ton regard, infernal et divin. (lilith)

quelques jours à peine depuis mon arrivée en ville et me voilà déjà habituée d’un bar. enfin c’est plus un terrain de chasse qu’autre chose mais c’est loin de me déranger. le patron est sympa et les barmans font des cocktails pas trop dégueux. puis il y a surtout quelque chose de très utile. des filles disponibles. et qui ne cherchent pas à s’engager. c’est tout ce que je souhaite. prendre du bon temps et m’amuser. assise au bar je sirote mon whisky coca en observant la salle de jeu de ce soir. y’a une blonde plutôt mignonne qui joue au billard. c’est pas trop ma came habituellement, je préfère les latines mais il faut que je change mes habitudes. nouvelle ville, nouveau départ. je souris à la créature et lève mon verre pour trinquer silencieusement avec elle. très certainement une hétéro cherchant à faire des expériences mais qui suis-je pour juger. puis je me porte volontaire si c’est ça. je sais je sais, j’ai un côté chevalier servant. on ne se refait pas. quoiqu’il en soit je cherche à déterminer le bon moment pour m’approcher de la créature lorsque j’entends que ça s’agite à côté de moi. le barman qui parle un peu trop fort et mes oreilles indiscrètes qui trainent. surtout lorsqu’on mentionne le mot mineur. et visiblement il semble penser que la brune en face de lui, lui demandant à boire, est mineure. très certainement une déformation professionnelle mais il est évident que je m’approche discrètement. il lui demande sa carte d’identité une fois, deux fois, trois fois. elle ne semble pas l’avoir. mais à l’y regarder de plus près, elle ne semble pas si jeune que ça. elle a un côté enfantin mais y’a un truc en plus. c’est étrange. ” vous avez quel âge mademoiselle ? “ je la regarde, les yeux dans les yeux histoire d’y déceler toute trace de mensonge.

« Carte d’identité. » L’ordre tombe, implacable, et je fronce les sourcils de mécontentement. Depuis quand est-ce que j’ai l’air d’être mineure ? Depuis quand j’ai l’air d’être une gamine qui veut s’enivrer illégalement en soirée ? Je lève les yeux au ciel, redresse le menton comme une gamine piquée au vif dans sa fierté mal placée. « Je suis majeure, je vous signale, je rétorque avec acidité, le nez froncé. » Mais le barman n’en démord pas et continue de me répéter qu’il ne peut pas servir les mineurs dans son bar. Il continue de demander ma carte d’identité que je refuse toujours de lui présenter. Je commence à m’énerver, la voix un peu plus rude et forte, surtout quand je me rends compte que je n’ai pas mes papiers sur moi. Avant de sortir, j’avais préféré changer de sac pour prendre une petite pochette mais mes papiers d’identité était resté dans mon autre sac à mains.

Agacée par toute cette situation, je grogne lorsque je vois le sourcil haussé de l’homme derrière son bar et manque de lui tirer puérilement la langue. Avec un comportement pareil, il est vrai que mon âge était remis en question. Alors quand une voix inconnue se permet de poser la question, interrompant tout le reste, je me tourne brusquement vers la femme à mes côtés et darde sur elle un regard meurtrier. « Si on te demande, tu diras que tu sais pas ! j’aboie, malpolie et grinçante. De quoi tu te mêles, de toute façon ? » Je déteste sa façon de prendre part à une conversation qui n’est pas la sienne. Je déteste sa façon de me regarder dans le blanc des yeux comme si elle tentait d’y déceler une vérité quelque part au fond de mon âme. Moi, j’étais juste là pour boire. Boire et oublier. Boire et ne plus me souvenir de toutes mes erreurs, de toutes les merdes dégueulasses que j’avais pu faire dans ma vie. « Quoi ? Tu veux ma photo peut-être ? » Alors pourquoi est-ce que c’était si compliqué ? Pourquoi est-ce que, ce soir tout particulièrement, le monde semblait décidé à m’emmerder ?

elle est hargneuse. c’est le terme parfait. et je dois avouer que j’adore ça. ça rajoute un peu de challenge à une simple discussion basique. ça rend le tout plus intéressant. et ça m’amuse un peu aussi. voir même beaucoup. ” si on te demande, tu diras que tu sais pas ! de quoi tu te mêles, de toute façon ? “ j’éclate de rire, littéralement. elle a des réactions d’adolescente mais pour autant, je sens bien qu’elle n’a pas peur. qu’elle est sur d’elle au sujet de son âge. et que clairement elle n’appréhende pas que je lui demande de me confirmer ou non ses dires. de me les prouver. non, elle ne veut juste pas que je lui parle. mais c’est mal me connaître ça. donc je continue, je l’observe, je ne la lâche pas des yeux. elle est magnifique sous ses airs de caïd des bacs à sable. ” quoi ? tu veux ma photo peut-être ? “ je m’accoude sur le bar et pose ma tête dans la paume de ma main. ” oh ça ne me dérangerait pas. si tu arrêtes de tirer la gueule par contre. je suis certaine que tu es bien plus jolie quand tu souris. “ s’il faut que je l’ai à l’usure alors soit. ” et pour info, en règle générale je m’occupe des mineurs qui transgressent les règles. j’ai pas envie de foutre une mauvaise ambiance, je veux juste m’assurer que tout aille bien. “ je me suis rapprochée d’elle pour lui confier ces quelques mots. comme une confidence juste entre nous deux. si ça peut la dérider un peu je suis prête à tout. je ne veux pas non plus l’effrayer à lui balancer que je suis flic comme ça. généralement ça plait pas des masses. ça intrigue parfois, j’espère que ce sera le cas pour elle. qu’on continue un peu cette discussion.

J’étais juste venue pour passer un bon moment avec moi-même. J’étais juste venue me libérer de tous ces sentiments qui me frustraient et que je ne parvenais pas à contrôler. Mais d’abord le barman semble enclin à m’asticoter sur mon âge alors que ça n’avait jamais été un problème avant ce soir ; puis il y a cette inconnue qui m’aborde, joue de son sourire charmeur et amusé pour une raison qui m’échappe. Et je ne supporte pas ça. Un autre soir que ce soir, peut-être aurais-je pu rire de son audace et me laisser entraîner dans son jeu ; un autre soir que ce soir, peut-être aurais-je pu être agréable et accepter sa compagnie. Mais pas aujourd’hui. Pas alors que je ne me sens pas bien.

Fronçant les sourcils de mécontentement face à sa remarque, je force néanmoins un sourire sur mes lèvres telle une gamine effrontée. « Et comme ça, ça te va mieux ? je crache, de mauvaise humeur. Maintenant, tu me fous la paix ? » Quelque chose me dit bien qu’elle n’en a pas fini avec moi et je soupire intérieurement. Je voulais juste boire un verre et m’en aller. Prendre un verre, me morfondre sur ma triste vie, et aller m’effondrer sur mon lit sans penser à rien d’autre qu’à l’immense trou noir au fond de ma poitrine. Je roule des yeux en entendant sa confidence. Je ne peux empêcher un frisson de me traverser l’échine comme un éclair et remarque aussitôt, si soudainement, que l’inconnue a beaucoup de charme. Ou peut-être que c’est mon désespoir qui parle. « Alors tu peux être tranquille, parce que je suis majeure et vaccinée et que je peux boire toute l’alcool que je veux, je rétorque, trop fort, tournant vers le barman un regard noir. Alors, ce cocktail, il vient, ou je vais devoir attendre de me dessécher ? » Je n’avais plus envie d’être polie ou agréable. Je n’avais plus envie de sourire. Et j’étais prête à faire une esclandre si je n’étais pas servie comme je le désirais. « Écoute, t’es bien gentille et t’es mignonne mais comme tu peux le voir, tu n’as plus besoin de t’inquiéter donc tu peux t’en retourner d’où tu viens, lâché-je avec humeur en voyant que la brune ne bougeait pas d’un pouce. Bonne soirée, chérie. Au plaisir. » Dans un énième soupir, je me détourne d’elle et, le mouvement brusque, lui signifie que la conversation est terminée.