hakuna matata (karlind 1)

Je suis sur le chemin pour rejoindre la maison de Beth et Rosalind quand mon téléphone se met à sonner. J’espère que c’est pas mon voisin qui a un souci avec les chiens. Oui parce que même quand je sors pour une soirée, j’aime bien que mes bébés ne soient pas seuls, alors je file un billet à mon petit voisin de quinze ans qui vient jouer avec eux et jouer à la console, ça leur fait une présence. Mais ce n’est pas mon voisin, c’est un sms de ma petite amie qui m’annonce être retenue au boulot, elle nous rejoindra directement à la soirée où nous sommes toutes les trois invitées. Je sonne à la porte de la maison, et Rosie m’ouvre alors que je lui offre un large sourire. « Et non, Beth n’a pas oublié ses clés. Elle est retenue au boulot, j’pense qu’elle a dû t’envoyer le même message qu’à moi ! Ça va ? » Je m’approche pour la prendre dans mes bras, la fameuse accolade américaine. Ça ne dure pas longtemps, mais moi ça me fait plaisir. J’espère que j’ai pas fait une boulette pour l’histoire du message. « J’étais en chemin quand j’ai reçu son message, plus proche d’ici que de chez moi, et puis j’ai laissé mon blazer ici la dernière fois, et je voulais le mettre ce soir. » Je parle beaucoup, mais c’est tout moi ça. « T’as choisi ta tenue toi ? » Je retire ma veste en jean que je balance sur le canapé. C’est un peu ma 2ème maison ici, depuis cinq mois que je suis avec Beth, ça fait bien quatre mois que je squatte un peu chez elles quand je ne squatte pas mon appartement. Heureusement elles ont une chambre chacune, et on essaie de pas trop faire de bruit quand ça dérape et qu’on est ici. Par respect pour Rosie, on essaie toujours d’aller chez moi quand on a les hormones en folie. Quand même. Une fois plus à l’aise sans ma veste, je me tourne, tout sourire vers Rosalind et jette un oeil dans sa chambre dont la porte est grande ouverte. « T’as fait une sélection ? Je peux t’aider si tu veux ! » Toujours là pour donner un coup de main, je suis comme ça, et on se refait pas.

J'accroche mes vêtements à la corde à linge dans le jardin. J'ai passé deux bonnes heures à tout nettoyer. Je sais bien que certaines personnes me trouvent bizarre parce que je lave mon linge à la main, mais je m'en fiche bien. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent. C'est beaucoup plus écologique et ça permet de beaucoup se dépenser ! C'est bien plus efficace que n'importe quelle séance de sport. Et puis je ne comprends pas qu'on puisse utiliser des machines alors que ce n'est pas du tout nécessaire. Plus ça va, plus je me dis que les machines ont été inventées pour les gens paresseux. Enfin peu importe. J'ai à peine fini d'étendre mon linge que j'entends sonner à la porte. Je m'essuie les mains sur mon jean et je vais ouvrir. « Et non, Beth n’a pas oublié ses clés. Elle est retenue au boulot, j’pense qu’elle a dû t’envoyer le même message qu’à moi ! Ça va ? » Je souris et me décale pour la laisser entrer. J'ai bien essayé de la détester mais Karma est si gentille avec moi que c'est mission impossible. « Je n'ai pas allumé mon téléphone. » je réponds en haussant les épaules. Je dois admettre que le téléphone est plutôt utile, mais j'aime pas y rester scotchée, et pour être honnête j'ai tendance à tout bonnement l'oublier. « Mais je vais bien, et toi ? » je réponds alors qu'elle me prends dans ses bras. Comme à chaque fois ça me met très mal à l'aise. Je n'ai pas l'habitude des contacts physiques. Je la laisse entrer alors qu'elle parle d'un blazer qu'elle aurait laissé ici et qu'elle veut mettre ce soir. Il y a une fête je ne sais où et bien sûr Beth s'est donné comme mission de m'y traîner, évidemment Karma est dans la combine. Sur le coup je leur ai dit que je viendrais bien sûr, mais maintenant je n'en suis plus si certaine. « Non, je... ne sais pas trop. » je réponds quand elle me demande ce que je compte porter. Je ne suis pas du genre à faire des chichis pour les vêtements. D'ailleurs ma garde-robe est assez banale au grand damne de Beth. Dans mon placard on y retrouve généralement des tee-shirt simples, des jupes longues et des jeans; tous noirs, blanc, gris ou bleu foncé. J'ai aussi quelques blouses et quelques robes, dans les mêmes tons également. Rien de bien fabuleux. Mais ça me convient tout à fait, je n'ai pas besoin de plus. Karma se dirige vers la chambre de Beth, pour trouver sa fameuse veste j'imagine. Me rappelant que j'ai laissé ma porte ouverte, je la suis dans le couloir, pour fermer la porte. Mais Karma me prends de court. « T’as fait une sélection ? Je peux t’aider si tu veux ! » s'exclame t-elle. « Je... je crois que je ne vais pas venir en fin de compte. Tu sais... les fêtes c'est pas trop mon truc. » je réponds en haussant les épaules d'un air désolée. Je préfère largement rester ici, lire un livre en attendant que mon linge soit sec. « De toute façon je ne crois pas que ma garde-robe soit... appropriée pour aller à une fête. Alors... »

Rosie n’est pas à l’aise en ce qui concerne les codes sociaux, ça se sent. Même une simple accolade pour dire bonjour a l’air de lui coûter. Je pourrai le prendre en compte et éviter à chaque fois de lui dire bonjour de cette manière, mais c’est plus fort que moi, j’aime bien la taquiner. Et puis une accolade ne fait de mal à personne, au contraire, il a été prouvé que les câlins étaient une vraie source énergétique. « Je n'ai pas allumé mon téléphone. »Ce n’est pas étonnant, la réponse ne me choque pas, loin de là. Rosalind fait partie d’un monde un peu à part, vu de là d’où elle vient, plus rien ne m’étonne venant d’elle. Ses réactions sont parfois un peu décalée, mais c’est aussi ce qui la rend touchante. Elle me demande si je vais bien et je me contente d’un hochement de tête, accompagné d’un sourire. Quand je la vois, ça peut qu’aller bien. Elle est solaire, j’y peux rien. Guillerette comme à mon habitude, je propose à la jeune femme de l’aider à trouver comment s’habiller. Puisque de toute manière sa meilleure amie n’est pas là, je me dévoue pour lui prêter main forte. Mais elle n’a pas l’air plus emballée que ça, en même temps, elle est toujours mesurée, et je crois ne l’avoir jamais vue vraiment emballée par quelque chose, à bien y réfléchir. « Je... je crois que je ne vais pas venir en fin de compte. Tu sais... les fêtes c'est pas trop mon truc. » Je pose mon regard sur elle, un peu surprise, quoi que pas tant que ça. Se défiler quand il s’agit de s’amuser, ça lui ressemble après tout. Ce n’est pas dans les coutumes de ce qu’elle a appris quand elle était gamine, forcément. « Oh allez ! On va bien s’amuser ! » J’essaie de la motiver, mais je comprends aussi que ce ne soit pas naturel pour elle d’aller à une fête avec des gens qu’elle ne connaît même pas. « De toute façon je ne crois pas que ma garde-robe soit... appropriée pour aller à une fête. Alors... »Cette fois je ris un peu, pas pour me moquer, c’est pas mon genre. « Je suis sûre qu’on peut trouver ! Allez viens. » Je fais le tour de sa personne et me place dans son dos, posant mes mains sur ses omoplates pour la pousser doucement jusque dans sa chambre. « Alors, voyons-voir ça. » J’ouvre l’armoire, passe en revue les quelques vêtements, plus ceux qui sont sur le lit. Tout est très bien rangé, je n’aurai même pas été choquée si tout avait été trié par couleur. Méthodique. « Celui-là, je l’adore, il te va super bien ! » dis-je en sortant son pantalon blanc qui lui fait un cul à se damner. Oui alors ça je le garde pour moi, parce qu’elle pourrait partir en courant. « Avec une petite chemise fluide, nouée au niveau du ventre. Tu vas voir. » Je sors une chemise bleue claire, qui ira parfaitement à ses yeux, et la lui tends. « Tiens, essaie pour voir, je me tourne je regarde pas. » Je joins le geste à la parole et me tourne dos à elle, la sachant pudique. J’espère que je n’ai pas non plus besoin d’aller dans une autre pièce le temps qu’elle se change…

Bien sur que j'essaie de me dérober ! Je ne me sens jamais à l'aise pendant une fête. J'ai toujours l'impression d'être à l'écart. Un peu comme si je regardais la fête à travers la fenêtre. J'ai bien essayé de m'intégrer, mais je ne sais pas, ça ne me parait pas naturel. Je ne dois pas être faite pour ça, c'est tout. Pourtant, malgré toutes les raisons que j'essaie d'énumérer dans ma tête, quand Karma insiste pour que je vienne et qu'elle se met en tête de m'aider à choisir une tenue, je ne peux que céder. Elle est si gentille avec moi. Au début je craignais qu'elle ne soit qu'une énième fêtarde écervelée ou qu'elle ne m'éloigne de Beth ou qu'elle se moquerait de moi et me jugerait pour celle que je suis. Alors j'admet l'avoir rejetée en bloc au départ, même si je faisais bonne figure. Mais voilà, il s'avère que c'est moi qui l'ai jugée sans la connaître finalement. Parce que Karma est loin de tout ce que j'ai pu imaginer. Je dois bien admettre que je suis contente de l'avoir comme amie. Alors voilà, je me laisse doucement convaincre par son enthousiasme. Il faut dire que ses compliments aident beaucoup également. « Tiens, essaie pour voir, je me tourne je regarde pas. » me dit-elle finalement, joignant l'acte à la parole, alors qu'elle vient de me choisir un jean blanc et une chemise bleue. « Je suppose que je n'ai pas le choix ! » Karma n'est pas du genre à lâcher si facilement. Et puis... bon très bien, elle m'a déjà convaincue ! Après tout je ne serais pas toute seule, elle et Beth seront là, n'est-ce pas ? Alors bon, qu'est-ce que je risque après tout ? Ce n'est qu'une soirée. Alors je déboutonne mon vieux jean et je l'enlève, ne manquant pas de lancer quelques regards à Karma. Me retrouver en sous-vêtements avec quelqu'un dans la même pièce c'est... troublant. Je ne suis pas idiote, je sais bien que j'ai un joli corps. Et justement je crois que c'est ça qui me met mal à l'aise. Je crois que je préfère passer inaperçue. Roh et puis j'en sais rien. Je crois surtout que j'essaie encore et toujours de me trouver des excuses pour passer une fois de plus une soirée toute seule à la maison. Alors j'enlève mon tee-shirt. Puis j'enfile la tenue que Karma m'a préparée. « Et voilà ! » je m'exclame avec un petit sourire. J'attends qu'elle se retourne. « Comment je suis ? » je demande un faisant un petit tour sur moi-même. « Tu es sûre que ça va hein ? » Je me trouve idiote de m'en faire pour ce genre de choses. Parce qu'au fond si tout le monde ne m'aime pas, ce n'est pas grave, si personne n'aime ma tenue, ça n'a aucune importance non plus. Pourtant, ça m'affecte. Alors que ça ne devrait pas. Je m'assois sur mon lit en poussant un long soupir. « Je sais que c'est idiot de m'en faire autant pour une simple fête mais... je ne sais pas, c'est plus fort que moi. J'ai toujours l'impression de devoir jouer un rôle. Soit je suis l'hippie écolo, soit la fille bizarre et coincée. Je n'ai jamais l'impression de pouvoir être moi-même à une fête... Pardon, c'est complètement stupide, je sais. » Petit moment de faiblesse. « J'aimerais juste être une fille... normale » sauf que c'est beaucoup plus dur qu'il n'y parait.

« Je suppose que je n'ai pas le choix ! » dit-elle alors que je me tourne, et je laisse échapper un petit rire. Si, évidemment qu’elle a le choix, elle pourrait m’envoyer balader, je suis sûre qu’elle pourrait le faire si elle en avait envie. Mais au fond, il y a ce petit quelque chose en elle qui a envie de s’intégrer, d’être un peu ‘comme tout le monde’, du moins, je crois. Je me trompe peut-être remarque. Je me tourne comme promis, et même si je trépigne d’envie de me retourner avant qu’elle ne me donne le top départ, je suis respectueuse et ne cherche pas à la mettre mal à l’aise. J’ai déjà du mal à l’apprivoiser alors ce serait rebrousser chemin, et il n’en est pas question. Une fois le top départ donné, je me retourne et mon regard glisse immédiatement sur sa silhouette. Je souris, je ne peux pas faire autrement. « Comment je suis ? » « Parfaite ? » que je réponds du tac-o-tac avec un large sourire. « Tu es sûre que ça va hein ? » demande-t-elle finalement en faisant un tour dur elle même, me laissant tout le loisir d’admirer son corps en tout point parfait. Je la vois se laisser tomber sur le bord du lit. Ah merde, moi qui croyait que c’était bon, visiblement ça ne l’est pas. Je la rejoins et m’assieds près d’elle, sans la lâcher des yeux. « Je sais que c'est idiot de m'en faire autant pour une simple fête mais... je ne sais pas, c'est plus fort que moi. J'ai toujours l'impression de devoir jouer un rôle. Soit je suis l'hippie écolo, soit la fille bizarre et coincée. Je n'ai jamais l'impression de pouvoir être moi-même à une fête... Pardon, c'est complètement stupide, je sais. J'aimerais juste être une fille... normale » « Hey… » Je viens poser ma main sur son genou, sans aucune arrière pensée. C’est comme ça je suis tactile, même si je sais que ce n’est pas son cas, il y a certains gestes que je ne sais pas retenir, tant que j’estime qu’ils ne sont pas déplacés. « T’as pas à jouer un rôle, t’as le droit d’être qui tu veux. C’est peut-être plus difficile que d’être ‘normale’ comme tu dis, mais c’est à toi de décider. Et puis après tout, c’est quoi la normalité ? » Je hausse les épaules en souriant. « Tu préfèrerais être comme ces filles superficielles qui dépensent une fortune dans des fringues pour être à la mode et se pavaner en dandinant du cul ? » Je ris un peu, parce que clairement, Rosalind ne deviendra jamais ce genre de personne. « Il faut que tu te fasses confiance un peu. T’as pas besoin d’être quelqu’un d’autre pour qu’on t’apprécie tu sais. » Je garde mon regard bien ancré au sien pour espérer que mes mots aient un réel impact en elle.

Je me sens idiote à avoir toutes ces inquiétudes. Ce n’est pas vraiment à propos de mon apparence ou des vêtements que je porte ou je ne sais quoi. C’est surtout que je ne me sens pas à ma place, nulle part dans ce monde. J’ai beau être ici depuis dix ans et être plutôt bien intégrée dans la communauté, quelque part, j’ai toujours ce sentiment de ne pas appartenir au monde moderne. Je suis probablement trop attachée au passé. Je me demande bien comment Beth fait pour être aussi libérée. Même si elle est plutôt dans l’extrême inverse, parce qu’elle, elle l’est beaucoup trop. Et c’est pour ça que je suis là, que je reste ici, parce que je me dois de toujours la retenir avant qu’elle n’aille vraiment trop loin. En attendant, je ne fais que survivre ici, et forcément ce sentiment à tendance à resurgir régulièrement. Les mots de Karma me font un bien fou. Elle est si gentille avec moi ! « T’as pas besoin d’être quelqu’un d’autre pour qu’on t’apprécie tu sais. » Je crois qu’on ne m’a jamais dit quelque chose d’aussi gentil. Et je vois bien dans son regard qu’elle est sincère et c’est d’autant plus touchant. Elle sait que je ne suis pas très tactile, je sais qu’elle l’est beaucoup. Je décide donc de la prendre dans mes bras et de l’enlacer quelques instants. Je sais ça paraît peu mais pour moi ça ne l’est pas. « Merci. » je lui dit simplement avant de relâcher mon étreinte. Je finis par me redresser. « Allez, on ferait mieux d’y aller avant que je ne change encore une fois d’avis ! » je m’exclame avec un petit sourire. « Mais t’as pas intérêt à me lâcher d’une semelle ! » je lâche, plaisantant. Après tout, rire un peu avant de partir ça ne peut que me faire du bien, non ?

« Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » je lui demande, une fois arrivées à la soirée.

J’essaie d’être rassurante avec Rosie, je sens bien qu’elle est pas à l’aise avec la société dans laquelle elle évolue. En même temps, c’est un peu comme foutre quelqu’un de la campagne profonde dans une ville immense comme New York qui grouille de citadins. Elle a l’air encore aussi paumée qu’un lapin pris dans les phares d’une bagnole. Ça me fait de la peine, j’aimerai pouvoir l’aider mais je sais pas bien comment. Alors en attendant de trouver une vraie solution, je me dis que des mots et des gestes rassurants pourraient être un premier pas vers l’acceptation d’elle-même. Je ne m’y attendais pas, elle s’approche et entoure ses bras autour de moi dans une accolade naturelle. Venant d’elle, c’est vraiment inattendu, mais ça me fait plaisir. Alors à mon tour je viens l’enlacer en souriant, un petit pas en avant, c’est beau. Elle me remercie et s’éloigne, il ne fallait pas non plus que ça dure trop longtemps. « Allez, on ferait mieux d’y aller avant que je ne change encore une fois d’avis ! Mais t’as pas intérêt à me lâcher d’une semelle ! » Je me lève et me positionne droit comme un i, apportant ma main tendue à ma tempe pour un salut militaire. « Bien mademoiselle Albrecht. Je vous promets de ne vous lâcher sous aucun prétexte. » Je ris un peu et lui fais signe de me suivre pour quitter la maison. L’espace d’un instant, j’avais presque oublié que ma petite amie venait avec nous. Bref. Nous arrivons assez rapidement sur le lieu de la soirée, et voilà que Rosie s’inquiète. « Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Je pose mon regard dans le sien et lui offre un sourire bienveillant. « Déjà, on va aller se servir un verre. Et après on avise. » Je ne sais pas si elle va boire de l’alcool, pour ma part j’en bois peu, juste un verre ou deux grand maximum. Je commence léger, et lui sers le verre qu’elle me demande. « Je t’ai jamais vue danser, t’aimes ça ? » C’est vrai que généralement en soirée - quand elle vient - elle passe plus de temps à vouloir devenir invisible plutôt qu’à profiter du moment présent. Alors à moi de lui apprendre peu à peu à se lâcher tout en restant elle-même. Tout un programme.

Je suis heureuse d'avoir Karma à mes côtés. Mais je sais qu'elle se retient avec moi, je l'empêche de vraiment s'amuser et ça me fait de la peine. Je n'ai pas envie de retenir qui que ce soit de faire comme bon lui semble. Mais je sais déjà ce qu'elle me répondrait si je lui disais ça. Elle me dirait que je n'empêche rien du tout, qu'elle est contente de passer du temps avec moi, etc. Elle est si gentille avec moi. Le moins que je puisse faire c'est essayer de me lâcher un peu et de m'intégrer à la fête. Même si c'est pas tout à fait mon truc. Je vais faire un effort. « Déjà, on va aller se servir un verre. Et après on avise. » Je la suis donc jusqu'au buffet et je me décide sur un jus de fruit. L'alcool ce n'est pas trop mon genre. Ce n'est pas une question de religion ou quoi que ce soit, je ne suis juste pas particulièrement fan du goût que ça a. Je sirote donc mon verre de jus de fruit en observant les gens autour de moi. « Je t’ai jamais vue danser, t’aimes ça ? » Je manque de m'étrangler sur ma gorgée. Cette question vient un peu de nulle part. Quoi que... dans le contexte, l'endroit où nous sommes, à vrai dire, c'est plutôt une question légitime. « Ce n'est pas que j'aime pas c'est juste que... disons que je suis vraiment nulle. Je ne sais pas bouger. Du tout. » Il faut dire que grandir dans une communauté où la musique est péché, ça n'aide pas franchement. Mais c'est une fausse excuse. Beth et moi avons grandi ensemble, et elle se débrouille pas mal contrairement à moi. Je crois que c'est plus à cause de mon besoin maladif de tout contrôler. Et je sais bien qu'il faut que je me laisse un peu aller. Sauf que c'est plus facile à dire qu'à faire ! Mais je sais aussi que Karma n'abandonnera pas l'idée si facilement. « Ok, si je dois danser, il va me falloir un peu plus que du jus de fruit pour me donner du courage ! » je m'exclame en m'approchant du buffet et en prenant un verre de punch. Oui je sais que ce n'est pas réputé pour être un truc très fort mais bon... je suis un poids plume ! Je bois mon verre d'une traite avant de grimacer. « Oh wow... c'est... ouh...» Ils ont pas lésiné sur les quantités ! Ou disons plutôt qu'on dirait qu'ils ont inversé le ratio alcool / jus. Parce que là je sens les brûlures de l'alcool dans ma gorge. Et je dois reconnaître que c'est pas complètement désagréable. Enfin, je veux dire que c'en est presque risible en fait. « Ok, allons danser avant que le courage liquide ne me quitte ! » je m'exclame en souriant.

Première étape : un verre. Pas d’alcool j’imagine pour elle, je ne l’ai jamais vue toucher à une seule goutte d’alcool. Moi, c’est avec modération, j’aime pas trop perdre le contrôle de mon corps, encore moins celui de mon esprit. Je lâche une réflexion, un peu pour moi même mais elle sent le questionnement interne concernant Rosie. « Ce n'est pas que j'aime pas c'est juste que... disons que je suis vraiment nulle. Je ne sais pas bouger. Du tout. » Je laisse échapper un petit rire mignon, secouant la tête. « J’ai du mal à te croire, personne n’est totalement nulle. » Suffit juste de faire abstraction du regard des autres, mais j’ai bien compris que c’est une notion difficile pour Rosalind. Je ne peux pas la blâmer, je connais son histoire. « Ok, si je dois danser, il va me falloir un peu plus que du jus de fruit pour me donner du courage ! » J’arque un sourcil, sans rien dire, et la regarde troquer son verre de jus de fruit contre un verre de punch. Vraiment ? Toujours silencieuse, je ne l’ai pas lâchée des yeux, voilà qu’elle avale le contenu du verre, d’une traite, avant de grimacer. C’est là que je me mets à rire un peu. « Oh wow... c'est... ouh…» Je hoche la tête en souriant. « Ouais, ils l’ont bien dosé, j’aurai dû te prévenir… » En même temps, elle m’a pas vraiment laissé l’opportunité de le faire non plus. « Ok, allons danser avant que le courage liquide ne me quitte ! » J’ai l’impression de découvrir une nouvelle partie de sa personnalité, plus téméraire et aventureuse, je crois que j’adore ça. Je prends sa main, bois quelques gorgées de mon verre et le repose, puis nous allons directement vers la musique là où les gens dansent. Je commence à lui parler mais avec la musique c’est impossible de s’entendre, alors je me rapproche pour lui parler à l’oreille. « Essaie de faire abstraction des gens, fais comme si tu étais toute seule, avec moi. » Je m’écarte juste assez pour pouvoir la regarder et je lui offre un sourire bienveillant. Je me mets à danser, je suis pas non plus un as de la piste de danse, en général, j’ai plutôt tendance à faire la conne, et c’est ce que je fais, pour la faire rire, pour la détendre, et lui montrer qu’elle est pas si mauvaise danseuse qu’elle le prétend. J’aime ce moment de complicité, c’est la première fois qu’elle se laisse aller de cette manière, et j’y prends goût, peut-être même un peu trop.

Karma se penche vers moi et me dis de faire abstraction du monde extérieur, et j'essaie. Je sais que je suis un peu gauche, je le ressens, mais je crois bien que j'arrive à me lâcher un peu. J'aime à croire que c'est à cause de l'alcool que je me laisse aller sur la piste de danse, mais à vrai dire je n'en suis pas si sûre. Déjà pour la simple et bonne raison que je doute que ça fasse effet si vite. Pourtant, je préfère m'en convaincre plutôt que d'accepter la réalité. Réalité qui est bien trop horrible pour que je me l'avoue à moi-même, ou à qui que ce soit. Heureusement que je peux compter sur Karma, elle sait me rassurer et m'encourager, et puis elle n'est pas du genre à trop me pousser hors de mes retranchements. J'apprécie ça. Parce que c'est bien souvent trop rare. Alors j'essaie de me lâcher, et petit à petit, je crois bien que je suis un peu moins gauche. Même si je suis à peu près sûre d'avoir écrasé trois pieds depuis que je me suis mise à danser. Karma fait la folle, je sais qu'elle fait ça pour me faire rire, et ça marche ! Je ris, et je tente un peu de l'imiter avec des mimiques absurdes et des mouvements de bras un peu dans tous les sens, et puis je ris de plus belle. Je ris encore plus quand, sans faire exprès mon bras vient frapper dans le verre d'un gars à côté de moi. Verre qu'il laisse échapper et qui se déverse sur Karma. « Oh mon dieu, je suis vraiment désolée ! » je m'écrie en regardant tour à tour le gars et Karma, pas sûre de savoir à qui je suis censée m'excuser. « Désolée, vraiment ! Je suis... maladroite. Je t'avais prévenue, la danse c'est loin d'être mon point fort ! » je reprends la mine désolée. « Il doit bien y avoir une salle de bain quelque part, tu veux y aller, sécher ton haut ou je ne sais quoi ? » je propose alors, tentant de trouver un moyen de racheter ma maladresse même si je doute qu'elle m'en veuille vraiment.

J’essaie d’aider un peu Rosalind à se défaire du regard des autres. Ça a pas l’air simple dans sa tête, en même temps quand on voit dans quel environnement elle a grandit, c’est pas si étonnant. Mais elle est encore jeune, et je pense qu’elle a largement de quoi changer sa manière de penser pour être plus heureuse et épanouie. Tout est une question de chemin. Et je veux bien essayer de l’aider si elle me laisse le faire, je ne la forcerai à rien. Mais c’est sûr que quand je vois ma petite amie, savoir qu’elles ont grandit dans le même environnement, ça semble fou. Elles sont si différentes. Je souris de voir qu’elle se détend un peu, commence à danser. Je ne la regarde pas vraiment faire, je n’analyse pas, ne juge pas. J’espère simplement qu’elle ne se force pas, et à en voir son sourire, je ne crois pas. Elle éclate de rire lorsqu’elle renverse le verre d’un mec dans un mouvement un peu décousu, et j’en fais de même, même si le contenu du verre est arrivé sur moi. Je m’en fous, c’est que des fringues. « Oh mon dieu, je suis vraiment désolée ! » s’écrie-t-elle visiblement un peu en panique pour moi. Et peut-être un peu pour lui aussi. « Désolée, vraiment ! Je suis... maladroite. Je t'avais prévenue, la danse c'est loin d'être mon point fort ! Il doit bien y avoir une salle de bain quelque part, tu veux y aller, sécher ton haut ou je ne sais quoi ? » Je continue de rire un peu et secoue la tête. « Arrête de t’excuser, c’est des choses qui arrivent ! Et lui il a pas payé son verre il peut aller en chercher un autre. » Je soulève mon t-shirt pour le rapprocher de mon nez, et… putain ça pue la bière. Je grimace un peu et poursuis. « Ouais, je vais essayer de nettoyer ça, tu viens avec moi ? » Je lui laisse qu’à moitié le choix, enfin même si je lui en voudrai pas qu’elle me laisse y aller seule. Nous nous dirigeons vers la salle de bain de la grande maison, une des salles de bain, et je nous y enferme sans tarder. « Je vais essayer de le rincer. » Je le retire sans réfléchir au fait que ça pourrait la mettre mal à l’aise, et passe la tâche sous l’eau. Bon au moins la tâche est partie. Mais si je remets ça trempé, je vais choper la mort. « T’aurais pas mis un truc sous ta chemise par hasard ? Un t-shirt j’veux dire… » Au cas où, si elle peut me dépanner ?

Je me confond en excuses, bien évidemment. Faut dire que je me sens un peu idiote sur le coup, même si je remarque bien que visiblement ça n'a pas l'air de déranger qui que ce soit. Karma ne se fait d'ailleurs pas prier pour me dire que je n'ai pas à m'excuser avant de finalement m'entraîner vers une salle de bain pour se nettoyer. Elle me pose la question mais à vrai dire elle me laisse pas vraiment d'autre choix que de la suivre, et de toute façon je l'aurais suivie quand même. « Je vais essayer de le rincer. » lance t-elle juste après avoir fermé la porte. « J'espère que tu va pouvoir enlever cette odeur de bière surtout ! » je réplique en riant, affichant tout de même une petite moue désolée. La seconde d'après elle se retrouve sans son haut. Evidemment. C'est plus logique de l'enlever si elle veut le laver. Je sais bien qu'elle est loin d'être prude et pas pudique pour un sou, contrairement à moi s'entends. Mais j'essaie de rester impassible, comme si tout était normal. Parce qu'après tout on est amies, et on devrait pouvoir être capables de s'habiller dans la même pièce. Au lycée, pour les cours de sport, les filles se changent toutes dans un vestiaire, alors je sais bien que je ne devrais pas être si... coincée. Je fais donc comme si de rien n'était, même si je reconnais que ça me gêne quand même un peu. Mais il suffit simplement que je m'y habitue. En attendant, je me contenterais de ne pas y prêter attention ou de regarder ailleurs. C'est la voix de Karma qui me pousse à tourner mon regard vers elle. « T’aurais pas mis un truc sous ta chemise par hasard ? Un t-shirt j’veux dire… » demande t-elle alors que son tee-shirt - relativement propre - dégouline. Je n'en rate vraiment pas une ! « Par chance, je met toujours quelque chose sous mes chemises ! » je m'exclame en souriant. Je déboutonne alors ma chemise, laissant apparaître petit à petit un débardeur blanc, un peu trop moulant à mon goût. D'où le fait que je le cache sous une chemise. « Tiens prends-la, » je lui dis en lui tendant ma chemise bleue, « c'est le moins que je puisse faire après t'avoir aspergée de bière ! » je m'exclame, en tirant mécaniquement sur mon débardeur, comme si ça allait le détendre et l’agrandir comme par magie. Me voilà tout de blanc vêtue. Dis comme ça, c'est assez... dérangeant à vrai dire. Mine de rien, je me dis qu'avoir mis des vêtements blancs n'était peut-être pas une si bonne idée que ça finalement. « J'ai l'air d'un fantôme... » je lâche subitement en m'observant dans le miroir, rajoutant tout de même un petit rire à la fin de ma phrase. Au fond, peu importe. Même si, plus ça va, plus je me soucie de mon image, j'ai l'impression. Après tout je fais semblant avec tout le monde, je me fais passer pour quelqu'un que je ne suis pas, et parfois même moi je crois à mes mensonges. Puis il y a aussi le fait que plus ça va, plus je fais attention aux vêtements que je porte, je m'inquiète de savoir s'ils vont être adaptés mais également s'ils vont plaire. Je crois qu'au fond ce monde m'impacte bien plus que je ne le pense, ou que quiconque ne peut le penser. Ou peut-être est-ce le verre de punch qui me fait penser n'importe quoi. « Mmh ? Désolée, j'étais... dans mes pensées, pardon. » dis-je alors, revenant finalement à la réalité.

« J'espère que tu va pouvoir enlever cette odeur de bière surtout ! » « Je pue tant que ça ?! » que je lui demande en me retournant, large sourire aux lèvres. Je la taquine, bien sûr, mais je trouve ça amusant, tant que je ne la sens pas mal à l’aise, ça va. Je ne veux surtout pas aller trop loin et qu’elle finisse par me détester. Une fois enfermées toutes les deux dans la salle de bain, je commence à rincer mon t-shirt - non sans l’avoir retiré - et hésite quand même à le remettre. Je demande au cas où à Rosie si elle a quelque chose à me prêter. « Par chance, je met toujours quelque chose sous mes chemises ! » Bingo ! Je la regarde la retirer, bien sûr je peux pas m’empêcher de buguer complet parce qu’on se le dise, elle est juste magnifique. « Tiens prends-la, c'est le moins que je puisse faire après t'avoir aspergée de bière ! » « Merci beaucoup. » J’enfile ladite chemise et repose mon regard sur la jeune femme qui dit avoir l’air d’un fantôme. « Oh. Non. Moi j’aurai dit plutôt un ange. » C’est vrai, habillée tout en blanc comme ça, sa crinière blonde qui dégringole en cascade sur ses épaules, on dirait juste un ange. C’est même pas permis d’être aussi jolie. Elle part dans ses pensées et revient finalement à la réalité en s’excusant. « C’est pas grave, mais j’me demandais, tu veux pas échanger plutôt ? Je vois bien que t’es pas super à l’aise avec un truc trop moulant, moi ça me dérange pas. File-moi plutôt ton débardeur et tu remets la chemise à la place ? » Je hausse un peu les épaules, parce que moi ça m’est égal, je veux juste pas rester à poil, et pas remettre ce truc trempé. D’ailleurs, je le pose direct sur le chauffe serviette, avec un peu de chance d’ici à ce que je reparte, si on me l’a pas piqué, il sera sec. Heureusement j’y tenais pas vraiment. Je repose alors mon regard sur la blonde, attendant sa réponse pour savoir si je dois boutonner cette chemise ou si elle préfère la mettre elle. « J’veux juste que tu sois le plus à l’aise possible, c’est comme tu le sens ! » Toujours cette envie qu’elle se sente bien, simplement bien.

« Un ange ? C'est trop d'honneur ! » je m'exclame en laissant échapper un petit sourire. Mais c'est vrai qu'un ange c'est toujours mieux qu'un fantôme ! Mais l'apparence ne devrait pourtant pas m'importer tant que ça. Enfin, je ne sais pas si ce sont les apparences ou le regard des autres, ou autre chose qui me serait encore inconnu à vrai dire. En même temps, tant de choses me sont inconnues ! Je suis ici depuis dix ans et j'ai toujours l'impression de ne pas appartenir à ce monde, mais c'est bien parce que je ne m'implique pas vraiment. Je n'essaye même pas. Je reste trop attachée à mon passé, à mes racines. Karma me sors de mes pensées quand elle suggère qu'on fasse un échange. « A vrai dire, ce n'est pas une mauvaise idée... » je commente, toujours à moitié perdue dans mes pensées. « Tu es vraiment adorable avec moi ! Toujours à te soucier de comment je me sens... » je réponds avec un petit sourire, et un petit fond de culpabilité. Parce que je ne suis pas à l'aise, parce que je ne m'en donne pas les moyens. Je pourrais être un peu plus libérée si je le voulais vraiment, mais ce n'est pas ce que je veux. Enfin je ne sais pas trop. Je ne sais pas ce que je veux. Un peu gênée, je retire le débardeur blanc pour le lui donner. Je ne prends même pas la peine de me retourner ou quoi que ce soit. Après tout, Karma s'est bien changée devant moi, je peux bien faire la même chose. C'est bête mais je me dis que me libérer peut commencer par là, par de petits pas. Puis j'enfile la chemise qu'elle me tends et je la boutonne. « Je crois que je ne serais jamais faite pour ce monde... » je lâche finalement. C'est sortit tout seul, je n'ai pas pu empêcher les mots de s'échapper, mais je suppose que ça veut dire qu'ils viennent du coeur ? « Je crois que je ne serais jamais faite pour ce monde, et peut-être que je n'en ai pas envie ? » je reprends alors. « Après tout, si j'ai quitté la communauté c'était pour Beth, pour ne pas la laisser seule, pour l'aider et la protéger, la surveiller quand elle va un peu trop loin. Et c'est ce que j'ai fait ces dix dernières années. » je reprends alors, incapable d'arrêter les mots de s'échapper encore et encore. « La vérité c'est que je n'ai jamais voulu quitter la communauté, j'y étais bien, j'y étais à ma place, et je m'y accroche encore et toujours. Alors je ne me sens pas à ma place, je suis mal à l'aise en permanence, et je dis que j'ai beau essayer je n'y arrive pas, mais je crois qu'en réalité je n'essaie pas vraiment. Parce que si je pouvais, je crois que j'y retournerais là-bas. » je lâche finalement. Je suis presque choquée que ces mots soient sortis de ma bouche. Je ne sais même pas pourquoi là, maintenant, tout ça devait sortir. Je n'en ai aucune idée. Une envie, un besoin de me confier, je suppose. Mais pourquoi maintenant ? Aucune idée. Et voilà que maintenant j'appréhende sa réaction. « Désolée, je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça ! Je... » je crois que je suis sous le choc de mes révélations. « Surtout ne dis rien à Beth ! Elle ne doit pas savoir ! » je m'exclame alors subitement. Beth fait un rejet complet de tout ce qui touche à la communauté, si elle savait... à vrai dire j'ignore ce qu'elle ferait ou dirait mais je suis certaine que ce ne serait pas bon.

« Un ange ? C'est trop d'honneur ! » Je hausse un peu les épaules. Pour moi c’est pas trop, c’est juste la vérité. On dirait un ange, dehors et dedans. Mais je ne vais pas appuyer sur ce que je pense, ça risquerait de la mettre mal à l’aise et je n’ai pas envie que ce soit le cas. Je lui propose d’échanger la chemise contre le débardeur, et ça a l’air de la rassurer, elle me remercie même du fait que je me soucie de la manière dont elle se sent. Je hausse un peu les épaules en souriant. « J’ai pas envie que tu sois mal à l’aise, c’est pas le but. » C’est désagréable de l’être, je le sais, alors autant faire en sorte que ça ne lui arrive pas. Voilà qu’elle se déshabille, se retrouvant juste en soutien-gorge face à moi et je bloque un peu, avant de baisser les yeux, encore une fois dans le but de ne pas la mettre mal à l’aise. Echange fait, nous nous couvrons à nouveau, et voilà que Rosie se met à se confier à moi. Je reste attentive à tout ce qu’elle me dit, touchée par ses mots, touchée surtout qu’elle se livre à moi de cette manière, sans même que je n’ai eu besoin de poser une quelconque question. Elle m’explique que tout ça elle l’a fait pour Beth, mais au final, aujourd’hui, elle préfèrerait retourner dans sa communauté. C’est tout ce qu’elle a toujours connu, là où elle a grandit, je pense que ça se comprend, même si leurs pratiques me dépassent un peu. De mon point de vue ils manquent clairement de libertés. « Désolée, je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça ! Je... » Je secoue un peu la tête et m’approche d’elle, posant ma main sur son bras avec bienveillance. « Surtout ne dis rien à Beth ! Elle ne doit pas savoir ! » Je secoue à nouveau la tête. « T’en fais pas je lui dirai rien, c’est promis ça reste entre nous, tu peux me faire confiance. » Je lui offre un sourire visant à la rassurer. « Je pense qu’il faut peut-être juste que tu trouves quelqu’un qui t’aide à trouver tes marques. Beth et toi vous êtes des opposées, vous avez pas les même idées, pas les mêmes besoins… Etre à son contact j’ai l’impression que ça te pousse à vouloir t’intégrer mais pas de la bonne manière. » Je n’ai jamais vraiment compris leur relation, elles sont si différentes. Je hausse cette fois les épaules et romps le contact entre ma main et son bras. « Tu veux rentrer ? »