unexpected visit • Luciano I

Pouvoir discuter avec Livia lui faisait toujours plaisir. Il s'était pris de sympathie pour cette jeune femme suite à ce que son ancien compagnon lui faisait subir. Bien que différente de la sienne à l'époque, Seth avait perçu et comprenait sa détresse. Lui avait perdu sa femme dans des circonstances terribles. Assassinée, parce qu'il s'était salit les mains dans l'espoir de retrouver sa fille. La culpabilité le rongeait. Cet homme, qui d'une adolescence perturbée avait remonté la pente pour briller en haut de la hiérarchie du FBI, s'était retrouvé à se battre contre la dépression. Avoir rencontré Livia lui avait donné un nouveau but. De cette impuissant dont il était frappé, elle l'avait aidé à se relever. Veiller sur elle était cette mission qu'il tenait à accomplir. A force, ils avaient tissé quelque chose de fort. Seth ne savait pas trop comment décrire leur relation. Une amitié ? Un attachement mutuel comme pourraient le faire un frère et une soeur de coeur ? Elle avait en effet environ le même âge que sa petite soeur, et pas si loin que ses deux aînés. Disons que leur lien était indescriptible. Juste qu'ils se faisaient une confiance aveugle et s'appréciaient énormément.

En recevant son dernier message, il eut néanmoins la mauvaise surprise d'apprendre que l'ex-compagnon de sa protégée allait être libéré pour bonne conduite. Il y avait de fortes chances que malgré sa condamnation, ce rustre tente de rentrer en contact avec Livia. Au moins pour avoir une main prise sur leur enfant. Il était hors de question que Seth le laisse faire. Cet homme était dangereux, que le Cavaleri qualifierait de pervers narcissique. Cette décision de justice de lui permettre de retrouver la liberté, sans même une mesure d'éloignement était en son sens totalement déraisonnable. Aussitôt après avoir répondu à la jeune femme, il contacta l'avocat des deux parties pour en savoir plus. Celui de Livia comptait protester. L'autre, était aux anges que son client puisse sortir. Si un nouveau recours échouait, ils n'auraient pas d'autre choix que de demander d'urgence une mesure d'éloignement et de s'assurer qu'elle soit bien en sécurité avec Victor. Il fit tout en son pouvoir pour qu'elle puisse retrouver une vie paisible et non être dans la crainte d'être de nouveau menacée, violentée par son bourreau.

Elle terminait à 22h. Ayant passé sa journée à parcourir L.A et à travailler dans son bureau sur cette situation délicate, Seth eu l'idée, avant de rentrer, de passer la voir à son travail. Et puis son dernier message laissait fortement entendre qu'elle avait besoin de parler. Qu'elle avait besoin de lui. Il comptait faire la surprise de sa venue en attendant dehors. A sa montre, il était 23h54. Elle ne devait plus tarder maintenant; Une petite brise fraîche vint caresser son visage, tandis qu'il patientait A l'arrière de l'établissement. La porte s'ouvrit, et il la vit apparaître. Comme il l'avait prédit, Livia s'étonna de le voir ici, surtout à cette heure aussi tardive. A l'instant où le brun la gratifia d'un grand sourire, elle vint trouver ses bras pour le saluer. « Que fais-tu là ? » Demanda-t-elle en se détachant de lui. « Je n'ai pas le droit de venir voir une amie ? » Il disait "une amie" mais en fait, il ne savait pas trop. Seth le disait sur le ton de la taquinerie, bien que ce dernier était on ne peut plus sérieux. « Je suis venu parce que je m'inquiétais pour toi. » L'expression concernée sur son visage laissait aucun doute. Il espérait qu'elle ne se torturait pas en repensant à toute cette histoire. « Tu ne peux pas résister à l’appel de mes petits plats maisons pour venir me voir ce soir ? » Visiblement, elle aussi était d'humeur à aller sur le terrain de la plaisanterie. Il se saisit de la perche que la Flume lui tendait, et rappliqua aussitôt dans la même veine. « Oh c'est possible... » Un éclat de malice brillait dans ses yeux verts, éclairés par ce lampadaire à peine éclairé au dessus de leurs têtes. Réduisant la distance entre eux en s'approchant de quelques pas, il s'arrêta finalement à quelques mètres. « Non en réalité, je voulais voir comment tu te portais avec tout ça. Tu tiens le coup ? »

Il se sentait encore coupable. Coupable d'avoir pris des mauvais choix qui avait conduit à perdre ce qu'il avait de plus cher. D'abord sa fille, puis ensuite sa femme. Remonter la pente après tout ça fût difficile. Il aurait aimé que Olivia soit là pour voir à quel point leurs enfants avaient grandi. D'assister avec fierté à la remise de leurs diplôme. Elle n'avait pas eu cette chance. Ni de serrer son enfant qu'elle avait désespérément cherché depuis temps d'années. Quand Seth se glissait dans ses draps, son lit était froid. Vide. L'impuissance le rongeait de jour en jour. Puis Livia entra dans sa vie. A ses yeux, c'était comme si le Tout-Puissant lui avait donné une nouvelle chance d'aller de l'avant. De trouver un nouveau but. Était-ce suffisant pour expier ses fautes ?

En tout cas, leurs présence semblait appréciable autant à l'un qu'à l'autre. Il était bien placé pour savoir que dans une situation difficile, être soutenu était capital pour ne pas sombrer. Mais Livia était forte. Plus forte qu'elle le pensait. « Pas vraiment. Je fais bonne figure depuis que la nouvelle est tombée, mais je ne souhaite qu’une chose, c’est de partir, de fuir la ville avec Victor pour qu’il ne tombe jamais sur son père. » L'idée qu'elle puisse partir ne le rassurait pas. Il était d'avis à ce que cette décision ne résoudrait pas son problème.  Sans compter que leur proximité lui manquerait, bien qu'il ne se l'avouait pas. « Je m'assurerai que ça n'arriveras pas. Mais si tu décides de partir...Alors je continuerai à vous protéger. Je ne peux pas me permettre que quelque chose vous arrive, ni à toi, ni à ton fils. Je ne le supporterai pas. » Ses paroles sages étaient empruntes de sincérité. Ce n'était pas qu'une question d'échec. La jeune femme avait pris une place conséquente dans son existence, voilà tout. « On marche un peu ? » L'homme lui offrit un petit sourire chaleureux. Posé, Seth n'était pas quelqu'un de particulièrement expressif. Comparé à avant, il l'était beaucoup plus, c'est sûr. Mais pour elle, il se montrait volontiers sous son meilleur jour. « Avec plaisir. » Son regard suivit celui de Livia. Il reconnaissait sa voiture garée un peu plus loin vers laquelle ils commencèrent à tranquillement se diriger. « Parle-moi de ta journée plutôt, elle s’est bien passée ? » Le brun ne répondit pas tout de suite, comme s'il réfléchissait à quoi lui dire précisément. « Remplie je dirais. J'ai eu des clients aujourd'hui, mais je les ai redirigés vers un confrère. Dès que j'ai lu ton message, j'ai tout de suite contacté ton avocat. On compte formuler une objection suite à la décision du juge et à s'assurer qu'une mesure d'éloignement soit bien mise en place. Le problème, c'est qu'on n'a pas suffisamment d'éléments pour démonter que sa dangerosité est toujours avérée. Mais je ne vais pas attendre qu'il te touche encore pour en avoir. Je vais tout tenter pour que toi et Victor soyez en sécurité. » Seth s'était arrêté, plantant intensément son regard dans le sien. Il eut de nouveau ce réflexe de poser une main chaleureuse sur son épaule. Une habitude qu'il n'arrivait visiblement pas à se défaire.

Pour ne pas plomber l'ambiance, il finit par changer de sujet en lui retournant sa question de départ. « Et toi ? Comment ça se passe au travail ? » Sûrement pas de tout repos. Rajoutez à cela la menace d'un ex-mari violent qui planait au dessus de sa tête. Elle avait du courage. Beaucoup de courage. Et rien que pour ça, elle avait toute l'admiration du Cavaleri.

Offrir son aide, pour lui, c'était une évidence. Luciano a toujours été passionné par son travail, tantôt de policier, tantôt de fédéral et maintenant de détective privé. Quelque part, il cherchait une sorte de rédemption pour réparer les erreurs du passées. Mais avec Livia, c'était bien plus que ça. Il avait été particulièrement touché par son histoire à une époque où il était lui-même en proie au désespoir. Une attache s'était naturellement faite entre eux et qui, trois ans après, était encore tout aussi solide. « Merci pour tout Seth… » Ses lèvres s'étirèrent, ponctué par ce regard céladon brillant d'une lueur bienveillante. « Voyons Livia tu n'as pas à me remercier, ce n'est rien. » Malgré le temps que cela pouvait lui prendre, le bourreau de travail qu'il était n'y trouvait absolument aucun inconvénient. Et puis d'un côté, se plonger dans les dossiers lui permettait de ne plus être accaparé par sa peine et ses regrets. Comparé à il y a quelques années, le Cavaleri semblait mieux se porter au moins. C'était en parti grâce à la jeune femme en face de lui. Elle était son rayon de soleil, une étoile scintillant dans la pénombre. En expliquant ce qu'il comptait faire pour empêcher la sortie imminente de son bourreau de mari, Luciano voulait la rassurer, en lui montrant que tant qu'il sera là, elle n'aura rien à craindre. L'idée avait un peu l'air de l'apaiser au moins. Il serra cette main que la jeune femme avait glissé dans la sienne et, sans qu'aucun des deux ne trouve cela étrange, continuèrent leur chemin vers la voiture de Livia en gardant fébrilement leurs doigts liés. Tandis qu'ils s'approchaient, le détective poursuivit la conversation par des banalités. « La routine, rien de bien passionnant que tu ne saches déjà, Seth. » Effectivement, leurs confidences allèrent jusqu'à connaitre ses habitudes quasiment dans les moindres détails. Mais au fond, il espérait tout de même qu'elle réussisse à se se détourner de cette routine justement. Après...Il n'était pas le mieux placé pour faire la morale à ce sujet, puisqu'il ne variait pas tellement ses activités quotidiennes en y repensant. « Hm hm, sur ce plan je ne peux être que d'accord avec toi. » Fit-il, un sourire en coin. Elle finit par se détacher du brun, en venant s'accouder contre la portière de sa voiture. L'expression de son visage changea subitement de couleur. De la déception. C'est ce qu'il lisait dans son regard. « On est arrivé…. » Il devait bien l'avouer, leurs retrouvailles furent beaucoup trop courtes à son goût. Bon, ce n'était pas la première fois que cela arrivait mais leur séparation lui laissait toujours cette drôle sensation de vide. « Merci d’être venu Seth… Ça me fait plaisir de te voir ici, surtout avec ce qu’il se passe. Je ne te remercierais jamais assez… » Reconnaissante, lui à l'inverse n'en cherchait pas. Mais ses mots le touchèrent malgré tout. « Ça me fait plaisir aussi de te voir. Je crois que je n'aurais pas eu la conscience tranquille si je n'étais pas venu pour être honnête. Et comme je te le disais, tu n'as pas à me remercier Livia. Je le fais, parce que c'est mon travail, certes, mais tu es aussi une personne à qui je tiens énormément. » Ses paroles étaient emprunt de toute la sincérité qu'il pouvait avoir. Un sourire se dessina sur ses lèvres et, laissant le silence bercer ses propos, Luciano eu l'idée soudaine de lui proposer quelque chose. « Je ne sais pas si tu as déjà mangé, on pourrait se poser quelque part si tu n'as rien à faire ? Je connais une bonne adresse de restaurant tout près d'ici si le cœur t'en dit. » Il voyait cette invitation comme un autre moyen de lui remonter le moral et peut-être, quelque part, une façon de prolonger cette envie de passer un moment en sa compagnie.