Est-ce que tu t’es déjà senti vivre ou t’essayes de t’persuader ? (Connor)

Tu sais même pas pourquoi tu choisis Little Tokyo pour c'coup là, tu sais simplement que ça t'paraît être la meilleure option. La nuit va pas tarder à tomber, t'as marché depuis l'centre ville jusqu'ici et tu dois bien admettre que tes muscles te brûlent. En haillons, comme à l'accoutumée, t'as juste pensé à prendre la cagoule que t'as glissée dans la poche arrière de ton jean. C'est ton quotidien, depuis des mois, déjà. Jouer dans l'ombre, te masquer derrière la lumière révoltante des réverbères d'une ville beaucoup trop éclairée. T'es arrivé en avance, comme bien souvent. Il ne devrait plus tarder, t'en profites sans doute pour allumer une cigarette en faisant le tour de la boutique que t'as dans l'viseur. Tu es venu ici plus d'une fois, déjà, cette semaine, pour t'assurer du nombre de caméras d'surveillance et pour t'faire une idée de l'heure à laquelle les employés semblent quitter les lieux. Si tout se passe bien, d'ici à peine une petite heure, la boutique sera plongée dans le noir. Ce n'est pas tant les gadgets asiatiques qui te font de l'oeil que le tiroir caisse. T'as b'soin d'argent, c'est un fait contre lequel t'as arrêté de te révolter quand l'dernier billet verre que ton daron t'avait gracieusement offert pour te voir partir a été liquidé dans un énième paquet de cigarettes. Depuis, tu t'es fait à l'idée de n'être que l'ombre d'un homme, du genre à passer inaperçu même s'il n'y avait que toi dans cette ruelle. T'es pas assez intéressant pour qu'on t'regarder, alors t'en profites, forcément. La clope au bec, tu jettes deux-trois regards à gauche à droite, il y a du monde sans pour autant qu'il y ait foule. Le quartier chinois est dynamique, bruyant. Tu comptes t'en servir pour masquer le tour de passe-passe que tu opéreras pour ouvrir la porte. T'as pris l'habitude, maintenant. Casseur, voleur, l'étiquette te sied à ravir. Et puis, tu préfères t'infiltrer dans une boutique vide pour obtenir un peu d'argent qu'avoir à laisser un homme peu ragoutant s'activer entre tes cuisses. Un frisson parcourt ton échine, comme un signal d'alarme. Tu te retournes, tes yeux trouvent les siens trop rapidement pour que ça te paraisse normal. La ponctualité, c'est pas ton fort. tu t'entends lui lancer sans sourire. Connor te sonde, juste un instant. Il se dresse devant toi, à ta hauteur, presque imposant. Tu sais même pas pourquoi tu lui as proposé de te rejoindre sur ce coup.. tu sais pourtant qu'être deux, ça veut forcément dire partager l'butin en deux. Mauvais pour tes affaires, mais quelque chose te pousse constamment à l'emmener, comme s'il était d'venu.. un ami ?!! C'est celle-là. tu lui lances, chassant d'ton esprit l'idée qui germe et pointant du doigt la boutique derrière toi.

La voiture, par précaution, était garée quelques rues plus loin du lieu de rendez-vous. C'était un réflexe qu'il avait pris à Miami et repris depuis sa cavale dans tous les Etats-Unis. A chaque fois qu'il repense à la façon dont il a atterri ici, ce sentiment de solitude profonde l'envahi comme un souvenir. Connor n'a jamais aimé la solitude. C'est un loup de meute. Certes, il peut survivre seul, mais il va toujours chercher le contact humain tôt ou tard. Une des choses les plus difficile de la rue, c'est bien la solitude. Alors quand il reconnaît la silhouette de Nichlas dans un coin de la rue, c'est toujours comme s'il avait rechargé ses batteries. Il ne peut s'empêcher d'arborer son sourire lorsqu'il s'approche de lui pour le saluer. Nick a beau essayer de passer inaperçu au milieu de Little Tokyo, Connor le remarquerait toujours. Il a l'oeil. Même derrière ses lunettes de soleil qu'il porte comme déguisement, et surtout pour se donner un air cool et décontracté, pour qu'il ne paraisse pas comme quelqu'un qui a la mort aux trousses.
Il est vrai que Connor se souciait peu du temps. Comme s'il était trop bien pour se plier aux règles de l'univers. Pourtant, sur un coup comme celui-ci, qui nécessite des repérages auxquels Connor n'a pas pris part évidemment, la ponctualité est importante. Pas aux yeux de Connor apparemment. "Je connais pas ce mot, désolé." Les mains dans les poches, il s'arrête en face de lui, le regardant, un peu défiant, comme s'il voulait savoir ce qu'il allait lui faire pour être arrivé en retard. Mais il lui signale juste la boutique du doigt. Celle qu'ils compte voler.
C'est la première fois pour Connor qu'il va rentrer dans un magasin vide. Mais ça, Nick ne le sait pas. Ça doit pas être plus compliqué que le vol à l'étalage. Ça, Connor sait faire, et très bien même. Il adore. Il avait peur que, sans surveillance, tout cela semble trop facile. Se servir, comme ça, sans personne pour protéger son butin. Heureusement il y avait encore les caméras qui fonctionnaient. D'un autre côté, ils seraient plus tranquilles. "Okay, et c'est quoi le plan du coup ?" Lui a toujours plutôt été du genre à improviser, s'adapter à sa situation. Mais ces derniers temps, depuis qu'il avait commencé à faire ses coups avec Nichlas, il s'était mis à concocter des plans pour que leurs raids se passent du mieux possible. Cette fois, c'est Nick qui invite. Il observe derrière ses lunettes de soleil la petite boutique qui s'apprête à fermer, puis les passant, les fenêtres, les entrées d'immeuble. Au cas où quelqu'un semblerait suspect, qu'on les espionnerait, qu'on les suspecterait. Toujours surveiller ses arrière. Toujours rester vigilant. Cette putain de paranoïa.