should i stay or should i go (césar)

Clyde s'approcha du comptoir et commanda un whisky on the rocks. La boisson type de tous les hommes d'affaires. Il se mit à savourer son verre en attendant que son rencard de la soirée arrive. Quelques semaines plus tôt il avait rencontré un jeune homme qui, soyons honnêtes, était bien à son goût. Clyde était en retard à une réunion et il avait piqué son taxi. Le fait qu'il ai renversé son café sur lui, lui avait donné une bonne excuse pour le revoir. L'excuse du pressing, un grand classique. Clyde n'avait aucune caché ses intentions. Il s'était montré charmant, il avait flirté avec brio, sans en faire trop. Il n'était pas le genre d'homme à sortir le grand jeu. Jusque là ça lui avait plutôt réussi. On ne pouvait pas dire que sa vie amoureuse était très fournie, mais sa vie sexuelle n'était pas en reste. Et il ne savait pas encore dans quelle catégorie se placerait César. Un prénom qu'il avait bien gardé en tête. Quoi qu'il en soit, il lui avait donné rendez-vous ce soir dans un bar. Ce n'était pas le plus classe des rencards c'est certain, mais il n'était pas du genre "grand restaurant et bouquet de fleurs". Un bar c'était beaucoup plus détendu et engageant, il préférait largement cette ambiance là.

Accoudé au bar, Clyde attendait donc la venue du jeune homme, il l'attendait impatiemment, imaginant comment la soirée pourrait se terminer. C'est ce qu'il aimait dans les premiers rendez-vous: l'inconnu. Rien n'était écrit, tout pouvait arriver. Il n'eut pas à attendre longtemps car César entra à son tour dans le bar. Clyde lui fit donc signe de le rejoindre. « J'adore ton look. » lança t-il, allant jusqu'à effleurer ses vêtements. « Ça te va bien. » renchérit-il avant de se retourner pour faire signe au barman d'approcher. Établir le contact physique, aussi insignifiant soit-il, et lâcher un petit compliment l'air de rien, c'étaient les deux premières étapes de la séduction. Enfin, c'étaient vraiment les bases. Le mieux était à venir. « Je t'offre un verre ? » proposa t-il innocemment. L'alcool était le meilleur moyen de se désinhiber et de faire en sorte que la soirée comment vraiment. Clyde était donc bien sur la bonne voie. Du moins à ce qu'il semblait.

César n'avait pas l'air d'être parfaitement à son aise. Peut-être n'avait-il simplement pas l'habitude des rencards. Dans tous les cas, Clyde avait bien fait de lui proposer un verre, ça l'aiderait à se détendre, et leur soirée tous les deux pourrait vraiment commencer. Un cuba libre. Il ne releva pas, cependant, Clyde ne put retenir un sourire. Ce n'était pas le genre de boisson dont il avait l'habitude, mais après tout, ça avait l'air bien tentant, trop tentant pour résister. Est-ce qu'il pensait encore au cocktail ? Probablement pas. « Encore merci pour le pressing de la dernière fois. » lança finalement César dans un accent délicieusement français. De quoi rajouter à son charme. Il fallait dire que les français savaient ajouter cette petite touche de classe et de douceur à cette langue américaine, brute et rude. Et puis de toute façon, une petite touche d'exotisme était toujours très séduisante. Après tout, ce n'est sûrement pas une coïncidence si l'exotisme se distingue de l'érotisme seulement par la lette X ... « Oh ne t'en fais pas pour le pressing. C'est normal. J'ai pris ton taxi et je t'ai renversé mon café dessus, c'était le moins que je pouvais faire ! » répondit Clyde s'armant de son plus beau sourire. Le barman déposa le cuba libre de César, Clyde en profita alors pour trinquer. « Et puis ça nous a permis de nous revoir, rien que pour ça ça valait le coup... » Clyde fit tinter son verre avec celui du jeune homme, avant de prendre une nouvelle gorgée. « J'adore ton accent au fait. Je n'ai toujours pas eu l'occasion de te demander d'où il te venait... français, c'est bien ça ? » demanda alors le producteur, tout de même pas certain à 100%. Les accents européens se ressemblaient tous plus ou moins. Peu importe qu'il ait raison ou non, dans tous les cas, ça engageait la conversation et c'était tout ce qui comptait.

« Oui. Français, et même parisien, si tu veux savoir. » répondit César quand Clyde le questionna sur son accent. Il se serait attendu à une plus grande réaction, à quelques mots de plus, à quelque chose... mais il fallait croire que ce jeune homme n'était pas très bavard. Ou peut-être était-il intimidé ou quelque chose comme ça ? Une chose était sûre, si Clyde voulait réellement démarrer la conversation, il allait visiblement devoir mettre les bouchées doubles, parce que César ne semblait pas particulièrement décidé. Mais après tout, c'était Clyde l'instigateur de ce rendez-vous, autant qu'il mène la danse. C'est ce qu'il faisait toujours de toute façon. Il espérait simplement que le jeune homme face à lui serait un peu plus réceptif. Peut-être que l'alcool aiderait à le désinhiber et qu'après un ou deux verres, la conversation serait plus fluide. Même si, en y réfléchissant bien, pour les activités les plus plaisantes, la conversation n'est pas tellement de mise. Alors peut-être que Clyde devait simplement revoir ses plans, pour une activité un peu moins... loquace. « Je vais souvent à Paris, pour les affaires. Même si la plupart du temps, quand je vais en France, c'est plutôt pour aller à Nice ou à Cannes. » lance t-il tout de même avec un petit sourire. Il n'a pas tellement envie de parler boulot, mais pour être honnête, il y lance toujours une petite allusion lors de ses rendez-vous. En général, la mention de son boulot de Producteur de séries TV , lui garantissent des nuits spectaculaires. A Los Angeles les gens sont prêts à n'importe quoi pour avoir leurs chances à la télé. Certes, Clyde n'est pas particulièrement fier de jouer là dessus parfois. Mais, il ne fait rien de mal ! C'est pas comme s'il promettait quoi que ce soit. Les gens se font des idées tout seuls, et... il en profite. Mais cette fois, avec ce César, c'est différent. Il n'a pas vraiment envie de profiter de quoi que ce soit. Ce jeune homme est comme... une énigme. Et Clyde n'a jamais su résister à un mystère. « Alors, qu'est-ce qu'un beau jeune homme français tel que toi, fais ici à Los Angeles ? » demanda t-il finalement, avide d'en savoir plus sur lui.

Le mystère qui flottait autour de César rendait ce rendez-vous bien plus compliqué que prévu, mais c'est également ce qui le rendait bien plus intéressant. Ce n'était pas drôle quand c'était trop facile de séduire quelqu'un. Et les personnes qui s'ouvrent trop facilement sont soit insipides soit les plus grands menteurs qui soient. Alors au fond, ce silence, cette réserve que le blond avait, Clyde aimait ça. Parce que dans un sens, cela représentait un challenge. Un challenge qu'il savait pouvoir réussir. Et Clyde n'était pas du genre à abandonner si facilement. Il ne fit pas de remarque sur le fait que César ait parlé des vacances avec sa mère au passé. S'il avait utilisé le passé, c'était peut-être parce que sa mère était décédée, ou peut-être qu'il s'était passé quelque chose, une dispute par exemple, qui aurait rendu le temps des vacances dans le sud de la France, révolu. Dans tous les cas, il ne valait mieux pas souligner ça. Inutile de ranimer de mauvais souvenirs. Cependant, il fallait croire qu'il n'avait pas fini de mettre les pieds dans le plat. « J'ai eu un problème familial important et j'ai décidé de partir. J'ai tout simplement rejoins ma tante ici. » lâcha le jeune homme quand Clyde lui demanda ce qu'il faisait à Los Angeles. Il fronça légèrement les sourcils en entendant sa réponse. César avait pris sa question de travers, ou alors c'est lui qui n'avait pas été particulièrement clair. Il ne lui demandait pas les raisons de sa venue, mais ce qui l'avait poussé à choisir la baie des Anges. Mais peut-être que les deux questions étaient trop liées. Peut-être bien que le choix s'était imposé à lui, puisque sa tante vivait ici apparemment. Dans tous les cas, sa question innocente ravivait probablement de mauvais souvenirs. « Je suis désolé de l'apprendre. » commenta t-il simplement, avec un petit sourire compatissant. Lui aussi avait eu beaucoup de problèmes familiaux, notamment quand il avait fait son coming-out. « Je suis sûr que tu te plaira ici. Après tout Los Angeles est la ville où tous les rêves se réalisent ! » reprit-il avec un petit sourire. Inutile de préciser que dans cette ville, il y avait également beaucoup d'âmes perdues et de rêves brisés. Mais ce n'était pas la peine de le mentionner, au risque de rendre l'ambiance vraiment plus lourde qu'elle ne l'était. D'ailleurs, Clyde comptait bien faire quelque chose par rapport à ça. « Tu n'es pas très bavard, à ce que je vois. Je n'ai rien contre ça. » commença t-il avant de finir son verre pour enfin reporter son attention sur César, se rapprochant de lui de quelques centimètres. « Au contraire, j'ai plein d'idées d'activités qui ne nécessitent pas de parler, si tu es intéressé... » reprit-il finalement en posant sa main sur la cuisse du jeune homme. Il n'y avait pas de mal à y aller franco. Après tout, il était clair qu'il devait faire le travail pour deux, alors il n'allait pas le faire à moitié...

Ce n'était peut-être pas bien de s'amuser comme ça avec ce petit jeune qui n'avait pas l'air d'avoir beaucoup d'expérience dans le domaine. Clyde était même prêt à parier qu'il était encore dans le placard. Alors y aller cash de cette façon... c'était plutôt un move audacieux. Mais, Clyde n'avait pas peur de prendre les devants. Advienne que pourra. Dans tous les cas ça devrait tirer quelques réactions de la part de César. Et Clyde n'attendait que ça. Le jeu de la séduction c'était toujours plus drôle à deux. « Heu je… » Il bafouillait, et Clyde trouvait ça adorable. César était devenu tout nerveux, nervosité révélée par un petit rire. De son côté, Clyde était satisfait. Au moins les intentions réelles de ce rendez-vous étaient à présent claires, et puis César réagissait enfin. Alors bien sûr il y avait mieux comme réaction. Mais la nervosité était toujours meilleure que l'indifférence. On peut travailler avec la nervosité.  « Je ne suis pas sûr que… Que ce soit bien. » reprit finalement le blondinet. Cette fois Clyde ne put s'empêcher de légèrement froncer les sourcils. Il avait peur de trop bien comprendre cette remarque. Il semblait maintenant flagrant que César était loin d'avoir fait son coming-out, ou loin d'être prêt à le faire. Pourtant, Clyde ne put se résoudre à s'éloigner, ni à retirer la main qui restait toujours sur la cuisse du jeune homme. Le fait qu'il n'ait pas repoussée sa main était clairement un signe positif qui encourageait Clyde à ne pas abandonner si vite. « J'ai peur de ne pas bien comprendre. » dit-il simplement laissant un petit sourire apparaître sur ses lèvres. « Qu'est-ce qui ne serait pas bien ? » demanda t-il, laissant sa main s'agiter légèrement sur la cuisse de César, y traçant doucement de petits cercles, laissant ses doigts tour à tour se rapprocher et s'éloigner, conscient que ça ne ferait que rajouter à son trouble. « Je t'écoute... » souffla t-il dans un murmure, un petit sourire toujours accroché à ses lèvres. « Parce que ma main n'a pas l'air de te déranger plus que ça... »

Cette lente et douce torture était plutôt amusante. Pourtant, Clyde ne pouvait se résoudre à passer sa soirée à faire ça, torturer César. Les paroles du jeune homme lui déchiraient le coeur. On lui en avait lancé des insultes homophobes, on l'avait moqué, insulté, battu. Il en avait vues des vertes et des pas mûres. Il avait été snobé par sa famille et pratiquement jeté dehors. Mais là c'était différent. Ce qu'il haïssait par dessus tout c'est que ces paroles, sortant des lèvres aguichantes du jeune homme, ces paroles n'étaient pas les siennes. On pouvait le sentir, ça s'entendait. On voyait bien que c'étaient des idées que des gens mal intentionnés lui avaient mis dans la tête, et que le jeune homme n'osait simplement pas les contredire. Probablement que ces mots lui venaient de quelqu'un de proche, famille peut-être. Après tout, c'était assez courant que la famille ne comprenne pas, n'accepte pas. Pourtant qu'est-ce que ça pouvait bien leur foutre de savoir dans quel trou untel trempe son biscuit ? D'ailleurs parfois Clyde avait entendu des pépites. On l'avait un jour traité de "pousse-merde". Très classe, n'est-ce pas ? Ce qui était ironique c'était que les gens qui lui avaient dit ça, étaient les premiers à supplier leurs copines d'essayer "la porte de derrière". Quelle bande d'hypocrites.

Quoi qu'il en soit, Clyde reconnaissait bien l'état de César, il le comprenait. Seulement, il ne savait pas vraiment ce qu'il pouvait faire pour lui. Parce qu'au final, le déclic se passait surtout à l'intérieur. Et il n'allait pas continuer à pousser éternellement. Il n'était pas du genre insistant et lourd, contrairement à de nombreux anciens collègues producteurs, qui avaient maintenant des dizaines de plaintes au cul pour leur comportement déplacé ( dégueulasse, immoral et illégal aussi). Clyde n'était pas comme ça. Sous ses airs de grand connard, au fond, il était un amour. Mais bon, il n'avait jamais laissé personne entrer dans sa vie assez longtemps pour voir ce côté de sa personnalité. Excepté sa famille, bien entendu.

« Les hommes, les femmes, ceux qui s'insèrent pas dans ces catégories, on fait ce qu'on veut. Ce n'est pas aux autres de décider pour toi. De toute façon tu ne choisis pas de qui tu es attiré. C'est comme ça, c'est instinctif, c'est naturel. Il n'y a pas de quoi avoir honte. » reprit-il finalement, tentant de rassurer le jeune homme, de quelque manière que ce soit. Cette fois le but n'était pas vraiment de le séduire. Simplement de lui faire prendre conscience qu'il n'avait pas à avoir honte d'être lui-même et de le montrer. « Tu sais, dans l'Antiquité, les hommes se travestissaient pour faire du théâtre. Dans l'Antiquité, la norme était de coucher avec des femmes ET des hommes. Ceux qui ne couchaient pas avec les deux sexes étaient pratiquement considérés comme des parias. C'est étrange de voir que dans l'Antiquité la tolérance était plus de mise qu'à notre époque, pas vrai ? » C'était à se demander comment c'était possible d'être passé d'un extrême à l'autre. Un jour la norme était de coucher avec tout le monde, de faire des orgies sur la place publique et dieu sait quoi d'autre; le suivant on posait des ceintures de chasteté en fer aux femmes et on faisait exécuter les "sodomites" sur la place publique. Incroyable ! « Mais je comprends et je respecte. Et je ne voudrais rien faire qui puisse te mettre mal à l'aise. » reprit finalement Clyde en récupérant sa main. Néanmoins, un sourire vint se plaquer sur ses lèvres, tandis qu'il approchait ces dernières de l'oreille de son compagnon de soirée. « Même si, si ce n'était pas clair, je te trouve particulièrement attirant. » conclut-il dans un murmure. Il aurait bien ajouté qu'il aurait bien envie de savoir quel goût avaient ses lèvres, ou tout autre remarque du genre. Mais comme il aimait à le répéter, Clyde n'était du type harceleur ou gros lourd. Cela ne voulait pas dire qu'il baissait totalement les bras. Parce qu'il avait bien vu le trouble qu'il avait créé chez le jeune homme. Il ne pouvait pas être indifférent. Du moins, il espérait qu'il ne l'était pas.

Cette rencontre avait pris un tournant qui plaisait particulièrement au brun. Il considérait que le flirt était la partie la plus intéressante d'une relation, que le reste n'avait pas forcément lieu d'être d'ailleurs. Mais le flirt. Ces moments de séduction où l'on tente d'attirer l'autre, d'attiser l'autre, ou on apprends à se connaître puis où l'on se découvre... Oui, le flirt, la séduction, il n'y avait que ça de vrai. Et César représentait un véritable challenge, ce qui ne faisait que rajouter. C'était comme la cerise sur le gâteau. Cependant il y avait quelque chose de différent cette fois. Quelque chose de différent chez lui. Chez Clyde ou chez César ? Peut-être bien les deux. Le producteur avait comme l'impression qu'il y avait un petit truc en plus chez le blond, mais il ne savait pas encore quoi et ça l'intriguait au plus haut point. La séduction. Les mystères. Deux de ses points faibles. Mais c'est peut-être pour ça qu'il ne lui a pas fait de véritable rentre dedans. Il aurait pu lui dire des mots qui en auraient fait rougir plus d'un - il s'avérait que ce genre de mots ou de suggestions n'étaient même pas nécessaires pour faire rougir le blond - Clyde aurait pu lui dire à quel point il avait envie de goûter à ses lèvres, ou il aurait pu tout bonnement l'embrasser ici, maintenant, dans ce bar. Il aurait pu. Il en avait envie. Surtout après que César lui ai avoué son attirance à son tour. C'était l'occasion idéale, comme s'il lui tendait la perche. Mais il savait également que le jeune homme n'était pas à l'aise avec sa sexualité, encore moins avec le regard des autres, et il lui avait déjà assuré quelques secondes auparavant qu'il respectait ça. Ce n'était pas pour changer d'avis maintenant. Alors au lieu de la jouer séducteur, Clyde choisit donc la deuxième option: celle de la jouer mystérieux. « Super. » commenta t-il alors simplement avec un petit sourire en coin avant de se redresser pour aller chercher une carte de visite dans la poche intérieure de sa veste. « Alors j'attends ton invitation. » reprit-il en la déposant devant le jeune homme. Clyde finit son verre d'une traite avant de se relever. « N'hésites pas. De jour... comme de nuit. » rajouta t-il enfin avec un petit clin d’œil. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Oui, bien sûr, il aimait jouer avec lui, le taquiner un peu, le pousser légèrement hors de ses retranchements. Toute cette histoire était déjà bien prometteuse...