Boire son chagrin | Andrea

Elle conduisait dangereusement mais qu’est-ce qu’elle en avait à foutre, c’était un total bordel dans son crâne et c’était à peine si elle voyait la route avec les larmes. Trahie, détruite, il n’y avait pas plus de mots pour le dire. Se faire tromper par un homme en qui elle avait totalement confiance puis ça ? Bordel on voulait sa mort ou sa dépression, certes elle pensait dans l’excès mais sa raison était en vacances. Comment réagir quand on voit celle qu’on aime douloureusement en embrasser une autre ? Comment réagir quand on savait qu’elle nous avait donné une chance lors du départ ? Elle braqua furieusement à droite dans un crissement de pneus et se gara pour ne pas faire plus de dégâts. La solitude était un poison dans ce genre de situations, elle avait clairement besoin de compagnie et savait très bien qui appeler pour ça.

Alma quitta la voiture pour s’appuyer dessus, se saisit de son téléphone et composa un numéro, les mains tremblantes. Il était dangereux de la laisser seule dans un état pareil, elle pouvait se montrer particulièrement violente et pouvait s’en prendre à de pauvres inconnus pour évacuer sa rage. La conversation fut brève, le téléphone enfoncé dans la poche et elle prit la direction d’un bar qu’elle connaissait que trop bien. Attendant la compagnie, elle commanda les verres et rejoignit une table non loin du bar. D’un revers de manche, elle essuya les dernières traces de larmes et respira à fond. Ne rien laisser paraître, ne pas être faible, oublier la blonde le temps d’une soirée, assumer les conséquences le lendemain, c’était son plan. Elle ne supportait pas cette sensation de compression dans sa poitrine, de cette boule dans sa gorge qui l’empêchait d’être détendue. Son cœur était brisé il n’y avait pas photo mais elle ne voulait pas le dire. « Andrea t’es enfin là. » Son regard se braqua sur la silhouette envoutante qui venait de rejoindre la table.

Je viens juste de terminer ma journée de boulot quand je reçois un message qui vient d’Alma. Elle a pas l’air dans son assiette, et me propose d’aller boire un verre - je la connais, ce sera jamais qu’un seul. Je n’hésite pas longtemps, je crois que j’ai besoin d’un petit remontant moi aussi, ça pourra pas me faire de mal. Je finis de régler quelques trucs, rentre chez moi prendre une douche et me changer, et ne tarde pas pour rejoindre Alma dans le bar dont elle m’a donné l’adresse par sms. Je la cherche du regard et ce dernier se pose sur elle, déjà assise à une table avec deux verres. Elle a pris de l’avance. Je la rejoins et nos regards se croisent sans tarder et je lui offre un micro sourire dont je suis la reine. « Andrea t’es enfin là. » « Je suis là. Ouep. » Je suis franchement pas la meilleure des amie, on me l’a souvent reproché. Je suis pas de celles qui prennent des nouvelles, qui voient quand ça va mal, j’suis plutôt du genre un peu - beaucoup - solitaire. Mon boulot, mon chien, et mes conquêtes une fois de temps en temps. Alma a commencé par être une conquête, et puis c’est devenue une amie-conquête, enfin j’crois. Une sex friend en gros. Mais répondre présente quand on me demande à l’aide, c’est pas forcément dans ma nature. Faut dire qu’elle a usé du bon argument. Un bar, de l’alcool, c’est tout ce dont j’avais besoin. Je m’assieds en face d’elle et récupère le verre qui m’est destiné. « Qu’est-ce qui t’arrive, chica ? » Je la regarde, voyant bien qu’elle est au bord de l’explosion. Je la connais pas non plus super bien, je connais que les grandes lignes de sa vie, et je sais pas si elle va avoir envie et/ou besoin de parler ou si elle préfèrera juste boire et j’en sais rien, passer la nuit à faire des galipettes pour oublier ce qui la tracasse. Pour ça, j’suis meilleure que pour demander si tout ça bien, et réconforter les gens. Mais je peux faire un effort, faut que j’apprenne à être plus sociable. Il paraît.

Alma la regarda s’installer et but une nouvelle lampée qui brûla sa gorge et réveilla une fureur douloureuse. Elle s’essuya le coin des lèvres du pouce. Qu’est-ce qu’il se passe hm ? C’est la merde, y’avait clairement rien d’autre à dire. C’était un film de merde, on la détruisait comme une putain de ruine. C’était trop beau pour être vrai. « Rien jsuis juste un putain de déchet. Tu te souviens de la fille dont je t’avais parlé la dernière ? Celle que tu voulais absolument que j’aille voir ? » Nouvelle gorgée pour se donner du courage, c’était même horrible d’en parler parce que les images revenaient en boucle. Elle crevait d’envie de retrouver cette inconnue pour lui faire comprendre que la blonde était à elle. Non elle avait plus le droit d’être violente, fallait pas retourner en prison sinon adieu son poste et son avenir, elle laisserait pas Maxyn lui arracher ça. Elle avait déjà bouffé son cœur.

« Je suis allée chez elle, j’ai porté mes couilles. Elle était en train de rouler une pelle à une autre fille. » Elle posa son verre sur la table, manqua de le briser entre ses doigts. « On se fout de ma gueule depuis le début. J’ai juste envie d’oublier, de me bourrer la gueule jusqu’à en oublier mon prénom, trouver une fille pour réchauffer mes draps, la faire souffrir. » Se venger, le mot lui brûlait les lèvres et cette envie de revanche animait une nouvelle fois le foyer de flammes gourmandes dans son regard. Elle ne pouvait compter que sur Andrea pour exaucer ce genre de souhaits. Cette femme était la tentation et la perversion incarnées, elle était heureuse de la connaître et suffisamment proche pour qu’elle réponde à son appel au secours. Danser, boire, coucher, oublier, y’avait jamais eu rien d’aussi simple sur sa liste de chose à faire.

J’suis pas la meilleure personne qu’on appelle quand on a des soucis. J’suis pas bien douée pour écouter, conseiller. J’ai une vie déjà bien décousue, je suis mal placée pour donner un quelconque conseil. Pourtant je suis là, et je lui demande ce qu’il se passe. Je sens que je vais passer une soirée pourrie, j’espère au moins qu’elle aura besoin de se défouler sous les draps, ce sera une sorte de récompense pour avoir joué un peu les vraies fausses amies. « Rien jsuis juste un putain de déchet. Tu te souviens de la fille dont je t’avais parlé la dernière ? Celle que tu voulais absolument que j’aille voir ? » J’arque un sourcil et cherche dans ma mémoire, du mieux que je peux. « Hum..? » En vrai, j’en ai aucun souvenir, mais je la pousse à continuer en espérant que ça finisse par me revenir. « Je suis allée chez elle, j’ai porté mes couilles. Elle était en train de rouler une pelle à une autre fille. » Je grimace un peu, c’est pas cool, je connais ce sentiment. Mais bon, si ma mémoire n’est pas défaillante, elles n’étaient pas ensemble. « On se fout de ma gueule depuis le début. J’ai juste envie d’oublier, de me bourrer la gueule jusqu’à en oublier mon prénom, trouver une fille pour réchauffer mes draps, la faire souffrir. » J’arque un sourcil et récupère mon verre avant de me laisser retomber contre l’assise de la chaise sur laquelle je suis assise. « Ouais enfin pour que ça faudrait déjà qu’elle s’en rende compte. Tu veux aller baiser avec la première pute du coin en bas de sa fenêtre pour être sûre ? » Je suis cynique, je l’ai toujours été, et ça m’amuse de me foutre un peu d’elle. Les sentiments, je connais pas, pas trop, pas bien. Alors j’ai du mal à comprendre le fonctionnement de ses pensées. « Mais attend. Pourquoi tu t’énerves comme ça. Vous étiez ensemble ? Enfin j’veux dire, quand elle a embrassé l’autre là, vous étiez ensemble elle et toi ? Vous formiez un couple ? » Remettons les choses dans leur contexte. J’imagine que je l’aide pas, mais j’ai jamais été douée pour ça, et si elle m’a appelée moi, c’est qu’elle avait trouvé personne. Ou qu’elle cherchait pas de conseil avisé, parce que c’est pas mon domaine de prédilection. « Et elle aurait pas fait ça pour te provoquer elle ? J’sais pas je cherche hein ! » On dirait qu’elle va me sauter dessus et me mordre au visage, elle fait flipper.

Elle manqua de recracher sa gorgée quand Andrea lui exposa son idée. Même si l’imaginer pouvait être très drôle, elle se voyait mal faire crier jusqu’au plaisir une parfaite inconnue sous la fenêtre des Cooper. Elle avait déjà pu profiter des cellules froides et des banquettes dures de la garde à vue du coin, non merci. Elle réussit finalement à boire sa gorgée et essuya le coin de ses lèvres de son pouce, ne pouvant réprimer un rire. « Merci pour tes conseils, toujours utiles. » ricana-t-elle, posant son verre pour éviter un nouvel accident. Certes c’était autant de la moquerie pour son amie que pour elle-même, une idée de vengeance certes mais il fallait y réfléchir à deux fois avant de la balancer sur le tas.

Elle passa le bout de sa langue sur ses lèvres, se sentant comme soudainement piégée par sa question alors qu’elle avait seulement souhaiter se bourrer la gueule pour oublier son connard d’ex-petit-ami et la douleur de voir Maxyn l’oublier au fil des jours. Ouais elle était une putain de fragile ces derniers, le genre qu’on retrouvait dans les films à finir sur un canapé à bouffer de la glace en pleurant devant une comédie romantique. Bordel elle avait bien changé la latina caliente qui cassait des gueules en sortie de boîtes de nuit. Et la faute de qui hm ? Cooper encore et toujours sinon c’était pas drôle. « On est pas ensemble mais j’peux te dire que c’est pas innocent pour autant. » Grogna-t-elle dans son verre. « Ca fait cinq ans qu’elle est dans ma tête et depuis que je suis rentrée, elle joue avec moi. » Trois gorgées lui brûlèrent la gorge et elle claqua des doigts pour que le serveur reprenne commande. Tant pis elle claquerait toute sa paie en une soirée.

« Me provoquer ? Elle aurait pu coucher avec elle devant ma fenêtre. Elle sait même pas que je suis en ville. » Non elle faisait juste en sorte de l’oublier, elle voyait rien d’autre, elle vivait quoi et pourtant la rage continuait de lui bouffer l’estomac. C’était elle qui aurait dû l’embrasser pas cette inconnue trop bien foutue. « T’es pas très forte pour une flic. » la taquina-t-elle, lui offrant un sourire un coin et une caresse du pied contre le mollet. « J’espère que tu seras meilleure au lit. » Quoi ? C’était clair comme de l’eau de roche entre elles.

« Merci pour tes conseils, toujours utiles. » Je pose le bout de mes doigts sur ma tempe avant de les éloigner dans un salut militaire. « A vot’ service ! ». Mais je n’en reste pas là, plaisanterie faite, je cherche à gratter un peu sous la carapace, mais toujours sans grand tact. Du grand Andrea quoi. « On est pas ensemble mais j’peux te dire que c’est pas innocent pour autant. Ça fait cinq ans qu’elle est dans ma tête et depuis que je suis rentrée, elle joue avec moi. » J’arque un sourcil en entendant sa réplique. J’attends la suite, mais au lieu de ça, la brunette décide d’engloutir la totalité de son verre d’un seul coup, avant d’en recommander un autre. Ça promet. Je sais pas trop quoi dire en fait, je la regarde juste agir, j’essaie de poser des questions pour éclaircir ma vision des choses et peut-être aussi la sienne, mais pas sûr que la 2ème partie soit au programme finalement. « Me provoquer ? Elle aurait pu coucher avec elle devant ma fenêtre. Elle sait même pas que je suis en ville. » Je lève les yeux au ciel. Nous y voilà. « Et c’est en ça qu’elle joue avec toi ? Elle sort avec une nana avec qu’elle sait pas que t’es en ville et que vous étiez pas ensemble ? » Ouais alors là, j’crois qu’elle va loin. Elle est même peut-être en train de sombrer dans la psychose, et c’est pas beau à voir. « T’es pas très forte pour une flic. J’espère que tu seras meilleure au lit. » J’arque un sourcil lors de sa première intervention. Si, justement, je suis très forte pour éluder des enquêtes, mais pas pour réconforter une ‘amie’ en mal d’amour. Enfin. Pas avec les mots en tout cas. J’esquisse pourtant un sourire à la deuxième partie de la phrase. « Tu sais que je l’suis. » Ce n’est pas la première fois qu’on passe une nuit ensemble, pas forcément la nuit d’ailleurs. Une sorte d’échappatoire, parfois ça fait du bien. Ça défoule. « Qu’est-ce que tu vas faire alors pour cette fille ? Tu vas laisser l’autre la garder alors que tu l’as dans la peau depuis 5 ans ? Tu vas même pas essayer de te battre un peu ? » Je marque un temps d’arrêt avant de reprendre. « Enfin.. pas te battre avec tes poings hein, j’ai aucune envie de te retrouver en cellule. J’ai autre chose à foutre ! » Je ris un peu pour dédramatiser la situation. Faut qu’elle se détende un peu, elle a l’air sur les nerfs là…

C’était difficile de réfléchir clairement avec toute cette colère et toute cette triste en elle, c’était un cocktail explosif qu’elle devait à tout prix diluer avec ce qu’elle trouvait. Et elle devait se l’avouer, elle ne voulait pas réfléchir, elle ne voulait pas raisonner en faisant face à ses erreurs, ses pensées paranoïaques qu’elle arrivait pas à contrôler. Mais à quoi elle s’attendait en appelant la flic ? Malgré son manque de tact évident, il avait été certain qu’elle poserait des questions pour éclairer un peu le paysage. Mais à ce point ? Oui, Alma était prise au piège et l’alcool semblait être la seule solution. Elle revenait aux bonnes vieilles méthodes des cinq dernières années. Maxyn ? Hop une soirée bien arrosée et on y pensait plus. Quelle gamine putain. On lui avait jamais donné le mode d’emploi des chagrins d’amour en même temps, elle savait seulement gérer les cons et les élèves trop bruyants. Elle n’allait pas balancer des craies à la figure de Maxyn quoi.

Son doigt s’amusait à tracer le contour du verre, elle écoutait la brune avec un pincement au cœur. « Me battre ? Elle va encore dire que je lui pourrie la vie. » grommela-t-elle « Elle m’en veut pour être tombée amoureuse d’un mec. J’ai tout fait pour renouer les liens, j’ai bien cru conclure le jour de la gay pride mais elle a changé d’avis en un claquement de doigts. » Elle but une gorgée et se mit à imiter la blonde. « Rentre chez toi Alma, ton chéri t’attend ! » Elle se frotta les yeux, bordel. Elle avait pas signé pour un truc aussi compliqué. « Je suis une merde quand je dois m’exprimer verbalement mais comment tu veux que je fasse ? Je vais pas balancer l’autre à la poubelle, je vais pas grimper à la fenêtre pour rejoindre son lit. Si sa sœur m’avait pas forcé à quitter sa vie, rien de tout ça ne serait arrivé. » Foutue Merida, foutu karma, foutue vie, Foutus Cooper. « T’as de la chance d’être volage toi. »

« Me battre ? Elle va encore dire que je lui pourrie la vie. » Elle écoute rien de ce que je lui dis, justement, je parle de ne pas se battre physiquement. Alma est complètement dans sa bulle de colère et je pourrai dire n’importe quoi, ça servirait à rien. Faudrait que j’essaie de dire une belle connerie pour voir comment elle réagit. Je la regarde continuer de m’expliquer son histoire avec cette fille, la fois à la gay pride où visiblement elles étaient proches de conclure, mais que la fille lui a échappé. Elle la refait, acerbe, et je me marre un peu. « Elle parle comme ça ? Comme une petite pouffiasse ? » Je vois son regard réprobateur et je lève les mains comme pour dire que je suis là en paix. « Je plaisante Alma ! détends-toi ! » Je secoue un peu la tête et la laisse poursuivre, de toute évidence elle a besoin de vider son sac. « Je suis une merde quand je dois m’exprimer verbalement mais comment tu veux que je fasse ? Je vais pas balancer l’autre à la poubelle, je vais pas grimper à la fenêtre pour rejoindre son lit. Si sa sœur m’avait pas forcé à quitter sa vie, rien de tout ça ne serait arrivé. T’as de la chance d’être volage toi. » Le retournement de situation pourrait être intéressant, mais ne l’est pas. Je me sens limite jugée, même si c’est sans doute pas le cas. Je me fous à rire un peu, ironique. « Ouais c’est super d’être volage. Cherche à pas s’attacher, que personne s’attache à toi, toujours trouver le moyen de s’éclipser quand ça devient intéressant. C’est clair que c’est mieux que d’avoir des sentiments pour quelqu’un… » Mon ton est toujours ironique. Parce que je le pense pas, parce que si je suis ‘volage’ comme elle dit, c’est pas spécialement de gaité de coeur. Ce dernier ayant été piétiné, je cherche seulement à me protéger, pour que ça n’arrive pas à nouveau. Mais la vérité, c’est que j’aimerai être capable d’aimer quelqu’un à nouveau. Sauf que ça, je me vois pas lui dire ça à elle. Elle est tellement dans la colère et la rancoeur… « Alors quoi ? Tu vas abandonner ? » Je sais pas ce qui est le mieux. De ce qu’elle me raconte cette fille dont elle est amoureuse a l’air d’être d’une complication sans nom, et pas sûr non plus qu’elle soit amoureuse d’elle en retour vu comme elle a l’air de la balader. Enfin, j’ai que le son de cloche d’Alma, et Alma est ce qu’elle est, aussi imprévisible qu’impulsive.

C’était fou à quel point Maxyn avait une influence sur elle, à quel point elle était capable de lui faire changer de comportement en un claquement de doigts. Et pourtant elle continuait de l’aimer, de la désirer, de la vouloir à ses côtés. C’était ça d’être follement amoureuse ? Putain on pouvait dire adieu à la fierté et à la santé mentale. Elle posa sa joue sur son poing et fixa Andrea sans vraiment l’écouter. C’était pas contre elle mais elle en avait tellement dans le crâne qu’il était impossible d’absorber plus d’informations. Ses doigts jouaient avec son verre et son pied battait l’air au rythme de la musique.

« La belle vie. » Elle était trop distraite pour cerner l’ironie dans sa voix et s’en voudrait sûrement plus tard. Elle apprendrait à être à l’écoute des autres, enfin elle essaierait. Elle deviendrait nonne de toute manière, enfin si Maxyn lui claquait la porte au nez pour de bon. Au moins on lui foutrait la paix et les tentations elle en oublierait la définition. Elle but une gorgée de son verre et capta une silhouette dans la foule avant qu’Andrea ne la ramène sur la table. Abandonner ? Elle claqua ses mains sur la table et secoua la tête.

« T’es folle. Je la veux pour moi. » Elle se passa les doigts dans les cheveux. « Bordel je te jure, tu peux sentir la tension à des kilomètres quand on est à deux, je peux pas me passer d’elle, clairement pas. J’vais devenir folle à lier si je peux pas l’avoir. »  Elle haussa les épaules et se leva pour venir s’asseoir sur les genoux d’Andrea, histoire de savourer la chaleur humaine et éloigner les prédatrices. « Mais je sais juste pas comment m’y prendre. »

Alma ne m’écoute pas. Elle est dans les nuages, la tête pleine de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un à l’entendre parler. J’ai presque l’impression de l’entendre penser, réfléchir. Ça hurle le prénom de cette fille de tous les côtés. Je ne suis pas là pour qu’on m’écoute, je suis là pour soutenir. A peine. Comme je peux et à mon petit niveau, j’imagine. Je lui demande finalement si elle compte abandonner, je ne fais que me renseigner. Elle a l’air dépitée. « T’es folle. Je la veux pour moi. Bordel je te jure, tu peux sentir la tension à des kilomètres quand on est à deux, je peux pas me passer d’elle, clairement pas. J’vais devenir folle à lier si je peux pas l’avoir. » J’ai ressenti ça une seule fois, et je me suis cassé la gueule en beauté. J’ai l’impression que c’este en train de recommencer avec Leither mais je me demande si c’est une bonne chose, finalement. Je bois une nouvelle gorgée de mon verre et laisse mon regard traîner aux alentours, avant de reposer mon regard sur la brunette. « T’es déterminée. C’est bien. » Je sais pas si c’est bien, j’imagine que ça dépend des gens aussi. Peut-être que cette fille en question sera flattée de voir qu’Alma s’accroche, peut-être qu’elle finira par en avoir marre. Je l’ignore tout comme j’ignore tout de cette jeune femme de qui la brune semble être totalement accro.

Je la regarde se lever et s’approcher, la laissant s’installer sur mes genoux. Je passe alors une main dans le bas de son dos, pose l’autre sur ses cuisses. « Mais je sais juste pas comment m’y prendre. » J’esquisse un sourire. « T’es en train de me demander un conseil là ? T’es sûre ? Moi la volage ? » Je lui remets gentiment dans les dents ce qu’elle a dit un peu plus tôt, pas vraiment sûre qu’elle ait de toute manière pris conscience que ça aurait pu être blessant ou déplacé. Avec moi rien n’est vraiment déplacé, sauf quand on se fout de ma gueule, et heureusement pour elle ça n’était pas le cas. « Je sais pas, peut-être qu’il faudrait que tu la surprennes, que tu arrête d’avoir autant de rancoeur aussi, je crois pas que ce soit trop conseillé pour conquérir ou reconquérir quelqu’un… » Je me pince un peu les lèvres et glisse une main dans son cou. « Lui rappeler combien tes baisers sont divins, c’est une alternative qui se tente aussi… » lui dis-je finalement en venant chercher ses lèvres.

Son toucher avait le don de la détendre, de la soulager d’une douleur qui ne voulait pas la quitter. Elle passa son bras autour de ses épaules pour garder l’équilibre et posa son regard sur ses traits séduisants. Le sourire ne lui échappa pas avant qu’elle ne lève les yeux au ciel dans un souffle rieur, presque nerveux. Oui elle était malhabile avec les mots et manquait cruellement de tact, mais ça n’avait pas d’objectifs cruels à ses yeux. « Exactement. » répondit-elle dans un sourire en coin, presque provocateur. « Qui sait peut-être que tu as un don pour ça, tout au fond de toi. » Elle posa un index amusé sur sa poitrine, là où sous la peau palpitait un cœur.

Cette fois-ci, Alma écouta ses conseils et les inscrit dans un coin de son esprit. Peut-être avait-elle raison ? Peut-être devait-elle la surprendre ? En lui présentant des excuses ? Elle ne s’y attendrait jamais, mais elle se connaissait suffisamment pour savoir qu’elle n’arriverait pas à faire une chose pareille, sa fierté était trop grande. Bordel qu’est-ce qu’elle devenait nulle quand il s’agissait de conquérir Maxyn. Pas dans le sens qu’elle ne la voulait pas, non, mais chaque idée qui venait était aussitôt jetée à la poubelle. Son imagination était à bout de souffle.

La caresse de sa peau contre la sienne lui fit comprendre qu’elle devait revenir sur la terre ferme et arrêtait de se torturer. Andrea appuya cette idée en capturant ses lèvres des siennes dans un baiser tentateur. Alma le lui rendit sans hésiter, pressant son corps contre le sien dans un désir désespéré d’oublier, de profiter, de se sentir désirée. Ses dents mordillèrent sa lèvre inférieure avant que son pouce ne vienne caresser sa joue. Elle murmura alors, joueuse. « Ça toi tu l’as bien compris hm ? Mais je crois que j’ai encore besoin de pratique et d’alcool, pas toi ? »  

« Qui sait peut-être que tu as un don pour ça, tout au fond de toi. » Un don pour conquérir les âmes perdues ? Non je crois pas. En général j’ai tendance à choisir les proies les plus difficiles à atteindre. J’aime le défi, j’aime me battre, j’aime ressentir la plénitude lorsque je touche enfin au but. C’est gratifiant, et terriblement excitant. Ce n’est pas le cas ce soir, Alma, c’est du tout cuit, j’ai à peine besoin de lever le petit doigt. Mais parfois ça fait du bien aussi de ne pas avoir à se battre pour avoir quelque chose ou quelqu’un qu’on désire. La quête a beau être plus aisée, le résultant n’en est pas moins agréable pour autant.

Je suis là à la base pour l’écouter parler, elle en avait besoin, de toute évidence. Peut-être aussi lui changer les idées. Les conseils sont un peu proscrits, je ne suis pas la meilleure dans ce domaine, mais je peux toujours essayer. Et j’essaie. Mais vient un moment où je me sens à court d’idées, à court de bienséance. Alors pour palier aux mots, je joins l’utile à l’agréable et utilise les gestes. Et mon corps duquel je sais particulièrement bien me servir.

La jeune femme sur mes genoux, je profite de la proximité pour glisser mes mains sur elle, et cherche sans trop tarder le contact de ses lèvres. En espérant que ça lui changera les idées, j’aurai au moins servi à ça. « Ça toi tu l’as bien compris hm ? Mais je crois que j’ai encore besoin de pratique et d’alcool, pas toi ? » « Tout ce que tu voudras. » Loin de moi l’idée de me plier à toutes les envies de la demoiselle, je me dis seulement que si c’est ce qui pourra lui faire arrête de penser quelques heures à la fille qui lui triture les méninges, alors soit. Encore de l’alcool. Je prendrai soin de la surveiller pour ne pas qu’elle repousse trop les limites. Quant à moi, je sais me tenir. Je la laisse reprendre sa place et commande deux nouveaux verres, au bon vouloir de la brunette.

Boire, c’était une solution trop simple pour oublier, mais Alma n’avait pas envie de se prendre la tête, la simplicité lui allait très bien ce soir, mais elle n’abuserait pas de la boisson, elle ne voulait pas devenir un déchet, surtout pas devant Andrea qui était là pour l’aider et non pour jouer les nounous. Elle appréciait sa présence dans le sens où elle la considérait également comme une amie plus qu’une présence brûlante dans ses draps. Elle était comme ça Alma de toute manière, impossible pour elle de laisser sa partie humaine sur le côté, elle était comme ça et elle appréciait son impulsivité, sa sincérité, même si ce n’était pas forcément au goût de celle qu’elle aimait.

Qu’elle aille au Diable pour ce soir. « Et toi la vie sinon ? Je fais que me plaindre, c’est pas cool pour toi. » Elle jouait avec le bord de son verre en la regardant, ses épaules bougeaient au rythme de la musique dans un petit sourire. Il était cool ce bar, certes elle ne venait pas souvent, mais elle n’avait jamais été déçue de l’ambiance, de la boisson et de la présence féminine. Boire n’était pas la seule solution pour penser à autre chose, se soucier de ses amies et de la vie des autres l’était également et elle ne devait pas l’ignorer. Elle but une gorgée de son verre et le poussa un peu plus loin. Pour doucement pour empêcher l’effet de l’alcool de lui fracasser le crâne en un claquement de doigts.

« Et toi la vie sinon ? Je fais que me plaindre, c’est pas cool pour toi. » Je lui offre un sourire gentil, peut-être pour la rassurer un peu sur le fait qu’elle ne soit pas tant un boulet. Ou un boulet mignon dans ce cas. « Ça va, t’en fais pas pour moi. » Je ne parle jamais de ce que je vis, de e que je ressens, même les personnes très proches de moi ne savent pas ou que très peu ce que je traverse lorsque je suis dans le creux de la vague. Alors ce n’est pas à Alma que je vais raconter mes déboires. Nous ne sommes pas là pour ça de toute manière, c’est elle qui avait envie de parler, de voir quelqu’un, de boire, de se changer les idées. Voilà pour quoi je suis là. Alors on discute, un peu, de tout et de rien, la soirée se passe tranquillement, et se finit chez elle, comme il nous est arrivé plus d’une fois. Lui changer les idées, voilà ce pourquoi j’étais là ce soir, et je crois avoir accompli ma mission, je crois que c’est ce qui importe au final, même si je ne suis pas certaine que tout aille bien mieux dans sa tête à cause de cette fille dont elle m’a souvent parlé. L’avenir nous dira si elle la retrouvera un jour ou non, si mes conseils auront été bénéfiques ou non…