Travailler au club, puis au restaurant, aller chanter et jouer au bar certains soirs en plus d'aller au gym. Il avait très peu de temps libre ou plutôt de temps pour simplement relaxer. C'était plutôt rare, même s'il considérait ses moments sur la modeste scène comme ses moments magiques. Aujourd'hui, il n'avait fait que quelques heures au restaurant, puis il était allé au gym pour une heure. En entrant à l'appartement, il secoua le collet de son haut pour tenter de se refroidir tout en tendant l'oreille. C'était silencieux. Alors il souffla à voix haute et se débarrassa de chaussures avant de s'avancer vers sa chambre. Aucun son ne venait de la chambre de sa colocataire. Il déposa son large sac de sport où reposait aussi son uniforme de travail, puis il décida d'aller sous la douche. Mobile sur la toilette qui crachait du Bruno Mars, Eugene chanta sur 24k Magic en sortant de l'eau. Il lâcha quelques pas de danse devant le miroir, puis apporta sa radio improviser jusqu'à sa chambre pour mettre de quoi de décent. Pas certain de vouloir sortir, il enfila un short et une camisole allongée, très légère.
Il mangea seul à l'appartement, il s'était commandé du thaï, le vilain. Il aurait bien fait à manger, mais la paresse l'avait vaincue. Oh well. La vaisselle fut la tâche suivante, puis il s'arrêta au milieu du salon. Sortait-il ce soir ? Restait-il ici ? Voyant son piano familiale, son corps y fut attiré aussitôt continuant de se questionner sur sa soirée. Ses doigts se posèrent sur les touches blanches et noires et se mirent à danser créant une mélodie rythmée. S'associant au jazz, les notes s'ensuivaient se fondant en un solo en particulier qu'il avait étudié sur Youtube. Sa tête bougeait avec tout son corps et un sourire s'étira sur son visage. Il s'amusait avec les sons, les harmonies, avec le rythme. Peut-être qu'il irait au bar jouer un ou deux chansons.
Le son des clefs dans la serrure de la porte l'arrêta dans son élan. Sa colocataire rentra et le salua rapidement. Eugene lui retourna la même, mais remarqua le manque d'enthousiasme. Peut-être qu'Isobel avait eu une moyenne journée. Ce n'était pas de ses affaires et il ne l'avait jamais vraiment laissé entrer dans sa bulle pour qu'ils soient... proches. Oh oui, parfois, ils buvaient une bière ensemble, ils parlaient de la pluie et du beau temps, même parfois de leur vie sentimentale, mais rien de trop profond. Comme d'habitude, il gardait les gens à distance et cela ne semblait pas déranger sa colocataire. Elle n'était pas non plus le genre à s'ouvrir au premier venu ou à la première venue. Cependant, il était intrigué ce soir. Peut-être qu'après un peu plus d'un an à partager les mêmes murs, ils pouvaient... parler ? Peut-être se connaître un peu plus ? Boff, c'était vraiment pas sa tasse de thé. Néanmoins, en y pensant, ils n'avaient pas tant besoin de parler de sujets difficiles. Ils pourraient apprécier la compagnie de l'autre. Peut-être qu'il serait capable de la faire rire un peu. Lui se cherchait quelque chose à faire et elle semblait avoir eu une grosse journée.
Il eut une moue pensive, puis quitta l'instrument pour retourner à sa chambre. Quelques secondes plus tard, il cognait à la porte ouverte de sa colocataire et il lui lança mollement un produit beauté en tenant lui-même plusieurs.
- We staying home tonight. Tu veux du vin ou de la bière ?
My secret side I keep, Hid under lock and key. I keep it caged But I can't control it... 'Cause if I let him out He'll tear me up And break me down. Why won't somebody come and save me from this? Make it end!
Non, ce n’était pas une bonne journée pour Isobel aujourd’hui. A croire que tout avait décidé d’aller de travers. Déjà, elle avait travaillé la nuit passée. Et ça, ce n’était vraiment pas de tout repos quand on voit les énergumènes qui passent parfois par l’endroit. Encore une fois, elle avait eu droit à quelques boulets qui voulaient plus que les services qu’elle proposait. Et puis les choses n’avaient fait qu’empirer. Avec d’autres filles, elles s’étaient isolées parce que ce n’était tout simplement plus possible. Parce que la brune avait fini par craquer, que ce n’était plus possible de subir les avances de clients un peu trop entreprenant. Et évidemment, Izzy ne pouvait pas parler de son orientation, sous peine d’être victime de discriminations. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était encaisser. Mais ça aurait pu en rester à cette simple histoire de la nuit après tout. Elle était donc rentrée, s’était écroulée sur son lit sans même prendre la peine de se changer. Et quelques heures après, son réveil avec sonné parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de rater le moindre cours. Alors rapidement, elle avait pris une douche, avait mis une tenue plus descente et était parti, café à la main. Au moins pour le café, elle ne faisait pas preuve d’individualisme, elle veillait toujours à en faire assez pour toute la maisonnée, incluant sa sœur et leur colocataire. C’est donc ainsi qu’elle avait pris la direction de l’université, espérant tenir le coup toute la journée. Parce qu’il lui en faudrait du courage aujourd’hui, elle n’en avait même pas idée !
Une fois installée dans l’amphithéâtre, Isobel sorti alors son notebook, commençant à prendre des notes. On aurait pu croire, étant donné son mode de vie, qu’elle aurait tendance à ne pas être organisée. Alors que pas du tout ! Appliquée à prendre des notes et stabiloter les éléments importants des documents distribués par le professeur, elle ne comptait pas lâcher, malgré la fatigue qui pointait le bout de son nez. Peut-être lui faudrait-il faire une sieste pendant la pause méridienne. A croire que les évènements récents lui faisait un peu perdre de sa combativité. Mais son idée de sieste fut bien vite chassée par un sale type. Le genre sportif, qui ne supporte pas la moindre concurrence. Alors qu’il jetait quelque chose sur la table, Izzy lui lança un regard interrogateur. Et voilà qu’il commençait à hurler comme un putois qu’elle avait oublié sa culotte après s’être tapée sa copine. La brune avait éclaté de rire avant de faire remarquer à ce type que la pièce de lingerie avait beau être en dentelle, elle ne portait que des tangas ou des strings. Oui comme ça, sans la moindre gêne, et devant tous les curieux qui s’arrêtait pour observer la scène. Mais cela n’avait clairement pas plus au gars qui se trouvait face à elle. Il a donc plus ou moins commencer à la malmener, la bloquant contre un mur. Situation quelque peu inconfortable, son dos ayant tapé contre la brique. « T’es qu’une sorcière féministe espèce de garce ! » Oh, quelle belle association de mots, on ne la lui avait jamais faite celle-là ! Sorcière elle l’avait entendu quelque fois de la part de pro-croyant qui la voyait comme le démon dès qu’ils savaient qu’elle préférait les femmes. Féministe déjà c’était plus rare. Mais l’association des deux, c’était du jamais vu ! La jeune femme aurait bien applaudit si elle n’avait pas été bloquée de la sorte. « Tu crois vraiment que je me foutrais dans la merde pour une simple histoire de cul !? T’es vraiment qu’un crétin ! » Le type avait fini par lâcher en voyant approcher certains enseignants. Et Izzy en avait profité pour partir, prenant la direction de son prochain cours.
Le retour chez elle était un réel bonheur pour le coup. Son colocataire était déjà là, elle lui adressa un rapide signe de la main pour le saluer avant de partir en direction de sa chambre. Elle en profita alors pour se changer, troquant son chemisier contre plusieurs couches de vêtements. Ce soir, elle avait besoin de se cacher. Alors voilà qu’elle avait enfilé un débardeur, un haut à manches longues et un sweat large en plus par-dessus. Et la demoiselle troqua également sa jupe contre un pantalon de yoga. Elle releva ses cheveux à l’aide d’un crayon à papier et s’installa en tailleur sur son lit avec ses cours de la journée. Isobel leva tout de même la tête de l’écran de son ordinateur en entendant toquer à sa porte qu’elle avait laissé ouverte. Elle attrapa au vol le produit de beauté lancé par Eugene, haussant un sourcil interrogateur. Elle esquissa tout de même un petit sourire à sa question. « Eugene je sais pas, j’ai… » Elle était prête à refuser, prétextant qu’elle devait bosser ses cours. Mais après tout, un verre ne lui ferait pas de mal… Et ses cours n’allaient pas disparaitre. Lâchant un soupire, elle rangea rapidement le tout avant de se lever de son lit. « On a du vin blanc au frais. Du moins si Isaline n’y a pas touché. » Oui, sa jumelle a beau ne pas être là ce soir, elle aime bien la taquiner. Et voilà la brune partie en direction de la cuisine, à mettre le nez dans le frigo pour en sortir la bouteille avant de se tourner vers son colocataire. « Tu veux manger quelque chose de particulier ce soir ? » Elle se rendit alors compte qu’elle ne savait rien de lui. Dans ces conditions, difficile de cuisiner quelque chose. Mais elle va tenter le coup.
Malgré qu'elle ne semblait pas avoir la meilleure journée qui soit, elle avait déjà revêtu son uniforme d'étudiante acharnée. En tailleur sur son lit, cahiers de notes ici et là et portable sur ses genoux, Isobel avait tout d'une parfaite élève. Même s'il ne la connaissait pas beaucoup, il savait qu'elle travaillait fort pour réussir et il admirait ce côté studieux. Il n'avait pas encore trouvé son chemin parmi les centaines de cours offerts, parmi les milliers de métiers et carrières. C'était cool et un peu amer de savoir que ce n'était pas le cas de tout le monde. Cependant, à se tuer ainsi à l'étude n'était pas des plus sain non plus. Ha, look who's talking, pensa-t-il. C'était le temps d'une pause pour les deux. Même s'il ne balançait pas étude et travail, il avait beaucoup de difficulté à ralentir. Deux horaires à gérer et le gym et ses soirées au bar à jouer et ses sorties au club pour assourdir ses voix putrides qui le pourrissaient de l'intérieur. Il était rare qu'il s'assoyait pour ne rien faire. Tout simplement parce qu'il est plus facile de se tourner contre soi-même lorsque l'on n'est pas occupé. Peut-être que ralentir à deux pouvaient être une autre histoire, qui sait ? C'était un test à faire.
Il n'allait pas la laisser s'éclipser, mais il n'eut pas la chance de la convaincre que sa colocataire accepta son invitation. Elle ignorait à quel point elle le sauvait autant qu'il tentait de l'aider. L'idée d'un verre de vin blanc lui allait et il hochait la tête avant de sortir de la chambre. Au salon, il se débarrassa des masques d'argiles, masques-tissus, mini masques pour les yeux, nettoyants doux et rugueux sur la table basse, puis abandonna son trésor pour rejoindre Isobel dans la cuisine. D'une main aidante, Eugene sorti deux larges coupes et procéda à leur verser chacun du vin en écoutant la question quelque peu hésitante de sa colocataire. Right, elle n'avait pas mangé encore. Il secoua la tête et pointa de son index le recyclage de sa main déjà prise par sa propre coupe.
- No need. J'ai commandé du thaï quand je suis arrivé. Donc fais-toi plaisir ou on peut te commander quelque chose aussi. It's kind of my cheat day today, ça pourrait être le tien aussi.
Il haussa les épaules en se demandant de quoi aurait l'air le livreur si c'était un homme. Serait-il trop jeune ? Moche ? Ou le parfait acteur de film porno qui attend qu'on le paye en nature ? Non, il n'était pas spécialement en manque, c'était juste où son imagination le portait parfois. Recevoir du bonbon pour les yeux était toujours apprécié même s'il ne goûtait pas. Voyant que Isobel hésitait entre les deux options, Eugene eut un petit sourire.
- Come on. Pas de vaisselle, pas de "je fais faire à manger pendant vingt minutes pour tout bouffer en cinq", pas d'odeur qui va rester dans l'appart jusqu'à demain. Sure, ça coûte plus cher, mais tu mérites qu'on t'apporte ta bouffe comme une princesse ce soir, non ?
Ici le mot royal n'était pas employé en tant qu'insulte. C'était tout le contraire. De nos jours, certains et certaines ne pensaient plus du tout à leurs besoins, leurs désirs. Il n'y avait que ce qu'il fallait faire et ce qu'il ne fallait pas faire. Il était le premier à penser à comment il se devait d'agir. Toutefois, ce soir, ils allaient penser à eux, fuck le reste. Alors il sorti son téléphone cellulaire et le menu du quartier qu'ils recevaient par la poste feuilletant les options.
- You want chinese, greek, italian ? What-ever you like. Et en attendant le livreur, on peut commencer à boire comme des trous et se foutre un masque au visage. T'en dis quoi ?
En imaginant répondre à la porte avec ses cheveux remonter par un bandeau quelconque et avec son visage couvert d'argile, il échappa un petit rire.
- Ce sera toute une surprise pour le gars à la porte. Oh ! What about pizza ? J'ai peut-être déjà mangé, mais j'ai toujours de la place pour une pointe.
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Isobel n’est pas habitué à voir son colocataire aussi enjoué. Il a plutôt tendance à rester un peu dans sa bulle, comme el en fait. Peut-être ont-ils vécus des choses similaires sans même en avoir conscience. Puis vu la journée qu’elle avait passé, elle pouvait bien s’accorder une pause non ? Elle avait eu assez d’emmerdes en une journée pour avoir son quota du mois au minimum. La vie de femme n’est vraiment pas évidente. Izzy aurait pu faire n’importe quoi d’autre, elle aurait quand même été capable de s’attirer des soucis. Allez savoir pourquoi, c’est son truc de s’attirer des problèmes à certaines périodes de sa vie. La brune aurait tout de même préféré avoir la paix aujourd’hui. Mais la loi des séries comme on dit… Alors, elle avait suivi l’idée d’Eugene et était directement passée par la cuisine pour sortir la bouteille de vin. Qui, contre toute attente, était quasiment intacte. A croire que son double avait senti d’avance que quelque chose n’irait pas aujourd’hui. Elle ne cherche même plus à comprendre Iso’, tout ce qu’elle voit c’est que la bouteille de vin risque de ne pas faire long feu. Elle, aller mal ? Du tout ! On va juste dire qu’elle a un coup de mou, ce sera moins violent, surtout dans son esprit. Elle n’aime pas reconnaitre qu’elle va mal, elle se cache et le lendemain, elle recommence comme si de rien n’était. Parce qu’elle est comme ça la canadienne, elle connait la force des apparences et s’arrange pour toujours donner l’impression que tout va bien. Sauf ce soir. Peut-être qu’elle a vraiment besoin de souffler et de relâcher la pression finalement.
Alors qu’elle s’apprête à cuisiner pour deux, son colocataire la stoppe dans son mouvement. Parce qu’il avait déjà mangé donc elle n’avait besoin de cuisiner que pour elle. Et alors, il l’arrête totalement. Pas de cuisine, pas de vaisselle ? Mais comment elle va garder la ligne en mangeant n’importe quoi ? Parce que se faire livrer, c’est un peu ça aussi. C’est manger gras, c’est ne pas faire du tout attention à tout ce qu’on ingurgite. Sauf que la demoiselle est danseuse. Et prendre du gras, ce n’est pas bon pour les affaires. Mais finalement, le jeune homme lui arrache un petit sourire. Comme une princesse… sauf qu’elle n’en es pas une. Pour tous les standards, la belle ne peut pas être une princesse. Parce que les princesses, ça se marie avec des princes et elle ben… Elle est plutôt branchée princesse. Alors, elle secoue doucement la tête. « Tu pourras me considérer comme une princesse quand Disney nous sortira une princesse amoureuse d’une femme ! Donc pas demain la veille. » Sur ces mots, elle attrape un bol de tomates cerises qu’elle grignote. La proposition de picoler avec un masque sur le visage n’est pas pour lui déplaire. Isobel lève tout de même les yeux au ciel en constatant que son partenaire du soir n’en démord pas avec ses histoires de cheat meal. « Tu crois que ma silhouette je la garde comment ? » Elle croque une nouvelle tomate. « Je peux pas juste rester derrière un bar, faut que je fasse vendre avec ça ! » Elle accompagne la phrase d’une tape sur son propre fessier. Oui, elle est comme ça Izzy. Bon d’accord, elle préfère quand on la lui met la fessée mais quand même.
La brune finie tout de même par se dire que ce n’est pas une pizza qui va la tuer. « Bon… Une pizza royale, si ça te va. Mais je te jure que demain, je vais aller courir pour éliminer ça ! » non, elle n’aura pas été difficile à convaincre pour le coup. Elle se laisse alors presque tomber sur le divan… Avant de se redresser subitement lorsque son dos touche le dossier. Merde, il n’y est pas allé de main morte cet enfoiré ! Iso’ pose alors le bol sur la table et retourne chercher son verre de vin pour en boire une longue gorgée. Le savourer ? Pour le moment elle a besoin d’oublier que son dos a rencontré un mur. Alors, elle n’ose pas se remettre à sa place tout de suite. Elle tente de noyer le poisson. « Mauvaise journée ? D’habitude, tu proposes pas forcément. » Non pas que ça lui déplaise à la brune, elle doit bien reconnaitre qu’elle aurait sans doute eu du mal à se concentrer sur ses cours ce soir. Sauf qu’elle ne le dira pas forcément tout de suite. Avec elle, il faut plutôt deviner en général.
Lorsque le mot princesse avait franchit sa bouche, une image lui était apparue, celle de la large robe de bal, la couronne, les paillettes et l'attitude de celle qui savait sa valeur. Cependant, Isobel alla dans une autre direction, celle de la princesse Disney. La charmante demoiselle au passé parfois un peu triste qui, à l'aide d'une détermination à toute épreuve, réussissait à atteindre ses rêves. Le coréen trouva les deux pensées intéressantes. Le commentaire sur l'impossible futur princesse pour princesse lui arracha un mince sourire amusé. Yeah, un prince pour prince n'était pas prêt d'exister non plus. Enfant, il avait simplement fantasmé d'être à la place de la princesse pour se laisser charmer par Shang ou Aladdin. Aaaah Shang ! Le guerrier asiatique si sérieux qui se demande presque s'il est gay en tombant pour Mulan sous le nom de Ping. C'était assez pour faire rêver le petit Eugene enrobé de 8 ans. Thank god, ce p'tit gros était derrière lui. Parlant de poids, ses yeux bruns se posèrent sur sa colocataire qui grignotait des tomates cerises. Elle allait pas aller chier loin avec ça. Dans deux heures elle aurait faim encore, il ne savait que trop bien. Toutefois, elle amenait un bon point. Il lui offrit un petit sourire en la voyant se taper les fesses en essayant de ne pas trop écouter son monologue intérieur. Il se pesait encore à tous les jours et il allait constamment au gym dans ses rares temps libres. Heureusement, il ne passait plus par la boulimie et autres habitudes malsaines pour tenir la ligne, mais entendre quelqu'un parler subtilement de calories mettait ses efforts à l'épreuve. Il n'aurait pas dû manger de la livraison aujourd'hui, mais il se rassurait en repensant à son dernier écart à sa diète qui remontait à plus d'un mois. Il n'allait pas prendre vingt livres avec un simple repas. Il devait s'en convaincre, mais ça allait passer. Et puis, comme disait Isobel en acceptant la pizza, il n'aurait qu'à redoubler d'effort demain.
- Pizza royale, good for me.
Il n'était pas difficile. Ses doigts experts sur un clavier de cellulaire pianotèrent le numéro de la pizza la plus près et passa la commande. La réaction de Iso dû à son dos ne lui échappa pas, mais il ne dit rien, occupé à donner les infos de leur appartement. Sa main glissa le portable dans la poche arrière de son short et attrapa sa coupe de vin avant de quitter la modeste cuisine pour retrouver sa colocataire au salon. Ses lèvres se trempèrent dans l'alcool, puis il déposa la coupe sur la table volant une tomate cerise au passage. C'était sa culpabilité qui l'encourageait à manger quelque chose de santé. Eugene écouta la question tout en passant un bandeau d'abord dans son cou, puis dans ses cheveux pour les écarter de son visage cherchant un masque pour les yeux dans le bazar des produits.
- Boff, I don't know. J'avais juste pas envie de sortir ce soir.
Il trouva le masque et le mis de côté. Sa main alla alors prendre une serviette humide d'un petit paquet qu'il achetait fréquemment et se mis à nettoyer son visage. La question l'avait un peu étonné, puisqu'Isobel semblait avoir eu une pire journée que lui. Sauf qu'il n'était pas tout à fait honnête non plus. C'était une jolie valse de couches d'oignon qu'ils pelaient ensemble. Si elle lui ressemblait un minimum, il savait que lui demander directement n'allait pas le faire. Il décida plutôt de la piéger. Passant la serviette humide sur sa joue, il lui jeta un coup d'oeil.
- Pourquoi tu t'assis pas ? Je mords pas.
Il attendit la fraction de seconde d'hésitation avant de reprendre.
- What happened to your back ? Et tu peux me croire que je vais pas accepter n'importe quelle bullshit, so tell me.
Voilà que son côté sec ressortait un peu. Il détestait qu'on lui mente. C'était probablement la chose qu'il détestait le plus chez les autres. Bon, il fallait savoir qu'il mentait aussi, ça lui arrivait, mais être hypocrite était une autre conversation. Il était assez vrai pour accepter qu'il détestait que les gens lui mentent à lui plutôt que le mensonge en général. Il avait presque envie de dire à sa coloc qu'il n'avait presque rien à foutre de ce qu'elle faisait. Ce n'était pas comme s'il allait se mettre au pas de guerre et aller massacrer la personne qui l'avait blesser, ce serait trop triste à voir. La vérité n'allait rien changé, il était simplement curieux. Pour l'encourager, il chercha dans le désordre sur la table et finit par tirer une autre serviette humide pour la lui tendre. Il l'agita même pour la presser.
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Isobel n’arrive pas à se voir comme une princesse. Parce que depuis qu’elle est enfant, elle ne voit que des modèles de princesses qui se marient avec des princes. Et en prime, pour beaucoup elles n’ont pas de cervelle et ne vivent que pour cela. Bien loin de son genre à elle en fait. Alors finalement, elle est bien contente qu’aucune princesse n’ait une préférence pour les courbes féminines, Disney aurait été capable d’en faire quelque chose de complètement faux, donnant une image tronquée de la réalité. Alors, Izzy préfère reporter l’attention sur son corps, ce corps qui est son outil de travail. Parce que c’est ça le monde de la nuit, ce sont les choses qu’on ne peut pas atteindre, c’est vendre du rêve. A combien d’hommes avait-elle pu vendre du rêve à force de se trémousser et de s’amuser avec ses camarades ? Mais à cause de cela, elle se doit de garder la ligne. Heureusement pour elle, la brune n’a jamais eu de réels problème de poids. Mais ce n’est pas le tout de ne pas avoir de trace disgracieuse, il faut aussi entretenir la musculature ! Comment vous croyez qu’on arrive à danser autour d’une barre sans cela ? Mais céder, ça fait parfois du bien. Et il suffit de voir sa tenue pour comprendre qu’elle a sorti sa carapace et qu’elle a juste besoin de réconfort ce soir. Pourtant pas du genre à chercher le réconfort dans la nourriture, la jeune femme y voit également un prétexte de ne pas passer sa soirée toute seule dans son coin, comme cela lui arrive régulièrement. Donc elle se laisse tenter. Ça ne va pas la tuer de toute manière, de manger une pizza. Et se connaissant, elle ne la finira peut-être même pas.
Elle le laissait alors passer la commande. Mais son dos se rappela à son bon souvenir, la faisant souffrir. La nuit risquait donc d’être longue pour le coup, ce qui n’était pas pour arranger Izzy. Elle s’enquiert alors de la raison de la présence de son colocataire ce soir. C’est vrai, il aurait pu sortir ce soir, il y a toujours quelque chose à faire dans cette ville. Elle hocha doucement la tête à la réponse du jeune homme, reprenant une gorgée de vin tout en l’observant. Il est visiblement équipé pour les soins du visage. Isobel ne fait pas souvent ce genre de chose. Non pas qu’elle ne prenne pas soin d’elle. Juste qu’elle n’est pas du genre à garder un masque pendant trois heures, en général elle opte plutôt pour les produits qui agissent en dix minutes maximum. Un des effets d’être toujours pressée et de faire trop de choses dans une même journée. La brune esquissa un sourire à la petite réflexion de l’asiatique. Elle mord sans doute bien plus fort que lui, sans qu’il ne le sache. Mais ça lui allait bien qu’il fasse une plaisanterie du genre. Sauf qu’il avait visiblement remarqué que son dos la gênait et lui posa la question. La jeune femme se rembrunit. Elle ne parle pas forcément d’elle en général. Et elle n’est pas non plus habituée à voir le jeune homme réagir comme ça. Elle se rendait alors bien compte que mentir ne servirait à rien. Et puis elle a conscience que ce soir, elle a besoin de vider son sac. De toute manière, elle ne pourra pas cacher ça bien longtemps. Elle commença alors par hausser les épaules avant de reprendre une tomate cerise et de s’asseoir, en veillant à ce que son dos ne touche pas le dossier.
Elle esquissa un petit rire en voyant Eugene agiter une lingette devant elle, qu’elle prit du bout des doigts avant de soupire et de finalement poser son verre de vin sur la table. « Mon dos a rencontré un mur un peu trop violemment… » Izzy commença à jouer distraitement avec la lingette. Les évènements étaient encore très récents donc il était évident de se souvenir des insultes auxquels elle avait eu droit. « Parait que je suis une sorcière féministe et une garce. Rien de bien inhabituel. » Isobel est presque habituée à voir les grosses brutes l’approcher, soit pour espérer froisser les draps avec elle, soit, comme c’était le cas ici, lui chercher des noises alors qu’elle évite de trop tourner autour des filles de la fac. « Enfin du coup, va falloir un peu de temps pour que mon dos se remette. Ça m’étonnerait pas que j’ai un beau bleu mais j’ai pas osé vérifier dans le miroir. » Finalement, elle commence à suivre l’exemple de son colocataire. Autant en profiter non ? Mais la pizza arriva tout de même assez rapidement. Ni une ni deux, elle alla ouvrir la porte, récupérer les victuailles, payer le livreur. Pas son genre mais bon, il avait des chances de plaire ce type. Un peu trop poilu pour elle. Elle retourna alors se mettre en tailleur sur le canapé avant de s’emparer d’une part de pizza et de croquer dedans… Avant de lâcher un soupir d’aise. « Bon sang, ça fait longtemps que j’en avais pas mangé ! »
Voilà. Bien qu'elle avait eu l'air de reculer un instant plus tôt, elle était venue s'asseoir à son côté. There you go. Il tourna sa serviette humide en boule et l'abandonna sur la table avant de reprendre le masque qu'il avait choisit plus tôt écoutant la raison du mal de dos d'Isobel. Sortant les deux petites languettes de couleur or du paquet, il haussa un sourcil au début de l'histoire.
- Oh ? s'enquit-il.
Il avait cru à une histoire amusante voir sexuelle, car let's be honest, il était loin d'être innocent et sa tête allait souvent dans cette direction. Lui-même s'en était sorti parfois un peu abîmé volontairement après un bon coup. Ça lui rappelait quelques bons souvenirs. Cependant, le reste suivit et tourna vers quelque chose de plus sombre qu'il ne l'aurait cru. Il se sentait presque mal d'avoir paru si enjoué.
- Oh.
Sa voix était plus grave pour se mouler à la situation. Ses doigts experts posèrent les deux masques sous ses yeux. Asiatique un jour, asiatique toujours. Il avait souvent peur de vieillir avec ces grosses poches sous ses prunelles. Pas aujourd'hui. À l'aide de son cellulaire, Eugene enregistra le temps à la minute près et calcula dix minutes tout en écoutant les derniers mots de sa colocataire sur l'incident. Son visage grimaça un minimum et il n'offrit pas de regarder pour elle. Ces choses là le rendait quelque peu mal à l'aise et il avait peur comme elle de ce qu'il découvrirait. Donc il reprit sa coupe de vin et l'amena à ses lèvres alors qu'Isobel allait chercher la pizza. Il envoya à peine un regard au livreur. Pas envie de draguer ce soir et c'était officiellement une soirée entre colocataire donc ça ne servait à rien d'apprécié la marchandise surtout si elle avait ce visage. Pas pour lui.
Lorsque la boîte s'ouvrit, le coréen ferma les yeux pour mieux inspirer l'odeur de la pizza. Un délice même avec un ventre rempli. Il vola plutôt une autre tomate cerise et sourit à l'enthousiasme de sa compagne. Verre entre les doigts, masque sous les yeux, il se perdait de plus en plus dans cette idée de différence, comment cela effrayait les gens qu'il nommait "normaux" et comment cela l'avait lui-même affecté dans ses tendres années.
- People suck...
Ça commençait vachement léger son truc. C'est qu'il hésitait entre être honnête et ouvert ou rester à cette distance agréable. Il jonglait avec l'idée, se demandait s'il voulait plus d'une relation de simple colocataire. Voulait-il prendre le risque ? Normalement, non, il ne le faisait pas. Fuck, c'était entre autre pourquoi il était encore célibataire et pourquoi ses relations précédentes n'avaient pas fonctionné. Sauf qu'il fallait commencer quelque part, il fallait tenter de faire confiance aux autres. Il soupira donc et se lança.
- I mean... plus jeune, j'étais coréen, homo et gros. C'est pas le combo le plus chanceux. Donc des insultes j'en ai vu. Les gens détestent la différence, peu importe ce que c'est.
Un petit sourire étira ses lèvres, puis de plus en plus large. Il prit une autre gorgée de vin avant d'expliquer ce qui lui passait par la tête.
- Non seulement tu es différente, mais tu joues avec l'insécurité des hommes juste parce que tu es jolie. Un regard mal interprété de ta part et ils doivent marquer leur territoire, faire le mâle. Au fond, je suis pas mieux, c'est pareil pour moi sauf que je regarde pas leur partenaire, je regarde leurs fesses à eux.
Un rire lui échappa alors qu'une ou deux situations lui revenaient. Même une en particulier où on avait pensé qu'il avait regardé le cul de la jeune femme, par erreur. Comment passer d'une altercation moyenne à pire ? Il se trouvait seulement heureux de ne pas avoir reçu de coups plus souvent. Cela expliquait pourquoi il faisait profile bas la plupart du temps. Il portait cet habit de normal hétéro depuis trop longtemps qu'il ignorait comment agir normalement. Son normal lui était inconnu. Sa carapace s'était fondue dans sa peau et il avait accepté ce destin.
My secret side I keep, Hid under lock and key. I keep it caged But I can't control it... 'Cause if I let him out He'll tear me up And break me down. Why won't somebody come and save me from this? Make it end!
Isobel a eu un mouvement de recul malgré elle. Le genre de chose qu’on ne prévoit pas puisqu’elle a bougé à cause de sa douleur dans le dos, douleur qu’elle avait réussi à oublier jusque-là. Mais elle sait qu’elle ne peut pas juste rester debout. Il ne faut pas trop compter là-dessus en faisant une soirée avec son colocataire. Mais étrangement, elle n’a pas trop de mal à en parler. Sans doute que la brune avait besoin d’en parler en fait. Qu’elle avait besoin de vider son sac. Parce qu’elle avait morflé et que sans cette soirée, elle serait restée dans son coin, aurait tout gardé pour elle. Et qu’elle aurait juste évité la douleur en restant assise dans son lit, comme elle le fait toujours. Sauf que ce soir, les choses se passent différemment. Parce que Eugene lui a proposé une soirée, Izzy n’a pas vraiment refusé. Parce qu’elle avait besoin de se changer les idées. Elle sent à la première réaction du jeune homme, qu’il attend une histoire carrément croustillante. Il va clairement être déçu, rien de sexuel dans l’histoire que la jeune femme lui raconte. Elle ne rentre pas forcément dans les détails, ne parle que des insultes. Elle n’estime pas avoir besoin de rentrer dans les détails, de raconter ce que l’autre lui a foutu sous le nez ni même tout ce qu’il a pu émettre comme hypothèse. Parce que la violence n’était pas que dans les gestes finalement, mais aussi dans la manière de dire les choses. Tout pour donner envie de rester le plus loin possible des sportifs au final. A croire que plus il y a de muscle et plus ils sont idiots. Ou alors qu’ils se prennent trop de coup sur le terrain, peut-être les deux.
La pizza arrivant, Isobel ne peut se retenir d’esquisser un sourire en voyant son colocataire profiter de la bonne odeur. Elle hoche doucement la tête à sa réflexion de l’asiatique. Elle en sait quelque chose, suffit de voir comment un membre de sa propre famille a été capable de la rejeter. « Faut croire que les sportifs, dès que tu empiètes sur leurs plates-bandes, ils deviennent complètement débiles ! » Elle préfère tenter d’en rire plutôt que de se lamenter sur son sort. Grignotant sa part de pizza, elle hausse un sourcil quand il avoue avoir été gros. Lui gros ? La demoiselle trouve cela totalement impossible. « Toi gros ? J’y crois pas du tout ! Su toi t’as été gros, moi je suis la reine d’Angleterre ! » Elle sait bien que le physique peut énormément changer. Mais elle ne pense pas qu’on puisse rester mince en mangeant des pizzas et autres si on a pas un bon métabolisme à la base. Alors qu’il continue son explication, Izzy mâchonne, pensive. Elle le sait qu’elle joue avec l’insécurité des hommes. Ne serait-ce que parce qu’elle est indépendante et qu’elle joue continuellement de son physique. Elle ne comprend tout de même pas cette fierté masculine mal placée. Sans doute parce qu’elle l’a un peu trop vu pendant son enfance, vestiges de sa vie de fille de militaire. Au final, l’image de l’homme fort elle l’a depuis son enfance sous le nez, juste qu’elle a cette tendance rebelle et qu’elle ne supporterait pas de vivre comme sa mère, soumise à un homme.
Reprenant son verre de vin, la brune en boit une gorgée avant de lâcher un soupir et de se caler lentement contre le dossier du canapé. « J’aime pas cette image d’homme fort. C’est ce genre de situation qui fait que je n’ai pas vu ma mère depuis plusieurs années… » Fronçant les sourcils, Izzy reprend une tomate cerise, délaissant la pizza après en avoir mangé une seule part. « Puisqu’on en est aux confidences… Mon père est un ancien militaire. Et il a très mal pris que sa fille ne rentre pas dans le moule… » La belle se souvient de cette période où son seul soutien a été sa sœur jumelle, celle qui l’a suivi ici, celle qui n’a jamais critiqué son emploi. « Franchement, j’ose même pas imaginer ce qu’il dirait s’il s’avait que je suis gogo danseuse ! Il serait bien capable de me classer dans la même catégorie que les filles de joies… » Elle ressent alors un pincement au cœur. Elle pensait être immunisée face à tout cela mais visiblement, non. Elle se rend compte qu’elle pense encore beaucoup à ses parents et à cette réaction qu’ils ont eu.
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Dim 9 Juin - 20:34