Need social competences [Thyles]

J’y crois pas ! Elle est vraiment en train d’accepter l’invitation de ce type ! Je râle, la menace, mais rien ne semble y faire elle est déterminée à le suivre chez lui. Putain de merde ! J’abats ma dernière carte, je vais lui dégommer le tympan, elle sera bien forcée de rentrer. Thylo, binaire mais un peu rebelle quand elle le veut, glisse alors l’oreillette dans sa poche. Comment je le sais ? Parce que je parle fort et elle ne réagit pas. Saleté ! Et forcément je la vois qui emboite le pas de ce sale type, puis monter dans sa voiture. Bon et bah je l’avais prévenu, ça sera sans moi. C’est ce que j’ai dit, elle est prévenue, je ne lui dois rien puisqu’elle a décidé de n’en faire qu’à ça tête ! Mais ouais, bien sûr… A qui t’essaye de faire croire ça Jules ? Je soupire, excédée par l’attitude de la journaliste tout autant que par la mienne. Parce qu’évidemment je démarre la voiture et me mets à suivre celle dans laquelle se trouve la blonde. Je peste après elle de se mettre dans une telle situation, je marmonne après moi d’être assez conne pour jouer les toutous bien dressé. Mais la laisser dans la merde, même si je l’aurais voulu, j’en suis incapable. Pourquoi ? J’en sais rien, simplement de la savoir seule avec ce mec me retourne l’estomac. Bordel. Au moment où la voiture s’engage dans une allée privée je me gare sur le trottoir d’en face. Qu’est-ce que je vais faire d’ici ? Rien. Mais je suis là, au cas où. Pendant le trajet j’avais retiré le casque, me donnant un peu de répit en m’épargnant le discours du sale type. Je l’ai en horreur ça y est et ce n’est pas près de s’arranger. A peine le casque à nouveau sur les oreilles je serre les dents… l’avantage c’est que maintenant je peux commenter et l’insulter comme je le veux sans que Thylo n’entende plus rien. La belle affaire.
Mon sang ne fait qu’un tour quand les choses prennent une tournure qui bien que prévisible reste désagréable. J’ai pas vraiment envie d’entendre ça, je m’apprête à retirer le casque et me barrer une bonne fois pour toute quand j’entends la journaliste s’excuser auprès de son interlocuteur. Intriguée j’écoute la suite, ce message d’appel à l’aide que me lance blonde. Clairement elle mérite que je la laisse en plan, mais je me suis pas emmerdée à venir jusque là pour rien faire maintenant qu’elle a besoin de moi. Je soupire. Elle abuse ! Bien sûr que j’avais raison, je l’ai prévenu et elle n’en a fait qu’à ça tête. Dernier soupir, je retire le casque, fouille dans ma boite à gant pour en sortir un appareil photo compact. Je remonte l’allée privée jusqu’à la villa de monsieur j’ai trois jaguars sans même prendre la peine d’être discrète. Au contraire je fais le plus de bruit possible en renversant une poubelle pour aller me poster devant une fenêtre appareil photo en main. J’ai eu le temps de lire quelques trucs sur le bonhomme pendant que je poireautait devant le restau, notamment qu’il est en pleine procédure de divorce avec sa future ex-femme. Pour l’heure rien n’a été décidé et tout faux pas peu lui coûter très cher, surtout quand l’adultère est mis en avant et qu’il se trouve être actuellement en compagnie d’une femme. J’ai d’ailleurs comme un haut le cœur en voyant Thylo réapparaitre. Il ne faut pas plus de quelques minutes pour qu’il finisse par s’apercevoir de ma présence, il sort en trombe « Qu’est-ce que vous foutez là ? C’est une propriété privée. » je peste faussement de m’être faite pincer « Je… bin… » il voit l’appareil photo, je fais mine de le planquer « Elle vous envoie c’est ça ? » je fais celle qui ne comprend pas « Elle qui ? » il est tout rouge, c’est pas bon signe « Mon ex-femme ! Qui d’autre que cette peste ! Elle me fait surveiller c’est ça ? Elle veut des preuves pour son dossier et me faire cracher mes dollars ! ». La journaliste apparaît, nos regards se croisent, j’espère qu’elle ai la jugeote nécessaire pour jouer un semblant de comédie et prendre congé maintenant que les choses tournent aux désavantages de ce mec. Je hausse les épaules et recule quand il essaye d’attraper mon appareil, y’a rien dessus mais il peut être utile, la preuve. « Vous me donnez quoi pour que je les efface ? » il soupire « Elle vous donne combien ? » je souris « Six cent pour ce soir. » « Je vous donne huit cent et vous dégagez en me prouvant avoir tout effacé. » « Deal. » il disparaît pour aller chercher l’argent je regarde Thylo « Fais la femme vexée, agacée, j’en sais rien. Trouves un truc et barre toi. Descends la rue je t’attendrai au croisement. ». Il revient, me file mon cash, je lui montre l’appareil photo et me barre comme je suis arrivée. J’ai pas tout perdu.

Je sais pertinemment que je suis en train d’enfreindre une règle, au moins morale. Même si mon aisance sociale est minime, je sais tout de même distinguer le bien du mal, dans une certaine mesure, et ça n’est pas faute de m’être fait remarquer plusieurs fois que je ne devais pas me compromettre pour des infos. Jules en a été l’instigatrice, et je croyais avoir compris le message, mais souvent, ma quête de vérité, quelle qu’elle soit, est bien plus forte que l’estime ou le respect que j’ai de moi-même. Je ne l’ai pas appris de la même façon, certains psy en viennent à cette conclusion. Mes évidences sont différentes de celles des autres, étant donné que j’ai été élevée en milieu clos, avec un règlement particulier, et plutôt éloigner de celui des autres. Toujours est-il que j’ai moi-même retiré mon oreillette pour ne pas l’entendre hurler et me punir de cette façon, et étant donné qu’elle voit tout, elle a vite compris mon petit jeu.
Je le suis, je me lance, et je prends un énorme risque. Je n’ai sans doute pas conscience de la même façon des dangers que je cours, encore que je suis adulte, je me jette dans la gueule du loup en connaissance de cause, ou presque. Quoi qu’il en soit, je suis chez lui, seule, et j’espère intérieurement que Jules aura suivi le mouvement, même si je consens à dire que si elle m’avait laissé tomber, ça aurait été tout ce que je méritais. Je ne suis pas que weirdo, je suis aussi un peu têtu, même si je me doute que ça, elle l’avait remarqué toute seule…
Le bonhomme devient entreprenant, pas que ça me fasse peur mais je n’avais pas vraiment prévu de payer réellement les infos en nature, pas comme je le lui avais fait comprendre. Tout ça pour un article ? Oui, tout ça pour un job auquel je tiens parce qu’il m’apporte d’autre formes de confort. Et la liberté de m’exprimer, chose à laquelle je tiens tout particulièrement.
Je dois noter l’ingéniosité de Jules en jouant les paparazzis, et je mets toutes les forces dont je dispose pour fixer cette photographe d’un soir. Comme convenu, mon client suit mon regard et remarque la présence de mon acolyte, il sort en trompe. Sans doute pour jouer le bonhomme protecteur et capable de défendre sa taverne ? « Qu’est-ce que vous foutez là ? C’est une propriété privée. Elle vous envoie c’est ça ? » « Elle qui ? » J’admire le jeu d’actrice de Jules. Et sa facilité à improviser. « Mon ex-femme ! Qui d’autre que cette peste ! Elle me fait surveiller c’est ça ? Elle veut des preuves pour son dossier et me faire cracher mes dollars ! » Je les entends débattre. Une histoire d’ex-femme. Ça marche à tous les coups. Je me demande pourquoi les gens se marient étant donné que tout fini toujours en divorce ? Une réflexion à remettre à plus tard. Quand il traverse à nouveau le salon, il le quitte pour son bureau. « Fais la femme vexée, agacée, j’en sais rien. Trouves un truc et barre toi. Descends la rue je t’attendrai au croisement. » Je lui fais un signe de tête, et prends une seconde pour trouver le bon prétexte à tout quitter, et lui en particulier. Jules prends ses quelques billets et quitte la rue, il s’en assure par la fenêtre. Je croise les bras, fait les cents pas, fait surtout claquer mes talons sur le sol et endosse le rôle de la maîtresse vexée. « S’il y a une chose que je n’accepte pas d’un homme c’est qu’il en soit pas libre. Ta femme n’est pas vraiment sortie de ta vie. Je crois qu’on va en rester là. » Après deux baisers on peut se permettre de se tutoyer non ? Alors j’attrape ma pochette, pose la main sur un petit objet et franchis la porte. Même s’il essaye de me retenir. Je fonce au bas de la rue, comme je le peux sur mes talons, véritable torture. Une fois la voiture atteinte, je me fonds sur le siège passager et m’enfonce à l’intérieur pour disparaître de toute vue. « Démarre, démarre, démarre, je suis sûre qu’il est capable de me suivre. » Un peu d’empressement dans ma voix, qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Mais si je peux éviter la théorie du coup monté, sa plainte à mon patron, ça m’irait.

Fait chier ! En plus d’en faire qu’à sa tête, maintenant Thylo veut que je lui sauve la mise. C’était pas ça le plan, j’étais pas censée être ce genre de back up là. Enfin si, peut-être, éventuellement mais… Rah bordel ! Heureusement que j’ai de la ressource, des idées et que je joue assez bien la comédie. C’est pas la journaliste qui pourrait me rendre la pareille sur ce coup là. Comment ça c’est vache ? C’est mérité surtout, parce que je râle si je veux après cette blonde têtue qui me fait faire tout ces trucs je sais même pas pourquoi. Je perds pas totalement ma soirée en grattant huit cent balles et une fois la petite liasse récupérer je repars comme je suis venue. La balle est dans ton camp Thylo… Je remonte dans la voiture, démarre et comme prévu l’attends plus bas dans la rue. Quelque minutes plus tard la journaliste arrive marchant aussi vite qu’elle le peut sur ses talons, c’est assez drôle à voir. Elle monte à bord, se tasse sur le siège en m’ordonnant de démarrer « Ça va on est pas dans mission impossible. » mais je ne traine pas en route et nous éloigne sans attendre de cette rue. Passé deux blocs je glisse un regard dans sa direction « C’est bon tu peux t’asseoir correctement, on est pas suivi tout va bien. ». Elle se redresse, je soupire « T’as dit que j’avais raison j’en ai pris note, mais faut quand même que j’en rajoute. Je te l’avais bien dit ! » vaut mieux répéter pour qu’elle imprime et encore que je ne suis même pas sûre que ça soit le cas. Je secoue la tête, encore dépitée par son comportement « Tout ça pour trois pauvres infos. Putain Thylo t’as suivi ce sale type et je sais même pas jusqu’où t’étais prête à aller en acceptant ! » je fais un geste de la main pour lui signifier que je n’attends pas de réponse.
Le reste du trajet se fait plutôt silencieusement, je rumine son attitude, ce plan non tenu mais aussi mon incapacité à la laisser dans la merde. Pourquoi ça m’agaçait autant que ce type la drague ? Après tout c’était bien ça le but, et je devrais m’en foutre totalement. Je me gare devant chez la journaliste et l’aide à ramener tout le matériel, elle déverrouille les multiples serrures de sa porte, je souffle un rire ironique. C’est bien la peine d’être aussi parano d’une part et de foncer dans la gueule du loup sans réfléchir de l’autre. Je pose tout sur le comptoir « J’ai enregistré toute la conversation… Tu vas avoir un sacré boulot de tri à faire. » non je ne lui souhaite pas bon courage, c’est sa merde. « Bon bah mission accomplie. J’y vais. » lui dis-je en me dirigeant vers la porte, une main sur la poignée de celle-ci je m’arrête, me retourne un peu pour la regarder « Tu fais chier Thylo. Ça fonctionnait pas trop mal de bosser un peu ensemble, mais tu me l’as fait à l’envers ce soir. En plus que c’était une soirée vraiment pourrie d’entendre ce mec te complimenter lourdement. J’ai vraiment pris sur moi et j’avais prévu de pas te suivre, de te laisser gérer ça toute seule… Mais j’ai même pas pu ! » je hausse les épaules « Enfin bon tu t’en fous, t’as ce que tu voulais et puis on est quitte. ».

Je me rends compte avoir fait une grosse bêtise depuis le moment où je me suis pointée chez cet homme. Je savais pourtant que ça n’était pas une bonne idée et puis Jules me l’a dit une dizaine de fois, elle a même tenté de le hurler dans mon oreille. Alors pour être tout à fait honnête, je règlerais ça tout à l’heure, avec Jules et ma conscience, mais pour l’heure, la mission est d’arriver à la voiture sans qu’il ne me suive et sans me casser une cheville. Je ne suis pas sûre que ma partenaire soit pour une soirée prolongée aux urgences. Je la somme de démarrer. « Ça va on est pas dans mission impossible. » Mais s’il en vient à me suivre, elle va voir qui va accélérer ! « C’est bon tu peux t’asseoir correctement, on est pas suivi tout va bien. » « Il avait l’air plutôt accroché… » Je me redresse et regarde autour de moi, je ne le sens pas du tout là… Pourtant, Jules parvient à nous sortir du quartier sans même un accro. Je suis très admirative de son sang-froid. Une fois sorties de la ville, elle jubile, elle a raison en plus. « T’as dit que j’avais raison j’en ai pris note, mais faut quand même que j’en rajoute. Je te l’avais bien dit ! » « J’ai foiré. » Je reconnais aisément mes tords quand je me plante, de toute façon comment je pourrais me justifier ? Je ne pourrais pas le faire, je n’ai pas d’argument, Jules sens le truc depuis le début et moi je m’entête. Comme la dernière fois, non ? Le fait est qu’elle a souvent raison. « Tout ça pour trois pauvres infos. Putain Thylo t’as suivi ce sale type et je sais même pas jusqu’où t’étais prête à aller en acceptant ! » « Non, c’était plus que ça Jules, c’était mon job, OK ? » Elle ne peut sans doute pas le comprendre, elle est en freelance, mais paradoxalement, après avoir passé mon enfance enfermée, j'ai finalement besoin d’un cadre, parce que je sais que sans lui, je divague, et je me perdrais dans un combat contre des moulins à vents, de toute façon voué à l’échec.

Je ne dis plus un mot jusqu’à ce qu’elle me ramène chez moi, et elle me suit, elle entre avec moi et ça me rassure, je me dis que je n’ai pas tant foiré. Je peux me rattraper, tout du moins essayer. C’est le problème avec les gens, ils attendent certaines choses de vous mais il faut toujours les deviner. « J’ai enregistré toute la conversation… Tu vas avoir un sacré boulot de tri à faire. » Je grimace, rien qu’à l’idée de devoir écouter une nouvelle fois sa cour. Mais heureusement ma mémoire est sans failles et je sais déjà ce que je dois retenir, les enregistrements ne serviront que de preuves en cas de procès. « Bon bah mission accomplie. J’y vais. » « Tu ne veux pas… » Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’elle me tombe dessus, je l’attendais et je dois même dire que ça me rassure. « Tu fais chier Thylo. Ça fonctionnait pas trop mal de bosser un peu ensemble, mais tu me l’as fait à l’envers ce soir. En plus que c’était une soirée vraiment pourrie d’entendre ce mec te complimenter lourdement. J’ai vraiment pris sur moi et j’avais prévu de pas te suivre, de te laisser gérer ça toute seule… Mais j’ai même pas pu ! » « Je suis désolée. J’ai merdé Jules. Je pensais vraiment que… » Et je ne finis pas mes phrases ? Ça n’est pourtant pas de moi. Les humains ne me font pas d’effet, au pire ils m’irritent, mais elle, c’est différent. « Enfin bon tu t’en fous, t’as ce que tu voulais et puis on est quitte. » « Non, Jules, c’est pas ce que je voulais. » Je pose une clé USB sur le bureau. « C’est tous ses comptes, je sais que tu bosses pour un mec qui cherche des infos sur lui. T’as sans doute tout ce qu’il faut là-dedans. Tu en fais ce que tu en veux. » Je la regarde, soutiens son regard et croise les bras. « J’aimerais bien que tu restes. J’aime plus les soirées face à mon ordi depuis que tu arrêtes de m’engueuler pour tout et rien. » Depuis la période où on s’entend quoi, celle où on a commencé à sympathiser… Et puis la dernière fois, elle m’a même embrassé, ça doit vouloir dire que je suis plus qu’un simple plan boulot ?

Je pense que la journaliste a compris sa connerie. Mieux vaut tard que jamais. Ce n’est pas pour ça que je me prive de mentionner que je l’avais prévenu. C’était une idée débile de suivre ce mec, tout ça pour grappiller quelques éléments de plus alors qu’elle a déjà largement de quoi satisfaire les exigences de son patron. Le mieux est l’ennemi du bien. A trop vouloir en faire Thylo s’est mise en danger et il a fallu que je lui sauve la mise. Donc ouais elle a foiré et peu importe qu’elle mette son boulot en avant, qu’elle pense que je ne peux pas comprendre, elle a merdé, point. Et moi ça m’énerve, pour tout un tas de raisons. Je l’aide à ramener son matériel jusque chez elle sans l’intention de m’attarder très longtemps, de toute façon elle a du boulot à faire et la connaissant un peu elle va probablement s’y mettre à peine aurais je franchis la porte. Au moment où je prends congé la blonde tente quelque chose, quoi j’en sais rien parce que je ne la laisse pas finir sa phrase. Si c’est pour enfoncer des portes ouvertes, j’ai pas besoin de l’entendre me balancer un discours formaté. Je suis énervée et la soupape fini par sauter, je lui fais part de la soirée vraiment désagréable que j’ai passé avec ses conneries. J’ai fait des efforts depuis qu’on se connaît, apprenant comment elle fonctionne, trouvant même un certains plaisir à passer du temps en sa compagnie aussi étrange soit elle parfois. Mais là elle a dépassé une limite, et je déteste avoir ressenti de l’inquiétude à son égard. Elle est désolée. Elle a merdé. Merci Captain Obvious. J’arque un sourcil, depuis quand elle ne fini pas une phrase ? Thylo a toujours un truc à dire, un avis – bien à elle – à partager. Je ne suis pas d’humeur à lire entre les lignes et entre les siennes c’est de toute façon peine perdue, c’est vraiment le moment de partir.
Etonnamment la journaliste cherche à me retenir, ou tout du moins à ce que je ne parte pas fâchée. C’est suffisamment surprenant pour m’arrêter une nouvelle fois dans mon élan alors qu’elle dégaine une clé usb, la posant sur son bureau. Je fronce légèrement les sourcils, pas certaine de comprendre ce qu’elle cherche à faire. C’est quoi ça ? Un paiement ? Et depuis quand elle se mêle de mes affaires ? Je soupire. « J’en veux pas. » lâché-je et relevant le regard dans sa direction « J’ai pas besoin que tu te rachètes comme ça et mes infos je les récupère moi. » question de fierté, là clairement elle est mal placée, je dis juste ça parce que je suis en colère. Thylo ne cille pas, me regardant droit dans les yeux, croisant les bras et… me demandant de rester ? Elle le fait d’une manière bien à elle, avouant ne plus réellement apprécier de passer des heures devant son ordi. La formulation est un peu maladroite, je ne suis pas certaine de saisir vraiment le truc mais… elle préfère passer du temps avec moi ? « Que je reste ? » répété-je surprise, je pointe du doigt l’ordinateur que j’ai posé un peu plus tôt « Il est hors de question que je réécoute ce sale type te draguer. J’en ai assez fait pour ce soir, je crois. Alors oublie si tu comptes bosser là dessus. ». Je lève les yeux dépitée moi-même par ce que je m’apprête à dire « Ok. Je reste… » mais pourquoi je fais ça ?

Je sens son énervement jusqu’ici. Pas que je sois ce qui se fait de plus empathique, du moins j’apprends, à lire sur les visages des gens, leurs expressions. Tout ça est naturel pour un enfant, mais pour moi, ça doit venir d’un apprentissage théorique. Mais vu le coup de gueule que Jules vient de pousser, je pense que j’ai compris. En même temps, le haussement de ton ne me perturbe pas, je l’ai trop entendu, mais je l’associe à une émotion négative comme la colère, la déception…
« J’en veux pas. J’ai pas besoin que tu te rachètes comme ça et mes infos je les récupère moi. » Je lève un sourcil, je sais que d’habitude je répondrais que ce n’est pas totalement vrai vu que la dernière fois elle n’a pas rechigné à en prendre une ou deux au passage. Mais je devine que ce n’est pas la chose à faire. Mon problème est de devoir turbiner deux fois plus pour me demander si ça se fait ou pas. L’être humain est trop compliqué, le vexer est d’une facilité déconcertante.
« Que je reste ? » Je hoche la tête, oui, j’aimerais qu’elle reste, qu’est-ce-que j’ai mal formulé ? Je ne saisis pas bien les nuances de langage, quel intérêt ? Autant appeler un chat, un chat. « Il est hors de question que je réécoute ce sale type te draguer. J’en ai assez fait pour ce soir, je crois. Alors oublie si tu comptes bosser là dessus. » « Non, tout est dans ma tête. Les enregistrements, ce sera pour quand il nous collera un procès. » Et ça finira par arriver vu que je l’ai sans doute vexé. J’attends le retour de mon boss, mais j’imagine que ça ne va pas se passer comme ça. Il est tolérant mais a ses limites. « Ok. Je reste… » Elle lâche la porte et je crois que ça me soulage. Je ne retourne pas après elle pour fermer à clé, je prends sur moi, elle peut sans doute le noter. Mais si elle vient de consentir à un effort, je dois en faire un de mon côté. Il paraît que ça marche comme ça. Je lui sors une bière, je sais qu’elle comptait en boire une fraîche après le resto, pour peu que ça ne prenne pas une éternité, et m’en sors une à moi aussi. J’ai besoin de me détendre. Et surtout de me changer. Je vais me changer sans un mot, histoire d’enfiler quelque-chose de beaucoup plus pratique et reviens dans la cuisine, donnant sur le salon, m’arrêtant à l’encadrement de la porte. « En fait, j’ai très envie de toi. » Que je balance de but en blanc, autant que les choses soient claires pour être comprises.

Pas que je veuille faire ma tête de mule à mon tour, mais j’ai été vraiment contrarié par son attitude, je le suis toujours à vrai dire. Même la tentative de Thylo pour se racheter en me donnant des infos ne parvient pas à me faire passer outre. Je crois que c’est même pire, ma fierté venant s’emmêler. Finalement c’est la surprise qui désamorce un peu mon agacement, la blonde me demandant de rester. Je mets aussitôt les choses au clair, c’est hors de question que l’on continue avec son boulot… J’ai eu ma dose de tocard pour la soirée et tous les désagréments qui vont avec. Ce n’était pas son intention, le choix est mien. Je pars ou je reste ? Un peu plus tôt ça m’emmerdait de partir en colère, maintenant que la tension est un peu redescendue c’est peut-être le bon moment pour le faire. Au lieu de ça j’accepte de rester sans avoir une foutue idée de pourquoi j’agis comme ça. Sa compagnie ne m’est pas désagréable, j’ai appris à l’apprécier, mais de là à rester ici à cette heure ci après la soirée de merdique qu’elle m’a fait passer ? Je dois être un peu maso. Ou j’essaie de lui offrir une opportunité de faire amende honorable ? Elle a essayé avec sa clé usb et je l’ai envoyé balader. Je sais pas ce que je cherche, ce que je fais là et pourquoi j’ai l’impression bizarre que d’une certain façon je me suis attachée à cette weirdo. Je lis une forme de soulagement lorsque je m’éloigne de la porte, c’est assez rare pour être noté. Je prends la bière qu’elle me tend, évidemment elle se souvient que je comptais en boire une à la fin de notre “mission“, « Merci. » lâché-je en attendant qu’elle s’en soit servie une pour boire une première gorgée. La journaliste m’indique avoir besoin de se changer, ça peut se comprendre, je hoche la tête et faisant comme chez moi je m’installe sur le canapé, sirotant ma bière, l’esprit un peu ailleurs, me demandant encore jusqu’où elle aurait été prête à aller avec ce type pour obtenir d’avantage d’infos. De quoi continuer de me faire du mal d’une certaine manière. Penser qu’elle aurait pu coucher avec me file clairement la nausée. Ça ne devrait pas, c’est son corps, sa vie, elle fait ce qu’elle veut… c’est juste triste d’avoir si peu de respect pour soi. Je ne l’ai pas vraiment entendu revenir, son image apparaît simplement dans mon champ de vision périphérique et je tourne la tête dans sa direction, buvant une nouvelle gorgé de bière. Fausse bonne idée ! Car c’est le moment que Thylo choisit pour être le plus clair qu’elle puisse être, égale à elle-même donc, déclarant avoir très envie de moi. Je manque de recracher ma boisson et en me retenant de le faire m’étouffe à moitié. Je me mets à tousser au point d’en avoir les yeux qui pleurent, après avoir repris un semblant de souffle je relève le regard dans sa direction « T’es au courant que tu viens de presque me tuer là ? » dis-je d’une voix encore un peu étouffée par ma fausse route. Je cligne des yeux, les essuie et souffle « Tu… Ok. » je ne peux pas faire celle qui n’a pas compris, à moins d’être demeurée y’a pas besoin de sous-titre elle les a fait elle-même. Je la regarde, arque un sourcil « Et là t’attends quoi ? Une réponse ? Un geste ? » je lui souris me mets même à rire « J’ai vu pas mal de truc, mais vraiment ça on me l’avait jamais faite. » une fois les choses amorcées oui, mais là de but en blanc une bière à la main alors que je comptais lui proposer de regarder un film, c’est inédit. Je pose ma bière sur la table basse et me lève, m’avançant dans sa direction « T’es super weird. » dis-je en souriant légèrement, agrippant le bas de son débardeur du bout des doigts, on a fait plus sexy que son pyjama mais je sais à peu près ce qu’il y a dessous. « Ça a son charme. » je hausse les épaules et vient déposer mes lèvres contre les siennes, mes mains se posant sur ses hanches pour rapprocher son corps du mien.

J’ai réussi à la faire rester, je suis contente, parce que oui, j’aime la savoir dans mon appartement, et c’est très étrange parce que je n’ai jamais d’invités. Mes conquêtes, je ne les ramène pas chez moi, c’est mon espace, le seul endroit à moi que je ne partage pas. Mais Jules, c’est différent. Je ne vois pas sa présence chez moi comme une intrusion. C’est comme si elle y trouvait naturellement sa place, sans me donner l’impression qu’elle pourrait nuire à mon ordre ou à mon cadre. C’est rassurant. Et la voir sur mon canapé ne me procure pas cette boule au ventre de peur qu’elle n’accède à mon ordinateur ou déplace ce que je tiens en place. Je ne suis pas une maniaque de l’ordre, mais certains objets ont leur propre place.
J’ai pour habitude d’être très claire, dans mes intentions. Quand j’ai quelque-chose à dire, je ne mens pas pour le faire deviner, je vais droit au but. Les choses les plus claires sont les moins susceptibles de se perdre en cours de route. Et je suis pour l’optimisation.
Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit si surprise. Elle tousse, et semble s’en sortir toute seule, assez pour que je n’ai pas à intervenir. Pour une nana ouverte et sans complexes… Sans doute que j’ai été un peu trop franche ? En même temps la nuance… « T’es au courant que tu viens de presque me tuer là ? » « Je sais pas faire dans la nuance. » Je ne me dédouane pas, c’est une réponse appropriée, standard, et qui va avec la situation, non ? « Tu… Ok. » Je peux le répéter mais j’imagine qu’elle a très bien entendu. « Et là t’attends quoi ? Une réponse ? Un geste ? » « Rien, je te le dis, c’est tout. » J’arque un sourcil, je me demande comment je peux me retrouver dans des situations comme ça. Comme un rat de laboratoire étudié, comme si je venais de sortir une énorme bêtise. « J’ai vu pas mal de truc, mais vraiment ça on me l’avait jamais faite. » « Et comment les gens font pour te dire qu’ils ont envie de toi ? » C’est une vraie question, elle s’y prend comment elle ? Après tout, si les choses sont claires, on perd moins de temps et puis les histoires de cœurs sont trop compliquées, déjà les émotions sont difficilement identifiables mais quand les sentiments s’en mêlent… même si je sais que c’est le genre de choses qu’on ne contrôle pas. Je ne cherche même pas à le faire, j’ai pris pour habitude de laisser venir ce qui vient.
C’est elle qui vient à moi, en posant sa bière, ce qui est un signe. « T’es super weird. » J’arque un sourire désolé, elle me le répète trop souvent pour que ce soit anodin. Elle se met à attraper le bas de mon débardeur, ce qui veut bien dire qu’elle est moins réfractaire que sa quinte de toux ne le laissait présager. « Ça a son charme. » Elle est la première à m’embrasser, geste que je ne refuse pas. Son baiser de la dernière fois me trotte dans la tête de temps en temps et si je n’ai pas eu la présence d’esprit d’en reparler depuis, c’est que j’avais besoin de prendre le temps de comprendre ce que je ressentais. Du désir, c’est au moins une certitude.
Je glisse mes bras autour de son cou en la sentant poser ses mains sur mes hanches et nos corps s’attirent, naturellement. Je me recule quelques secondes pour retirer le débardeur avec lequel elle jouait il y a quelques secondes, et déboutonne sa chemise en jean. Je l’ai déjà vue la porter et j’aimais déjà ça…

Thylo ne sait pas faire dans la nuance. Non ? Vraiment ? Je m’en étais déjà un peu rendu compte mais sur ce coup là je dois bien avoué qu’elle m’a achevé. Elle m’a presque littéralement achevé d’ailleurs en me surprenant avec cette information concernant son désir à mon égard. Ça a le mérite d’être clair et une fois mon étouffement géré, je tente d’en savoir plus sur cette révélation, ce que la journaliste attend de moi. Rien. Elle voulait juste que je le sache. Je hoche la tête, tout en cherchant ce que cette information peut m’inspirer. Définitivement elle est à part et je ne peux nier trouver ça attirant d’une certaine manière. J’ai le conformisme en horreur, me lasse vite de la banalité, tout ce que n’est pas cette jolie blonde. Parce que oui en plus elle n’est pas désagréable à regarder, au contraire. Je lui avoue que ce genre d’aveu, en tout cas fait de cette manière, c’est la première fois que ça m’arrive. Je ne peux m’empêcher de rire un peu quand elle me demande avec ce sérieux dont elle est capable, comment les gens s’y prennent si ce n’est pas ainsi. « Par des signaux… des regards, des gestes. » il n’y a pas de mode d’emploi, ça se fait comme ça « Et après une fois qu’on se rapproche, parfois on me le dit. Mais sinon je le devine assez bien toute seule. » bon la concernant ça aurait été plutôt compliqué je dois bien l’admettre, surtout dans le contexte actuel. Je me rends compte d’ailleurs que mon agacement s’est évaporé, le choc de sa franchise m’a totalement sorti de mes ruminations. Je m’approche, soulignant à quel point elle peut être étrange sans que ça ne soit vraiment un reproche. C’est juste un constat, il va de paire avec celui qu’elle me plait, je crois. C’est peut-être juste le contre coup à mon énervement, l’envie d’évacuer la tension... Ou un truc latent que je refusais de laisser faire surface. Face à son air presque désolée d’être autant en décalage je précise ma pensée, elle est unique, atypique mais ça fait son charme. Les actes sont sans doute ce qui restent de plus clairs, inutile de se perdre dans des subtilités avec la blonde, la plupart lui échappe. Mes lèvres contre les siennes en revanche elle a l’air de le comprendre, l’accepter. Cet échange est différent de la dernière fois, où mon geste ressemblait plus à une dernière chance de la faire taire. Ça n’était pas déplaisant pour autant, mais cette fois c’est un partage. Thylo se débarrasse de son débardeur puis s’attaque aux boutons de ma chemise avant de lui faire rejoindre le sol à elle aussi. Notre échange s’intensifie progressivement, mes mains parcourant son corps, avides de le découvrir, sentir sa peau contre mes paumes, sous mes doigts. Je quitte ses lèvres, déviant vers son cou que j’embrasse avec envie avant de souffler à son oreille « Habituellement c’est plutôt dans un moment comme ça qu’on me dit qu’on a envie de moi. » je ris légèrement « Mais c’est ok que tu ne fasses pas comme tout le monde. » dis-je en captant à nouveau son regard.

« Par des signaux… des regards, des gestes. » Je fronce les sourcils, et répond. « C’est trop subtile pour moi. » Je suis au moins consciente que je ne suis pas capable de tout ça. Pas comme une personne normale capable d’interpréter les sous-entendus. Certains arrivent même à deviner ce que je l’autre pense en une parfaite symbiose ! Je ne suis déjà pas capable d’écouter quand on me crie dans l’oreille via une oreillette… « Et après une fois qu’on se rapproche, parfois on me le dit. Mais sinon je le devine assez bien toute seule. » Et je me stoppe, gardant pour autant la proximité qui nous est propre à cet instant. « Quand je fais ça par exemple ? » Dessinant son buste de mes doigts, délicatement. On apprend à se découvrir et si elle a eu la primeur de mon image dénudée, je n’ai encore pas eu ce plaisir.
Elle m’embrasse, et je n’ai aucun mal à la laisser faire, elle est accepté dans mon espace, ça fait partie des choses que je ne contrôle pas, et que je n’ai pas envie de contrôler, pas ce soir en tout cas.
Sentir ses mains sur moi me procure du plaisir, et non pas un sentiment d’intrusion, de ce fait, j’en fais autant, et j’aime ce que j’ai à découvrir, mes baisers eux aussi se font plus intrusifs, bien que délicats. « Habituellement c’est plutôt dans un moment comme ça qu’on me dit qu’on a envie de moi. » « Quel intérêt ? C’est plutôt clair non ? Pourquoi avoir besoin de mots ? » Je peine vraiment à comprendre comment fonctionnent les relations de Jules qui ont pourtant la caractéristique d’être communes. Je ne suis pas faite pour la subtilité. Je dis les choses, et elles sont prises comme telles. Ceux qui me connaissent un peu se font à ce côté sans filtre. Et pour quelqu’un qui avait du mal avec ce côté trop nature, je trouve que Jules commence à évoluer, tout du moins réviser son jugement. « Mais c’est ok que tu ne fasses pas comme tout le monde. » Son regard est d’une intensité rare, et je le soutiens, sans ciller, parce qu’elle peut finalement faire passer beaucoup de choses par celui-ci. Si les gestes sont concrets pour moi, et les mots tout autant, en général, le regard est trop subtil pour que j’arrive à l’interpréter. Il peut exprimer trop d’émotion à la fois pour que je saisisse tout au passage. « Je suis weirdo, tu l’as dis toi-même. » Haussant les épaules, mes lèvres dans son cou, puis derrière son oreille alors que nos corps commencent à se mêler. « Mais rassure-toi, sur le plan physiologique je fonctionne comme tout le monde. » Poussant la porte de ma chambre à l’aide de mon dos, lui montrant le chemin. Tenterais-je un peu d’humour ? Visiblement c’est le cas, c’est la preuve que je me sens assez à l’aise pour pouvoir le faire. Et si son chemin continue de croiser le mien, elle apprendra que c’est beaucoup de pouvoir pour une seule personne…

Je sais que ça la dépasse tout ces trucs d’interaction humaine. Thylo est différente, je n’en connais pas tous les tenants et aboutissants, peut-être un jour en saurais-je plus, pour l’instant j’apprends à faire avec. Je me suis braquée au début, prenant son attitude comme une sorte d’agression avant de comprendre qu’elle manque juste de filtre mais que ses intentions ne sont pas mauvaises. Elle ne triche pas, la subtilité lui échappe et désormais je trouve ça presque amusant, notamment à cet instant. Si ses questions sont plutôt inhabituelles dans ce genre de moment, ça ne m’empêche pas de poursuivre sur ma lancée, intensifiant la portée de mes gestes, leur intention. La blonde étant de nature curieuse, je lui apporte de nouveaux éléments de réponse fasse à ses interrogations. En réaction ce sont de nouvelles questions qu’elle me balance, à son contact je me découvre une certaine forme de pédagogie… je n’aurais pas cru. « J’en sais rien, c’est toi qui a posé la question. J’te réponds c’est tout. » je suis désormais un peu plus occupée pour poursuivre ce débat, qui n’en est même pas vraiment un, néanmoins je prends le temps de la rassurer sur sa manière particulière d’aborder les choses. Pas que Thylo soit du genre à se formaliser pour quoi que ce soit, j’en ai pris conscience, mais elle reste un être humain et je lui répète souvent qu’elle est étrange, je ne voudrais pas qu’elle pense que c’est un problème pour moi. De toute évidence vu la situation actuellement, ce n’est clairement pas le cas. Elle a fini par adopter cette qualification qui la désigne “weirdo“, elle s’en accommode très bien et fais même de l’humour ? C’est une agréable surprise. Et je ne me retiens pas de rire « Oh. Tant mieux, j’étais en train de me dire que j’avais pas mon kit de piratage avec moi et que ça allait peut-être être un problème. » plaisanté-je à mon tour. Au fil de nos digressions nous voilà désormais dans sa chambre, et bientôt allongées sur son lit, mon corps surplombant le sien. Pas que je remette en doute ces propos, mais j’ai toujours pris le parti de vérifier mes infos. Mes lèvres descendent le long de son cou jusqu’à sa poitrine où je m’attarde un peu, à l’écoute des réactions de la journaliste. Je souris parfois contre sa peau, amusée de constater qu’elle n’est physiologiquement pas différente du reste du commun des mortels. Se découvrir mutuellement est comme un jeu, les règles dictées par cette envie grandissante qui semble nous animer toutes deux. Si parfois il est difficile de se comprendre avec Thylo, certaines barrières de la communication semblent ici s’être relevées. C’est plus naturel que je ne l’aurais cru, ce moment est teinté de simplicité et la concernant ce n’est pas peu dire.

« J’en sais rien, c’est toi qui a posé la question. J’te réponds c’est tout. » J’ai pris l’habitude du fait que même avec des explications, certaines notions m’échappent. Mon intelligence n’est pas sociale, elle est ailleurs. Mon QI est sans doute supérieur à un certain nombre, pour autant, beaucoup de choses dans la vie quotidienne me sont difficiles à maîtriser. Comme quoi, s’adapter socialement est une épreuve. Les corps parlent mieux que nos esprits visiblement. S’il m’est difficile de mettre des mots assez subtils sur mes envies, mes gestes, eux, parviennent à le prouver, et visiblement, ceux de Jules ne tardent pas à y répondre.
A nos gestes plus qu’évidents, se mêle un peu d’humour. Je suis sur une pente glissante, et je me dois de prendre le temps de tout gérer. Jules ne me presse pas, bien au contraire, j’ai même le sentiment qu’on arrive à se trouver un terrain d’entente commun, sans avoir à extrapoler. Si ce n’est par nos fringues qui valsent ça et là parce qu’elles deviennent trop encombrantes et que nos envies se mettent à fusionner. « Oh. Tant mieux, j’étais en train de me dire que j’avais pas mon kit de piratage avec moi et que ça allait peut-être être un problème. » « Pourtant le piratage ça ne t’impressionnait pas tant que ça ce soir. » Levant un sourcil en soutenant son regard.
Elle prend l’avantage quand mon dos rencontre le matelas de mon lit. Je lui laisse naturellement la place adéquate et la plus approprié pour poursuivre cet échange, que je constate au final plutôt doux, et tendre même. Mes doigts glissent dans ses cheveux bruns, dont je me surprends à adorer le contact, et l’odeur. Ses lèvres glissent à leur tour sur ma peau, mon corps se tend à peine l’effleure-t-elle. Serait-ce un signe ? Les corps parlent mieux que nos langues, c’est un fait.
Parfois, nos rires se mêlent, quand nos lèvres se rencontrent. Par d’autres, ce sont nos soupirs qui se trouvent et nos désirs qui fusionnent. Toujours ces gestes pleins d’envie, de respect aussi, c’est ce que je note sans le formuler, en tout cas j’en ai l’impression. Bien loin de notre engueulade de tout à l’heure…