always remember us this way. (ash)

Le combat à peine fini, je suis déjà sur mes pieds à traverser la foule accumulée dans les gradins pour rejoindre les vestiaires. Me retrouver ici, à assister à ce spectacle me ramène des années en arrière lorsque Ash et moi étions encore ensemble. Et je me rends compte que rien n’a changé. J’ai beau être mariée à Nieves, amoureuse folle de mon épouse et lui être entièrement dévouée, je n’avais cessé de sentir mon cœur rater des loupés à chaque fois que je voyais Ash être mise à terre ou se recevoir des coups. Non, rien n’avait changé et rien ne changerait sûrement jamais – je continuerai de me faire un sang d’encre pour elle et ses combats. À cette pensée, je me surprends à presser le pas, à bousculer un peu tous ces hommes qui ne se rendent pas compte qu’ils ne sont pas tout seuls. Je garde serrée contre moi ma trousse à pharmacie et lorsque j’avais dû la remplir, j’avais soudainement compris que les gestes étaient revenus naturellement. Comme si je n’avais rien oublié. Comme si j’avais fait cette même trousse à pharmacie la veille alors que je n’avais pas fait ça depuis peut-être des années. Avec un soupir, je pousse la porte des vestiaires derrière moi et le brouhaha est immédiatement étouffé.

La pièce est encore vide et je commence à installer mon petit matériel sur une table, l’estomac noué. Dans quel état vais-je retrouver Ash ? J’étais un peu trop loin pour voir exactement comment elle est sortie de son combat. « Dans quel état tu es… je lâche à la simple vue de son visage marqué alors qu’elle entre enfin dans les vestiaires. Tu verrais ta tête ! Ton adversaire ne t’a pas ratée ! » Je lui attrape la main pour la faire asseoir sur le banc, dépose un peignoir sur son corps fatigué. Des gestes qui sont ancrés en moi, qui resteront probablement inscrits à l’intérieur de ma personne jusqu’à la fin de mon existence. « Allez fais-moi voir ça, j’ordonne alors que je prends son menton entre mon pouce et mon index pour diriger son visage un peu plus vers la lumière. Comment est-ce que tu te sens ? Contente ? Tu as mal quelque part ? » Je me rappelle de ces soirées que je passais à l’attendre, morte de peur. Je me rappelle de ces soirées que je passais à soigner ses plaies, une à une, avec patience et surtout amour. Mais l’angoisse avait un jour pris toute la place et je ne l’avais plus supporté. J’avais abandonné Ash, parce que j’avais eu trop peur de la perdre au profit de ses combats.

Ce combat va être décisif. Sur le ring, on se bat pour un titre. Mon titre. Celui que je traîne depuis maintenant des années. C’est les qualifications pour la Ultimate Fighting Championship 2020. C’est du sérieux. Elle est coriace. Je le vois dans ses yeux. Ça ne trompe pas. Elle veut aussi avoir le privilège d’y participer. Ses pupilles ne laissent rien traîner. Même un geste anodin de ma part est peut-être signe de danger pour elle. Elle est sur ses gardes la blondasse ! Ça ne va pas être simple. Elle est jeune, du moins plus jeune que moi. Faut bien l’avouer. Son corps bouge rapidement. Je me surprends parfois à m’essouffler quand j’essaye d’esquiver ses coups. Ouais, ça n’va pas être de la tarte ! En plus je me suis déjà bien pris des coups. Je dois jouer dans l’endurance. C’est mon point fort. Elle doit penser que je dois raccrocher et qu’il est temps de laisser place à la jeunesse. Et bah, elle se trompe la gamine ! Rien que de penser à ça, ça m’énerve ! Jamais je ne céderai du terrain !! Je sens cette rage de vaincre s’accroître soudainement dans mon être. Elle tente un uppercut et joue sur sa vitesse. J’aurais fait exactement la même chose si j’avais été elle. Je n’esquive pas. Au contraire, je la laisse faire. Elle va croire que je suis KO et au dernier moment je lui fais une balayette et je la maintiens au sol avec une prise de lutte. Elle ne va pas se relever ! Son poing arrive. J’encaisse le coup.

Ce combat… a été plus difficile que je ne le pensais. C’est avec la figure légèrement bouffie, la lèvre qui saigne et le corps endolori que j’entre dans les vestiaires. Putain, les coachs de ces jeunettes leur font manger du lion tout les matins, midis et soirs ou quoi ?! Je soupire mais je trouve quand même un peu de force pour esquisser un sourire au coin de mes lèvres blessées. J’ai gagné quand même. « Dans quel état tu es… Tu verrais ta tête ! Ton adversaire ne t’a pas ratée ! je reconnais cette voix. Et à peine je lève le regard vers Dani que mon sourire essaye de s’agrandir. Ouais, ça picote quand même ! Enfin bon, j’en ai vu d’autres. Et puis rien qu’à sa vue, je ne peux m’empêcher de sourire. « Ouais mais bon tu verrais la sienne ! » j’ai encore la force de blaguer. Je sais qu’elle n’est pas fana du tout de ce monde où je vis. Alors je préfère le prendre à la légère comme ça au moins, elle pourrait s’inquiéter moins. Non ? Je m’approche d’elle et remarque assez vite qu’elle a emmené toute sa panoplie pour me réparer. Elle est aux petits soins avec moi. Comme à l’époque. Ça me réchauffe le cœur. « Allez fais-moi voir ça. Comment est-ce que tu te sens ? Contente ? Tu as mal quelque part ? » Je lis de l’angoisse dans son regard tout en m’examinant le visage. Ça n’a pas changé ça non plus. « Hey, ça va, j’suis pas faite en sucre non plus. » je tente de plaisanter. Y a toujours ce petit sourire qui est collé sur mon visage. « J’ai gagné alors j’vais bien ! T’en fais pas, j’ai la peau dur. » ce n’est pas totalement vrai. Parce que franchement j’essaye juste de garder bonne figure pour elle. Mais bon elle me connaît par cœur. « Merci d'être là. »