when words fail, music speaks. (devana)

C’est toujours avec autant d’excitation que d’appréhension que j’attends les cours avec Devon. C’est une élève assidue, et plus que ça, elle a un réel don en ce qui concerne le violon. J’ai parfois l’impression de me voir lorsque j’étais plus jeune, sauf que Devon est plus sombre, brisée par le cours de cette vie qui n’a pas été tendre avec elle. Ce côté écorché me touche tout particulièrement, non seulement parce que nos chemins sont liés même si elle n’est pas au courant, et que je me sens responsable de ce tragique destin dont elle est victime. Les choses deviennent sensiblement depuis quelques semaines, je ne saurai trop dire pourquoi, comment. Je ne cherche pas à mettre des mots sur cette relation particulière, ce lien puissant via la musique, le violon. C’est au dessus de tout ce qu’on est capable de nommer. Ce soir, je suis épuisée par une journée éprouvante, une dispute violente avec mon ex compagne - et j’espère bientôt ex femme - et je crois que j’ai grand besoin de souffler. Les cours avec Devon sont une sort d’échappatoire, parce que sans aucun mot, il n’y a que la musique pour nous guider. Lorsqu’elle arrive, je la laisse s’installer, les silences sont loin d’être désagréables. Au début j’essayas de meubler en parlant pour deux, aujourd’hui les choses sont bien différentes et je ne ressens plus ce besoin. Nos regards et nos sourires se suffisent. Je ramène son verre d’eau avec des glaçons, comme une routine bien rôdée, et retrouve dans un dossier les dernières partitions que nous avons travaillées ensemble pendant le dernier cours, avant de les poser sur le pupitre sous les deux de la jeune femme. Elle s’apprête à sortir son violon lorsque je la coupe. « N’oublie pas d’échauffer tes doigts Devon. » C’est quelque chose qu’elle oublie assez régulièrement. Elle l’a peut-être déjà fait, mais c’est important pour moi de le faire chaque fois que nous nous apprêtons à jouer. Ils sont la 2ème partie de notre instrument et il faut les choyer. Je passe dans son dos le temps qu’elle fasse ses exercices qui ne durent que quelques minutes, et place mes mains sur ses omoplates, appuyant délicatement avec mes pouces pour l’inciter à se redresser. « Si tu laisses ton dos s’affaisser, tu ne pourras pas respirer correctement, et tu seras vite essoufflée, pense à faire un exercice de respiration en même temps que tu échauffes tes doigts, de temps en temps. » Une fois son dos plus droit, je laisse glisser ma main dans le creux de son dos avant de m’éloigner, et je vais chercher à mon tour mon violon. « On y va quand tu es prête. »

on est bien plus souvent trois. miss taylor, jane et moi. trois pour les cours, pour jouer du violon et profiter de la musique. et puis il y a des fois où les cours sont plus intimes. juste miss taylor et moi. c’est bizarre. enfin non, justement, c’est pas bizarre. parce que tout semble naturel, comme si c’était normal et logique d’être là. surtout lorsqu’on a la musique en commun. je suis toujours impatiente de jouer avec elle et d’apprendre de nouvelles choses. d’évoluer, d’apprendre, de me perfectionner. et j’ai hâte de jouer, de prendre mon violon et de commencer le cours. ” n’oublie pas d’échauffer tes doigts devon. “ je relève les yeux et soupire doucement. oui, mes doigts. beaucoup trop pressée comme d’habitude. alors je repose le violon et commence les exercices sans rechigner. du moins j’essaye. elle bouge et se place derrière moi, pose ses mains sur mon dos pour me redresser. ” si tu laisses ton dos s’affaisser, tu ne pourras pas respirer correctement, et tu seras vite essoufflée, pense à faire un exercice de respiration en même temps que tu échauffes tes doigts, de temps en temps. “ je me redresse et fais ce qu’elle me dit. ses conseils sont de toute façon bons à prendre parce qu’après tout, c’est elle ma prof. et moi, je dois l’écouter. sinon à quoi bon être là. je hoche la tête pour lui dire que j’ai compris et surtout pour dissiper la gêne que j’ai ressenti lorsqu’elle a laissé glisser ses mains dans mon dos. gêne mais pas désagréable. j’aurai préféré qu’elle reste encore un peu. même si le moment des échauffements est terminé. ” on y va quand tu es prête. “ et parce ce qu’aucun mot ne sortira de ma bouche comme d’habitude, je hoche à nouveau la tête et prends mon violon. j’attends qu’elle donne le départ et me mets à jouer avec elle. tout est si fluide et si harmonieux. c’est comme si on jouait sur le même instrument. et le temps semble s’arrêter. je sais qu’on ne joue que depuis quelques minutes étant donné que la partition n’est pas bien longue, mais ça pourrait être des heures. le morceau qu’on devait jouer fini, je la regarde avec aplomb pour lui demander de recommencer. je redresse l’instrument et d’un coup de tête lui montre que je vais jouer, qu’elle le fasse ou non. avant de sourire tout de même. et on recommence à nouveau. les notes s’enchaînent, les archers s’emballent. lorsque je joue j’ai l’impression qu’au bout d’un moment je ne contrôle plus rien. mes doigts ne font qu’un. et lorsqu’on arrive à la fin, je dépose mon violon dans son étui le temps de m’étirer. j’ai le sourire aux lèvres, comme à chaque fois qu’on joue ensemble. cette connexion est folle, je n’ai jamais ressenti ça avant de la rencontrer. je ne comprends pas comment c’est possible mais ça l’est. c’est juste comme ça. alors je continue de sourire peut être un peu bêtement d’ailleurs.

Je suis professionnelle, je me dois de l’être. Je n’avais jamais donné de cours avant l’accident, avant de rencontrer Devon et Jane. Et puis c’est la seule chose qui me soit venue à l’esprit, pour retirer un peu de ma culpabilité. Juste un peu. Alors je me suis renseignée, j’ai cherché, j’ai même été jusqu’à me faire passer pour une ‘débutante’ pour prendre quelques cours et voir comment ça se passait. Parce que le conservatoire, ça remonte à loin quand même. Et puis je me suis laissée, guider, à l’instinct, je me suis adapté à elles, et ça a été particulièrement difficile au début avec Devon, pour arriver à nous comprendre. Mais tout a été vite, finalement, nos regards ont suffit, et la musique a fait le reste du travail. C’est d’elle dont je me sens la plus proche des deux, sans vraiment comprendre pourquoi, sans doute parce qu’elle est plus introvertie d’une certaine manière, plus mystérieuse aussi. Les cours avec Devon sont devenus un vrai plaisir, et comme toujours, les notes de nos violons qui s’accordent se suffisent à eux même. Après quelques échauffements, nous pouvons débuter, et je me greffe à elle sur la partition que je connais par coeur. Une fois la première lecture terminée, Devon semble vouloir repartir, et je la suis sans un mot. Le cours passe à une vitesse folle, je n’ai presque rien à corriger, elle est vraiment douée. Lorsqu’elle pose son archer, je ne peux m’empêcher de sourire en voyant le sien. Je crois que mon travail fonctionne plutôt pas mal, si elle sourit. C’est une petite victoire. « Je peux regarder quelque chose ? J’ai remarqué tout à l’heure que ta position était un peu différente de d’habitude. » A nouveau je me place dans son dos et glisse mes doigts cette fois au niveau de sa nuque. Je n’ai pas de notions de kiné, mais j’ai vu assez de professionnels dans ma carrière pour savoir qu’aucune position n’est due au hasard. Je la sens particulièrement tendue sous mes doigts. J’esquisse un sourire et approche mes lèvres de son oreille pour lui demander. « C’est moi qui te tends comme ça ou c’était déjà là avant ? » Je ris, très légèrement, et ajoute avec un peu plus de sérieux. « Je vais te donner le numéro de ma chiropraticienne pour qu’elle vérifie tout ça, ce serait bête de te blesser. Tu l’appelleras de ma part, tu n’auras rien à payer. »

ils sont peu nombreux les gens qui me voient sourire de la sorte. bien sur je le fais tous les jours, au salon ou autre. mais ce sont plus des sourires de façade, de politesse qu'autre chose. là c'est un sourire qui signifie que je suis bien. que je suis heureuse. que je n'oublie pas mon passé ni tout ce qui m'est arrivé mais juste que à ce moment là, je n'ai pas de regret, pas de remord, je vis dans le moment présent. ça n'arrive pas bien souvent non mais lorsque ça arrive, ça fait du bien. on termine de jouer, surement la fin de la séance d'ailleurs. je perds la notion du temps lorsque je joue de toute façon. c'est souvent l'une des raisons qui fait que je me retrouve sans manger parfois. "  je peux regarder quelque chose ? j’ai remarqué tout à l’heure que ta position était un peu différente de d’habitude. " je hoche la tête et elle se glisse derrière moi. sa main se pose dans ma nuque ce qui m'arrache un premier frisson. elle exerce une petite pression ce qui me chatouille légèrement. je me retiens de rire mais y'a quand même un gloussement qui s'échappe. " c’est moi qui te tends comme ça ou c’était déjà là avant ? " sa voix flirte avec mon oreille et les frissons reprennent. je tourne mon bras pour venir lui toucher le sien, lui indiquant donc que c'est de sa faute tout ça. " je vais te donner le numéro de ma chiropraticienne pour qu’elle vérifie tout ça, ce serait bête de te blesser. tu l’appelleras de ma part, tu n’auras rien à payer. " je hoche la tête doucement avant de me tourner pour lui faire face. je porte ma main à mon menton et lui signe un "merci" silencieux. mot que j'ai appris à force de travailler avec leah. faut bien que ça me soit utile. même si mon regard en dit surement plus que ce geste. au moins je pratique. le soucis c'est qu'il faut qu'en face la personne parle la langue des signes sinon c'est compliqué. pour ce genre de mot ça va mais pour tenir une autre conversation c'est plus compliqué. alors j'attrape mon téléphone et tape les mots dessus pour qu'elle puisse comprendre le fond de ma pensée. " vous ne pouvez pas le faire vous ? si vous êtes une habituée. " je souris en lui tendant le téléphone, juste pour m'amuser, je sais que ce genre de choses doivent être faites par un professionnel mais j'avoue que ses mains sur mon corps sont loin de me déplaire.

J’adore son sourire. Il m’a fallu du temps avant de pouvoir y avoir droit. Je le sens sincère, et même si elle ne prononce pas un mot, on arrive toujours à se comprendre. Je sens une certaine tension, je ne résiste pas à la tentation de lui demander si c’est de ma faute ou s’il y a autre chose. Sa main glisse alors sur mon bras et je crois comprendre sa réponse. Je n’y suis pas pour rien. Un léger sourire étire le coin de mes lèvres, mais je ne fais rien de ce simple geste. Devon est mon élève, je dois rester à ma place, si seulement il n’y avait pas ce petit quelque chose de différent, d’attirant aussi… Je tente de prendre un peu de distance, lui proposant le numéro de téléphone d’un professionnel qui pourra la soulager. La jeune musicienne hoche la tête et me fait un signe en langue des signes que je connais parce qu’il est le plus connu. Il peut vouloir dire merci ou bonjour, dans ce cas puisqu’elle articule le mot, il s’agit d’un remerciement. Je lui offre un sourire bienveillant en guise de réponse. J’ignore si elle tente de me dire quelque chose de par son regard, j’ai quelques fois l’impression de lire des choses que je voudrais lire, sans que ça ne soit ce qu’elle veuille dire. La voilà qui prend alors son téléphone pour pianoter avant de me montrer les mots écrits sur l’écran de son téléphone. « vous ne pouvez pas le faire vous ? si vous êtes une habituée. » Je ne peux me retenir de rire un peu. « C’est un travail en profondeur, que seuls les professionnels peuvent vraiment faire. Mais je peux essayer de te détendre un peu, si tu veux. » J’attrape sa main et l’attire à ma suite pour faire quelques pas et je l’invite à s’asseoir sur le canapé. « Tu peux retirer ton pull ? » Elle s’exécute et je prends place derrière elle, posant finalement mes mains sur son dos, par dessus le t-shirt évidemment. « Essaie de fermer les yeux et concentre toi sur mes mains, et sur ta respiration, ne pense à rien d’autre, détends toi. » Mes mains font des aller-retour le long de sa colonne vertébrale, je remonte dans sa nuque, masse sa peau, m’étends un peu sur ses bras parce que ça a le pouvoir de vraiment détendre le corps. « Comment tu te sens ? » J’ignore pourquoi ma voix est aussi sensuelle, ça ne devrait pas, mais je ne contrôle rien…