road trip and 'fake' valentine's day (lealyn 3)

Je sais pas pourquoi mais c’est plus fort que moi. Mes mains se retrouvent rapidement à son contact, le temps de la chatouiller, j’adore la sentir se dandiner sous mes doigts, et mon rire qui se mêle au sien, jusqu’à ce que je m’arrête, et que la taquinerie devienne une tension hautement palpable. « Ouais, je suis fatiguée. Faut que je dorme. » Pourquoi ses gestes disent l’inverse de ses paroles ? Pourquoi je sens le désir grimper à mesure que sa main glisse sur mon torse. Je suis pas dingue, c’est pas un geste anodin ça, on est d’accord ? Elle se reprend et tapote sur mon torse, histoire de faire passer la pilule j’imagine. « Ça se voit que tu fous rien au boulot, t’as le temps de faire du sport. » Je baisse les yeux un instant sur sa main, toujours posée sur mon buste, et replonge mon regard dans le sien. Merde, j’ai beaucoup trop envie de l’embrasser, c’est pas sérieux, reprend-toi Leah, c’est pas le moment de tout foutre en l’air ! Sa main glisse de mon torse à mon cou, jusqu’à s’arrêter sur ma joue et je ferme les yeux un peu plus longtemps qu’un simple clignement, le temps d’apprécier ce contact, penchant même un peu la tête sur le côté par peur qu’elle écourte cet instant, cette caresse. Je réouvre les yeux et j’ai la sensation que c’est encore plus puissant, que le désir est plus fort encore. « Me regarde pas comme ça, s’il te plait. » « Pourquoi ? » Si elle en a envie autant que moi, pourquoi on se retient au juste ? Par peur de flinguer notre amitié, peut-être, j’en sais rien. Ce serait légitime. Mais j’ai jamais été autant attiré par elle que ce soir. La dernière fois il y avait l’alcool, là je ne peux pas m’en servir comme excuse. Et alors qu’elle s’approche et que j’ai la sensation de pouvoir bientôt presser mes lèvres contre les siennes, les yeux déjà clos pour apprécier ce moment, le coeur battant à tout rompre, elle dévie sa trajectoire et c’est sur ma joue que le baiser s’écrase. Ascenseur émotionnel. « Bonne nuit Leah. » Les boules. « A toi aussi. » Ça se sent là que je suis dégoûté un peu quand même ? Elle se retourne, me tournant le dos, et moi je reste là, assis sur le matelas comme un gros con. Je sais même pas pourquoi j’ai espéré quelque chose, c’était ridicule. Je croyais quoi au juste ? Je soupire légèrement et m’allonge sans grande conviction, je crois que je vais avoir du mal à dormir maintenant. Ça tourne et retourne dans ma tête, c’est l’enfer. Il me faut un bon moment avant de réussir à trouver le sommeil, et je suis quand même réveillé avant elle. Doucement je quitte le van qui était resté ouvert toute la nuit pour éviter qu’on ait chaud, et je descends sur la plage pour m’asseoir sur le sable, le temps qu’elle émerge et qu’on puisse repartir. Je me sens quand même franchement paumé dans cette histoire.

Dilemme. L’un de mes plus anciens désir et l’une de mes plus grandes peurs s’affrontent. Il y a tellement longtemps que j’enfouis mes sentiments pour Leah, c’est de plus en plus difficile de le faire, surtout depuis notre dérapage et encore plus à cet instant. Il est beaucoup trop près, je sens son souffle sur mes lèvres, je lis dans son regard qu’il veut franchir cette barrière une nouvelle fois, mais là pas d’alcool pour se trouver une excuse. Je devrais sans doute saisir ma chance, s’il le veut, pourquoi m’en priver ? Mais l’idée qu’il puisse penser que ça ai été une erreur, risquer de mettre notre amitié en péril – encore une fois, je ne peux m’y résoudre. Il doit arrêter de me regarder comme ça. Pourquoi ? Parce que mes sentiments vont me faire faire une connerie ! Voilà pourquoi. Le cœur battant, mes lèvres si proches des siennes, je dévie leur trajectoire jusqu’à sa joue, lui souhaitant bonne nuit. Je perçois sa frustration, dans son regard que je m’empresse d’éviter dès la seconde d’après et dans sa façon de me souhaiter une bonne nuit à son tour. J’ai déjà le goût amer des regrets, mais dans le fond je me persuade que c’était la bonne chose à faire. Je me tourne dos à lui, je remercie la fatigue, le sommeil ne tarde pas à m’emporter ça m’évite de trop penser. Je suis réveillée par la lumière du jour qui entre par la porte ouverte du van, je mets quelques secondes à me rendre compte que Leah n’est pas à côté de moi. Je me lève, j’imagine qu’il ne s’est pas fait kidnapper, j’aurais entendu quelque chose. Sauf si j’ai dormi comme une enclume… Dehors il n’y a personne, pas de trace de mon meilleur ami, pas même les vestiges d’un petit dej. Il fait frais ce matin, j’attrape une veste zippée que j’enfile allant même jusqu’à rabattre la capuche sur ma tête. Je m’approche de l’accès à la plage, pas besoin de descendre, je vois Leah au loin, assis sur le sable. Je fouille dans les différents placards du van et trouve ce qu’il faut pour faire du café. Je nous en prépare deux tasses, c’est de l’instantané, mais bon c’est ça le camping ! Je descends, tasses fumantes en main et rejoins mon meilleur ami. Un fois derrière lui je le pousse gentiment du bout du pied « Salut ! T’es matinal dis donc. » je lui tends son café « Tiens, fait gaffe c’est chaud. ». Je m’assoie à côté de lui, évidemment je repense à hier soir, mais je décide de faire comme si de rien était, parce que c’est encore ce que je fais de mieux depuis des années. « Bien dormi ? » j’approche la tasse de mes lèvres, les trempe dans le liquide ambré et hausse les épaules « Bon ça va il est pas trop dégueu pour de l’instantané. » je le tourne la tête vers mon meilleur ami et lui souris « J’arrive comme ça avec le café, mais tu étais peut-être en pleine méditation ? Maître Yoda. ».

Je me sens.. je sais même pas comment je me sens. Bizarre. J’ai l’impression d’enchaîner les conneries ces derniers temps, et les putain de vents aussi. Après Terri, Nicky, et maintenant Jazz. Je me demande si je vais pas aller dans un monastère, donner mon âme au seigneur ou je sais pas quoi. Si je fais croire que j’ai vu la lumière divine ça suffira non ? En attendant, la lumière divine, c’est pas pour ce week end. Je sais pas ce que j’ai bien pu faire dans mes vies antérieures pour qu’on me punisse à ce point là dans celle-ci. Franchement ça devait être moche. « Salut ! T’es matinal dis donc. » Je sursaute un peu, sortant de mes pensées. Je n’avais pas entendu Jazz approcher. « Ouais, je dors dans le noir normalement, alors là c’était pas facile. » Je ris un peu, essayant de paraître le plus naturel possible, même si c’est pas simple. Je récupère la tasse qu’elle me donne en la remerciant. Elle me demande si j’ai bien dormi. Est-ce que je mens ? « Bof. Ça y est j’suis un petit vieux, trop habitué à mon confort. » Je ris un peu et laisse mes doigts se réchauffer au contact de la tasse fumante. Il fait pas froid, mais c’est quand même agréable. Effectivement, il est pas dégueu pour de l’instantané. « Y’avait une cafetière italienne dans un sac, je sais pas où. Je pensais pas que tu te lèverais si tôt, sinon je l’aurai fait. » Y’a rien à faire, j’ai beau essayer de faire semblant, je suis quand même moins enjoué qu’hier, peut-être même un peu distant. Faut que je fasse un effort, j’ai pas envie de flinguer notre voyage. Et en même temps je suis quelqu’un d’entier, je sais pas trop mentir. « J’arrive comme ça avec le café, mais tu étais peut-être en pleine méditation ? Maître Yoda. » Je la regarde et lui souris. « T’inquiète, ça fait un moment que je suis débout, j’ai eu le temps de faire ma méditation bien avant que t’aies ouvert les yeux. » Je bois quelques gorgées de mon café, restant silencieux un moment. Je sais pas trop comment enchaîner, faut juste que j’arrête de bloquer là dessus je crois. Jazz est ma meilleure amie et elle le restera. Elle m’a fait comprendre que c’est ce qu’elle voulait, et c’est encore le mieux à faire. Je soupire un peu, comme pour évacuer cette lourdeur latente de mes épaules. « Bon, j’ai regardé un peu la route pour aujourd’hui, y’a un endroit super cool un peu plus haut, on peut y être en quatre heures. Y’a un spot de paddle génial. T’as déjà fait du paddle ? » On peut en faire avec un chacun, ou a deux sur le même, quoi qu’il arrive, c’est une activité que je trouvais sympa à partager.

Leah est déjà levé, je crois que ça m’arrange dans le fond, ça me permet de me mettre dans un certain état d’esprit, celui de faire comme si on avait pas encore failli faire une connerie hier soir. Je dois être un peu conne, non ? Ça fait des années que j’en ai envie, d’aller plus loin, et quand l’opportunité se présente sans alcool impliqué, je me défile. Si mon meilleur ami a eu cette attitude hier c’est bien qu’il en avait envie, non ? Il est pas du genre à faire semblant… Mais en même temps je peux pas m’empêcher d’avoir peur que ça gâche tout, que cette fois on ne puisse pas revenir en arrière, surtout qu’on aurait pas d’excuse comme celle d’avoir trop bu. En plus, qu’est-ce qui me dit qu’il ne veut pas seulement se rassurer après sa panne pendant son rencard avec l’autre bimbo de The Chart ? J’ai le temps de chasser tout ça de ma tête en préparant un super café instantané et de l’emmener jusqu’à Leah, assis sur la plage tel un vieux sage. S’il est si matinal c’est que la lumière l’a réveillé, je peux le comprendre, monsieur à ses petites habitudes « Ouais t’es clairement un vieux, tout pleins d’habitudes et son besoin de confort. » je ris avec lui, il m’apprend qu’une cafetière trainais quelque par dans le van, je hausse les épaules « Au moins on est encore plus en ambiance camping. » et en ambiance étrange aussi. Leah est distant, je le connais par cœur, lui aussi ça doit fuser dans sa tête. Pas question d’aborder le sujet, je me contente de lui demander s’il médite, sous-entendu que je le dérange peut-être. Nouvelle réponse un peu laconique, apparemment il a pas beaucoup dormi. Je respecte le silence qui s’installe, la vue est belle, y’a le bruit de l’océan et je suis avec lui, c’est pas si mal. Finalement il reprend la parole pour qu’on discute du programme d’aujourd’hui, il a l’air d’avoir étudié un peu le truc malgré tout. Il propose de faire du paddle et quand il me demande si j’en ai déjà fait je le regarde, arquant un sourcil « Si j’avais déjà fait du paddle crois moi que tu serais au courant. » je ris un peu et secoue la tête « J’ai jamais fait de ce truc là, mais ça peut être fun. » je le pousse gentiment, épaule contre épaule « Puis tant que c’est avec toi je sais que ça sera cool. » je bois une nouvelle gorgé et ajoute « Enfin si tu arrêtes de faire ta tronche de papy qui a pas assez dormi. » je le regarde un instant avant de fixer l’horizon à nouveau « Vu la taille de tes cernes c’est décidé, je conduis. » c’est pas vrai, il en a pas vraiment, mais je vois bien qu’il a pas sa tête des bons jours, et je sais pourquoi. J’ai des années d’entrainement à faire semblant, finalement ça sert.