i'll be there anytime you call. (alysha)

Les messages qu’Alysha lui avait envoyés alors qu’elle était au Canada lui avaient retourné l’estomac. La jeune femme avait l’air en pleine détresse, incapable de supporter sa situation. C’était un état d’esprit qu’Alaska ne lui connaissait pas. Si elles s’étaient entendues aussi rapidement, c’était parce qu’elles avaient la même opinion sur le sujet : elles avaient confiance en la médecine et elles guériraient si le destin en décidait ainsi. Elles n’étaient pas ces patientes désespérées à l’idée de mourir. Aussi Alaska comprenait le chagrin d’Alysha vis-à-vis de Ruben. La décision de son compagnon ne lui plaisait pas et c’était ce qui donnait l’impression qu’elle se laissait aller, qu’elle était même en colère. Heureusement, la Dunham avait tenu parole, avertissant Alaska de son retour à Los Angeles. La rouquine lui avait aussitôt proposé de se voir. Et comme à leur habitude, elles n’avaient pas eu besoin de réfléchir longtemps avant de se trouver un lieu de rendez-vous : elles devaient toutes deux se rendre à l’hôpital le même jour pour des consultations. Assise sur sa chaise dans la cafétéria, Alaska se trouvait ainsi incapable de se plonger dans le roman qu’elle tenait sur ses genoux. C’était pourtant l’activité qui lui réussissait le mieux lorsqu’elle se trouvait dans ce lieu complètement aseptisé – la lecture lui permettait de renouer avec l’imaginaire, de retrouver de l’espoir et Nolan n’avait de cesse de l’aider dans cette quête. Mais cette fois-là, la rouquine tournait constamment la tête à droite puis à gauche, guettant les deux entrées de la petite cafétéria de l’hôpital. Alysha n’allait pas tarder à arriver et Alaska ne voulait surtout pas rater son arrivée. Sa prévoyance n’était pas vaine puisque la jeune femme ne tardait pas à faire son apparition. Elle n’avait pas particulièrement l’air dans son assiette, mais au lieu de lui servir une moue inquiète, Alaska laissait son visage être traversé d’un large sourire. Se levant de sa chaise, elle s’approchait d’Alysha pour la serrer un court instant dans ses bras avant de s’écarter. « Aly ! Je suis heureuse de te voir ! Tu as l’air… » Elle se laissait un court instant de réflexion afin de trouver le terme le mieux désigné. « Vivante. » finissait-elle par souffler. Simple constat établit avec un demi-sourire. Parce que, s’il s’agissait d’une bonne nouvelle pour certains, cela ne semblait clairement pas satisfaire Alysha. « Je nous ai commandé nos boissons pour qu’on n’ait pas à patienter trop longtemps. Je t’ai pris ta préférée. » Comme un moyen de donner du réconfort à la jeune femme. Une chance qu’Alaska avait bonne mémoire.

De retour à Los Angeles depuis environ un mois et demi. Mais j'étais si mal en point qu'on m'a mise dans une clinique privée, ne serait-ce que pour que j'ai le temps de récupérer un minimum de mobilité dans mes mains et mes bras. J'ai du choisir entre être nourrie comme un foutu bébé ou avoir une sonde naso-gastrique. Au début je refusais simplement toute nourriture, mais je pouvais pas continuer comme ça. Je devais être soignée, commencer la chimio, faire de la rééducation, sans nourriture, impossible. Alors disons que ça a été un mois plutôt compliqué. Mais maintenant j'arrive plus ou moins à utiliser mes bras et mes mains. Je peux toujours rien porter, à peine tenir des objets, mais c'est assez pour pouvoir signer des documents et tenir des couverts. Des fois je me dis que j'aimerais retrouver ma mobilité, juste pour pouvoir étrangler Ruben. Oui, je joue la comédie auprès de lui parce que j'ai pas vraiment d'autre choix, mais évidemment que je lui en veux toujours ! Est-ce que c'est vraiment ça qu'il voulait pour moi ? Que je sois une loque malade et fatiguée, à peine capable de se nourrir elle-même ? Pourquoi il comprends pas ça ? Il vaut mieux pas que je pense à ce genre de chose. Je suis déjà assez déprimée et soulée et énervée comme ça, je veux pas en rajouter. Surtout qu'aujourd'hui je vais à l'hôpital pour programmer mes séances de chimio en même temps que celle d'Alaska. Quitte à souffrir, être malade et fatiguée et compagnie, autant que ce soit avec une amie qui peut me comprendre. Alors j'ai signé, tant bien que mal, les papiers pour être transférée. Il ne me reste pas énormément de séances en théorie, mais bon, ce sera toujours mieux d'avoir un vrai soutien à mes côtés. Une fois l'administratif réglé, je me rends à la cafétéria pour retrouver Alaska qui m'y attends. J'ai envie d'être enjouée et souriante avec elle mais je suis arrivée à un tel point de fatigue que je suis pas certaine d'y arriver. Même si ça première réflexion m'arrache un sourire. Oui, je suis vivante. Et franchement je sais toujours pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle à ce stade. « A peine ! » je réplique d'un ton fatigué que j'accompagne d'un demi-sourire. Je fais vraiment de mon mieux. Mais c'est vraiment difficile. J'étais bien avant, j'avais des symptômes de la tumeur c'est sûr, mais ça ne m'empêchait pas vraiment de vivre ma vie. J'étais heureuse, je riais, je m'amusais, je profitais de la vie. Et maintenant me voilà. Malade et fatiguée, à moitié capable d'utiliser mes bras et mes mains. Et après on s'étonne que je le vis mal, non mais franchement j'hallucine... « Je nous ai commandé nos boissons pour qu’on n’ait pas à patienter trop longtemps. Je t’ai pris ta préférée. » reprends Alaska alors que je m'installe. « Oh merci, t'es adorable ! Du Canada Dry, tu n'as pas oublié ! » En même temps je suis canadienne de base, difficile de pas faire le lien entre les deux. J'adore Alaska, elle est toujours pleine de petites attentions comme ça, c'est vraiment un amour cette fille. J'essaie d'attraper la paille sur le plateau mais bon sang que ces trucs sont petits ! Et je pourrais pas porter ça jusqu'à ma bouche. Fuck my life. « Est-ce que tu peux m'aider ? » je demande alors, un brin gênée. Je déteste être une assistée comme ça. C'est vraiment tout ce que je voulais pas ! Qu'on soit obligé de m'aider à manger, à boire, à m'habiller, à faire ma toilette... Bon, les deux derniers je me débrouille pas trop mal. Même si bon, je suis obligée de porter des vêtements sans boutons ou fermetures éclairs ou qui sont trop moulants ou qui ont des lacets. Enfin bref, passons parce que je sens encore la colère monter. « Désolée. Avec la rééducation je peux maintenant attraper des objets relativement gros, mais je ne peux porter que les petits trucs parce que je n'ai pas assez de force dans les bras. Ironique. Si tu veux c'est comme essayer d'utiliser tes bras alors qu'ils seraient engourdis, tu vois ? » j'essaie d'expliquer un peu à Alaska. Parce que j'ai l'impression de clairement être un boulet que les autres doivent traîner et j'aime pas ce sentiment. Je sais qu'Alaska ne pense pas comme ça mais bon... « En tout cas toi, t'as pas l'air trop mal dis moi ! je m'exclame en retrouvant un sourire. Comment tu vas depuis le temps ? » C'est vrai qu'entre ma grossesse, le voyage au canada, l'accouchement et tout ce qui s'en est suivi, j'ai pas été super présente pour elle, et je le regrette.

Les traits d’Alaska étaient envahis par un large sourire. Durant plusieurs jours, l’inquiétude avait pris possession de son esprit alors qu’elle s’inquiétait de l’état de son amie. La voir face à elle, bien vivante et pas trop amochée en apparence, c’était une réelle bouffée d’air frais. Et si le moral d’Alysha ne devait pas être au top, la rouquine était bien décidée à l’aider à passer un bon moment. C’était le mieux qu’elle pouvait faire pour venir en aide à son amie. Et cela commençait par commander sa boisson préférée, pour ne pas la laisser perdre du temps à faire la queue – ce qui pouvait être plus que fatigant lorsqu’une maladie venait s’en mêler. « Oh merci, t'es adorable ! Du Canada Dry, tu n'as pas oublié ! » Alaska laissait son sourire s’élargir encore un peu plus. Elle ne s’en défaisait pas, même lorsqu’elle aperçut Alysha tenter d’attraper sa paille, en vain. Si elle se montrait inquiète, elle savait que son amie ne s’en sentirait pas mieux. Bien au contraire, le fait de ne pas mettre en avant leurs maladies aidaient les malades à se sentir comme tout le monde. La rouquine était bien placée pour le savoir. « Est-ce que tu peux m'aider ? » La Moon hochait la tête. « Pas de souci. J’avais pris plusieurs pailles au cas-où et j’ai appris quelque chose rien que pour toi. » témoignait-elle en dégainant les pailles encore emballées. « Désolée. Avec la rééducation je peux maintenant attraper des objets relativement gros, mais je ne peux porter que les petits trucs parce que je n'ai pas assez de force dans les bras. Ironique. Si tu veux c'est comme essayer d'utiliser tes bras alors qu'ils seraient engourdis, tu vois ? » reprenait aussitôt Alysha. La rouquine esquissait alors une légère grimace. « Je vois. Ça doit être peu agréable. J’espère que ça ira mieux rapidement. » répondait-elle alors qu’elle finissait de déballer la dernière paille face à elle. Ces petites choses étaient très utiles pour les personnes dans le cas d’Alysha, la rouquine s’était renseignée. Elle avait même regardé quelques tutoriels sur internet pour apprendre à les assembler. Aussi était-ce ce à quoi elle s’employait. Emboîtant les pailles les unes avec les autres, elle formait une paille suffisamment grande pour qu’Alysha puisse boire sans avoir à rester penchée dans une situation inconfortable au-dessus de la table. Remplaçant l’ancienne paille par celle, géante, qu’elle venait de fabriquer, elle ne tardait pas à l’orienter en direction de la bouche de son amie. « Et voilà ! Normalement ça devrait être plus pratique pour toi. » Elle levait sa propre boisson à la santé de son amie. Comme si tout était normal. Et au fond, cela l’était pour elle. « En tout cas toi, t'as pas l'air trop mal dis moi ! » s’exclamait Alysha alors qu’un sourire prenait à nouveau place sur ses lèvres. « Comment tu vas depuis le temps ? » Alaska haussait les épaules alors qu’elle buvait tranquillement sa boisson. Reposant le contenant sur la table, elle finissait par lâcher : « Rien n’a vraiment changé pour moi. C’est un peu la routine. » Et si la routine était parfois désagréable puisqu’elle donnait l’impression de rester enfermée dans un même cercle vicieux, elle avait aussi ce côté rassurant. Son état ne s’était pas amélioré, mais il ne s’était pas non plus dégradé. Ce qui était une bonne chose. « Ah, si ! Ma cousine est passée me rendre visite. Ça faisait des années que je ne l’avais pas vue. C’était un peu étrange. Elle avait l’air sous le choc, mais j’étais tout de même heureuse de la voir. De la retrouver. » Elles avaient longtemps été fusionnelles avec Cheyenne. Et Alaska ne comprenait pas réellement comment elles avaient pu se perdre de vue depuis si longtemps. Mais la vie faisait bien les choses, puisqu’elle les avait réunies avant qu’il ne soit trop tard. « D’ailleurs, en parlant de famille ! Tu as des photos de jumeaux ? Je veux tout savoir sur ce qu’ils deviennent ! » Si l’opération d’Alysha avait dû créer un grand chamboulement dans sa vie, la naissance de ses deux enfants avait dû en causer un autre.

Alaska est une gentille fille. Un vrai petit rayon de soleil à elle toute seule. Je sais bien que j'étais comme ça moi aussi, malgré toutes les merdes qui me sont arrivées, toutes les tragédies... j'ai gardé le sourire et la bonne humeur. Et maintenant, alors que je suis débarrassée de cette foutue tumeur, j'ai tout perdu, je suis comme morte à l'intérieur. Et je m'en veux pour ça, et j'en veux à Ruben et au monde entier. Alors c'est vrai que j'ai peut-être délayé mes retrouvailles avec Alaska, pour la ménager, pour qu'elle reste un rayon de soleil. Elle me fait une paille géante et, même si j'ai l'impression de me faire remarquer et que tout le monde a ses yeux braqués sur moi et cette paille, je la remercie, c'est une gentille attention, puis je prends de ses nouvelles. Je préfère ça plutôt que parler de moi à vrai dire. Mais visiblement c'est un mauvais bail, puisque à la croire, Alaska a une vie parfaitement monotone. Pas de chance pour moi ! « Ah, si ! Ma cousine est passée me rendre visite. Ça faisait des années que je ne l’avais pas vue. C’était un peu étrange. Elle avait l’air sous le choc, mais j’étais tout de même heureuse de la voir. De la retrouver. » s'exclame t-elle alors. Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle reprends déjà la parole et ajoute: « D’ailleurs, en parlant de famille ! Tu as des photos de jumeaux ? Je veux tout savoir sur ce qu’ils deviennent ! » Aie. La question qui tue. « Tu veux pas parler de ta cousine plutôt ? » je lance dans une sorte de tentative désespérée, mais je sais bien que je ne vais pas y couper. « J'ai peut-être quelques photos, mais j'en suis pas sûre. Je crois que Ruben en a fait à l'hôpital, mais... » je lance en sortant mon téléphone. Par chance c'est un de ceux qui s'allument simplement grâce à l'empreinte digitale. Appuyer sur des touches tactiles est beaucoup plus simple, mais comme je suis moins précise j'ai tendance à appuyer à côté. Mais j'arrive à me débrouiller. D'où les textos et compagnie. Alors bien sûr ça me prends trois fois plus de temps mais bon, on fait avec. « Ah tiens, il doit y en a quelques unes là. » je m'exclame en lui tendant le téléphone. Il ne dois pas y avoir beaucoup de photos, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ou [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] à tout casser. Peut-être qu'il y en a d'autres, j'ai pas franchement cherché à vrai dire. « Et... ils vont bien... je suppose. C'est Ruben qui s'en occupe et... voilà. Alors comme ça ta cousine était choquée de te voir ? Je croyais qu'elle était déjà venue te voir à l'hôpital plusieurs fois ! » je reprends finalement, changeant délibérément de sujet. On peut pas dire que la discrétion soit mon fort ces derniers temps.