'cause you're mine (kasis 1)

Mes ongles tapotent le grand plateau en verre qui me sert de bureau. Je m’impatiente. Le tableau que j’attends n’est toujours pas arrivé et le client qui doit être livré avant seize heure risque de me passer sous le nez s’il ne peut pas prendre l’avion pour New-York sans son oeuvre originale. Mon regard sans cesse rivé sur mon téléphone, je m’impatiente. Il faut que je me dégourdisse avant de perdre totalement patience tout envoyer balader. Quelques coups frappés à la porte de mon bureau, bureau officiel de mon emploi officiel, celui de gérante et propriétaire d’une concession automobile de luxe. Mais au lieu de voir apparaître le subtiliseur d’oeuvre d’art que j’attendais, c’est le visage de mon assistant qui se dessine dans l’entrebâillement de la porte. « Dites-moi que Joakim est ici. » Mon ton est sec et froid, comme j’en ai l’habitude lorsque je suis sur le point de sortir de mes gonds. « Non Melle Muñoz je suis désolé, c’est Melle Salinger qui est ici. » Mon regard se charge d’une électricité légèrement différente. Parce que la posséder une âme me nourrit davantage que n’importe quoi d’autre. Le jour où j’ai posé les yeux sur cette jolie brunette de presque la moitié de mon âge, j’ai succombé, pleinement. J’ai ressenti ce brasier en moi capable de grandes choses, aussi protectrices que destructrices. Tout en elle m’a irrémédiablement attirée, de son regard à son sourire, sa manière de froncer les sourcils chaque fois qu’elle est contrariée, la finesse de ses mains, la clarté de son langage et la douceur de sa voix, la courbure de ses formes, la chaleur qui s’en dégage. Tout en elle m’a immédiatement rendu accro, dépendante, m’a donné envie de la posséder, et de la posséder seule. Alors lorsque j’ai appris que son petit ami- anciennement un des cambrioleurs qui bossait pour moi - était violent avec elle, je suis entrée dans une colère noire. Le pauvre merdeux n’a pas fait long feu, et se retrouve aujourd’hui sous les verrous sans aucun droit de visite. Il ne s’agirait pas qu’il apprenne à la princesse qu’il est ici à cause de moi. Le jeu en vaut la chandelle. Et depuis le premier jour où Kara a travaillé pour moi, j’ai réussi à la tenir entre mes griffes acérées, tissant ma toile autour d’elle pour qu’elle ne puisse jamais s’en détacher. Tantôt douce et subtile, charmeuse et sensuelle, tantôt son double démoniaque, plus violente, cassante, possessive et dominante. Kara est ma possession et de mon regard hypnotique je peux lui faire faire absolument tout ce que je désire, elle ne s’aviserait jamais à me refuser quoi que ce soit. Qu’elle ne s’y essaie pas. Je fais signe à mon assistant de la laisser entrer et accueille la jeune femme avec un sourire en demi-mesure, parce que je ne suis pas d’humeur, et j’adore passer mes nerfs sur elle. Elle y est habituée après tout. « Je t’attendais pas si tôt. » Je ne peux m’empêcher de laisser glisser sur elle mon regard prédateur. Kara est jeune, elle n’a que six ans de plus que ma fille, mais ça m’importe peu, et j’ai bien conscience qu’elle m’attire comme un aimant, ce qui n’a pas rendu difficile mon besoin viscéral de la posséder. « Tu es prête pour ta mission d’aujourd’hui ? Le pigeon ne sera pas difficile à séduire, je compte sur toi pour estimer au plus juste l’intégralité des oeuvres de sa maison. » Je tourne autour d’elle comme si elle était ma proie, et d’une certaine manière, elle l’est. « Je t’ai acheté une robe, pour ce soir. Avec ça tu vas le faire craquer. » je viens de glisser ces quelques mots à son oreille alors que mon corps s’approche du sien, dans son dos, une main glissant à sa taille. « C’est moi qui me chargerai de te fixer l’oreillette avant que tu y ailles, il n’est pas question que quelqu’un te voit en petite tenue… » A part moi, j’entends.

Elle marche jusqu’à la concession automobile dans laquelle elle se rend bien trop souvent. Elle marche jusqu’à elle. Dragon, reine de l’enfer, reine de son enfer. Elle marche jusqu’à elle, Kara, avec élégance, sachant pertinemment ce qui l’attend là-bas. Une nouvelle demande de sa part, une nouvelle commande, une fois de plus. Elle sait. Elle sait que ce qu’elle va faire n’aura rien de légal, rien de sain, rien de bien. Elle sait. Tu le sais, Kara. Tu le sais, mais tu ne connais que ça. Cette vie devenue habitude depuis une année maintenant. Une année passée à sombrer, un peu plus chaque jour. A ternir son âme. Sa vie. Elle est loin, loin d’être pure, la princesse. Elle est loin de l’héroïne de contes de fées, loin de la princesse à sauver. Au fond, elle ne l’a jamais été. Passée de l’autre côté, bien trop tôt, bien trop vite. Elle aurait pu suivre un autre chemin, suivre son chemin. Mais c’est dans les abysses, qu’elle s’est jetée. Dans les abysses, qu’elle aurait terminé, comme une fatalité. Parce que c’est son sang, c’est ce qui coule dans ses veines, héritière Salinger. Parce que c’est ce qu’elle a choisi, en tombant amoureuse d’Avan. C’est ce qu’elle a choisi, en acceptant le premier coup, en rendant le deuxième, jusqu’à ce qu’ils deviennent bien trop forts pour elle. Bien trop douloureux. C’est ce qu’elle accepte, en se laissant dominer par elle. Genesis. C’est ce qu’elle accepte, en la laissant prendre le contrôle de son existence. Alors qu’elle aurait pu. Alors qu’elle pourrait. Dire non. Tout simplement non. Assumer les conséquences de ses actes. Revenir sur le droit chemin. Sur ces études d’art, sur ce qu’elle veut vraiment, sur la chance qu’elle a désormais de pouvoir travailler dans une galerie, avec Sapphire. Tu pourrais, Kara. Tu pourrais. Pourtant t’es là, devant ce putain de bureau. Prête à la voir. Prête à te laisser submerger, exploser par cette femme qui te ronges. Et en une seconde seulement, elle est déjà là, devant elle, à lui tourner autour comme un succube prêt à la dévorer. - Bonjour Genesis. Le sourire qui se décroche à peine, parce qu’elle n’est plus la même, lorsque Genesis est là. Elle n’est plus la même, Kara, lorsqu’elle a l’impression d’être totalement sous son contrôle. Kara l’indomptable, effacée par cette multitude de sentiments qui la transportent, lorsqu’elle maintient cette femme dans son champ de vision. Lorsqu’elle entend ses paroles. Lorsqu’elle sent sa main glisser sur sa taille. - Qu’est- ce que tu crois ? Qu’elle demande, en se retournant pour la regarder dans les yeux. - Les « pigeons » chez qui tu m’envoie, ils en ont tous envie, de me voir en petite tenue. Et oui, Genesis, tu t’attends à quoi, en m’envoyant faire l’escort ? Parce que c’est ce qu’elle est obligée de faire, Kara, si elle espère pouvoir approcher les œuvres de grandes valeurs. Séduire. Manipuler. Deux choses ancrées en elle. Deux choses qui font parties de sa personnalité. - A quelle heure est-ce que je dois le rejoindre ? Faire le sale boulot. Se jeter en enfer. Pour elle. Pour son business. Liées, désormais, si l’une tombe, l’autre aussi.

« Bonjour Genesis. » Le son de sa voix me fait trembler d’excitation. Lorsqu’elle est dans le périmètre, c’est comme avoir ressenti cette impatience, cette envie, et qu’enfin les endorphines se libèrent d’avoir ce que je désire. Une part au moins. Qu’elle soit là me suffit, pour le moment. Elle n’a pas vraiment le choix que de répondre à mes appels, faire ce que je lui demande, elle sait que je suis capable de beaucoup lorsque je ne suis pas satisfaite. Si d’apparence je passe pour une femme posée et pour le moins sympathique, lorsqu’il s’agit de mon activité officieuse, rien n’est plus pareil. Kara fait ressortir les parties les plus sombres de ma personnalité, comme une bête qui sommeille et ne se réveille qu’en sa présence. Je lui dit avoir acheté une robe pour sa mission de ce soir, je sais qu’elle n’a pas besoin d’argent, et en soi, le fait même qu’elle continue de bosser pour moi est une victoire. « Qu’est- ce que tu crois ? Les « pigeons » chez qui tu m’envoie, ils en ont tous envie, de me voir en petite tenue. » Quelle petite insolente. Ma mâchoire se serre immédiatement à l’idée qu’un homme puisse poser son regard lubrique sur le corps de ma propriété. Je me saisis fermement de son poignet pour la faire pivoter sur elle-même et me faire face. Le regard noir ancré dans le sien, et ma voix devenue plus sombre, plus rauque. « Ne me fais pas passer pour une maquerelle, Kara. Personne te demande de vendre ton corps. » Je lâche finalement son poignet après y avoir laissé la marque de mes doigts, et m’éloigne pour aller chercher la robe que je lui ai achetée. « A quelle heure est-ce que je dois le rejoindre ? » « Il a l’habitude d’aller boire un verre dans le bar lounge en bas de chez lui après avoir dîné. Il te suffira de l’accoster là bas. Je t’apprends pas ton métier. » lui répondis-je d’un ton neutre, presque détaché. Je reviens finalement vers elle avec la robe en question, pendue sur un cintre. Je connais ses mensuration sur le bout des doigts, je sais que cette robe lui ira à la perfection. « Essaie-la. » C’est un ordre, oui, et la voir soutenir mon regard avec ce poil de rébellion pourrait me rendre folle de rage. « Dépêche-toi avant que je perde patience. » Je l’ai dit, je ne suis pas d’humeur, il ne reste qu’une dizaine de minutes avant que je ne perde une vente importante.

Elle a ce truc, Kara. Elle a cette capacité, celle de faire dérailler Genesis. A n’importe quel moment. De la plus simple des manières. Rien qu’avec quelques mots. Rien qu’avec quelques gestes. Elle le voit, son regard qui vrille. Le sourire qui s’échappe. Sa voix plus brute, le ton qui monte. Les mystères de leur relation. Parce qu’elle contrôle, Genesis. Elle contrôle, et pourtant Kara parvient à la mettre hors d’elle en un claquement de doigts. Sa manière à elle de se venger, un peu. Sa manière à elle de la titiller, un peu. Sa manière de lui répondre, chaque fois que Genesis prend un peu trop ses aises à son goût. Chaque fois que Genesis cherche un peu plus encore à l’agripper dans ses filets. Chaque fois qu’elle semble vouloir la posséder, de la pire des façons. Comme aujourd’hui. Aujourd’hui, alors que sa main attrape sévèrement le bras de la brune, la forçant à la regarder. Et c’est ce qu’elle fait, Kara. Elle la regarde, bien droit dans les yeux. T’as pas peur d’elle, Kara. Tu sais que tu pourrais t’en débarrasser en un claquement de doigts, si tu le voulais vraiment. Alors pourquoi tu restes ? Pourquoi t’exécutes ? Ce n’est pas simplement par peur de tomber. Non. Ce n’est pas simplement par peur de perdre pieds. C’est pour aider l’homme qu’elle aimait, qu’elle a commencé à travailler pour Genesis. Mais maintenant, il n’est plus là, et leur lien est d’autant plus obscure. - Tu ne passes pour rien, j’énonce simplement la vérité. Qu’elle soutient, s’éloignant d’elle sitôt qu’elle la lâche. Elle veut qu’elle comprenne, Kara. Qu’elle comprenne bien qu’elle est une proie pour tous ces hommes. Que s’ils l’invitent à entrer chez eux, ce n’est pas sans arrières pensées. Elle l’écoute ensuite pour en savoir un maximum sur sa mission de ce soir, puis elle acquiesce d’un signe de tête. Prête à exécuter. Prête à abdiquer. Jusqu’à ce qu’elle revienne avec cette robe, belle, classe, près du corps et plutôt courte. Robe qu’elle attrape, commençant à enlever son haut. - Sur un autre ton, si tu ne veux pas que je me casse. Farouche Kara. Insolente Kara. Continuant à se déshabiller, elle se retrouve rapidement en sous-vêtements. Et elle sent. Elle sent le regard de la quadragénaire sur elle, sur son visage, sur son corps. Tu le sens, que ce regard n’a rien de sain. Que ce regard n’a rien de normal. Sans pour autant comprendre ce que cela signifie, stupide Kara. Enfilant la robe d’un mouvement, l’étudiante passe ensuite une main dans ses cheveux avant de reprendre la parole, en direction de la reine de l’enfer. - C’est bon ? Est-ce que ça te convient ? Et quoi qu’elle réponde, son regard ne trompe pas.

 « Tu ne passes pour rien, j’énonce simplement la vérité. » Je déteste cette manière qu’elle a de soutenir mon regard avec ténacité lorsque je cherche à garder ce pouvoir que j’ai toujours eu sur elle. Je sais qu’elle n’aurait qu’un geste à faire, qu’un mot à dire. Je la retiens sans la retenir, elle reste libre de ses choix, et si un jour elle ne revenait pas, je deviendrais sans doute folle, mais au fond je ne chercherai pas à lui faire regretter son choix. Pour autant, elle est là, encore, même si son petit ami lui n’est plus là, elle continue de bosser pour moi. Avec moi. Et c’est là ma plus grande fierté. Je lui ordonne d’essayer la robe que je lui ai offerte, je suis certaine qu’elle lui ira à merveille, mais je veux en être témoin. « Sur un autre ton, si tu ne veux pas que je me casse. » Voilà qu’elle recommence. Je dois adapter mon comportement chaque jour avec elle, elle me donne du fil à retordre. Aujourd’hui, la sévérité ne fonctionne pas, je change alors de tactique, lâchant un petit rire cynique avant de m’éloigner vers mon bureau. « Personne ne te retient. » Je joue avec le feu, je le sais, parce que le jour où elle décidera de partir pour de bon, c’est moi qui serai la plus perdante de nous deux, à n’en pas douter. Le but est qu’elle ne parte pas, c’est évident. La jeune femme finit de se déshabiller sous mon regard, je ne m’en cache pas, je ne vois pas pourquoi je le ferai. Mes pupilles se dilatent presque sous ce spectacle divin. Je croise les bras, reste en appui sur le rebord de mon bureau, et suis le tissus qui remonte le long de ses jambes, de son ventre, se hissant jusqu’à sa poitrine. Elle est parfaite. « C’est bon ? Est-ce que ça te convient ? » demande la jeune femme en plongeant cette fois son regard dans le mien, attendant le verdict final. Je me décale alors du bureau, revenant vers elle telle une panthère. Je lui tourne autour, vérifie chaque détail, et m’approche d’elle une fois dans son dos, dégageant ses cheveux de son épaule pour ajuster la bretelle de son soutien-gorge sous la bretelle de la robe. « C’est parfait. Presque. » Elle le sait, elle n’est pas idiote, elle sait qu’elle a tout ce qui plait, à n’importe quel homme, et à une partie des femmes aussi, dont je fais partie, c’est indéniable. « Tu es calmée ça y est ? Je crois qu’il préfère les femmes avec un peu moins de… caractère. » lui dis-je finalement dans le creux de l’oreille, avant de m’éloigner d’elle pour aller chercher un bijou dans mon tiroir. Je reviens lui glisser autour du cou. Rien de trop grandiose, mais juste de quoi habiller son léger décolleté.

Elle n’en montre rien, parce qu’elle est une femme de caractère, Genesis. Une femme habituée à avoir ce qu’elle désire, habituée à ce que le monde tourne autour d’elle. Habituée à diriger, à posséder, sans sommation. Elle n’en montre rien, et pourtant, elle est déstabilisée. Par Kara. Par la façon dont elle lui tient tête. Par la manière dont elle lui parle. Elle est déstabilisée, parce que Kara, elle ne la contrôle qu’à moitié. Elle n’a qu’une partie de son être, une partie de son esprit. Et ça te plait, Kara, de voir qu’au fond, t’as autant d’emprise sur elle qu’elle peut en avoir sur toi. La vérité, c’est qu’elle a changé, depuis lui. Elle a changé, depuis cette histoire qui l’a brisé. D’abord les os, puis le cœur. Elle est plus vulnérable qu’elle n’y parait, celle qui autrefois était incontrôlable. Et au fond, c’est de cette façon qu’elle est entrée dans sa vie, Genesis. La brèche s’est ouverte, en même temps qu’elle s’est affaiblie. La brèche s’est ouverte, et le dragon a fait son nid. Et un sourire amusé s’installe sur le visage de la brune, alors qu’elle entend sa patronne affirmer que personne ne la retient. Oh, Genesis, on sait toutes les deux que tu me rappelles à chaque fois. Elle ne répond pas, Kara, parce que cette simple idée lui suffit. Elle la rappellera, parce que c’est elle qui a besoin d’elle, et non l’inverse. Au mieux, l’étudiante aurait peur de ruiner son avenir, en tombant avec elle, en trempant dans ses trafics. C’est ce que tu veux bien avouer, Kara, mais il y a un petit autre chose, caché derrière tout ça. Ce petit quelque chose d’étrange. Ce petit quelque chose de malsain. A tel point qu’elle la laisse la dévorer des yeux, alors qu’elle s’habille lentement, sans prendre le temps de chercher à analyser son regard, à le comprendre. Et ce n’est qu’une fois prête qu’elle lui demande son avis, laissant le vautour lui tourner autour, laissant ses mains redresser son soutien-gorge, laissant ses mains passer sur elle. Un frisson qui l’envahit, bref, auquel elle ne souhaite pas porter attention, Kara. - Merci. Qu’elle répond simplement, en la regardant prendre un bijou qu’elle passe autour de son cou. Elle a l’impression d’être sa poupée, Kara. D’être sa chose. Et au fond, c’est un peu ce qu’elle est, peut-être. Réduite à cela, alors qu’elle a été élevée comme une femme forte, une femme qui s’impose, une femme promise à de grandes choses. Une fois le bijou correctement installé, elle se retourne pour la regarder de nouveau en répondant. - Ne t’inquiètes pas, je sais faire semblant. Du caractère, elle en a, et Genesis devra s’y faire. Une façon à elle de le lui dire, de l’affirmer, de s’imposer. - J’imagine que je t’appelles après pour débriefer ? Comme toujours, elle lui rend des comptes. Comme toujours, elle sait qu’elle devra lui parler, après.