Y'en a qui discute en regardant les étoiles, mais discuter en regardant un plafond, c'est fun aussi. (zadig&diego)

Cela faisait quelques jours désormais. Une semaine. Que Diego habitait chez elle, chez les Sibley. Ce n’était pas définitif, même si Zadig n’aurait absolument pas été contre, adorant son ami, qui était, avec Phet, ceux qui comptaient réellement. Ce n’était pas définitif, mais elle adorait les soirées qu’elle passait avec lui, à discuter de tout et de rien, à s’amuser, à sortir, par moments. Ils ne le faisaient pas souvent, parce que la flemme les habitait bien souvent, parce que de toutes façons, ils savaient apprécier chaque moment qu’ils passaient ensembles. Nul besoin de sortir tous les soirs. Juste quelques soirs. Ce n’était pas définitif. A la base, c’était parce qu’il n’était plus vraiment le bienvenu chez lui, et qu’il avait fait sa mastectomie. Il avançait, et c’était ce que Zadig adorait chez lui, en plus de son humeur, de leurs rires, à elle, à lui, à Phet. C’était ce que Zadig admirait, chez lui. Il allait au bout des choses, il allait au bout de son rêve, quand bien même cela ne pouvait pas être simple. Il se lançait dans les opérations, et avant, dans les hormones. Il se lançait à corps perdu dans ce qui lui semblait être juste, dans ce qui devait le « réparer ». Non pas qu’il était malade ou quoique ce soit. Non. Le réparer dans un autre sens. Réparer son corps qui n’avait pas eu les bons chromosomes à la naissance. Réparer son corps, pour qu’il soit enfin libre de le montrer sans honte, d’affirmer sans gêne qu’il était homme jusqu’au bout des doigts. C’était quelque chose qui faisait extrêmement plaisir à la Sibley-Thorn, de savoir qu’il était sur le chemin du bonheur, après l’horreur de leur première année de rencontre, lorsque Phet et elle l’avaient trouvés au plus mal. C’était quelque chose qui lui créait sourires sur sourires, de savoir qu’il commençait à être bien dans sa peau. A savoir qu’il était enfin capable de s’exprimer dans un corps qu’il apprivoisait, qu’il domptait. En un sens, il lui faisait penser à Meredith, aujourd’hui disparu de son radar, complètement repoussé par sa mère. Parce que Meredith était comme lui, à la base. Prisonnier du mauvais corps. Elle aimait donc savoir qu’il s’en libérait.

Il n’y avait pas de chambre de secours, il n’y avait même pas de matelas de plus. De ce fait, elle lui prêtait son lit, ils le partageaient. Il était assez grand, c’était un lit une place, mais bien large. Elle pouvait aisément lui prêter la moitié. Et elle faisait en sorte qu’il puisse se sentir chez lui. Elle faisait en sorte qu’il soit heureux. Et ne le voyait qu’en rentrant des cours, puisqu’il était aussi une véritable marmotte, ce qui la faisait bien rire…

Mais elle regrettait ces moments qu’elle passait avec lui, au lycée, avant. Phet aussi. Ce n’était plus pareil de savoir le trio séparé, de le savoir autre part que dans une classe, de ne pas pouvoir le voir pour le déjeuner comme ils avaient toujours eu l’habitude de faire. C’était différent, de savoir qu’il ne pourrait plus lâcher ses blagues durant les intercours, lorsqu’ils se croisaient. Mais bon. Au moins, ils continuaient de se voir. Tous ensembles. Ils continuaient de se voir, dès que possible. Ils continuaient de se voir, de se raconter leur vie, de rire à leurs bêtises, ou de compatir à leur chagrin. Ils avaient même une petite soirée de prévue, que Zadig comptait bien préparer. Un moyen de se retrouver durant toute une nuit, de parler, de jouer, de se raconter les pires des histoires, et surtout, d’oublier que la vie était cruelle. D’oublier que Diego ne pouvait plus aller chez lui. D’oublier que Phet était comme emprisonné dans son propre chez-lui. D’oublier quel le corps de Zadig pouvait lâcher à tout moment. D’oublier les pires histoires, et de s’en raconter des nouvelles. De s’en créer des nouvelles.

Et lorsque le lycée fut fini, elle eut ce sentiment de joie, alors qu’elle rentrait chez elle. Pauvre Diego, il avait dû passer la journée seul, à s’ennuyer. Ou alors il était sorti faire un tour ? Elle espérait qu’il ne soit pas resté enfermé, qu’il ne soit pas resté à broyer du noir. Elle espérait qu’il s’était amusé, au moins un peu.
Et alors qu’elle tournait ses clés dans la serrure, elle sentit une bonne odeur s’échapper de sa chambre. Une odeur de pâtisserie qui la faisait saliver. Une odeur de pâtisserie qui l’inquiétait aussi un peu. Avait-il encore mis des miettes dans son lit ? Elle aurait pu parier que oui. Ce n’était pas grave. Juste énervant. Mais ils finissaient toujours par éclater de rire en nettoyant.
Ainsi, lorsqu’elle passa la porte de sa chambre, elle fut accueillie par gâteau et Diego. Coucou Didi lui répondit-elle, tandis qu’elle se penchait pour recevoir le baiser sur la joue, qu’elle lui rendait tout naturellement. Elle l’écoutait, tout en étant amusée de le voir encore en caleçon et t-shirt, encore affalé dans le lit, alors que l’après-midi était déjà bien avancée. Comme d’hab pour les cours. Ennuyant pour certains, et amusant pour d’autres. Faut dire que j’avais sciences physiques aujourd’hui. sa matière préférée, puisque son hobby favori était l’astronomie. Elle avait d’ailleurs dans sa chambre un petit télescope, des livres relatant des étoiles et constellations, des cahiers avec ses observations, et un plafond parsemé d’étoiles – étiquettes phosphorescentes collées sur la surface lisse –, ainsi que différents posters affichant les constellations. C’était une passion qui l’animait, sans qu’elle n’en veuille, au moins pour le moment, en faire un métier. Elle disait toujours qu’elle ne voulait pas perdre le plaisir de l’astronomie avec un salaire au bout de ses études. C’était une vision qui se défendait. Sa mère, cependant, ne critiquait jamais. Parce que sa mère savait ce qu’elle, elle ne savait pas. Qu’elle n’aurait peut-être – surement – pas l’occasion de profiter réellement de la vie active.
Quant à Phet, il te fait lui aussi un bisou. Elle retira ses chaussures, posa son sac, sa veste, et se plaça dans le lit, juste à côté de lui. Ses mains posées sur l’assiette et le gâteau, elle en croqua un bout avant de demander Et toi ? Comment vas-tu ? T’as passé une bonne journée ? Ou t’as dormi une bonne journée, plutôt ? Parce que si je ne rêve pas, t’as pas vraiment bougé d’ici, n’est-ce pas ? Elle rit doucement, tout en lui poussant l’épaule avec la sienne. Tu sais que t’auras jamais de muscles si tu restes larve dans mon lit, hein ? Elle le taquinait. Elle aimait beaucoup le taquiner. Lui. Ou Phet. De toutes façons, les deux réagissaient aussi bien aux taquineries, et les relançaient bien généralement.
C’était une vraie complicité qui les animait, ces trois-là.
C’était comme si elle les avait connus toute sa vie.