossier du canapé dans lequel nous sommes assises. Mon regard bifurque un instant sur ses lèvres, et la jolie brune ne tarde pas à venir quérir les miennes dans un baiser appuyé, volontaire. J’y mets du mien, accompagnant cette danse de nos lèvres , lentement, faisant remonter tout un tas de souvenirs. Je sens sa main qui remonte le long de ma cuisse et les frissons que je ressens son réels, elle m’électrise. « Tu vois… plutôt sage. » lâche-t-elle finalement après avoir mis fin à ce baiser inattendu. « Je suis curieuse de savoir jusqu’à quel niveau se situe ta notion de la sagesse, Lenny… » Voilà la raison pour laquelle je n’appelle jamais ma nièce Lenny. Parce que ces quelques lettres n’ont jamais été destinées que pour Leona. Mes doigts glissent dans ses cheveux, les décalant lentement de son visage. Mon index glisse le long de sa mâchoire pour aller frôler ses lèvres, avant de descendre le long de son menton, son cou, jusqu’à la naissance de sa poitrine. Je m’approche à nouveau de ses lèvres, sentant nos souffles qui s’unissent, l’envie palpable, je joue, frôle ses lèvres charnues que je rêve d’embrasser à nouveau, mais je préfère créer une frustration, une envie plus vive de poursuivre cet instant une autre fois. Des bruits de pas se rapprochent. Je m’éloigne sans avoir embrassé la brune à nouveau et me lève lascivement, remettant ma jupe de tailleur en place. C’est Milo qui revient avec des cafés, et je le remercie, non sans un regard en coin à Leona. Et maintenant ?

« Je suis curieuse de savoir jusqu’à quel niveau se situe ta notion de la sagesse, Lenny… » La brune esquissait un sourire malicieux, dévorant des yeux Scarlett. La notion de sagesse de Leona était clairement très vague et la blonde n’était d’aucune aide. Pire encore, elle poussait Lenny au vice en venant passer, presque tendrement, une main dans ses mèches brunes, dessinant lentement sa mâchoire du bout de son index, effleurant ses lèvres avant de glisser vers son cou. Leona fermait les yeux alors que les lèvres de la blonde se rapprochaient des siennes. Lenny mourrait d’envie de faire disparaître les quelques centimètres qui les séparaient pour l’embrasser une nouvelle fois, mais Scarlett ne faisait que frôler ses lèvres alors que des bruits de pas résonnaient dans le couloir. Et avant qu’elle n’ait le temps de se rapprocher pour enfin embrasser Scarlett, cette dernière s’éloignait, se dérobant sous ses mains, pour se tirer du canapé et venir lisser sa jupe de tailleur. Comme si de rien n'était. Leona rouvrait les yeux, venant se mordre la lèvre inférieure en se redressant dans le canapé. Elle jetait un dernier regard en direction de Scarlett alors que Milo poussait la porte, tendant un café à la blonde incendiaire. « T’as bien changé. » notait-elle simplement, ne faisant évidemment pas référence à Milo, ni même au café noir dans lequel Scarlett trempait déjà ses lèvres, mais bel et bien à cette façon de venir allumer Leona et de la laisser en plan derrière. Avant, la blonde n’était pas aussi sur d’elle, pas comme ça et surtout pas quand il s’agissait de chauffer Lenny ou de lui résister. Y'a quelques années de ça elles auraient simplement fermer la porte à clef. Mais bien de l'eau avait coulé sous les ponts, elles avaient toute les deux refait leur vie et puis elles étaient des adultes responsables et n'allaient pas s'envoyer en l'air ici, tout de même! La pièce reprenait des airs de studio alors que Milo s’installait à son ordinateur, sirotant son café et que la saxophoniste franchissait enfin la porte. Une jolie blonde, comme par hasard et Lenny se retenait de rire, esquissant un sourire amusé à l’intention de Scarlett tout en se tirant du canapé, avant que la nouvelle venue ne s’empresse de s’excuser de son retard et de saluer tout le monde. Le travail allait pouvoir continuer.