empty home. (dakophée #7)

le compte à rebours est lancé. le retour du burning man n'a pas été de tout repos. à peine arrivées à l'appart' qu'on nous annonce qu'il faut le quitter. une histoire de canalisation défectueuse qui nous force à partir avant la fin du mois. c'est rapide mais bon on s'adapte. de toute façon je commençais à me dire que ça devenait compliqué de vivre ici. même si forcément le fait d'être en colocation permet de payer le loyer moins cher, le manque de place et le fait que je n'ai plus de travail fixe, c'est compliqué. heureusement que j'ai mes potes tatoueuses qui peuvent me dépanner. enfin c'est même mieux que ça. elles me sous-louent l'appartement au dessus du salon de tatouage. il est grand, y'a trois chambres, un salon avec une cuisine et une grande salle de bain. y'a même une sorte de petit balcon qui peut accueillir deux chaises sans qu'on ne puisse trop bouger autour. mais il est parfait pour le moment. alors aujourd'hui je profite que la coloc soit vite pour faire mes cartons. tout le monde s'y est mis mais je n'ai pas beaucoup d'affaires. enfin c'était ce que je croyais. au final, ça va vite. et les sacs ne suffisent plus. d'où ces cartons récupérés à l'épicerie d'un peu plus bas. pour ranger mes affaires, mes disques, mon matériel de musique. j'ai déjà pu caser tous mes vêtements alors maintenant, il ne me reste que les extras. enroulant un énième cable pour le placer dans sa boîte, j'entends quelques coups portés dans l'entrée. quelqu'un qui n'a pas ses clés c'est pas exclu mais ça m'étonnerait. " j'arrive ! " que je crie avant de laisser mon bordel à moitié empaquetés à l'entrée de ma chambre. j'arrive vers la porte et l'ouvre sans trop m'attendre à me retrouver face à la rouquine. " hey salut toi. " sourire et main tendue vers elle pour l'inviter à entrer dans ce lieu qui ne sera bientôt plus le mien. ça fait un petit moment qu'on ne s'est pas vues mais ces dernières semaines ça a été un véritable rush.

Ce temps passé sans voir Dakota a été très étrange pour moi. Ne pas avoir de ses nouvelles, ne pas lui parler – ce n’était plus vraiment dans mes habitudes depuis mon mariage avorté. Nous nous étions tellement rapprochées, la brune et moi, qu’elle avait réussi à se faire une place réelle dans mon quotidien. Alors quand elle est partie au festival du Burning Man, je dois avouer que j’ai eu un nœud au ventre. Et puis les jours étaient passés, très lentement, et il y avait eu comme un vide qui s’était creusé. Dakota me manquait, voilà tout. Et avec cette réalité étaient venues des questions un peu effrayantes et auxquelles je ne m’étais pas attendue : est-ce que je lui manquais, moi aussi ? Est-ce qu’elle pensait à moi autant que je pensais à elle ? Est-ce qu’elle avait rencontré des jolies filles, là-bas – plus jolies que moi ? Avec du vague à l’âme, je m’étais dit que je n’étais certainement pas le sujet principal de ses pensées alors que la brune devait tout simplement s’éclater à ce festival. Et même si, peut-être, par moments, mon visage apparaissait vaguement dans un coin de son esprit, je devais sûrement être bien vite balayée par autre chose de plus intéressant.

Alors quand elle est rentrée, j’ai eu l’espoir que nos petites habitudes reprennent comme si de rien n’était. J’ai eu l’espoir qu’on passe à nouveau du temps ensemble, comme avant. Mais j’ai finalement à peine eu de ses nouvelles, un peu comme si elle continuait de jouer les fantômes alors même qu’elle était de retour à Los Angeles. Aussi, quand je frappe à la porte de sa colocation ce soir-là, je dois avouer que je suis plus nerveuse que je ne l’avais été depuis des mois à l’idée de revoir Dakota. Un peu comme si je me rendais compte que les choses avaient changé ; un peu comme si je prenais alors conscience qu’elle et moi ne voulions peut-être pas la même chose. Bien sûr que nous n’étions pas obligées de nous engager, de rendre tout ça officiel mais était-ce si mal de vouloir peut-être passer à l’étape supérieure ? Je ne peux empêcher un sourire, un peu timide, d’écorcher mes lèvres alors que le visage qui a hanté mes pensées pendant des semaines se dessine sous mes yeux. « Hey, je la salue doucement avant d’attraper sa main tendue vers moi, me laissant guider à travers l’appartement que je ne connais que trop bien désormais. Désolée de débarquer à l’improviste mais je voulais savoir si tu aurais pas retrouver mon chargeur de portable ici, je crois l’avoir oublié la dernière fois et, même si c’est pas une grosse urgence, je ne peux pas continuer à utiliser celui de… » J’ai le souffle qui se coupe alors que je pose les yeux sur tous ces sacs et ces cartons qui jonchent le sol. « Mon frère… » Maladroitement, j’avale ma salive sans savoir si ce goût acide sur ma langue est réel ou non. J’aimerais ne pas avoir peur, j’aimerais ne pas me sentir triste. J’aimerais juste me dire qu’elle fait du tri parce que c’est toujours important de se débarrasser de certaines choses dans la vie. Se débarrasser de moi ? « C’est quoi, tous ces cartons ? Tu… tu déménages ? » Je ne pouvais pas être idiote à ce point et j’avais beau désirer me voiler la face, la vérité était sous mes yeux et je ne pouvais pas l’éviter ce soir.