just give me a reason (austay 9)

J’ai essayé de l’en dissuader, mais Ian a insisté. Il veut absolument annoncer ma grossesse à Austin, avec moi près de lui. C’est ridicule, il bosse avec elle, il la voit tous les jours, il aurait pu faire ça tout seul au boulot sans que je sois là. Mais non. Il a donné rendez-vous à sa meilleure amie dans un bar, leur bar fétiche, pour lui annoncer une grande nouvelle. Bien sûr, il ne se doute pas un seul instant qu’Austin est déjà au courant pour ma grossesse. Tous mes arguments n’ont pas suffit, Ian est beaucoup trop heureux, il veut crier à la terre entière que nous allons être parents. J’essaie de ne pas trop être négative, mais je le prépare aussi, au cas où. Parce que je sais très bien qu’il y a une certaine probabilité pour que je perde cet enfant, même si évidemment je ne l’espère pas. Je me prépare sans grande conviction, je ne sais pas quoi porter, je vais devoir bientôt faire les magasins pour m’habiller différemment. Devant le miroir, simplement vêtue d’un ensemble de sous-vêtements, je regarde mon corps, encore quasiment intact, mon ventre encore relativement plat. Ian se glisse dans mon dos et passe sa main sur mon ventre. « Tu devrais t’habiller, même si je suis sûr qu’Austin se rincerait bien l’oeil de te voir dans cette tenue.. » Je blêmis en entendant sa phrase et croise son regard à travers le miroir, les sourcils froncés. « Pourquoi tu dis ça ? » A lui de me répondre naturellement, le sourire au coin des lèvres. « Elle aime les femmes, les belles femmes. Et c’est ce que tu es. Une belle femme. » Il me sourit et dépose un baiser sur mon épaule avant de s’éclipser. Mon ventre s’est noué d’un seul coup. J’essaie de me défiler, le laisser y aller seul, mais pas possible, il est trop borné.
C’est vêtue d’une manière simplissime que je me rends dans le bar accompagnée de mon époux. Il est plus tactile que ces derniers mois, peut-être une question d’appartenance maintenant que je porte son enfant, j’en sais rien. Une chose est sûre, je ne suis pas à l’aise, et c’est pire lorsque je vois Austin au loin. Vu sa tête, elle ne devait pas s’attendre à ce que je sois là. Surprise ! Je dois être blanche comme un linge. Tous les deux se saluent et je suis bien obligée de faire de même, d’un accolade un peu crispée pour ma part. Nous nous installons et Ian met directement les pieds dans le plat. « Bon, on a une bonne nouvelle à t’annoncer. Shay et moi on va avoir un bébé. » Sourire factice, j’ai envie de vomir ça y est…

Ian m’a demandé d’aller boire un verre tout à l’heure, nous ne sommes pas de service, ni lui, ni moi. Pour autant, pour éviter de penser, j’ai pris des heures supp et ça me fait du bien, beaucoup de bien en fait. Je dois éviter de tourner en rond, je serais prête à bosser jour et nuit et courir jour et nuit si ça pouvait me retirer la boule au ventre, la douleur au cœur que je ressens dès que j’ai une seconde pour réfléchir, pour me rappeler que mon portable ne sonnera plus parce que Shay vient de m’envoyer un texto, parce qu’elle me propose de me retrouver quelque-part, parce qu’elle me dit qu’elle pense à moi. Je suis sans doute la plus téméraires des deux, mais pour autant, je n’attends jamais d’elle qu’elle ne soit qu’à moi. Je sais qu’elle ne m’a jamais appartenue qu’à moitié, et c’est même gonflé de ma part de m’en plaindre.
Je n’ai pas pu trouver d’autre excuse, alors j’ai dit oui, parce qu’une bière est vite avalée et une urgence fait vite de sonner sur mon téléphone.
Quand je le vois au loin… non, en fait c’est elle que je vois. Et mon ventre se tord, sans doute au même moment qu’elle. Il me prend dans ses bras, et je ne peux faire autrement, c’est notre façon de se retrouver, quand nous ne sommes pas en service, sinon c’est une bise vite fait et un coup de poing viril dans l’épaule pour ma part. Je suis un genre de meilleur pote avec une paire de seins. Shay est là, je ne peux pas l’ignorer, alors je lui réserve une accolade pudique, et son parfum me saute au nez. Me vrille la tête. Me tord le ventre. De désir, du manque. Des détails qui me reviennent en tête, des moments interdits, volés, que pour autant je ne regrette aucunement. Au contraire.
Nous prenons une place dans le bar, une table au fond, visiblement il a hâte de parler, et je sais pertinemment ce qu’il va me dire… « Bon, on a une bonne nouvelle à t’annoncer. Shay et moi on va avoir un bébé. » Wow, je m’étouffe avec ma bière que je viens tout juste de commander pour m’occuper les mains. Je ne pensais pas qu’il serait si cash ! « Enceinte ? C’est… une super nouvelle. Félicitations super papa… » Je lui souris, factice, lui tape dans l’épaule, comme j’aurais réagit d’habitude. « Félicitations Shay, je suis très contente pour vous. » Je ne peux pas dire le contraire, je suis heureuse pour Shay mais… C’était son rêve, certes, le seul souci, c’est que je suis en trop dans le tableau et que je me suis laissée aller à la tentation, la même qui me ronge de l’intérieur, maintenant que j’ai goûté à une sorte de drogue. Foutue drogue. « Vous allez déménager ? » Je comprends que ma question est invasive. « Enfin… changer de maison quoi. Histoire d’avoir une chambre pour le bébé ?... »

Me retrouver contre le corps d’Austin, même une futile demi seconde me vrille totalement le cerveau, les entrailles, fait batifoler mon coeur dans ma poitrine. Je déteste me sentir aussi dépendante de ce genre de sensations que je ne parviens pas à contrôler. Nous prenons place autour d’une table, je laisse Ian se poser en face d’Austin alors que je prends place près de mon mari. Mes mains sont moites, je tremble même un peu, d’angoisse. Il ne passe pas par quatre chemins et annonce directement la nouvelle. J’ose à peine regarder la réaction d’Austin, parce que je la connais sa réaction, je l’ai déjà vécue. Celle-ci ne sera que factice comparé au jour où je lui ai moi-même appris la nouvelle. « Enceinte ? C’est… une super nouvelle. Félicitations super papa… » dit-elle en essayant d’être naturelle, et heureuse, tapant sur l’épaule de Ian comme deux potes. « Félicitations Shay, je suis très contente pour vous. » Je relève les yeux vers elle, j’ai une boule dans la gorge, elle a raté sa carrière d’actrice, à n’en pas douter. Comment arrive-t-elle à faire aussi bien semblant, alors que moi j’ai déjà la nausée. « Vous allez déménager ? » « Oui. »  « Non ! » Je regarde Ian, le coeur battant. On avait pas encore parlé de ça, c’est trop tôt, et moi je ne veux pas quitter Los Angeles. « Enfin… changer de maison quoi. Histoire d’avoir une chambre pour le bébé ?.. » Je ne lâche pas Ian des yeux et secoue la tête légèrement. « On a déjà une chambre pour le bébé. Elle est très bien cette maison, j’ai mon cabinet, on va pas déménager. » Je ne lui laisse pas vraiment le choix de toute manière. « On verra. C’est pas à l’ordre du jour. » On verra rien du tout. On ne va pas déménager. Je suis doucement en train d’essayer de tirer un trait sur Austin, si on me dit qu’en plus de ça je dois partir je ne sais où… Non. Je ne suis pas prête, et je n’ai pas envie de l’être. « Enfin voilà, c’était important que tu saches, si jamais j’ai besoin de partir du boulot en urgence, ce genre de truc… » Je n’arrive pas à la regarder, mon regard est rivé sur la carte comme pour tenter de donner une activité à mon cerveau pour éviter de laisser mon regard vagabonder sur la jeune femme en face de moi. « Tu pourrais p’tetre être la marraine ? » Qu’il lâche comme ça sans avoir daigné me parler de ce genre de chose avant. Je repose la carte, choquée par ses propos. Je le regarde, interloquée, à lui de me faire un haussement d’épaules genre ‘j’ai dit quelque chose qu’il fallait pas ?’ Je sens une vague nauséeuse s’emparer de moi et je m’excuse en me précipitant vers les toilettes. Ian s’adresse alors à son amie et coéquipière. « Tu veux pas l’accompagner ? Je peux pas aller dans les toilettes des nanas moi… »

Je sentais bien que tout ça était un piège. Que je saurais donner le change au début mais que l’une d’entre nous allait craquer. Shay est plus fragile qu’elle ne veut bien le dire, et toute cette situation est en train de la rendre malade. Pourquoi lui imposer ma présence ? Ian ne sait rien de ce qui a pu nous arriver, et il n’en saura jamais rien. Il va être papa, c’était le rêve de sa vie avec sa femme, je ne peux pas me permettre de briser tout ça. Ça serait totalement égoïste, et mal venu. Elle mérite son bonheur. Je dois simplement m’effacer, c’est comme ça que les choses fonctionnent.
Moi aussi ça me rend malade, dingue de jalousie, profondément malheureuse. Mais c’est mon malheur à moi toute seule ou nos deux malheurs, à Shay et moi, nos trois même… Ian serait effondré. Je ne veux pas être responsable de ça. Je leur demande alors innocemment s’ils comptent déménager. Je sais que Shay tient beaucoup à leur maison. Son cabinet y est attenant. « Oui. » « Non ! » Mon cœur loupe un battement. Il arrive qu’ils aient des désaccords mais à présent ça sonne tout autrement. « On a déjà une chambre pour le bébé. Elle est très bien cette maison, j’ai mon cabinet, on va pas déménager. » Je pense que la réponse est claire, Shay est très claire sur ses positions, et je pense que changer d’environnement serait une raison encore de perdre ses repères. A cause de moi, elle a dû revoir une grande partie d’elle-même. Accepter son attirance pour une femme, alors qu’on s’était toujours persuadée que ça n’était pas possible, peut secouer, c’est le cas pour elle. « On verra. C’est pas à l’ordre du jour. » Il préfère éviter le conflit, comme s’il prenait à sa charge le fait de gérer sa femme une fois rentrés à la maison. S’il savait, le pauvre… ça me tord le ventre rien que de penser que je l’ai trahi.
« Enfin voilà, c’était important que tu saches, si jamais j’ai besoin de partir du boulot en urgence, ce genre de truc… » « Je te couvre, évidemment. » D’un signe de tête entendu. Nous sommes toujours une équipe. Le meilleur binôme du commissariat, et nos supérieurs le savent. On se connaît sur le bout des doigts, et en intervention, on se passe même de mots, le regard suffit. Et je n’ai rien trouvé de mieux que de tomber amoureuse de sa femme. Parce que oui, j’en suis tombée raide dingue dès l’instant où j’ai posé les yeux sur elle. Mais si au début je le gérais, le temps n’étant pas un allié, c’est devenu de mal en pis. « Tu pourrais p’tetre être la marraine ? » J’en renverse ma bière, merde, merde, merde ! Je suis tombée dans un mauvais scénario ou quoi ? Il va toute me les enchainer, lui donner mon prénom en second patronyme ou c’est comment ? « Merde ! » J’éponge comme je peux avec des serviettes trouvées sur les tables alentours. « C’est… gentil d’avoir pensé à moi. Ça me fait quelque-chose. » Tu parles que ça me fait quelque-chose ! Shay s’excuse mais file aux toilettes, comme s’il était déjà trop tard pour se retenir. « Tu veux pas l’accompagner ? Je peux pas aller dans les toilettes des nanas moi… » « Je m’en occupe. » Je ne louperais pas cette occasion en or. Je tape sur son épaule et file dans les toilettes, retrouver Shay qui est tout simplement en train de rendre ses tripes dans une des cabines. Je trouve la bonne et m’accroupi près d’elle, tenant ses cheveux en caressant tendrement son dos. Je suis toujours très douce avec elle, comme si elle faisait ressortir ce qu’il y avait de plus tendre en moi. « Je n’aurais pas dû dire oui à Ian. Je savais que ce serait un carnage. C’est moi qui vais partir Shay. » Ca nous évitera de nous croiser, ça nous évitera de revivre ce genre de situation et de nous faire autant de mal l’une à l’autre, par le biais de Ian. Elle se retourne, comme pour m’accuser du regard, me demander confirmation, ou m’exprimer une angoisse encore plus profonde. « C’est la meilleure solution Shay… j’ai pas d’attaches ici moi. En tout cas, rien en dehors de Ian et toi… et ça te fait souffrir, terriblement. Je peux plus supporter l’idée d’en être la cause. » Mon job je peux le pratiquer partout et il ne me serait pas compliqué de me faire muter. Ayant grandit dans un mobil home, j’ai toujours rêvé de me barrer et de voyager.

C’est trop pour moi. Même si je n’avais pas réellement eu cette nausée à ce moment là, je crois que j’aurai pu simplement la simuler pour ne pas avoir à rester là avec ces deux là. C’est trop difficile, je n’ai pas les épaules assez solides pour assumer ce que j’ai fait. Et pourtant elle me manque, elle me manque terriblement et je m’en veux de ressentir ce genre de chose alors que je vais d’ici quelques mois, mettre au monde l’enfant que Ian m’a donné. Je m’enferme dans une cabine des toilettes du bar, sans prendre soin de fermer à clé. Je ne m’attendais pas nécessairement à de la visite, encore moins celle d’Austin, mais c’est instinctif, sa simple présence m’apaise. Ça devrait pourtant être le parfait inverse. « Je n’aurais pas dû dire oui à Ian. Je savais que ce serait un carnage. C’est moi qui vais partir Shay. » J’ai du mal à respirer, les nausées me secouent encore et je tente de les contenir un maximum pour ne pas vomir tripes et boyaux devant elle. Il me reste encore un peu de dignité et d’amour propre. « Partir où ? Du bar ou de Los Angeles ? Tu veux pas non plus aller sur la lune tant que tu y es ? » C’est idiot, elle le sait aussi bien que moi. Partir n’arrangera rien. Je secoue la tête, une montée d’angoisse me saisit à l’idée qu’elle ne soit plus dans les parages. « Tu peux pas partir. Je veux pas que tu partes. » Et voilà j’ai encore envie de pleurer, j’ai jamais autant pleuré que depuis que je la connais, c’est dingue ça quand même. « C’est la meilleure solution Shay… j’ai pas d’attaches ici moi. En tout cas, rien en dehors de Ian et toi… et ça te fait souffrir, terriblement. Je peux plus supporter l’idée d’en être la cause. » Je secoue encore la tête et me laisse tomber dans ses bras. J’en ai besoin. « Ça me fait souffrir parce que tu me manques. Et que j’ai envie de te voir, tout le temps, mais je… peux pas. Je peux pas. » Et ça me rend dingue, parce que au fond de moi, mon coeur le sait. C’est avec elle que j’ai envie de passer mes journées, mes nuits, avec elle que j’ai envie de partager mes rires et mes angoisses. Je ne veux pas me l’avouer totalement parce que ce serait renoncer à tout ce que j’ai pu construire avec Ian. Et je l’aime, malgré tout. Mais les sentiments que je peux ressentir pour Austin sont différents, c’est quelque chose que je ne peux de toute manière ni contrôler ni expliquer. « Je t’en prie me laisse pas. » Je reste blottie contre elle, ma tête enfouie dans son cou, les yeux clos et je me contente de respirer son odeur pour m’en imprégner au maximum, comme si j’allais en être privée du jour au lendemain.

Savoir Shay tout près de moi sans pouvoir l’appeler, la toucher, la sentir contre moi. Rien que l’odeur de ses cheveux me manque et me rends dingue. Je ne saurais trop dire comment je pourrais l’oublier un jour, ni même si je pourrais. J’aime l’entendre rire, la voir réfléchir, l’observer même, s’énerver contre un truc aussi simple qu’un bouton qu’elle n’aurait pas tourné dans le bon sens. Simplement parce qu’elle a ce côté innocent qui fait d’elle une belle personne. Elle n’est pas que ça, elle est aussi diablement intelligente, cultivée, capable de vous apprendre des choses que vous n’êtes pas près de placer dans une conversation, en tout cas pas dans ce siècle-ci. Et pourtant, elle, y parviens totalement. Tout ça me fascine chez elle, à chaque fois que je la regarde, je tombe un peu plus amoureuse. Je ne savais pas que c’était possible, encore moins maintenant qu’elle est si loin de moi.
Alors je lui propose de partir, c’est encore la meilleure solution pour ne plus avoir à lui imposer ma présence. « Partir où ? Du bar ou de Los Angeles ? Tu veux pas non plus aller sur la lune tant que tu y es ? » Je lève un sourcil, son ton est tellement retord… « Wow, pas de doute, tu es enceinte. » J’arque un sourire, mais il est plus tendu qu’amusé. Les hormones tendent à la rendre passive agressive. J’aime la savoir si combative, même quand c’est contre moi, je la trouve canon. « Tu peux pas partir. Je veux pas que tu partes. » « Mais je te fais souffrir, et ça n’est pas près de se finir. Parce que Ian aura toujours la bonne idée de nous inviter toutes les deux. Je suis sa meilleure amie, il me demandera surement d’assister à chacun des barbecues que vous ferez, des anniversaires de votre bébé, des moments importants de votre vie, dont je ne ferais jamais partie. Et c’est ça qui nous fait souffrir Shay, toutes les deux… » Je ne pense pas me planter, je crois même que Ian a besoin de ça, il voit en moi un genre de sœur, de frangine avec qui il veut tout partager, et c’est ce que je voulais moi aussi, avant de tomber raide dingue de sa femme.
« Ça me fait souffrir parce que tu me manques. Et que j’ai envie de te voir, tout le temps, mais je… peux pas. Je peux pas. » « Ma puce… » J’essuie une larme sur sa joue, puis remets une mèche de ses cheveux derrière son oreille. J’ai toujours adoré ses cheveux. Glisser mes doigts dedans, les sentir, les voir bouger avec elle. « Je t’en prie me laisse pas. » Je la serre contre moi, caresse son dos et pose mon menton sur le haut de son crâne. « Pas tout de suite, je te le promets. Mais réfléchis. Vraiment. Et soit honnête avec toi-même s’il-te-plaît. Je te fais plus de mal que de bien. Depuis le début. » Alors oui, on a eu de très bons moments, de très beaux moments surtout, mais au final ça mène à quoi ? A des larmes et à des remords, et je ne veux plus en être la cause, ça lui fait bien trop mal, je ne suis pas prête à tout ça.
Nous restons comme ça un moment, quelques minutes, le temps qu’elle ne se calme et que je puisse profiter d’elle, de son contact… Parce que bien sûr que je la désire, mais il n’y a pas que ça, j’aime tout autant la sentir contre moi, lui tenir la main, lui parler, l’observer, partager tout un tas de choses insignifiantes. Même un film sur le canapé en tenue de plaquiste me plairait. Je me suis même dis un jour qu’un téléfilm de Noël pourrait être envisageable, un téléfilm de Noël, moi ! Elle me rend complètement dingue…

« Wow, pas de doute, tu es enceinte. » Je lui lance un regard noir. Pas la peine d’en rajouter, je crois que c’est assez difficile comme ça. Mais je ne résiste pas à l’envie de fondre dans ses bras, lui demandant de ne pas me laisser, je ne le supporterai pas, même si j’ai bien conscience que ce serait la meilleure solution. Je ne peux m’y résoudre. « Mais je te fais souffrir, et ça n’est pas près de se finir. Parce que Ian aura toujours la bonne idée de nous inviter toutes les deux. Je suis sa meilleure amie, il me demandera surement d’assister à chacun des barbecues que vous ferez, des anniversaires de votre bébé, des moments importants de votre vie, dont je ne ferais jamais partie. Et c’est ça qui nous fait souffrir Shay, toutes les deux… » Ma cage thoracique semble tellement comprimée que je peine à comprendre ce qui m’arrive. C’est ce qu’on appelle un ‘chagrin d’amour’, j’en ai peur. Je me sens tellement perdue, elle me manque, j’ai du mal à imaginer ma vie sans elle et je sais que je vais y être obligée, c’est ce qui me traumatise le plus pour le moment. Je ne suis pas prête à la laisser partir, ne plus jamais la voir, c’est impossible à imaginer. « Pas tout de suite, je te le promets. Mais réfléchis. Vraiment. Et soit honnête avec toi-même s’il-te-plaît. Je te fais plus de mal que de bien. Depuis le début. » Peut-être qu’elle a raison. Mais maintenant qu’elle est là, qu’elle s’est frayé un chemin dans ma vie, dans mon coeur, c’est trop tard pour faire machine arrière. « Tout ça c’est de ta faute. C’est toi qui m’a embrassée la première fois. » Et voilà, les hormones commencent à me jouer des tours, les émotions divergent, s’accumulent, j’ai presque du mal à savoir comment je m’appelle. « Si t’avais gardé tout ça pour toi, on en serait pas là aujourd’hui. » Et vas y, enfonce le clou ! Bien joué ! Ah, si je veux qu’elle prenne la poudre d’escampette, je suis bien partie. « Tu voulais quoi au juste ? Que je quitte Ian pour toi c’est ça ? » Je la regarde, les yeux encore humides, perdus. Je sais plus ce que je veux, plus non plus ce que je ressens exactement, c’est un putain de champs miné à l’intérieur de moi, et ça me rend dingue..

Je sais que j’ai mérité chacun de ses accès de colère et pourtant… Elle ne parvient pas à me faire changer d’idée sur le fait que j’avais besoin de la trouver, besoin de lui dire ce que je ressentais, que le garder pour moi aurait fini par me rendre dingue, et que je ne regrette aucun des instants qu’on a pu passer ensemble, et si je devais resigner, je le ferais, haut la main. Bon, ça je vais le garder pour moi, je la trouve plutôt susceptible sur le coup. Elle est enceinte, elle est au bord des larmes, ou de la crise de nerfs, ou bien des deux. Je ne sais pas trop. Quoi qu’il en soit, il ne me reste qu’à tenter de la calmer, ou de prendre ses coups, si ça peut la soulager. Je ne l’ai pas mise enceinte, mais j’ai rendu la situation aussi compliquée, alors je ne peux m’en prendre qu’à moi.
« Tout ça c’est de ta faute. C’est toi qui m’a embrassée la première fois. » Bien envoyé, premier uppercut, que je mérite, sincèrement. Bon, je ne la pensais pas si franche comme ça, mais après tout, ça n’est que justice, et j’ai bon espoir de croire que c’est simplement la douleur qui parle. Et les hormones ? « Si t’avais gardé tout ça pour toi, on en serait pas là aujourd’hui. » Oui, ça aussi je l’ai déjà entendu. On doit compter les points ? Je suis en train de prendre une belle remontée au jeu du reproche. Je ne lui en fais aucun, parce qu’elle n’a pas besoin de les entendre, et puis ça ne serait pas sincère, je ne lui en veux de rien. « Si tu n’étais pas si belle… » Je ne sais pas si elle l’a entendu mais c’est ce que je pense, et je crois que ça la fait réagir parce qu’elle s’écarte de moi pour m’en lancer un autre, cette fois bien plus violent. « Tu voulais quoi au juste ? Que je quitte Ian pour toi c’est ça ? » « Dans un cas rêvé où tu ne l’aimerais pas autant et lui non plus, oui, j’aurais aimé que tu vives avec moi ce que tu es en train de vivre avec lui, et alors ? C’est un crime d’être amoureux maintenant ? Merde Shay, je veux bien être responsable de tout ça, mais t’as fait ton choix maintenant. Arrête de me regretter, ça ne te rends pas heureuse. » Je tente de rester calme mais tu parles, elle me fait monter les nerfs autant qu’elle les a, et ça risque de mal se finir, parce qu’objectivement, je ne vais pas avoir les nerfs assez solides pour mentir. Pour lui dire que non, ça n’était pas si important et qu’elle doit faire sa vie avec Ian parce que je ne pourrais pas la prendre heureuse. Bordel de merde, bien sûr que je peux la rendre heureuse, j’y suis prête !
« Sèche tes larmes et retournes-y. Je vais dire à Ian que j’ai une urgence au commissariat. Et je crois que je vais le prendre ce foutu billet d’avion. Que ce soit toi ou moi, l’une de nous va craquer, et dans ton état c’est pas possible. »

J’ai pas trop la notion des choses, je suis beaucoup trop focalisée sur mes émotions que j’en oublie que ces dernières peuvent passer du tout au rien en quelques secondes. La joie des hormones. Austin est patiente, elle en vient même à me faire des compliments alors que j’essaie juste de la repousser, au même titre que j’ai envie qu’elle me garde tout contre elle et ne me lâche jamais. Je suis perdue, j’ai peur, j’ai mal, et tout se bouscule dans ma tête. Je lui demande ce qu’elle voulait, si c’était que je quitte mon mari pour elle ? Le jour où elle a décidé de m’embrasser la première fois, m’attire à elle, jusque dans ses bras, même jusque dans son lit cette première nuit. Qu’est-ce qu’elle attendait de moi ? Elle me répond sincèrement que si Ian et moi n’étions pas si amoureux, oui, elle aurait voulu vivre avec moi ce que je vis avec lui. « C’est un crime d’être amoureux maintenant ? Merde Shay, je veux bien être responsable de tout ça, mais t’as fait ton choix maintenant. Arrête de me regretter, ça ne te rends pas heureuse. » Ça fait mal. Ça fait mal parce que je me raccroche à Ian pour les mauvaises raisons aujourd’hui et j’en prends conscience un peu plus chaque jours. Lorsqu’Austin a débarqué dans ma vie intime, dans mon coeur, j’avais la certitude de ne pouvoir tirer un trait sur Ian, par amour pour lui. Aujourd’hui, je prends conscience que ce sont surtout mes peurs qui m’empêchent de prendre de la distance. Parce que mes sentiments sont plus forts aujourd’hui pout Austin qu’ils ne le sont pour Ian. Mais ça, je préfère le garder pour moi, ce serait beaucoup trop compliqué à gérer, autant pour moi que pour elle. « T’en sais rien de ce qui me rend heureuse Austin. » Je suis amère sans même le vouloir. Elle croit toujours savoir ce qui est bon pour moi, elle croit savoir que je suis amoureuse de Ian au point de finir ma vie avec lui, elle croit savoir que je suis encore amoureuse de lui, elle croit savoir trop de choses. Mais elle ne sait pas. « Sèche tes larmes et retournes-y. Je vais dire à Ian que j’ai une urgence au commissariat. Et je crois que je vais le prendre ce foutu billet d’avion. Que ce soit toi ou moi, l’une de nous va craquer, et dans ton état c’est pas possible. » Bordel ce que ça fait mal. J’ai encore envie de chialer comme une madeleine. Mais je me retiens, je me contente de la fusiller du regard, parce qu’elle me blesse en me disant qu’elle va partir, elle m’avait dit qu’elle ne le ferait pas, pas maintenant. Mais elle va le faire putain. « T’as raison c’est pas possible. » Je sors de la cabine et vais me laver les mains, me passe un peu d’eau sur les joues et quitte les toilettes pour rejoindre Ian dans le café. « Austin a eu un appel urgent, elle est partie. On peut rentrer s’il te plait, j’me sens vraiment pas bien. » Il est surpris, surpris sans doute que sa meilleure amie ne soit même pas passée le saluer avant de partir. Je m’en fous de ce qu’il pense, je m’en fous de ce qu’il imagine. Je veux juste rentrer et m’effondrer dans mon lit, ou pleurer pendant des minutes entières sous ma douche. Et ne plus entendre parler d’Austin de toute ma vie.