new beginnings. (shiloh)

À peine l’année 2019 avait-elle commencé que j’avais été appelée pour une nouvelle offre de travail. Ayant abandonné peu avant Noël mon emploi de dog-sitter pour tous ces gens riches à foison, je me sentais soulagée de ne pas avoir eu à attendre bien longtemps avant de recommencer à travailler. Bien sûr, vivre avec Cheyenne dans son petit paradis de nature était comme une jolie parenthèse mais je savais également qu’elle devrait se refermer un jour. Je n’en avais pas forcément très envie, car vivre à ses côtés était agréable et apaisant. J’aimais sa façon d’exister. J’aimais sa façon de voir chaque nouvelle journée comme une nouvelle opportunité de découvrir de nouvelles choses. Elle était si libre. Elle était comme un de ces animaux sauvages qui gambadaient dans les forêts. Cheyenne était une fée des bois – ma fée des bois. Mais je commençais un nouveau chapitre aujourd’hui de ma propre existence et j’étais excitée à l’idée de faire de nouvelles rencontres, d’apprendre tout ce que je ne savais pas encore. Alors j’avais délaissé la rousse ce matin, déposant un baiser léger sur ses lèvres encore gonflées de sommeil, et m’étais rendue à l’hôpital pour prendre mon nouveau poste : j’étais chargée de passer de chambre en chambre divertir les malades qui s’ennuyaient ferme la journée.

À dix heures trente, le chef de service gériatrique me propose de prendre dix minutes pour un café et un gâteau dans la salle de repos et je ne me fais pas prier. J’ai les yeux un peu fatigués d’avoir lu à mes nouveaux patients mais le sourire sur leur visage ridé et leur voix tremblotante lorsqu’ils me remerciaient me suffisaient pour être contente de me trouver à leurs côtés. Lentement, je déambule dans les couloirs à l’odeur aseptisée, retrouve difficile le chemin jusqu’à la salle de repos si bien que je suis obligée de m’arrêter à plusieurs reprises et demander mon chemin à des infirmières passant par là. Quand j’entre enfin dans la petite salle, à la même couleur que tous ces couloirs qui se ressemblent tous, une bonne odeur de café m’envahit les narines et je pousse un soupir de réconfort. Chantonnant joyeusement, j’attrape une tasse – la plus grande que je trouve – et me sers du café avant de remarquer une tête blonde, installée dans un des fauteuils de la salle. « Bonjour ! je lâche avec bonne humeur. Hey, on se connait ! On s’est déjà rencontrées, je crois, continué-je sur le même ton. » J’avais toujours eu une facilité pour mémoriser les visages que je croisais. « Shiloh, c’est ça ? » Et je traînais si souvent à l’agence pour emploi que je croisais beaucoup de monde. La blonde était l’une de ces personnes. Une de ces personnes qui, comme moi, courrait après les petits boulots comme d’autres courent après la gloire. « Alors comme ça, tu travailles ici aussi ? J’ai commencé ce matin, j’ajoute. Tu fais quoi, toi ? »

Un nouveau jour, un nouveau petit boulot. C’est devenu une habitude maintenant, c’est presque une routine. Que ne ferait pas une mère pour son enfant ? J’ai quelqu’un qui compte sur moi alors je ne peux pas me permettre de rechigner à la tâche, même si le boulot en question ne me plaît pas. Aujourd’hui j’ai été assignée à l’hôpital. Je ne sais pas encore bien ce que je dois faire, je suis justement censée rencontrer un responsable qui m’expliquera clairement dans quel service je dois aller et ce que j’y ferais exactement. C’est vêtue simplement - tee-shirt, jean et baskets - que je m’y rends. Si je dois courir dans tous les sens autant que je sois dans des vêtements confortables. Mais je doute que j’aurais à courir, je ne suis pas du personnel médical après tout. Je presse le pas pour être à l’heure. Le matin c’est compliqué, en particulier à cause de mon petit bout, mais jusque là j’ai toujours réussi à m’en sortir. Et j’en suis pas peu fière ! C’est sûrement anodin mais on prends les victoires où on peut après tout. J’arrive avec un peu d’avance et heureusement parce que cet endroit est immense. Pas la peine d’entrer pour savoir que je vais me perdre dans ce dédale. Autant ne pas gâcher une seconde. Je rentre dans le bâtiment. Je me sens comme une petite anonyme perdue au milieu de la jungle. Ca court dans tous les sens, on sent déjà l’effervescence, et il est encore tôt, c’est plutôt impressionnant je dois dire. Un coup d’oeil à mon téléphone. Pas d’appels, ni de messages, mais l’heure tourne et il faut que je trouve le responsable. Je ne sais pas comment je me débrouille mais je le trouve sans mal. “Bonjour, je suis Shiloh Camp…” D’un doigt il m’intime au silence. Je remarque seulement maintenant qu’il est au téléphone. Je me tiens droite sans savoir quoi faire de mes mains que je fourre nerveusement dans mes poches. “Attendez-moi dans cette salle, j’arrive dans deux minutes” me dit-il en montrant une salle du doigt avant de partir précipitamment. Je rentre dans la salle et décide de m’asseoir dans un des fauteuils en attendant son retour. Je suis soudain très vite perdue dans mes pensées si bien que je n’entends pas que quelqu’un rentre et se fait un café. Ce n’est que quand elle me parle que je reviens sur terre. “Oh, euh salut !” je réponds, troublée. Je met quelques secondes à la remettre. “Oui c’est ça. Et toi c’est… Noël ? Non, Nolan ?” Y a pas mal de gens qui cherchent des petits boulots pour vivoter, mais généralement c’est toujours les mêmes visages qu’on croise inlassablement. “Je sais pas encore exactement. Je viens d’arriver. Du classement je crois. Tout ce que je sais c’est qu’un des responsables avait besoin d’un “extra”. Alors ça va un peu être la surprise…” Je hausse les épaules un peu timidement. J’aurais nettement préféré faire du dessin avec des enfants ou ce genre de trucs. Enfin, c’est pas exclu. D’ailleurs j’ai pris mon matériel au cas où. Mais je me fais pas trop d’illusion. “Et toi ? T’es là depuis longtemps ? C’est pas trop fatiguant toute cette agitation ? Les voir courir partout ça me filerait presque la nausée…” J’suis pas du genre sportive, je peux pas le cacher.

« Noël, je répète d’un air amusé. » Je me mets à rire de bon cœur. « Oui, c’est ça. C’est Nolan, j’acquiesce toujours en souriant. Mais tu peux m’appeler Nono si tu préfères. » Je ne connaissais pas tellement Shiloh, mais je l’aimais bien déjà. Elle me faisait une bonne impression et elle avait l’air rigolote. J’étais contente de la trouver là – je suis sûre qu’on allait pouvoir s’amuser ensemble entre les murs trop blancs de cet hôpital. Je n’éprouvais que très rarement des difficultés à me lier aux autres, à aller vers des étrangers – et si c’était une bonne chose à certains moments, ça ne l’était pas dans toutes les occasions. Mais, avec Shiloh, il n’y avait pas de problème. Son visage me disait qu’elle était gentille. Et peut-être même que c’était ses cheveux blonds qui lui conféraient comme une aura solaire et chaleureuse. « Du classement ? Eurk, je grimace sans pouvoir me retenir. Je crois qu’à ta place je finirais par en faire des cocottes en papier, de toute leur paperasse. » Ou des origamis. Je crois que ça m’amuserait. J’étais parfois une vraie enfant et j’avais un mal fou à rester sérieuse plus de quelques minutes d’affilée. J’avais besoin de m’amuser, j’avais besoin de voir le fun dans chaque chose. Le monde était déjà bien trop sombre et triste pour en rajouter, alors j’avais décidé de laisser entrer le soleil à n’importe quelle occasion dans ma vie.

Je crois que j’aurais aimé travailler à ses côtés. Elle avait l’air trop gentille, trop douce pour être cachée dans un bureau sous une montagne de papiers. Je suis sûre qu’elle se débrouille bien avec les enfants, en plus ! « J’ai commencé y’a quoi… quelques jours, peut-être ? J’ai parfois l’impression que ça fait des mois que je bosse ici, rétorqué-je en passant une main dans mes bouclettes. Je m’occupe des petits vieux et des enfants en leur lisant des histoires. » Et j’avais rapidement appris à apprécier ces moments privilégiés. Ces petits moments comme des bulles, des parenthèses où le temps s’arrêtait. « Je dois avouer qu’ils me donnent le tournis, tous, à s’agiter dans tous les sens comme des poules dans leur poulailler. » Je grimace légèrement. « Je suis plus le genre de fille à prendre le temps de vivre, à profiter de l’instant, j’ajoute. Alors les voir courir partout et tout le temps, ça me donne des palpitations au cœur. » Haussant les épaules, je finis par m’installer sur le fauteuil à côté de la blonde et lui sourit. « Mais tu verras, tu t’y feras. Enfin j’espère, ris-je. » Je lève ma tasse fumante, faisant semblant de trinquer comme on le ferait avec une flûte de champagne. « À ton premier jour, alors. Bienvenue parmi nous. » Avec chaleur, je lui souris, heureuse de pouvoir la côtoyer entre les murs de l’hôpital.

je suis pas très douée pour retenir les prénoms. c'est comme ça. peut être que c'est parce que moi même changé le mien ? ouais non ce serait un peu gros quand même. j'ai juste une mémoire de merde. c'est beaucoup plus plausible. " noël. " elle rigole, je souris timidement. " oui, c’est ça. c’est nolan. mais tu peux m’appeler nono si tu préfères. " c'est marrant comme surnom. je sais pas pourquoi mais ça m'amuse. " va pour nono alors. " au pire, noël ou nolan, nono ça passe. ce sera plus facile à retenir j'espère. ou alors je m'achète une mémoire. ça peut se faire aussi. elle me demande ce que je vais faire ici mais j'avoue que j'en ai aucune idée. " du classement ? eurk. je crois qu’à ta place je finirais par en faire des cocottes en papier, de toute leur paperasse. " j'éclate de rire ce qui est loin d'être très discret vu l'endroit. " n'empêche ce sera créatif. ça me plairait bien ça. " de faire du créatif. là où j'excelle. je suis curieuse de savoir ce qu'elle fait ici elle par contre. " j'ai commencé y’a quoi… quelques jours, peut-être ? j’ai parfois l’impression que ça fait des mois que je bosse ici. je m’occupe des petits vieux et des enfants en leur lisant des histoires. " oh c'est bien ça. ce n'est pas très compliqué et ça rend les gens heureux. enfin je le vois comme ça. " d'accord. " je ne suis pas jalouse mais j'aimerai bien faire la même chose. " je dois avouer qu’ils me donnent le tournis, tous, à s’agiter dans tous les sens comme des poules dans leur poulailler. je suis plus le genre de fille à prendre le temps de vivre, à profiter de l’instant. alors les voir courir partout et tout le temps, ça me donne des palpitations au cœur. " ce que j'aime bien avec nolan c'est qu'elle est un peu comme moi. sans filtre. ça sort comme ça veut. " c'est bien t'es au bon endroit si tu dois faire un malaise. " ah bah y'a pas mieux qu'ici. " mais tu verras, tu t’y feras. enfin j’espère. à ton premier jour, alors. bienvenue parmi nous. " je récupère ma tasse et me joins à elle. " merci. j'espère que tout se passera bien oui. " je bois une gorgée, manque de me brûler. " tu crois que y'a moyen que je demande à être avec toi ? enfin si y'a besoin de monde mais je me doute que tu peux pas t'occuper de tous les gosses ni de tous les petits vieux à toi toute seule. t'es toute seule ou vous êtes plusieurs ? " non pas que la paperasse ça me soule mais je suis plus dans l'humain de toute façon.

Shiloh a l’air gentille. Sympathique. Elle a une belle aura. Ou peut-être que la lumière qui jouait lentement dans ses mèches blondes me faisait penser qu’elle avait une belle aura. Ou peut-être que c’était juste son sourire. Elle avait un joli sourire. Un sourire franc, honnête. Et son rire résonnait comme un carillon contre les murs trop blancs de la salle de repos – à croire qu’ils avaient eu une promotion sur les pots de peinture, ici. « On peut toujours essayer de te ramener au coin lecture, tu laisses échapper avec un haussement d’épaules. C’est sûr que je ne peux pas m’occuper de tous les patients et les entasser tous dans une pauvre salle, ça ne leur sera d’aucun réconfort. » Je fronce un peu les sourcils en m’asseyant sur une chaise, réfléchissant à comment convaincre les supérieurs pour que Shiloh puisse m’aider. Après tout, ils étaient pas mal à cheval sur la paperasse, ici. C’était compréhensible, mais ça n’en restait pas moins la partie la plus ennuyeuse du travail ici. C’était sûrement pour ça qu’ils refilaient ça à une pauvre intérimaire qui débute – pour ne pas avoir à s’en charger, à perdre du temps en tâches fastidieuses.

Je bois une gorgée de mon café trop chaud, l’amertume se déposant doucement sur ma langue. « Ce serait cool de travailler avec toi, finis-je par lâcher tout à trac. Je suis sûre qu’on pourrait trop bien s’entendre ! » Je n’avais jamais eu de mal à me lier aux gens, du moment que je me sentais assez à l’aise et en confiance. Shiloh m’inspirait tout ça. Elle dégageait un calme certain, apaisant. Presque maternel. Et elle était en même temps sauvage – ça se voyait à la lueur un peu indomptable au fond de ses yeux. Je n’aurais su l’expliquer mais elle était toute en dualité et ça m’attirait. J’étais à la fois intriguée et intéressée. « Tu as l’air d’être une fille chouette, en plus. Les patients vont t’adorer ! T’es plutôt douée avec les enfants ? Tu apprécies leur contact ? » Ce n’était pas tous les jours faciles de voir leur petit corps fatigué, leurs grands yeux mouillés à cause de la douleur qui les parcourait. Mais ils étaient bien plus fort qu’on ne l’imaginait. Parce qu’ils gardaient le sourire, peu importe les circonstances. Ils étaient parfois bien plus courageux que bien adultes que j’avais pu croiser ici.

" on peut toujours essayer de te ramener au coin lecture. c’est sûr que je ne peux pas m’occuper de tous les patients et les entasser tous dans une pauvre salle, ça ne leur sera d’aucun réconfort. " je souris, plutôt contente d'entendre ça. oui en fait j'en suis ravie même. parce que si je peux me greffer et bosser avec elle, ce serait vraiment cool. première journée et faire ma chieuse, ça me connait ça. enfin j'ai toujours été grande gueule ça n'est pas un problème. " si y'a moyen écoute... "je serai partante. carrément partante. ça paraît insignifiant comme boulot tout ça mais c'est important. le moral c'est important. la guérison en dépend bien souvent. alors oui, ce rôle ci est indispensable. et j'ai envie de contribuer à ça. plus qu'à faire de l'archivage. c'est même certain. " ce serait cool de travailler avec toi. je suis sûre qu’on pourrait trop bien s’entendre ! " je la regarde et lui adresse un sourire. je ne sais pas sur quoi elle se base exactement. enfin on s'est déjà croisées oui bien sur. mais on ne se connait pas. pourtant elle semble me faire confiance et ça me plait. elle m'inspire confiance aussi nolan. mais ça m'amuse cette réflexion. " ah oui ? " je suis curieuse, je me questionne. et je la questionne. " tu as l’air d’être une fille chouette, en plus. les patients vont t’adorer ! t’es plutôt douée avec les enfants ? tu apprécies leur contact ? " elle est marrante à m'interroger comme ça. mais c'est vrai qu'elle ne peut pas savoir. on n'en a pas parlé. en même temps ce n'est pas la première chose que je dis lorsque je rencontre quelqu'un alors... " j'ai un fils. " je sors mon téléphone et lui montre mon fond d'écran. une photo de milo et moi. " il a eu 4 ans il y a quelques semaines. " donc oui forcément, je m'entends bien avec les enfants, je suis plutôt douée et je les adore. enfin après je pense être encore une enfant parfois... " mais j'aimerai bien travailler avec toi oui. vaut mieux que tu demandes toi ou que je m'en charge ? je ne sais pas trop à qui m'adresser. " en fait ça peut être très intéressant. puis pour une fois je pourrai vraiment apprécier un boulot que j'ai. sans concession aucune.

« Ouais, tu as une jolie frimousse et un regard franc, j’acquiesce avec un grand sourire. J’aime ça ! » Le contact de Shiloh m’était agréable et je me fiais toujours à ma première impression. Je me trompais rarement sur les gens que je rencontrais – enfin, c’était ce que je me disais toujours parce que je préférais voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide. Alors la possibilité de travailler à ses côtés n’était pas désagréable en soi, surtout qu’il y avait tant à faire que nous ne serions clairement pas de trop à être à deux pour occuper les patients de l’hôpital. J’essaye alors de me renseigner l’air de rien et quand elle sort son téléphone portable pour me montrer son fils en fond d’écran, je sens mon petit cœur tout mou fondre un peu plus pour cette blondinette et sa jolie famille. « Il est trop mignon ! je m’exclame avec enthousiasme. Il a tes yeux, en plus. Et ton nez. » Je lâche un rire joyeux. « Il s’appelle comment ? » Je ne m’étais pourtant jamais sentie proche ou même attirée par les enfants avant ce travail. Je crois que, dans mon esprit, un enfant signifiait forcément des responsabilités que je n’étais pas encore prête à assumer. Mais le fils de Shiloh et tous les patients que je commençais à connaître semblaient toucher une corde sensible à l’intérieur de moi – une corde dont j’ignorais l’existence jusqu’alors.

Je souris à nouveau, ravie de voir que la proposition l’enchante au moins autant que moi. « Je m’en charge. J’irai me plaindre que bouhou je suis toute seule pour tous ces patients et que je ne peux pas tout faire et qu’une deuxième personne ne serait pas de trop. L’air de rien, je glisserai ton nom dans la conversation. » Haussant les épaules, je feins l’innocence en battant des cils de manière exagérée. « Et ni vu ni connu, emballé c’est pesé, l’affaire est dans le sac ! » J’avais vraiment envie de voir Shiloh évoluer dans ce milieu et elle s’y sentirait certainement plus à son aise que derrière un bureau, entourée de montagnes de papiers. Me penchant un peu vers elle et posant mon menton dans le creux de ma main, je fixe la blonde. « Alors, dis-moi, tu aimes faire quoi dans la vie ? Je suppose que maman c’est déjà un boulot à plein temps mais quand t’as pas la casquette de mère de famille, tu fais quoi ? » Je ne me rends pas compte que la jeune femme et moi venions à peine de nous rencontrer réellement. Si l’on s’était déjà croisées, jamais nous ne nous étions véritablement adressé la parole. Et je ne me rendais pas compte non plus que je pouvais paraître intrusive alors que ma curiosité était tout ce qu’il y avait de plus innocent.

” ouais, tu as une jolie frimousse et un regard franc. j’aime ça ! “ j’suis pas forcément à l’aise quand on me fait des compliments je dois bien l’avouer. mais j’arrive tout de même à lui faire un sourire. un peu gêné mais il est là. elle est vraiment gentille nolan. elle a quelque chose de doux et d’attachant mais je ne saurai dire pourquoi. parce que je ne la connais pas et je ne suis pas très douée pour jauger les gens. je me fais des idées sur chacun mais de là à dire si je vise dans le mile ou non, je ne pense pas. voir même, je tombe très souvent à côté. mais à elle j’ai envie de lui faire un peu confiance. et c’est aussi pour ça que je lui montre la photo de mon fils. je dois avouer que oui, j’aime le montrer aux gens que je connais mon p’tit loup parce que je suis fière de lui. mais comme toutes les mamans, j’aime pas forcément le mettre en avant. ” il est trop mignon ! il a tes yeux, en plus. et ton nez. il s’appelle comment ? “ je rigole face à son engouement. elle est marrante. ” milo. il s’appelle milo. “ je trouve que ça lui va bien mais je ne sais pas si je suis vraiment objective pour le coup. pour le reste de la discussion, je préfère la laisser faire. pour ma place ici. parce que je ne sais pas trop à qui m’adresser et surtout peut être que ça serait mal vu. j’en sais rien, c’est mon premier jour. ” je m’en charge. j’irai me plaindre que bouhou je suis toute seule pour tous ces patients et que je ne peux pas tout faire et qu’une deuxième personne ne serait pas de trop. l’air de rien, je glisserai ton nom dans la conversation. et ni vu ni connu, emballé c’est pesé, l’affaire est dans le sac ! “ j’éclate de rire en entendant son plan. elle a l’air bien motivée à le faire et ça me fait plaisir je dois bien l’avouer. ” et bah écoute je te fais confiance. “ au pire même si elle ne réussit pas je ne lui en voudrais pas ça c’est certain. je la vois prendre position face à moi. plus confortablement visiblement. ” alors, dis-moi, tu aimes faire quoi dans la vie ? je suppose que maman c’est déjà un boulot à plein temps mais quand t’as pas la casquette de mère de famille, tu fais quoi ? “ j’aime bien qu’elle soit curieuse. qu’elle s’intéresse à moi et à ce que je fais. ” en effet boulot à plein temps mais il m’en reste un peu pour faire des études d’art. et toi alors ? ta vie se résume de quelle façon ? “ je ne vois pas pourquoi elle serait la seule à pouvoir poser des questions.

J’observe la frimousse d’ange que Shiloh me présente fièrement sur son téléphone et ne peux m’empêcher de m’extasier face à ce petit bout trop chou. Je n’ai pas l’âme maternelle et je ne me suis encore jamais imaginé maman à mon âge, trop éprise de ma liberté et mon indépendance. Mais il est adorable, à n’en pas douter. « Milo. Milo, Shiloh. Shiloh, Milo, je répète, presque comme une mélodie enfantine, une de ces comptines qu’on chante aux enfants le soir avant de les endormir. C’est mignon, ça rime. Vous devez être un sacré duo, tous les deux ! » Un rire se brise dans ma gorge, éclate en petites étoiles – ces mêmes étoiles qui brillent dans les yeux de la blonde lorsqu’elle prononce le prénom de son enfant. Je ne parle pas du Papa, ne m’y intéresse pas. Je n’ai pas envie de paraître trop intrusive ou de mettre les pieds dans le plat alors je me concentre sur la mère et le fils – et c’est le plus important, je crois. Je serais contente de pouvoir travailler plus étroitement avec Shiloh, elle a l’air très gentille. Elle me plaît bien. Son aura est douce et caressante. Elle sera la nouvelle coqueluche auprès des malades de l’hôpital. Et ensemble, on pourrait faire des miracles entre ces murs trop blancs.

Sans me préoccuper du temps qui passe, je m’installe plus confortablement pour continuer notre conversation. Je ne devrais pas m’attarder mais ça m’est égal – je suis bien, là. « Des études d’art ? » Je penche la tête sur le côté, observant le visage fin et les mèches blondes qui l’encadrent. « Ça fonctionne bien. T’as une tête d’artiste. Ton âme sent la peinture et les couleurs de l’arc-en-ciel. » Shiloh était encore un puzzle dont je découvrais peu à peu les pièces et celle-ci s’insérait parfaitement dans le portrait. Shiloh était une artiste. C’était comme une nouvelle note sur la partition de sa vie. « Pas d’études pour moi, je ris en balançant mes boucles derrière mes épaules. Ma vie se résume à enchaîner les petits boulots qui payent mal. Jusqu’à il y a quelques semaines, j’étais encore dog-sitter. Puis, j’en ai eu marre alors j’ai cherché autre chose. » Haussant les épaules, je lui souris. « Et me voilà à lire des histoires, à rendre visite aux malades pour leur rendre leur quotidien plus facile à vivre. » J’allais et venais à travers la vie sans vraiment me poser. Nymphe des bois insaisissable, j’avais besoin de découvertes et d’aventures. Comme si chaque jour était un nouveau chapitre à écrire.

" milo. milo, shiloh. shiloh, milo. c’est mignon, ça rime. vous devez être un sacré duo, tous les deux ! " je souris et hoche la tête. c'est vrai qu'on est très complices avec mon fils. même si au fond on est plus un trio avec mon meilleur ami. toujours tous les trois et ce depuis le début. quoiqu'il en soit, on fonctionne bien ainsi malgré les quelques commentaires qu'on essuie parfois. des gosses qui élèvent un gosse. qui plus est, vu qu'on n'est pas ensembles et que ce n'est pas le père de milo, ça jase encore plus. mais on s'en fiche. on s'en est toujours foutus. on a besoin les uns des autres. c'est juste comme ça, un équilibre qu'on a trouvé et qui fonctionne plutôt pas mal. c'est aussi pour ça que j'arrive à suivre mes études d'art et que j'ai la possibilité de travailler pour ramener de l'argent aussi. parce qu'il est là pour m'aider, pour garder milo aussi. enfin voilà, on est un bel ensemble. " des études d’art ? ça fonctionne bien. t’as une tête d’artiste. ton âme sent la peinture et les couleurs de l’arc-en-ciel. " j'éclate de rire. ce n'est pas méchant du tout, bien au contraire. je suis surprise de sa manière de présenter les choses. j'en connais des gens qui sont dans leurs mondes et un peu perchés mais elle c'est une première. et je dois avouer que j'adore ça. " je note donc que mon âme sent la peinture et est toute colorée. mais c'est vrai que j'ai toujours aimé ça et je suis contente qu'on le ressente. " y'a rien de pire comme insulte pour moi qu'on me dise que je devrai être secrétaire ou quelque chose du genre. non, définitivement pas pour moi. " pas d’études pour moi. ma vie se résume à enchaîner les petits boulots qui payent mal. jusqu’à il y a quelques semaines, j’étais encore dog-sitter. puis, j’en ai eu marre alors j’ai cherché autre chose. et me voilà à lire des histoires, à rendre visite aux malades pour leur rendre leur quotidien plus facile à vivre. " elle est vraiment fascinante. une authenticité, quelque chose qui ne se fait plus j'ai l'impression. une simplicité aussi. très intéressante. " j'ai été dog-sitter un temps tiens. j'avoue que niveau boulot j'enchaîne pas mal aussi. mais t'as rien qui te passionne et qui soit régulier à côté de ça ? " j'dis pas qu'il faut absolument avoir quelque chose, c'est vraiment juste une curiosité soudaine.

J’entends Shiloh qui éclate de rire et ça sonne comme un carillon à mes oreilles. C’est joli. Il est joli, son rire. Il sonne un peu comme une mélodie. Je me demande soudainement alors si elle chante des berceuses à Milo le soir, avant qu’il ne s’endorme ? Probablement. Très certainement. Je ne la connais pas plus que ça, mais je sais qu’elle est une super maman. Ça se voit dans ses yeux, quand elle parle de son fils. Elle a cette étincelle qui vous crie qu’elle donnerait sa vie, son âme pour lui. C’est beau. Je l’aime bien, Shiloh. Elle est belle – et pas seulement physiquement. En vérité, je l’ai à peine observée. J’ai surtout vu au travers de sa peau. Elle est douce et piquante à la fois, comme une rose. Ses cheveux sont comme un soleil. Et puis, il y a son sourire qui illumine la pièce. Elle est belle, oui. De cette beauté artistique qu’on voudrait capturer sur la toile. Je crois que c’est ce qu’a dû ressentir Leonard de Vinci quand il a peint sa Mona Lisa. La Joconde, la femme certainement la plus célèbre mais également la plus mystérieuse aussi. « Et tu voudrais en faire quoi, de tes études d’art alors ? Devenir peintre ? Restaurer des œuvres ? Tenir une galerie ? » Parce qu’une beauté pareille, c’était presque un crime de ne pas la garder jalousement pour soi.

Quelque part, je crois qu’on se ressemble un peu, la blonde et moi. On est un peu sauvages, toutes les deux – d’une façon pourtant différente. Et elle est aussi plus mature que moi, mais ça doit être parce qu’elle est maman, ça. Avoir un enfant, c’est une grande responsabilité que certaines portent comme un fardeau. Shiloh, elle, elle semble plutôt voir cela comme une mission. La plus importante. Un peu comme si elle sauvait le monde. « Ce qui me passionne, c’est la découverte et l’aventure, je réponds avec un haussement d’épaules très léger. Je déteste me poser. Rester dans un même endroit trop longtemps. J’ai besoin de nouveauté, de rencontres. Le mouvement, c’est ce qui me fait vivre. » J’avais dû être un requin dans une autre vie – un gentil requin, sans les grandes dents. Parce que les requins étaient obligés de toujours être en mouvement pour respirer sous l’eau. Sinon ils mourraient. Alors j’étais comme les requins : j’étais obligée de toujours bouger pour ne pas mourir asphyxiée. « C’est quoi exactement, ton style d’art ? J’imagine que tu aimes les trucs plutôt borderline et décalés. Tu serais le genre de nana à détourner une œuvre classique pour en faire un truc plus actuel et totalement dans l’air du temps, je ris. »