Paternité surprise (Reagson)

Le téléphone de Grayson se met à vibrer sur la table, alors que ses pensées bourdonnent, dans une effervescence qu’il est incapable de s’expliquer et encore plus incapable de faire taire. Qu’est-ce que la vie peut être bordélique, parfois ! Du coin de l’oeil, il surveille ses doigts alors qu’ils viennent raccrocher ; presque immédiatement, un message apparaît. Et merde. « Ecoute, Reagan, je suis vraiment, vraiment désolé, mais ça fait beaucoup à avaler pour l’instant, tu vois ? Et j’ai un imprévu vraiment pas prévu du tout. » Le coup de fil qui sauve la vie ; un coup classique. Pour peu, s’ils avaient été en voiture, Sonny aurait joué la carte de la panne. Peut-être que s’il partait, là maintenant, ça lui permettrait de marcher un peu, d’organiser ses idées, de mieux déchiffrer tout ça, et peut-être même de comprendre pourquoi il tenait tant à assouvir cette curiosité, celle qui menait tout droit son chemin de vie vers celui de la petite. « Comme tu l’as si bien dit, j’ai ton numéro. Passez un coup, la semaine prochaine. Je préparerais un goûter sympa. » Il réfléchit dans un coin de sa tête ; qu’est-ce qu’une enfant -de quel âge, déjà ? Six ? Sept ans ?- aimait avoir pour le quatre heures ; quel traiteur accepterait de lui livrer l’objet de la gourmandise ; quelle pièce il allait falloir préparer, ranger, sitôt qu’il serait rentré ? A peine trentenaire, et déjà assailli d’activités de père ; il détestait ce mot, il n’arrivait pas à s’y faire, ça ne collait pas au reste dans sa tête.

Il se leva précipitamment, jetant un billet de cinquante dollars sur la table. Grayson se pencha vers Reagan, lui murmura un remerciement faible, fit claquer une bise sur sa joue, puis partit, aussi vite qu’il était arrivé.