peek-a-boo (leayan 1)

Ça fait quelques temps qu’on s’est pas vus avec Rayant, faut dire qu’avec son tournage, elle avait du boulot. Mais on s’est échangés quelques sms pour prendre des nouvelles, et son tournage est terminé. On s’est pas étendus sur les détails de nos vies, parce que ce genre de chose, on en parle le plus souvent de vive voix, je préfère. Je suis pas un adepte des sms de dix km. Alors après être repassé chez moi pour prendre une douche après ma journée de cours je prends le risque de rejoindre Rayan chez elle. Au pire elle m’envoie balader gentiment, c’est déjà arrivé. Au mieux elle me laisse entrer pour discuter et plus si affinité. Après tout, c’est comme ça que ça a toujours fonctionné entre nous. Sauf bien sûr quand l’un ou l’autre est en couple, faut pas déconner. Y’a quelques temps elle m’a vaguement parlé de sa productrice avec qui c’était un peu ambigu mais je n’ai pas la suite de l’histoire, je pense que si y’avait quelque chose entre elles elle me l’aurait dit par sms ? Peut-être. Peut-être pas. En attendant, je passe chez l’épicier en bas de chez moi, achète une bouteille de martini blanc et me rends chez Rayan, en espérant au moins qu’elle est chez elle. Quelques coups frappés à sa porte, et j’attends sagement, jsuqu’à ce que la porte s’ouvre. Je lui adresse un large sourire et lui montre la bouteille. On change pas une équipe qui gagne, même si bien sûr, l’idée c’est pas de se mettre la tête à l’envers. « T’es toute seule ? J’peux m’inviter ? » Je ne me vexerai pas si elle me disait que ce n’est pas le moment, ou qu’elle n’en a pas envie. C’est déjà arrivé, d’un côté comme de l’autre. Mais après tout on dit bien ‘qui ne tente rien n’a rien’, non ? Alors je tente, et on verra par la suite. Je me dis juste que ça pourrait pas me faire du mal, me rassurer même. Parce qu’avec tous les échecs que j’ai essuyé ces derniers mois, il me faudrait bien une fille avec qui ça fonctionne pour me rassurer et me dire que je suis pas ce putain de tocard que j’ai l’impression d’être.

Le tournage vient de se terminer, ça me donne un peu de répit même si finalement il sera d’assez courte durée. J’ai reçu deux scénarios que je dois lire, et puis une fois la production du film bien avancée viendra le moment de la promotion, des interviews avec en prime pas mal de déplacements. L’avantage c’est qu’au moins pendant ce temps, qu’il soit de repos ou de boulot je peux me tenir éloignée d’Eden. C’est loin d’être le plus facile, mais c’est ce que nous devons faire, selon elle surtout, et si je comprends qu’elle veuille protéger son lien avec sa fille, je lui en veux un peu pour sa manière de jouer avec moi. Mais bon elle n’aurait pas possibilité de le faire si je n’étais pas si conne et si faible. Je profite de ce temps pour moi pour voir quelques amis, mais surtout lire des bouquins que je n’ai pas pu finir et rattraper mon retard sur tout un tas de séries… J’ai eu besoin de me retrouver un peu seule après des mois à être chaque jour entourée par beaucoup de monde. Et puis la dernière discussion avec Eden n’a pas aidé, je ne dirais pas que je le vis comme une rupture, parce que nous n’étions rien, mais ça ne m’empêche pas d’avoir mal quand même, de devoir faire le deuil de ce truc sans cadre, sans règles… du grand n’importe quoi en somme. Je suis en plein binge watching, je n’attends personne et pourtant on frappe à ma porte. Je mets mon épisode sur pause et me lève, intriguée par cette visite impromptue. J’ouvre et je suis surprise de trouver Leah devant ma porte, le sourire aux lèvres et une bouteille à la main. Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vu lui et moi, juste donné des nouvelles par texto de manière plus ou moins régulière. Mon sourire répond au sien, je suis contente de le voir. Il est toujours aussi canon. Je hoche la tête et m’écarte pour le laisser entrer « Oui, avec plaisir, entre. ». Entre nous c’est simple, on est amis et ils nous arrivent de déraper, des sex friends dans la définition la plus simple qui soit. On fait ça au feeling, à l’envie, sans sentiments, juste du respect et de la complicité. Sa visite est totalement imprévue, mais en le voyant là je me rends compte combien c’est plaisant de le voir, un visage amical, et son corps d’apollon dissimulé sous cette chemise. Je referme la porte derrière lui, et regarde la bouteille qu’il a amené « Tu es venu avec des munitions à ce que je vois. » dis-je en riant, plongeant mon regard dans le sien. J’ai un coup de chaud là, soudainement, alors je pose la bouteille sur le premier truc qui passe et me jette sur Leah pour l’embrasser avec passion. Il n’imagine même pas combien il tombe à pic… je crois que je ne l’imaginais pas non plus avant d’avoir cette vague d’envie qui m’a submergé. « On parlera plus tard. » dis-je le souffle déjà plus court, faisant glisser sa veste le long de ses épaules.

C’est pas trop mon genre de débarquer comme ça à l’improviste. Pas que je sois le gars trop prévenant non plus, j’aime bien l’aventure, mais je suis juste trop respectueux pour venir déranger les gens n’importe quand, par peur de les déranger. Mais Rayan, c’est différent, on se connaît depuis longtemps maintenant, et je crois qu’on se connaît assez pour qu’elle n’ait aucun scrupule à me dire qu’elle n’est pas d’humeur, ou pas seule, ou que sais-je. Elle me laisse entrer ‘avec plaisir’, et c’est donc tout sourire que j’entre dans son appartement, la laissant refermer la porte derrière moi. « Tu es venu avec des munitions à ce que je vois. » Je hoche vivement la tête en lui montrant la bouteille de martini. Mais je n’ai pas vraiment le temps de répondre, elle me pique la bouteille des mains et la pose je ne sais où avant de fondre contre moi. Je n’en attendais pas autant, mais je ne vais clairement pas m’en plaindre. Mes mains trouvent son corps que je n’avais pas rencontré depuis longtemps, et j’intensifie notre baiser, satisfait de ce début de soirée. On parlera plus tard, c’est ce qu’elle annonce entre deux baisers, et je me contente de hocher vivement la tête. Pas le moment de parler, on a mieux à faire. Le désir grimpe en flèche, nos corps s’effeuillent rapidement pour nous retrouver en tenue d’Adam et Eve en très peu de temps. Je récupère ce qu’il faut pour ne pas faire de bêtises, de quoi nous protéger des mauvaises surprises, et le canapé nous accueille en premier lieu pour la première partie de cette nuit de retrouvailles. Je ne pense pas, ne réfléchis pas, tout est fait avec passion, envie, et malgré tout, je me rassure quant à mes capacités. Faut dire que ces derniers temps, mon ego a fortement été mis à mal. Les heures défilent et je pense que tout le voisinage est désormais au courant que je sais faire jouir une femme, ou alors que Rayan sait très bien simuler. Mais même si elle est actrice, je ne crois pas quelle me ferait cet affront, du moins je ne l’espère pas. Et puis malgré tout il y a des signes physiques qui ne trompent pas. C’est nu comme un vers que je vais nous chercher dans la cuisine une grande bouteille d’eau, et la bouteille de Martini, avant de rejoindre Rayan dans son lit. Je m’enfile quelques longues gorgées d’eau pour m’hydrater un peu avant de lui tendre la bouteille. « Les fois dernières étaient déjà géniales, mais je crois que celle la restera mémorable. » Je ris un peu et ouvre finalement la bouteille de Martini. « Ça voulait dire quoi ‘on parlera plus tard’. T’as des trucs à raconter ? » Je fais l’innocent, parce que moi aussi j’en aurai des tonnes à raconter…

Je peux être impulsive parfois et j’ai l’impression que c’est un de mes traits de caractère qui s’est accentué au contact d’Eden. Preuve en est la manière dont je me jette sur Leah après seulement quelques mots échangés, n’écoutant que ce désir dont la montée a été fulgurante. Je l’embrasse à en avoir le souffle court, nos fringues s’éparpillent rapidement dans mon salon et je suis satisfaite de sentir le même empressement de la part de mon partenaire. J’ai besoin d’apaiser mon esprit, mon corps, besoin de me prouver je ne sais quoi. Je m’attarde sur son corps, sculpté à la perfection, imprime sur mes paumes le relief de sa musculature. J’ai besoin de lui, de sa masculinité pour éloigner le spectre du corps divin de la productrice. Comme si je voulais l’oublier, me prouver que c’est ça ma came, un homme, dans son entièreté. Remettre les choses à zéro, refermer ce qui n’était qu’une parenthèse. Ça fonctionne, j’oublie, m’abandonne, me donne à cette étreinte passionnée pour me laisser submerger par chaque sensation. Leah est un bon amant, de ceux qui ne se soucis pas uniquement de leur propre plaisir, trouvant de la vigueur dans une plénitude partagée. J’ignore ce qu’il cherche à se prouver de son côté, je crois que l’un comme l’autre avons juste besoin de ce moment. Le feeling a toujours été bien présent, je n’ai pas été une seule fois déçue par le jeune homme, mais cette fois est encore différente. Après un énième orgasme, l’énergie qui nous animait tous deux semble s’être épuisée. Leah, galant, trouve le courage d’aller nous chercher à boire, de l’eau mais également la bouteille de martini qu’il a amené. J’attrape la bouteille d’eau, buvant comme si je venais de courir un marathon. Quoi qu’on en est peut-être pas loin. On en a brûlé des calories ! Je souris à la remarque faite par le prof d’anglais et acquiesce d’un hochement de tête « Tu m’avais caché être aussi endurant. » je me mets à rire à mon tour « A cause de toi je vais devoir éviter mes voisins quelques temps. ». Il ouvre la bouteille d’alcool et parce qu’il est un homme attentif, du genre à écouter quand on dit quelque chose, Leah s’empresse de revenir sur cette petite phrase lâchée à son arrivée. Je n’avais pas spécialement espéré qu’il oublie, je pense que parler pourra me faire du bien du manière totalement différente de celle de ces dernières heures. J’attrape la bouteille pour boire une gorgée de martini et la lui rend « Je crois que je t’avais parlé de l’attitude un peu étrange et ambiguë de la productrice qui m’a repéré ? » je hausse les épaules « Son petit jeu était bel et bien de la séduction… Et je… J’ai cédé. » je le regarde brièvement, il attend la suite « J’ai couché avec elle. Deux fois. » s’il n’y avait que ça. Je grimace « Elle a foutu un bordel monstre dans ma tête. Mais bon à côté de ça elle a changé ma vie… J’ai tourné dans un film, je vais passer sur des écrans de cinéma un peu partout. » j’en ai presque le tournis. Je ris, un peu ironiquement « Dingue, hein ? ».

Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi rapide, à ce qu’elle réponde à ma requête sans même que je n’ai eu à mettre de mot dessus. Il faut dire que ça s’est quand même toujours bien passé avec Rayan, on se connaît assez bien maintenant. Peut-être qu’elle a senti ce pourquoi j’étais là, peut-être qu’elle en avait envie autant que moi, besoin, ou que sais-je. Mais peu importe, je n’y réfléchis plus, je vis seulement ce que j’ai à vivre, et c’est carrément une délivrance. Comme si, pour ce soir, nos corps étaient faits pour être ensemble, et ce n’est pas pour me déplaire. Etrangement, je ne me suis jamais posé de question quant à une potentielle histoire sérieuse entre nous. Nous sommes amis, avec un petit (gros pour aujourd’hui) plus, mais c’est tout. C’est comme si on migrait sur une autre planète ce soir, les heures défilent et rien ne semble pouvoir nous arrêter. Il faut attendre un long moment avant que la tension ne soit évacuée et qu’on puisse finalement souffler. Je vais chercher à boire et nous ramène de quoi réhydrater nos corps. « Tu m’avais caché être aussi endurant.  A cause de toi je vais devoir éviter mes voisins quelques temps. » Je ne peux m’empêcher de rire en imaginant Rayan sortir demain de chez elle sous le regard ébahi de ses voisins. Je me rassieds dans le lit à côté d’elle, glissant le drap sur la partie inférieure de mon corps, et commence à lui poser des questions. Oh, j’aurai bien pu m’endormir, sans aucun problème vu comme je me sens détendu, mais ce n’est pas trop mon genre. Je respecte trop les femmes pour ça. « Je crois que je t’avais parlé de l’attitude un peu étrange et ambiguë de la productrice qui m’a repéré ? » Je hoche doucement la tête en la regardant, la laissant poursuivre. C’était bien de la séduction, et Rayan a cédé. Je suis un peu surpris, moi qui la pensait totalement attirée par les hommes. « J’ai couché avec elle. Deux fois. » « Oh ! Wow… » Elle n’a pas fait les choses à moitié, c’était pas juste une fois par accident quoi. « Elle a foutu un bordel monstre dans ma tête. Mais bon à côté de ça elle a changé ma vie… J’ai tourné dans un film, je vais passer sur des écrans de cinéma un peu partout. Dingue, hein ? » Je ris légèrement avec elle, plus pour la fin que pour le début. « Ouais, dingue… » Je laisse un léger temps de latence avant de revenir sur le sujet. « Elle a foutu le bordel c’est à dire ? Tu pensais pas pouvoir être attirée par une femme avant elle, c’est ça ? » J’essaie de comprendre, d’analyser. Ça semble logique qu’elle soit bouleversée, sa vie prend un sacré tournant, tout à la fois. Mais je me dis que si elle a envie d’en parler, elle le fera, si elle n’a pas envie ou pas besoin, elle ne le fera pas. En attendant, j’ouvre une porte, à elle de voir si elle veut entrer ou pas.

La spontanéité et la franchis de ce moment est une vraie bouffée d’oxygène. Apparemment nous manquions d’air l’un comme l’autre à en croire cet appétit difficile à rassasier qui nous a animé durant ces dernières heures. La tension retombe, vient l’apaisement et un sentiment de détente que je retrouve avec plaisir. Je plaisante sur les prochains jours où je vais devoir éviter les voisins et leurs regards, surtout, et si j’en ris ce n’en est pas moins vrai. J’imagine déjà la tête de la voisine du dessus si nous nous croisons dans le hall d’entrée… Si Leah a obtenu ce qu’il voulait et pourrait s’en contenter, il est aussi le genre d’homme avec qui il est facile de parler et surtout prêt à écouter. Puis à la base nous sommes surtout des amis avant d’être des amants occasionnels, d’autant plus qu’il est celui qui entame la conversation. Séquence confidence sur l’oreiller ouverte. Oui j’ai des choses à raconter et il ne s’attend sans doute absolument pas à ce que je lui révèle. Non seulement Eden cherchait bien à me draguer mais surtout je me suis laisser séduire pour finalement coucher avec elle, deux fois. Une seule aurait pu être juste une simple expérience, de la curiosité, mais pour y revenir il fallait bien que ça m’est plus la première fois. Et c’est le cas, aujourd’hui encore j’aurais envie de recommencer, pouvoir à nouveau la toucher et sentir ses mains sur moi. Mais tout est beaucoup trop compliqué et j’ai déjà trop souffert pour ce truc indéfini qui nous liait. J’explique au jeune homme combien elle a eu un impact sur ma vie, tant au niveau professionnel que personnel et c’est plutôt le second aspect qui pose problème. Faire du cinéma j’en rêvais secrètement, elle m’a aidé à atteindre ce que je pensais inatteignable, mais ça n’a pas été sans conséquences. Leah n’est pas dupe, il sait que ma carrière naissante est un point plus que positif et tant pis pour le vertige que ça peut provoquer, je vais en profiter à fond. Non, le soucis est ailleurs et il l’a bien sentie, le problème c’est ce que la productrice a réveillé en moi. A sa question je fais une légère moue « Disons qu’elle a fait ressurgir de vieux démons, pourtant je les avais bien enfermés, je les pensais disparus… » il me regarde, interloqué, c’est peut-être un peu trop métaphorique à cet instant « C’est pas vraiment la première femme par qui j’ai été attiré. » je vois que j’ai toute son attention, ce mec est une commère « Plus jeune, je craquais sur un de mes coéquipières de volley. Et puis les attitudes hostiles vis à vis d’une autre membre de l’équipe après son coming-out m’ont fait totalement refouler tout ce que je pouvais ressentir. Pour moi c’était seulement une passade. Je m’en suis persuadée et à vrai dire jusqu’à rencontrer Eden je ne m’étais plus vraiment posé de question. Et puis… » je soupire et lève les yeux « En même temps elle est très difficile à ignorer. » je secoue la tête, souriant en pensant à elle. Je suis débile. « Et toi ? Des choses à dire ? » je le regarde, complice « Parce que tout ça là, tu me l’avais jamais fait. » je ris un instant avant de reprendre mon sérieux « Toi aussi c’est le bordel dans ta tête ? ».

Je suis surpris qu’elle m’avoue avoir craqué pour cette productrice. Je ne doute pas qu’elle ait du charme, mais que Rayan n’y soit pas insensible, c’est surtout ça qui m’étonne. Je ne pensais pas qu’elle puisse être attirée par des femmes. Ça ne me dérange pas, chacun fait bien ce qu’il veut, je suis du genre super tolérant, juste un peu surpris. « Disons qu’elle a fait ressurgir de vieux démons, pourtant je les avais bien enfermés, je les pensais disparus… » Alors là, elle m’intrigue vraiment. Je fronce un peu les sourcils pour lui faire comprendre mon incompréhension, et avale une gorgée à même le goulot, attendant sa réponse qui ne tarde pas. Pas la première femme donc hum ? J’écoute avec grand attention l’histoire qui suit. « En même temps elle est très difficile à ignorer. » dit-elle en soupirant légèrement, ce qui me fait rire. « A ce point là ? Elle ressemble à quoi ? » Du coup, elle m’intrigue maintenant. « Et toi ? Des choses à dire ? Parce que tout ça là, tu me l’avais jamais fait. » Mon rire se mêle au sien. J’avoue que cette nuit a été carrément épique. Elle me demande si c’est aussi le bordel dans ma tête, et je grimace. « Ouais, pas mal… » Je soupire et ne sais même pas par où commencer. « Bah déjà il s’est passé un truc bizarre avec Jazz… » Pas besoin de préciser, je lui ai déjà parlé de ma meilleure amie plusieurs fois. « Elle a perdu sa grande soeur, elle allait pas bien, un soir chez elle on a bu, beaucoup, trop. Et on s’est embrassés, et réveillés au petit matin à poil dans le même lit, mais aucun souvenir, de rien, ni l’un ni l’autre. On en a jamais reparlé, depuis c’est super bizarre… » Et rien que d’y repenser j’ai mon coeur qui s’emballe. « Puis après y’a eu cette fille que j’ai rencontrée sur un site de rencontre à la con, super jolie, super… entreprenante. Premier rendez-vous je lui ai un peu mis un vent, et je suis revenu vers elle parce que je culpabilisais, le courant passait pas trop mal, je l’ai ramenée chez moi et puis… rien. » Je vois bien son regard attentif sur moi, insistant même. « Panne sèche. » Je secoue la tête et bois plusieurs gorgées cette fois. « Mon ego de mâle en a pris un coup. » Ça explique aussi pourquoi cette nuit a été aussi intense. « Et puis ma coloc, Nicky, qui logiquement déteste les mecs, mais avec moi ça passe bien, elle se trimballe à moitié à poil la moitié du temps, elle me plait, et ça me rend ouf. » Je lui repasse la bouteille après une autre bonne gorgée, comme un flambeau. « Je vais essayer les mecs, ce sera peut-etre moins compliqué. » Et je me mets à rire. C’est pas mon truc, je me suis fait draguer quelques fois, et même si je suis ouvert d’esprit, que j’ai même essayé un jour d’embrasser un autre mec, définitivement ça ne m’attire pas…

Personne ne sait pour Eden et moi, personne ne sait que j’ai déjà été par une autre femme il y a des années en arrière, sauf elle. Je n’hésite même pas à raconter ça à Leah, le mettre dans la confidence m’aide à prendre du recul, en parler me fait du bien tout simplement. Ça devenait difficile de ruminer sans avoir personne à qui en parler, à peine l’aveu fait que je me sens déjà un peu plus légère. Si le jeune homme semble surpris par mes révélations, ça n’a pas l’air de le choquer ou d’avoir envie de le faire fuir. J’admets ma faiblesse face à la productrice qui a tous les arguments pour me faire flancher, qui résisterait d’ailleurs ? Ça a l’air d’amuser Leah qui réclame des détails « Elle ressemble à… Une femme beaucoup trop belle pour être réelle. » je ris à nouveau, ça ne l’avance pas beaucoup « Grande, blonde, le regard perçant et un charisme de dingue. » je secoue la tête « Enfin bref. ». Si je continue sur le sujet je risque de me faire plus de mal qu’autre chose, j’ai appris à éviter de penser à elle pour me préserver au maximum. Alors j’embraye sur ce qui tracasse mon amant occasionnel, il s’est surpassé ce soir, et si je ne vais pas m’en plaindre je sais aussi que ça doit cacher quelque chose. Lui aussi a la tête en vrac, pour plusieurs raisons. Je lui offre une oreille attentive avec une bienveillante curiosité dès lors qu’il évoque sa meilleure amie. Soirée trop arrosée, ils ont dérapés sans savoir à quel point le dérapage à pu être grand. Nus dans le même lit ? Ça laisse une bonne marge d’interprétation quand même ! Depuis entre eux c’est bizarre « Tu m’étonnes… » soufflé-je dans un mélange d’étonnement et de compassion. Je sais combien leur amitié est essentielle, solide et durable, ça a de quoi le faire cogiter si les choses ne sont plus tout à fait pareilles entre eux. L’histoire ne s’arrête pas là, Leah me raconte sa rencontre avec une jeune femme via une application. Un premier vent, une seconde chance et rien. Comment ça rien ? Je pose sur lui un regard intrigué, il précise, une panne. Forcément son égo en a pris un coup et je comprends mieux son implication et sa vigueur ce soir, il avait des choses à se prouver. « Contente de t’avoir aidé à le regonfler. » dis-je, complice avant qu’il n’enchaine avec le troisième élément responsable de ses actuelles prises de tête. Sa colocataire, détestant les mecs mais prenant visiblement plaisir à le chauffer, intentionnellement ou non. « Et bah. » je bois une gorgée, on fait la paire tous les deux ! Je me mets à rire quand il parle d’essayer les mecs « Moins compliqué ? Pourquoi ? » je secoue la tête « C’est les relations entre êtres humains qui sont compliquées, c’est tout. » je hausse les épaules « Je crois qu’on peut pas y échapper. On aime avoir mal, la preuve on y revient toujours. » je soupire « Même les amitiés comme la notre peuvent devenir compliquées dès que l’un des deux s’investit trop. J’te dis, on peut pas y échapper. » je lui rends la bouteille « Tu ne veux pas essayer de discuter avec Jazz ? Ou tu as peut-être déjà essayé ? Elle veut plus revenir sur cette soirée ? » je le regarde un instant et souris « Tu voudrais qu’il se soit passé un truc avec elle cette nuit là ? ».

« Elle ressemble à… Une femme beaucoup trop belle pour être réelle. » Forcément que ça pique ma curiosité, parce que je suis un homme, et que j’aime les belles femmes. Pour autant, elle peut être belle aux yeux de Rayan sans l’être à mes yeux, même si bien sûr, toutes les femmes sont belles. Elles ne sont pour autant pas au goût de tout le monde. « Grande, blonde, le regard perçant et un charisme de dingue. » Je hoche la tête en souriant. « Ça va, j’te la piquerai pas, j’aime pas trop les blondes. » Ça me fait rire de dire ça, ‘je te la piquerai pas’, faut croire que j’aime bien aussi les femmes qui ont un penchant pour d’autres femmes. Enfin bref… C’est d’ailleurs la même formule qu’elle utilise. A mon tour de parler, Rayan m’a mise à l’aise, elle s’est confiée à moi, maintenant c’est moi qui doit me confier, et ce n’est pas si difficile que ça au final. Je parle de Jazz surtout, de notre nuit bizarre. Elle est d’accord, c’est normal que ce soit un peu tendu depuis ça. Sauf que moi je me sens con, et je sais pas du tout quoi faire avec tout ça. J’embraye finalement avec cette fille rencontrée sur le net, puis Nicky ma coloc. Elle se met à rire, c’est vrai qu’on fait la paire, franchement. Je me demande si je devrais pas essayer les mecs, mais elle n’a pas l’air du même avis de moi sur la complexité de la chose. En même temps elle a raison, c’est les relations humain/humain qui sont compliqués, que ce soit avec des hommes ou des femmes ça ne change rien. « Tu es bien philosophe ce soir… » Je ris un peu pour la taquiner, même si elle sait que je la rejoins, en tout cas sur ce point. « Tu ne veux pas essayer de discuter avec Jazz ? Ou tu as peut-être déjà essayé ? Elle veut plus revenir sur cette soirée ? Tu voudrais qu’il se soit passé un truc avec elle cette nuit là ? » ses questions sont pertinentes, c’est pas pour rien que j’aime discuter avec elle. « On a essayé, vite fait, mais on préfère éluder le sujet, c’est plus facile. On veut pas que les choses changent, enfin on veut pas se perdre de vue quoi, on s’est toujours dit qu’on préférait de toute manière garder notre amitié intacte. Et aller plus loin ça voudrait dire tout foutre en l’air, non ? » Je la regarde et bois à mon tour avant de répondre à la dernière question posée. « Et je sais pas, non j’crois pas. Enfin c’est compliqué. Disons que s’il devait se passer un truc, je préfèrerai en garder des souvenirs, tu vois… » Je hausse un peu les épaules. Est-ce que mon aveu signifie quelque chose ? Je l’analyse en même temps qu’elle, c’est vrai que c’est bizarre. « Tu ferais quoi à ma place ? » C’est la question à deux balle. Cette question n’est jamais bien valable, mais des fois une réponse, quelle qu’elle soit, ferait du bien. Alors je tente quand même.

Pas de concurrence à prévoir entre nous, les blondes c’est pas trop le truc de Leah. Ça nous fait rire, c’est essentiel, ça rend l’échange et les confidences plus faciles. Parce qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! Mais je ne pense pas que l’on soit maudits ou complètement pas doués, c’est juste les relations humaines qui sont bien trop compliquées. Et quand j’évoque ce point de vue, Leah me trouve philosophe. « Toujours, après plusieurs orgasmes. » dis-je d’un air détaché, avant de me mettre à rire avec lui, une fois encore. Si la discussion est légère, j’ai aussi la volonté d’aider mon amant à y voir plus clair sur la situation avec sa meilleure amie, essayant de poser les bonnes questions, pour comprendre un peu mieux où ils s’en sont et peut-être créer un déclic dans les réflexions de Leah. Un regard extérieur permet parfois de prendre du recul. Ils ont vaguement parlé de leur dérapage et sont tombés d’accord sur le fait de ne rien vouloir changer, préserver leur amitié. Et pour ce qui est de son envie qu’il se soit passer un truc ou cette fameuse nuit, il préfèrerait s’en souvenir. C’est un peu flou, il a l’air plutôt perdu, pas certain de vouloir voir leur relation changée mais pourtant un peu tenté malgré tout. « T’as déjà eu envie de plus qu’être juste son ami ? » elle est là la vraie question, non ? Il me demande ce que je ferais à sa place, j’arque un sourcil « J’sais pas. Elle est jolie ta meilleure amie ? » si j’en ai déjà entendu parler je ne l’ai jamais rencontré. Bien sûr je dis ça pour faire de l’humour, je n’ai qu’une femme en tête et elle prend déjà bien assez de place comme ça ! « Je crois que déjà je m’interrogerais sur ce dont j’ai envie moi. » je bois une gorgée de martini « Même si vous étiez bourrés, vous vous êtes pas embrassés pour rien. » en tout cas c’est mon avis. « On dit que certaines choses se révèlent sous l’effet de l’alcool… C’est peut-être ce qu’il s’est passé pour vous. » je devrais m’arrêter là, je voudrais pas foutre plus le bordel que l’aider, quand même. « Enfin j’en sais rien. Je suis ni psy ni conseillère conjugale. » je lève les yeux « Ça serait sacrément paradoxal vu l’état de mes relations. » c’est compliqué avec Eden, il ne s’agit d’ailleurs même pas d’une relation, et mon ex m’a larguée alors que je pensais qu’il allait franchir le cap et me demander en mariage… Ouais, c’est pas une réussite tout ça.

Rayan évoque les nombreux orgasmes que j’ai pu lui offrir ce soir, et je me sens flatté. Je ris un peu, mais ne joue pas les grands seigneurs, ce n’est pas du tout mon style. C’est à mon tour de parler, je tente d’expliquer ma situation comme je peux, avec les mots les plus justes qui soient, même si c’est difficile. « T’as déjà eu envie de plus qu’être juste son ami ? » Les questions de Rayan sont pertinentes, peut-être même un peu trop, parce qu’elles me mettent face à moi-même, à ce que je veux réellement. Je me mets à réfléchir un peu, c’est vraiment difficile comme question. « Ça m’a déjà effleuré l’esprit oui. » Je sais que je peux être sincère avec elle, sans avoir peur d’être jugé. Je lui demande ce qu’elle ferait à ma place, et elle me demande si elle est jolie, ce qui me fait rire. « Eh, reste loin de Jazz toi, avec tes nouveaux penchants ! » Je ris, parce que je la taquine seulement. « Mais oui, elle est jolie. Très. » Est-ce qu’elle est en train de me faire mettre le doigt sur quelque chose d’évident que je ne voulais pourtant pas voir ? « Je crois que déjà je m’interrogerais sur ce dont j’ai envie moi. Même si vous étiez bourrés, vous vous êtes pas embrassés pour rien. » Elle marque un point. Je soupire un peu en l’entendant dire ça, juste parce que ses réflexions sont justes et que je prends conscience petit à petit.  « On dit que certaines choses se révèlent sous l’effet de l’alcool… C’est peut-être ce qu’il s’est passé pour vous. Enfin j’en sais rien. Je suis ni psy ni conseillère conjugale. Ça serait sacrément paradoxal vu l’état de mes relations. » Je finis par rire sur la fin et hoche la tête. « Ouais, je vois pas pourquoi je t’écoute, t’es pas plus douée que moi au final. » Toujours cette taquinerie, mais c’est bon enfant, elle le sait. « Tout ça reste quand même vachement flou, parce que même si j’avais envie d’autre chose, j’aurai trop peur que ça flingue tout ce qu’on a construit. Imagine si ça marche pas, après ce sera impossible de retrouver ce qu’on avait. » C’est la difficulté quand on commence une amitié et que les sentiments amoureux finissent par s’en mêler. Avec Jazz, j’ai longtemps cru que ce genre de chose, c’était destiné aux autres, je prêchais la bonne parole en disant à tout le monde que oui, une amitié entre un mec et une fille sans sous-entendus, ça existe. Tu parles. Je suis en train de me prendre les pieds dans le tapis. Et le pire, c’est que c’est moi qui l’ait foutu là ce putain de tapis. Nouveau soupir alors que je suis pensif, et retourne la discussion à nouveau sur Rayan. « Et toi tu voudrais quoi ? Dans un monde idéal… T’aimerais être avec elle ? »

C’est toujours plus facile d’être celle qui écoute, pose les bonnes questions, du moins j’essaie, pour aider un ami. Mais dès qu’il s’agit de faire face à ses propres soucis, les choses sont toujours plus compliquées. Prendre du recul est plus aisé en évoquant le problème qu’en ruminant silencieusement. Finalement je trouve assez facilement les questions à poser à Leah. A t’il déjà souhaiter faire de Jazz plus que sa meilleure amie ? Oui. Il y a pensé. C’est déjà une avancée qu’il l’admette. Il me demande ensuite ce que je ferais à sa place, et après un trait d’humour je lui dis tout simplement que c’est sur mes propres envies que je m’interrogerais, sans filtre. Ouais, super facile à dire et compliqué à faire, ça c’est clair ! Cependant il a déjà des éléments de réponses, apportés par une soirée où ils étaient totalement bourrés, certes, mais s’ils en sont venus à se rapprocher sous l’effet de l’alcool c’est qu’ils en avaient envie. Je ne veux pas faire de psychologie d’oreiller, ma parole n’est pas d’évangile et nous sommes clairement au même niveau pour ce qui est des prises de tête quant à nos relations sentimentales. Je ne manque pas de le souligner, je conseille mais je ne suis pas mieux. Néanmoins je comprends que Leah soit perdu, il est face à un choix et ce n’est jamais facile, surtout quand on tient à quelque chose et que l’on risque de le perdre. « Je sais pas qui l’a dit, mais “choisir c’est renoncer“. Alors oui, si tu tentes un truc avec elle tu prends le risque que ça puisse se finir, peut-être mal, et perdre votre amitié. Mais si j’ai bien compris tu la perds déjà un peu parce que le doute s’est installé. Imagine plutôt si ça marche… Vous vous connaissez tellement bien, vous êtes complices, complémentaires. Tout ce que doit être un couple, alors si l’attirance s’en mêle, ça peut aussi être tout bénéf pour vous, non ? » mais ils peuvent aussi tout perdre. Ou pas. Après tout qui dit que leur amitié ne survivrait pas à une rupture. « Je crois que tu aurais bien besoin de faire une liste de pour et de contre. » je hausse les épaules « C’est con, mais ça aide. ». Petit moment de latence, le jeune homme est perdu dans ses pensées et je sirote du martini, je ne sais même pas l’heure qu’il est, mais ça fait un peu alcoolique, non ? Retour sur ma situation, j’étais naïve de penser m’en tirer si facilement. Moi aussi j’ai le droit à ma petite séquence d’introspection et d’analyse sur ce qui me lie à Eden. « Dans un monde idéal, c’est à dire ? Parce que là y’a quand même pas mal de complications dans ma situation. » je ris un peu puis soupire « Je voudrais que ça soit plus simple déjà pour commencer. De pouvoir assumer qui je suis sans en cacher une partie que j’avais presque fini par oublier moi-même. » mais sa question n’est pas là, je la contourne parce que je ne sais pas quoi y répondre « J’en sais rien. J’ignore si c’est ce côté compliqué, un peu interdit et de challenge qui me fait m’accrocher à ce… lien que j’ai avec elle ou si c’est plus profond. » tu parles, je veux surtout pas le voir en face ouais « Maintenant que c’est terminé… Je crois que… Ouais. Peut-être que j’espérais plus. » sans totalement en avoir conscience, mais c’est souvent quand on l’a perdu qu’on s’aperçoit de la valeur de ce que l’on avait. « Tu veux savoir le pire ? » je secoue la tête « Si on ne se voit plus, c’est parce que sa fille de quatorze ans, qui était une de mes élèves avait un crush sur moi. Et elle a su qu’avec sa mère on… avait un truc. ».

Le discours de Rayan est posé, réfléchi, elle me donne des clés, peut-être même mieux que si j’allais voir un psy. C’est dingue quand on y pense. Je reste silencieux, le regard dans le vague, assimilant chacun de ses mots. Et si elle avait raison ? Si c’était tout benef pour nous, puisque l’attirance s’en mêle ? Peut-être, mais la peur reste la peur malgré tout. C’est quelque chose qu’on ne commande pas vraiment. « Ça pourrait. Comme ça pourrait ne pas l’être non plus… » Je soupire, parce que je me sens juste perdu. C’est là qu’elle me propose de faire une liste de pour et de contre, et c’est con mais ça me fait rire. « Ouais, j’vais faire ça. Enfin la dernière fois que j’ai fait ça c’était pour accepter de loger Nicola chez moi, et y’avait plus de contre que de pour, pourtant j’ai dit oui quand même alors tu vois… j’suis même pas foutu de me tenir à une liste de pour et de contre. » Je me mets à rire un peu, parce que je trouve ça con. Et en même temps, avec les mois qui sont passés, la présence de Nicky n’est plus tant un problème, en réalité ça ne l’a peut-être jamais été, excepté le fait qu’elle soit trop belle et trop lesbienne.

Je ne perds pas de temps pour remettre la lumière sur Rayan et sa relation avec cette productrice. Mes questions sont peut-être difficiles, mais si elle a les réponses en elle, ça pourrait peut-être aider. « Dans un monde idéal, c’est à dire ? Parce que là y’a quand même pas mal de complications dans ma situation. » J’avoue. « Bahh dans un monde où elle est pas ta boss j’imagine, déjà… » Je ris un peu, même si je sais pas si c’est la partie la plus difficile de la relation, en soi. Elle m’avoue qu’elle aimerait bien déjà arriver à ne plus cacher ce qu’elle a enfoui en elle toutes ces années. J’en déduis son attirance pour les femmes. Cela dit, elle ne répond pas vraiment à ma question, mais s’y attelle finalement. « J’en sais rien. J’ignore si c’est ce côté compliqué, un peu interdit et de challenge qui me fait m’accrocher à ce… lien que j’ai avec elle ou si c’est plus profond. » Elle avoue quand même qu’elle espérait plus. Je grimace un peu, parce que je trouve ça dommage, dommage pour elle, pour elles. « Tu veux savoir le pire ? » Je la regarde sans pour autant répondre par la parole, mes yeux lui en demandent déjà bien assez. « Si on ne se voit plus, c’est parce que sa fille de quatorze ans, qui était une de mes élèves avait un crush sur moi. Et elle a su qu’avec sa mère on… avait un truc. » Je ne peux me retenir de rire, pensant qu’elle se fout de ma gueule. Mais elle a pas l’air. « T’es sérieuse ? » Je lève les yeux au ciel. « Et donc elle t’a ghostée pour pas faire du mal à sa gamine ? Mais attends c’est une gosse, un crush de gamin pour un prof, on en a tous eu, moi le premier, mais c’est… » Je secoue la tête, un peu dépité, laissant un léger laps de temps avant de reprendre. « Si c’est que ça, elle reviendra vers toi. Sans doute quand sa gamine aura porté son dévolu sur quelqu’un d’autre. » Enfin, ça c’est dans un monde où ce caillou dans la chaussure est la seule chose qui empêche la productrice de revenir vers Rayan, bien sûr. Et où leurs sentiments sont partagés aussi…

Je n’ai jamais été la meilleure amie d’un homme, bien que je crois à l’amitié homme-femme. Mais si Leah et Jazz était jusqu’ici l’exemple même que cela peut fonctionner, du sable s’est mis dans l’engrenage pourtant bien huilé de leur amitié. L’attirance s’en mêle et le jeune homme a l’air perdu face à ce choix qu’il devra inévitablement faire. Prendre le risque de transformer leur amitié en relation amoureuse ou enfouir tout ça en espérant que rien ne change. Je comprends qu’il se pose des questions, mais les choses n’étant déjà plus totalement pareilles entre eux, qu’à t’il à perdre si son envie est d’être plus qu’un ami pour elle ? J’ai le beau rôle à lui donner des conseils, ce n’est pas mon histoire… Mais quand le professeur revient justement sur mes propres problèmes, j’y vois beaucoup moins clair. Un monde idéal ? C’est vague. Leah met l’accent sur une des premières difficultés entre Eden et moi, nos statuts professionnels. Je soupire avant de rire avec lui « Un monde où on est pas dans le même milieu, clairement. » et surtout pas celui-ci ou chaque faux pas est particulièrement scruté et chaque relation observée. A mon tour d’essayer de faire la lumière sur ce qui rend la situation si complexe et ce que j’aimerai, au fond. C’est tout un contexte que je tente de démêler, pour comprendre mes vraies attentes, celles que j’avais, que j’ai peut-être encore sous forme d’un infime espoir de voir les choses changer. Mais en lui expliquant ce qui s’est mis entre nous dernièrement, je me rends compte du ridicule de tout ça. Leah ne s’y trompe pas, il rit et je ne lui en veux pas. « Oui je suis sérieuse. Elle nous a presque surprise… Je suis passée à l’improviste à son bureau pour… La voir. Et sa gamine était là, mais je savais pas. C’était tellement gênant. » frustrant et blessant aussi. Je hoche la tête et prend une belle gorgée de martini que je finis par poser sur la table de nuit « Elle m’a pas ghosté à proprement parlé… Elle m’a prévenu avant. » je fais une moue « Après une nuit pour le moins mouvementée, chez elle. » je me prends la tête entre les mains « Aaah mais qu’est-ce que je peux être conne parfois. » je le regarde avec un air blasé « Faut l’être pour se mettre dans une situation pareille, on est d’accord ? » je souris, il a se don de rendre les choses plus légère, juste en étant là, en étant lui. Je comprends que Jazz s’accroche à son amitié, c’est pas le genre de truc qu’on veuille perdre, un tel sentiment de confiance. Leah conclue qu’Eden reviendra sans doute une fois que Mae sera passée à autre chose, je secoue la tête « J’en sais rien. Et je suis pas sûre de vouloir replonger. C’est les montagnes russes depuis que je l’ai rencontré. J’ai trouvé ça grisant, mais là c’est devenu plus douloureux à encaisser. Je ne veux pas que mes efforts pour me tenir loin d’elle, arrêter d’y penser soient vains. Un fois que j’aurais tourner la page ça sera trop tard. De toute façon elle a fait son choix, et c’est logique que ce soit le bien-être de sa fille. » bon déjà encore faut-il que je tourne la page, et puis elle est peut-être là la vraie connerie dans mon raisonnement, me mettre des barrières au lieu d’être patiente. Mais j’ai besoin de me protéger… J’échappe un long soupir et m’enfonce dans les draps « Je vais finir nonne. » je regarde Leah du coin de l’œil et éclate de rire « Ouais bon ok, pour le côté chaste c’est raté ! Mais je donnerais mon corps à Dieu, voilà. » tu parles ! J’ai jamais cru à ces trucs là je vais pas commencer maintenant « Je prierai pendant que toi tu files le parfait amour avec Jazz. » je lui adresse un sourire malicieux.

J’hallucine d’apprendre que la productrice s’est éloignée de Rayan à cause d’un béguin d’adolescente, même si c’est la sienne. C’est quand même gros. Soit c’est un prétexte, soit y’a autre chose en dessous. Rayan m’explique que la gamine les a surprises. Je me pince les lèvres, je ne devrais pas rire, mais la situation est un peu risible sur ce point quand même, y’a pas que les ados qui se font surprendre ? Elle me raconte que la productrice l’a prévenue après une nuit ‘mouvementée’, je n’ai pas besoin de sous-titre. Je hoche alors la tête, assimilant les informations comme je peux. Mais la jeune femme s’énerve contre elle-même et moi je grimace. « Tout le monde sait que les sentiments ça fait faire des conneries… je suis passé par là aussi. » J’essaie d’être positif, je crois que si la productrice a des sentiments pour Rayan, si elle ne fait pas semblant ou ne joue pas avec elle - ce que j’espère - elle finira par revenir. Finalement, la jeune femme m’explique qu’elle n’a pas très envie de replonger, visiblement ça a dû être difficile à vivre, je veux bien le croire, je le ressens quand elle en parle. Je ne sais pas trop quoi dire, elle a l’air d’avoir pris sa décision, pour le moment en tout cas, et puis il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Et après un léger silence, Rayan sort une belle connerie qui me fait éclater de rire. « Ouais bon ok, pour le côté chaste c’est raté ! Mais je donnerais mon corps à Dieu, voilà. » Je hoche la tête en continuant de rire. « Bah voyons. » N’importe quoi. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre. « Je prierai pendant que toi tu files le parfait amour avec Jazz. » Ow. Cette simple pensé fait battre mon coeur plus vite, je ne m’y attendais pas. « Oula. Tu vas loin là… » C’est trop flou pour moi tout ça. Je me contente de soupirer un peu, les yeux dans le vague, pensif. « Enfin bon de toute manière, le passé c’est le passé, le futur c’est le futur. Et ce qui importe c’est ici et maintenant. » Oh que je suis philosophe. « Et maintenant, je suis là avec toi. Et une bouteille de martini. » J’en bois une nouvelle gorgée et pose la bouteille sur la table de nuit avant de proposer une douche à la jeune femme, non sans arrière pensée. Autant utiliser le temps qu’on a pour terminer ce moment en beauté, puisqu’on ne sait pas de quoi demain sera fait… Enfin si, on sait au moins que j’accompagnerai Rayan à une avant-première puisqu’elle me l’a demandé et que j’ai accepté. Histoire qu’elle ne soit pas seule face à la productrice, j’imagine…