'cause you had a bad day (aaron)

La journée n’avait pas particulièrement bien commencé. Pourquoi ça devrait m’étonner d’ouvrir les yeux dans une chambre d’hôpital ? Nope, rien d’étonnant. Même si je me demande bien comment je suis arrivé là. Il s’est passé quoi déjà ?

Après m’être réveillé, j’avais pris ma guitare et j’étais allé sur le toit de la maison pour gratter un peu. Ouais, je sais c’est un peu dangereux, mais depuis ma chambre je peux y accéder assez facilement. Puis c’est un peu le seul endroit chez moi où je peux gratter tranquille. Mes parents sont du genre hyper libérés - trop libérés - mais concernant la musique c’est du niveau footloose presque. Ils refusent catégoriquement que je devienne musicien. Pour eux c’est limite un crime quoi. Et évidemment il a fallu que je me fasse choper ce matin. Ce qui est dingue c’est qu’ils m’auraient surpris en pleine partouze ils n’auraient rien dit. Par contre me choper en train de composer là de suite ça va plus. C’est carrément dingue. Mais voilà, j’ai plus ma guitare. Ils me l’ont confisquée et m’ont envoyés à ce fichu boulot qu’ils m’ont trouvé pendant les vacances. Heureusement j’en ai plus pour très longtemps ! Les vacances sont presque terminées et bientôt c’est le retour au lycée. Ce qui au fond n’est pas tellement mieux pour moi. Bref j’y suis allé et faut croire que le boss aussi s’est fait choper en train de faire un truc pas super classe, parce qu’il était d’une humeur massacrante. Evidemment c’est le petit stagiaire qui s’est tout pris dans la gueule. Et vas-y que je trie les archives en numérisant les genre 8000 dossiers de la boîte. Puis vas-y qu’on t’envoie aller chercher douze cafés et t’as pas intérêt à mettre plus de dix minutes sinon attention à la colère divine. J’suis sorti et au lieu d’aller en face où cette fille canon - qui me résiste ce qui m’attire encore plus j’avoue - bosse, je suis allé ailleurs. Pas envie de la voir alors que je suis mal. Puis si j’ai si peu de temps et que je la vois, je vais être distrait. Alors je vais au café en bas de la rue. J’y vais régulièrement aussi, le café est meilleur. Je vais dans l’autre que pour la voir, bon et pour les gaufres. Je salue vaguement ce type que je vois à chaque fois que je viens ici, à croire qu’il bouge jamais de sa banquette celui là. Je commande les cafés et je sors. Et là… trou noir. Je sors et… Merde je sais plus… je sors et…

J’ouvre les yeux dans une chambre d’hôpital. Je sens le café. J’ai du tout renverser sur moi quand je me suis fait renverser par une voiture. Ou était-ce un bus ? Un camion ? Un vélo ? Je sais pas, je sais plus, je suis un peu embrouillé. On m’a peut-être filé un truc. Si je suis sous morphine ça risque d’être drôle. Mais j’ai pas l’impression d’être si blessé que ça, je sens rien. Ou peut-être qu’en effet on m’a foutu sous morphine. Je tourne la tête et je vois ce type. « Hé… t’es ce gars au café… » je m’exclame. Enfin, je voulais m’exclamer, mais je crois que c’était plus genre un murmure qu’une exclamation. « Il s’est passé quoi ? » Est-ce que je veux vraiment savoir ? Vu comment la journée a commencé je me dis que ça peut que mal tourner.

Tout est assez flou. Putain ça craint quand même. Vraiment une journée de merde. Je déteste les hôpitaux. En tant que visiteur déjà, mais en tant que patient c'est encore pire. Etre alité toute la journée sans pouvoir bouger, pisser dans une bassine, et compagnie, merci mais non merci. Alors je prie pour ne rien avoir de grave. Parce que j'aimerais partir le plus vite possible. « En gros, un scooter qui a pas regardé où il allait. Plus de peur que de mal, t’es juste bon pour du repos et quelques hématomes. » Je soupire. Bon, c'est déjà ça. J'essaie de me relever mais j'ai une vive douleur dans le bras. « ARGH ! Merde, t'es sûr ? Parce que mon bras me fait super mal... » Je baisse les yeux et tire le drap pour découvrir que j'ai le bras en écharpe. Bon. Au moins il est pas fracturé, mais à tous les coups je me suis choppé une bonne foulure. Génial... Ce sont mes parents qui vont être contents ! Pas de guitare pour un petit moment. J'suis verni. « Une foulure. Génial. C'est bien ma veine ça ! Journée de merde ! » je m'exclame, oubliant carrément la présence de l'autre type. Du moins jusqu'à ce qu'il se manifeste et se présente. « Au fait… J’m’appelle Aaron. » qu'il me fait. Je tourne la tête vers lui. Yep, je l'avais zappé. A cause de l'énervement du moment, à cause du choc de l'accident, j'en sais rien. « Levi. » je réponds simplement, toujours en proie à des émotions conflictuelles et pas particulièrement agréables, pour qui que ce soit. « Merci d'être resté, c'est sympa. Comment t'as fait ? Je croyais que y avait que la famille qui était autorisée à rester avec les patients. » Bon, au fond j'en sais rien. Mes connaissances médicales se limitent aux quelques saisons de Grey's Anatomy et Dr House que ma sœur m'a obligé à regarder avec elle. Et on peut pas dire que je prêtais vraiment attention aux dits épisodes. Je soupire. J'ai l'impression que c'est tout ce que j'ai fait depuis que j'ai ouvert les yeux. Merde, il va falloir que j'appelle mon patron, et mes parents. J'ai la flemme d'avance. Et franchement pas l'énergie pour l'instant. Alors comme à chaque fois que je cherche à repousser les tâches ingrates à plus tard, je laisse mon cerveau divaguer jusqu'à ce qu'il trouve un truc sur quoi se concentrer assez longtemps pour me faire oublier mes responsabilités. « C'est un carnet à dessins ? Tu dessines ? » je finis par demander à Aaron.

Sérieux je dois avoir une mauvaise étoile ou un mauvais karma, une malédiction, j'en sais rien. Mais putain ça soule. Je fais de mal à personne en plus ! Je suis qu'un mec de 17 ans qui rêve d'être musicien, un gars qui apprécie bien la gente féminine dont une demoiselle en particulier, un type qui va entrer en dernière année de lycée. Voilà, c'est tout ce que je suis. Sauf que maintenant j'ai un bras inutilisable, donc bye bye la guitare et la musique pendant je sais même pas combien de temps. Franchement ça m'énerve. Alors je préfère me concentrer sur le mec qui est là dans ma chambre et qui m'a pas laissé tout seul, ce que j'apprécie en fait. Faut dire que c'est toujours plus sympa d'avoir quelqu'un à son réveil à l'hôpital plutôt que de se réveiller sans savoir où on est ni pourquoi on est là et se mettre à paniquer et tout. Ouais, j'suis content qu'il soit là. Puis je le connais de vue, je l'ai croisé plusieurs fois. Alors c'est cool qu'on fasse connaissance, même si les circonstances craignent un peu mais bon. « Ah tu fais bien de me le dire ! Faut que nos histoires concordent sinon ils vont se dire que je me suis choppé une commotion cérébrale ou je sais pas quoi et ça risque de compliquer un peu les choses ! Frangin. » je réplique avec un sourire. Ouais, s'ils commencent à croire que j'ai perdu la mémoire jusqu'à en oublier "mon propre frère" ça va pas trop le faire. Je préfère ne pas relever sur son commentaire sur la fois où il a fait un séjour à l'hôpital en solo. C'est sûrement un truc un peu privé, alors je préfère pas m'en mêler. Au lieu de ça je dévie la conversation et je l'interroge sur son carnet. On dirait un carnet à dessin. Je m'y connais absolument pas en dessin, ou en dessinateurs ou en quoi que ce soit d'autre dans ce monde. Mais ça n'empêche pas de regarder et d'apprécier ! « Oh ça a l'air cool ! Tu fais des comics c'est ça ? Je connais que les super héros qu'on voit dans les films, j'ai jamais lu un comic de ma vie mais à chaque fois que je vois un film de super héros je me dis qu'il serait temps que je m'y mettes aux comics ! » je m'exclame en me redressant un peu douloureusement dans mon lit. « Bah ouais carrément ! » je m'exclame de plus belle quand il me propose d'y jeter un oeil. Ni une ni deux, j'ai son carnet devant le nez et je regarde ses dessins. « C'est génial, j'adore ! Bon, j'y connais absolument rien en dessin, mais j'adore tes dessins. J'aimerais savoir dessiner, mais je dessine comme un pied. » je lâche, ne manquant pas de m'esclaffer au passage. Les cours d'arts plastiques à l'école c'était assez comique. J'ai même réussi à faire partir une de mes profs en fou rire tellement mon dessin était raté une fois. C'est pour dire ! « Mon truc à moi c'est la musique. J'suis musicien. Auteur-compositeur pour être exact. » je reprends en lui rendant son carnet. « Je fais de la guitare. Autant dire que le bras en écharpe, ça m'arrange pas des masses... » je lâche en haussant les épaules, ce qui m'arrache un petit grognement de douleur.