let me show you how it hurts (blorgan #1)

Je soupire fortement et me résigne finalement à accepter l’invitation de Jenny. C’est le genre de fille capable de faire une crise existentielle si tu as malheur de lui dire non alors je préfère même pas tenter. Elle fait une soirée au Planet pour son anniversaire. Et même si je n'ai pas vraiment la tête à faire la fête ces derniers temps, j'essaye quand même de faire un effort. Le point positif dans tout ça ? C'est que Morgan n'est pas là. Elle est à une de ses répétitions ou quelque chose du genre, je sais même pas et je m'en fous en fait. Je n'ai pas écouté un mot de ce qu'elle m'a raconté ce matin lorsqu'elle a quitté mon appartement. Peu importe, le principal c'est que je n'ai pas à devoir supporter sa présence. Passer une soirée avec elle dans la situation actuelle, non merci. Sans façon. Depuis que je sais que je suis cocue, moins je la vois mieux je me porte. Et ça tombe bien puisqu'elle me fuit comme la peste aussi. Par lâcheté sans doute. J'attends de voir jusqu'où elle est prête à aller dans le mensonge. C'est peut-être un peu malsain mais c'est plus fort que moi. Ce n'est de toute évidence pas à moi de lui faire cracher le morceau. Elle a qu'à assumer un peu bordel. De mon côté j'ai beaucoup de mal à faire semblant. Et inconsciemment une distance semble s'être imposée dans notre couple. Je ne lui ai pas envoyé de message de la journée, et c'est sans doute mieux comme ça. On ne pourra pas me reprocher de jouer les hypocrites au moins. Mais en réalité je bouillonne de l'intérieur. Et j'ai passé la journée à tenter de me concentrer sur mes dossiers sans grand succès. Cette soirée n'est peut-être pas une si mauvaise idée finalement. Si ça peut me permettre de me changer les idées et de profiter un peu, pourquoi pas. J'ai clairement besoin d'arrêter de penser. A peine arrivée, je me rue sur un verre d'alcool que j'avale d'une traite sans sourciller. Maintenant que je suis là, autant ne pas faire les choses à moitié. La soirée commence doucement alors que mon regard est attiré sur une jeune fille que je ne connais pas. Si j'ai bien suivi, c'est une collègue de travail de Jenny. Blonde, grande, plutôt mignonne. Tout à fait le style qui pourrait me plaire. Un large sourire se dessine sur mes lèvres alors que nous nous installons côte à côte sur la banquette pour discuter. Ouais ok, je sais pas trop ce qui me prend sur le coup mais ce soir j'ai pas vraiment envie de réfléchir. Après tout pourquoi je me priverais de quoi que ce soit en sachant que Morgan ne s'est pas gênée pour s'envoyer en l'air avec une autre ? Pour ma part je ne fais que discuter, il n'y a rien de mal à ça. Pour le moment. La soirée bat son plein et je décide d'aller danser avec elle. Je prends la main de la jeune femme pour l'inviter et l'aider à se lever lorsque je tombe nez à nez face à Morgan. Merde, c'était pas prévu ça. Je grimace légèrement avant de lâcher. « Ah t'es là. Je savais pas que tu venais ce soir. » Vive la communication d'un couple, c'est beau. « Tu permets, j'étais en train de partir danser. » Sa présence ne m'empêche pas de continuer ce que j'avais prévu de faire. Je ne vais pas me gêner parce qu'elle est là, bien au contraire. Une sorte de petite vengeance personnelle, quelque chose du genre. Oui ça y ressemble fortement.

Depuis mon écart de conduite, je suis différente avec Blake. Je le sais j’en ai conscience, et je n’ai pas vraiment réfléchi à la raison qui me pousse à l’être. Parce que si je voulais que rien ne change, je sais que je pourrai jouer la comédie, essayer au moins. Mais là, je m’éloigne d’elle peu à peu, sans doute par culpabilité, ou peut-être pour qu’elle se rende compte que quelque chose cloche avant que je ne lui avoue quoi que ce soit. C’est lâche, je sais, mais je n’arrive pas à trouver le bon moment. Y’a-t-il seulement un bon moment, une bonne façon pour avouer à la personne qui partage notre vie, qu’on l’a trompée avec quelqu’un d’autre. Je ne suis pas fière ce mes agissements, pas fière du tout, mais maintenant que c’est fait, il ne me reste plus que les regrets. J’ai bloqué Dylan sur TheChart, j’ai même supprimé l’application, pour éviter que Blake tombe dessus à un moment donné. Au moins, plus de risques. Ce soir, je répète jusqu’à tard, mais je sais que ma petite amie devait passer la soirée avec nos amis commun, pour un anniversaire ou je ne sais plus quoi. Une fois ma répète terminée, je cherche dans notre échange de sms l’endroit où devait se trouver la soirée - à laquelle je n’était pas censée assister. Mais je me dois de faire un effort, et peut-être qu’une soirée sans prise de tête, entourées de gens sympas, pourrait m’aider à retrouver un peu ma copine. Une fois sur place, je trouve rapidement Jenny que je serre amicalement dans mes bras. « Je croyais que tu devais pas venir ?! » Je hausse les épaules. « Ma répète s’est finie plus tôt que prévu. Blake est pas avec toi ? » Jenny balaye la foule du regard. « J’crois qu’elle est partie danser. » Je hoche la tête en souriant, et décide à aller la rejoindre. Mon regard scrute, s’attarde, pour finalement se poser sur le visage de ma petite amie. Qui est visiblement accompagnée. Mon coeur s’emballe un peu alors que je m’approche. « Ah t'es là. Je savais pas que tu venais ce soir. » « Je… c’était pas prévu non. Je voulais te faire la surprise. » Je baisse les yeux sur la main de Blake qui tient celle de la jeune femme à ses côtés. Je cherche à comprendre. « Tu permets, j'étais en train de partir danser. » Alors là, je reste sur le cul. « Euh… ok. » Elle s’éloigne sans lâcher la main de la nana près d’elle, avec qui elle va danser. Je fulmine. Ok. On se calme. Je fais demi-tour et vais me chercher un verre, un truc assez corsé, j’en ai besoin là. Je rejoins Jenny qui semble surprise. « Tu l’as pas trouvée ? » Je hoche la tête et descends la moitié de mon verre. « Si si. Elle danse avec une fille. J’vais attendre qu’elle ait fini. » Je m’assieds sur la banquette et ne lâche pas Blake des yeux, qui semble s’amuser comme une folle. Je rêve pas, elle est en train de flirter avec cette fille non ? Je serre les mâchoires et reste calme - pour le moment. Je sais pourtant que ça ne va pas durer.

Tout ça ne me ressemble pas. Et pourtant, je prends un malin plaisir à le faire. Ce soir, j’ai envie de lâcher prise. Totalement. Si ça fait des jours que je me ronge le cerveau à cause de ce foutu message, là, tout de suite, je n’ai plus envie de réfléchir. Je mets mon esprit sur pause le temps d’une soirée. Advienne que pourra. Et même si la présence de Morgan n'était initialement pas prévue au programme, c'est encore mieux qu'elle soit là finalement. Je ne vais pas me gêner pour elle. C'est en quelque sorte un test pour la pousser dans ses retranchements et voir sa réaction. Je me dirige alors sur la piste de danse, ma main dans celle de la jeune femme. Mon sourire se veut un brin plus séducteur que d’habitude, mon attitude aussi. Je suis beaucoup plus tactile que d’ordinaire. Mon corps se rapproche de celui de la demoiselle sur le rythme de la musique, alors que je viens même à plusieurs reprises lui parler à l'oreille dans une complicité qui se veut naissante. Je pense qu'elle n'a pas compris que j'étais en couple avec Morgan et ça m'arrange plutôt bien. Au moins c'est facile, je n'ai pas besoin d'en faire des caisses pour que le feeling soit naturel entre nous. Mon regard fixe régulièrement Morgan sur la banquette pour m’assurer qu’elle est bien spectatrice de la scène. Ça serait quand même dommage qu'elle ne puisse pas voir ce que je me donne un mal fou à faire. Gagné, le regard de Morgan a l'air plutôt insistant. Elle ne me quitte pas des yeux. Faut croire que mon numéro commence à faire son petit effet. Et pourtant je suis loin d’avoir abattu mes dernières cartes. Ce n’est que le début. Comportement puérile, complètement immature ? En réalité je m’en contre fous. Personne ne peut vraiment savoir de quoi il est question. Elle veut se la jouer distante et ne pas me parler depuis des jours, que grand bien lui fasse. Elle a réveillé en moi mon côté obscur. Après tout, notre couple n’est plus. Il n’existe plus à mes yeux depuis le moment où elle m’a trompé avec une autre. Mais encore faut-il qu’elle en assume les responsabilités. C’est facile de jouer les femmes faciles et de coucher avec la première venue mais quand il s’agit d’assumer, il n’y a plus personne. Félicitations. Un petit jeu de regard commence doucement à s'installer entre la jeune femme et moi alors que nos corps se rapprochent encore un peu, se frôlent même à plusieurs reprises. Après de longues minutes sur la piste de danse, j'abandonne finalement mon poste pour rejoindre notre table et me servir un nouveau verre. Je bouscule volontairement un peu Morgan sur mon passage avant de le boire cul sec. Dans le fond, mon comportement ne cherche et n’attend qu’une chose : une réaction de la part de ma petite-amie - enfin si on peut l'appeler encore comme ça d'ailleurs. Quelle qu’elle soit. Quelque chose qui me prouverait, finalement, qu’elle tient encore à moi... malgré tout. Une tentative désespérée.

Ça me fait mal, je ne vais pas le cacher. Parce que si je n’ai jamais été follement amoureuse de Blake, il n’empêche que j’ai de réels sentiments pour elle. Il y a toujours le visage de Maeve qui me hante quand je ferme les yeux, et je m’en veux pour ça, depuis que je suis avec Blake. Mais j’ai voulu essayer, parce qu’elle en valait la peine, parce que ça aurait pu marcher. Mais au final j’ai tout fait foirer, et je me rends compte aujourd’hui à quel point ça peut faire mal. Et encore, elle n’est pas en train de me tromper, juste de flirter avec une fille sous mon nez. Elle le fait exprès, je le vois bien, elle cherche mon regard, et chaque fois que je lui offre ce qu’elle veut, elle en rajoute des caisses. Je crois que la confrontation est inévitable. Trop de jours que je la fuis. Je dois assumer. Je ne m’attendais pas à devoir faire ça ce soir, mais de toute évidence, elle ne me laissera pas continuer sur cette pente glissante. Blake a fini de danser, elle revient et je la suis du regard, la mâchoire serrée. Elle boit son verre cul-sec et me bouscule, volontairement. « A quoi tu joues exactement ? » Oui je sais, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Mais sauf que notre couple, ça nous regarde. Que je sache, je n’ai pas été flirter avec une fille sous le nez de nos amis. Parce que oui, ce sont nos amis. Je la prends par le poignet, sans lui faire de mal, et l’attire avec moi jusqu’à l’extérieur pour qu’on puisse discuter tranquille. « T’en as bu combien ? On peut parler ou tu t’en souviendras pas demain ? » Merde Morgan calme-toi ! C’est pas le moment de faire un esclandre, c’est toi qui a merdé rappelle-toi ! Je prends une inspiration et passe mes mains nerveusement sur mon visage en prenant une grande inspiration. « Je… merde ! Ce qui se passe en ce moment entre nous, ça nous regarde. Pourquoi tu te donnes en spectacle comme ça devant nos amis ? » Et je trouve le moyen de lui faire la leçon, oui oui… Je suis pitoyable. Mais je n’ai pas envie de lui balancer ma connerie à la gueule, pas comme ça. J’aurai préféré trouver un moment plus opportun - si tant est qu’il existe - peut être un moment plus calme, propice à la discussion. Pas comme ça dans la colère, devant un bar…

Mon comportement sonne comme un appel au secours. Comme une bouée de sauvetage. Finalement, tout ce que je cherche à faire n’a pas vraiment de sens. La douleur qui me consume de l’intérieur me fait perdre la tête. Envahie par la colère, je ne suis plus vraiment maître de moi-même. Plus maître de rien du tout. La situation est peut être en train de m’échapper. Mais à quoi bon ? Tout ça n’a plus aucune importance maintenant. « A quoi tu joues exactement ? » Intérieurement, je jubile. Je vois dans son regard qu'elle bouillonne, et c’est exactement ce que je voulais. C'est exactement ce qu’elle mérite. J’ai besoin de sentir qu’elle regrette ne serait-ce qu'un minimum. « Bah quoi ? » Je laisse échapper un petit pouffement de rire d’entre mes lèvres. Un rire nerveux et incontrôlé. « J'ai juste envie de m'amuser un peu, ça te pose un problème ? » Ajoutais-je en haussant un peu les épaules d'un air détaché. Tout le monde a le droit de profiter d’une soirée et de prendre du bon temps non ? Elle, elle ne s’est pas gênée pour le faire. Au contraire. J’espère au moins que c’était un bon coup. Ça serait dommage que sa petite sauterie n’ait pas valu le coup. Les pensées fusent dans mon esprit, se mélangent et s’entremêlent. C’est un véritable bordel. Et heureusement, pour l’instant, rien de tout ça ne sort. Morgan m'attrape par le poignet pour me guider jusqu'à l'extérieur du bar. « T’en as bu combien ? On peut parler ou tu t’en souviendras pas demain ? » Je hausse une nouvelle fois les épaules comme si ça n'avait aucune foutue importance. Deux, trois, quatre ou cinq, qu'est-ce que ça change finalement ? « Je… merde ! Ce qui se passe en ce moment entre nous, ça nous regarde. Pourquoi tu te donnes en spectacle comme ça devant nos amis ? » Je ne peux m’empêcher d'écarquiller les yeux de surprise. Elle est plutôt gonflée de me faire la morale. « Parce que y'a que ça qui t'importe ? » Ça serait peut être temps d’assumer aussi. Si on en arrive à se donner en spectacle comme ça devant nos amis, c’est bien parce qu’elle l’a cherché. C’est de sa faute, uniquement de sa faute. « C'est gênant pour ton image et ta petite personne c'est ça ? » Les mots se délient de mes lèvres sans que je puisse réellement les contrôler. Je n’ai plus aucun filtre à présent. Et l’alcool ingurgité précédemment en est certainement responsable. « Tu me fuis comme la peste et m'ignores depuis des jours sans rien dire et c'est encore moi le problème ? » Venons-en aux faits. « Mais vas te faire foutre franchement. » Là, pour le coup, je suis peut-être en train d'aller trop loin. Le problème, c’est que je ne suis plus capable de m’en rendre compte. « Excuse-moi de ne pas savoir jouer à la petite amie parfaite et faire comme si de rien n'était devant les autres hein. » Elle me connait, elle sait que je ne sais pas faire semblant. Et je ne sais même pas comment j'arrive encore à me contrôler pour ne pas tout lui balancer en pleine figure.

J’essaie de comprendre pourquoi un tel comportement. Est-ce que c’est simplement parce que j’ai ris mes distances avec elle depuis quelques semaines ou est-ce que c’est parce qu’elle sait ? Mon estomac se tord en imaginant qu’elle puisse savoir avant même que je n’ai réussi à lui en parler, j’espère du plus profond de moi que ce n’est pas ça. Mais dans tous les cas, il ne faut pas être diplômé de psychologie pour comprendre qu’elle souffre. Je me retiens, si je n’avais pas joué, je n’aurai pas perdu. Et ce n’est pas à moi de faire une esclandre ce soir, malgré son comportement. « Bah quoi ? J'ai juste envie de m'amuser un peu, ça te pose un problème ? » Je serre les dents. Non, ça ne me pose pas de problème, mais je crois qu’il est temps qu’on discute, parce que si moi je suis restée discrète, elle est en train de montrer au monde à quel point notre couple est bidon, et j’aurai préféré qu’on en parle avant qu’elle se donne en spectacle. J’essaie de comprendre, de la bousculer un peu en sortant du bar et en lui demandant pourquoi elle se donne en spectacle comme ça. « Parce que y'a que ça qui t'importe ? » Je me pince les lèvres en soupirant, me mordant presque la langue pour ne pas dire de bêtises. « C'est gênant pour ton image et ta petite personne c'est ça ? » Je secoue la tête. « Arrête ! Tu me connais assez pour savoir que c’est pas mon genre. » Je sais que je l’ai blessée, que j’ai fait une erreur et que ça nous coûtera sans aucun doute notre couple, mais elle me connaît, elle sait qu’au delà de ça, le regard des gens, j’en ai toujours rien eu à foutre. « Tu me fuis comme la peste et m'ignores depuis des jours sans rien dire et c'est encore moi le problème ? Mais vas te faire foutre franchement. » Nous y sommes. Je ne la lâche pas des yeux, parce que ça fait trop longtemps que je repousse ce moment, et il n’est plus question de fuir. « Excuse-moi de ne pas savoir jouer à la petite amie parfaite et faire comme si de rien n'était devant les autres hein. » Je soupire cette fois, parce que je me sens au bord du précipice, et je crois que c’est le moment pour dire quelque chose. « Tu sais hein ? » Je n’ai pas besoin d’en dire plus, son regard parle pour elle, justement, je la connais assez bien pour savoir un tant soit peu lire dans son regard. Glissant une main dans mes cheveux, je m’efforce de prendre mon courage à deux main. « Je voulais trouver le bon moment pour t’en parler, je suis pas fière de ce que j’ai fait, c’est une grosse connerie j’en ai conscience, mais j’ai… putain Blake j’ai pas envie de te perdre. » Parce qu’au fond, malgré le bordel que fout Maeve dans ma tête et dans mon coeur, Blake y a sa place, et mes sentiments pour elle sont réels. Je sais juste pas exactement ce que je veux, et ça me terrifie.

Ce n'est peut-être pas le lieu ni le moment de me confronter à elle de cette façon, mais je crois que je suis restée trop longtemps sous silence. C'est pas bon de garder tout pour soi comme ça. Pas bon du tout même, la preuve. Ce soir, c'est juste la goûte qui fait déborder le vase. Si je me suis mise dans cet état ce n'est pas pour rien. La douleur qui me consume à l'intérieur est devenue trop forte, trop difficile à supporter. Je ne peux plus continuer d'encaisser. Je me sens bizarrement tout proche du point de non-retour, prête à exploser à tout moment. Mes accusations deviennent d'ailleurs plus précises, pointant parfaitement du doigt le vrai problème en question. Sa trahison. Je crois qu'elle a compris, je le sens dans son regard. Elle a compris que je suis au courant. Et même si je ne voulais pas que ça se passe comme ça, c'est peut-être mieux que ça sorte finalement. « Tu sais hein ? » Je ne dis rien, essaye de rester stoïque mais mon regard me trahit. Ça y est, c'est le moment. C'est maintenant. Une boule s'installe dans le fond de ma gorge alors que mon coeur se serre dans ma poitrine. Putain que ça fait mal. « Je voulais trouver le bon moment pour t’en parler, je suis pas fière de ce que j’ai fait, c’est une grosse connerie j’en ai conscience, mais j’ai… putain Blake j’ai pas envie de te perdre. » Je détourne le regard sentant les larmes me monter aux yeux. Je pourrais tout lui balancer à la figure, là, tout de suite, maintenant. Lui cracher ma haine dans un torrent d'insultes plus méchantes les unes que les autres, mais à quoi bon franchement ? Ça ne changerait rien. Et je n'en ai même plus la force. C'est comme si cette espèce de courage qui a réussi à me maintenir debout jusqu'à maintenant s'était brusquement envolée. « Tu aurais dû commencer par là tout de suite. » Mon ton est étrangement calme d'un coup. C'est assez étrange, mais à vrai dire j'ai eu le temps de m'y préparer. Ça explique pourquoi je ne réagis pas à chaud. « C'était tout ce que j'attendais de toi. » Qu'elle prenne ses responsabilités et qu'elle me dise. Je ne sais pas si ça la douleur aurait fait moins mal - sans doute pas, mais ça aurait peut-être changé des choses. « La vérité. » Un minimum d'honnêteté et de sincérité. C'est la base non ? « Mais tu n'as pas été foutu de me l'avouer. » Et finalement elle ne l'aurait peut-être jamais fait si je n'avais pas été au courant ? Je ne pourrais jamais le savoir. « Putain Morgan mais merde, c'était trop demandé ? » Je secoue un peu la tête, essuyant ma joue d'un revers de main. « Je ne comprends pas... » Beaucoup trop de questions se bousculent dans ma tête, même si en réalité je ne suis plus très sûre de vouloir savoir maintenant.

Ça y est. Le moment que je redoutais est arrivé, et je déteste cette sensation. Me sentir au bord du gouffre, ne plus avoir le choix. Je dois le faire, maintenant. Et c’est ce que je finis par faire, maladroitement, parce qu’il n’y a de toute manière pas de bonne formule pour avouer qu’on a trompé la personne avec qui on est en couple. Surtout que ça marchait plutôt bien entre nous, et je ne voulais pas lui faire de mal, c’est pourtant ce que j’ai fait, et ça me ronge depuis le matin où j’ai quitté le lit de Dylan. « Tu aurais dû commencer par là tout de suite. C'était tout ce que j'attendais de toi. La vérité. » Je soupire un peu, baisse les yeux comme la fautive que je suis. Evidemment que j’aurai dû commencer par ça, je le sais bien. « Mais tu n'as pas été foutu de me l'avouer. » Je déglutis avec difficulté, j’ai une boule dans la gorge, juste de savoir à quel point je peux la blesser. Je secoue un peu la tête. « Parce que j’avais honte, j’ai honte, je suis dégoûtée de moi-même, je comprends même pas ce qui m’a pris… » Je me sens affreusement conne, et je le suis. « Putain Morgan mais merde, c'était trop demandé ? Je ne comprends pas... » Elle essuie ses larmes et j’ai mal, j’ai mal de la faire souffrir de cette manière. « Je sais pas quoi te dire, je sais pas pourquoi j’ai fait ça, j’ai… » Je passe mes mains dans mes cheveux, avec une certaine nervosité. Je me sens vulnérable, face à mes peurs, ma peur de l’engagement sans doute, et ça fait pourtant un an que notre histoire dure. « J’ai aucune excuse. Aucune qui soit valable. J’suis juste une belle ordure. T’as raison de le penser. » Je baisse les yeux, l’air un peu penaud, je sais même pas quoi dire. J’avais essayé de me préparer à ce moment, le jour où je trouverai le courage de lui avouer. Et j’ai même pas été foutue de le faire correctement, il a fallu qu’elle me mette le nez dans ma propre merde. « Ça voulait rien dire, c’était un moment d’égarement, je sais que je suis pas pardonnable, et que les cartes sont entre tes mains, mais je suis désolée Blake, vraiment désolée, et ça change rien à ce que je ressens pour toi… » C’est une réalité. Maintenant, reste à voir si elle me croira ou pas.

Le pire dans tout ça, c'est que je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi ? Si encore notre relation se passait mal, ou s'il y avait une raison particulière à ça, j'aurais pu comprendre. Peut-être pas forcément le pardonner mais au moins l'expliquer. Mais non, ce n'est pas le cas. Ou alors il y a quelque chose qui m'échappe. Dans tous les cas je suis tombée de haut. Et je me demande même si elle ne se joue pas de moi depuis le début ? Honnêtement je remets tout en cause. « Je sais pas quoi te dire, je sais pas pourquoi j’ai fait ça, j’ai… » Son discours est un peu décousu, maladroit aussi. Et en réalité ça me dépasse encore plus encore. Je suis perdue. « J’ai aucune excuse. Aucune qui soit valable. J’suis juste une belle ordure. T’as raison de le penser. » De toute façon il n'y a pas d'excuse valable à mes yeux capable de pardonner son geste. « Ça voulait rien dire, c’était un moment d’égarement, je sais que je suis pas pardonnable, et que les cartes sont entre tes mains, mais je suis désolée Blake, vraiment désolée, et ça change rien à ce que je ressens pour toi… » Elle pourrait dire n'importe quoi pour sa défense que ça ne changerait rien. Le mal est fait, il fallait réfléchir avant. C'est facile de se confondre en excuses devant moi maintenant qu'elle a été prise sur le fait. Mais a-t-elle pensé une seule seconde à moi lorsqu'elle était dans ses bras ? Je ne pense pas. « Je sais pas quoi te dire non plus Morgan. » Je hausse les épaules sans grande conviction. En réalité je ne sais même plus quoi penser de tout ça. Je crois que je préfère rester en colère contre elle sans penser au reste et aux conséquences. Je sais pas, c'est moins concret comme ça. Je secoue un peu la tête avant d'ajouter à voix basse un peu pour moi-même. « On était bien toutes les deux... » Enfin ouais je croyais, justement. Mais apparemment ce n'était pas suffisant. Je pose mon regard sur elle, plus blessée et déçue que véritablement énervée. « Tu as tout gâché. » Je ne suis pas sûre d'être capable de lui pardonner un jour. Pour moi la fidélité et la confiance sont les bases même d'un couple. Sans ça, il n'a plus lieu d'être. Je ne sais pas exactement ce qu'il adviendra de nous - si on peut encore parler d'un "nous" d'ailleurs. « Je crois que j'ai besoin d'un autre verre. » Et je me fous bien que ça ne soit pas raisonnable ou quoi. Là, tout de suite, c'est tout ce dont j'ai besoin. C'est même devenu absolument nécessaire. Je tourne les talons et retourne à l'intérieur du bar sans adresser un dernier regard à Morgan. Je ne veux pas gâcher la soirée, encore moins l'anniversaire de Jenny, ce n'est pas le but recherché. Alors je préfère fuir seule de mon côté... c'est mieux pour tout le monde.

Je me sens mal. Si c’était l’inverse, ça aurait signifié que je n’ai pas de coeur. Et il est bel et bien là. Je suis un être humain, j’ai fait une connerie, une grosse connerie, et je culpabilise. Ça fait des semaines que je culpabilise. « Je sais pas quoi te dire non plus Morgan. » lâche-t-elle d’un ton presque un peu trop monotone. J’aurai préféré qu’elle gueule, qu’elle me foute une baffe même, mais qu’elle évacue sa rancoeur à mon propos. Au lieu de ça on dirait qu’elle s’éteint, comme une bougie. Et moi j’ai peur, peur de la perdre parce que malgré tout je tiens à elle. « On était bien toutes les deux... » J’ai une boule dans la gorge qui ne veut plus partir. « Oui, et on pourrait l’être encore, on pourrait essayer de passer au dessus de tout ça ? Tu crois pas ? » Je lui en demande beaucoup. C’est trop frais. « Tu as tout gâché. » Le regard qu’elle pose sur moi me fend le coeur, mais je ne peux pas pleurer, ce n’est pas à moi de pleurer. Pourtant j’ai mal, de ma propre connerie. « Je sais, mais je peux essayer de réparer, laisse-moi essayer, Blake s’il te plait… » J’ai la sensation qu’elle ne m’écoute même pas. Son regard n’est plus accroché au mien, je sens que je l’ai perdue et ça me rend folle. « Je crois que j'ai besoin d'un autre verre. » Je secoue la tête. « Blake attend, tu vas pas te bourrer la gueule à cause de moi. Blake ! » J’essaie de la retenir mais en vain. Fait chier. Passe mes mains dans mes cheveux et soupire fortement, cherchant quoi faire. Mais dans l’immédiat, je ne peux rien faire, il lui faudra juste du temps, et si je garde espoir, peut-être qu’elle me pardonnera. Un peu. Juste un peu.