Teen spirit, grown up dinner (Ezorah#2)

Fin de journée, je suis en train de terminer de ranger mon matériel, « Ez, tu viens boire une bière avec nous ? » je secoue la tête à la négative « Non désolé les gars, je peux pas j’ai un dîner ce soir. » mon collègue affiche un air curieux « Juste une, t’auras le temps de rentrer et d’être à l’heure, promis. ». Je ris et secoue de nouveau la tête « Non, je cuisine donc je peux vraiment pas. » « Oh. C’est un rencard ? Tu vas lui sortir le grand jeu ? » je lève les yeux riant de plus belle « C’est pas un rencard, je reçois c’est tout. » il fait un petit geste d’excuse « Pardonnez moi très cher, je penserai à toi en buvant ma mousse. Bonne soirée. » je lui souhaite de même à lui et au reste du groupe, attrape mes clés de voiture et ne traine pas. Sur le chemin du retour je fais quelques courses, je sais déjà ce que je vais préparer pour ce soir, j’ai envie de faire découvrir à Norah un des nombreux plats que j’ai appris durant mes années de voyage à travers le monde, quelque chose d’exotique en espérant qu’elle aimera ça. Depuis qu’elle accepter mon invitation, mais plus encore que le rendez-vous est fixé je ressens une certaine impatience, une forme d’excitation aussi je crois. J’ai toujours admiré Norah, elle n’était pas seulement mon fantasme d’adolescent pour des raisons purement physique, c’est toute sa personne qui me fascinait. Désormais j’ai envie de la découvrir et échanger avec elle en tant qu’adulte, parce que sans trop savoir pourquoi je suis certain que nous pouvons bien nous entendre. Mais c’est vrai que ce gamin que j’étais est sans doute encore un peu là quelque part, avec l’envie de l’impressionner. De retour chez moi je lance une playlist pour avoir le fond musical idéal pour cuisiner, et c’est en me déhanchant un peu au rythme de la musique que je m’affaire à ma préparation.
Tout est prêt, je n’aurais plus qu’à réchauffer ce qui doit l’être et je suis parfaitement dans les temps mais il ne faut pas que je traine trop quand même. Je file prendre une douche et une fois propre petite hésitation devant le placard. J’opte pour un jean et une chemise, coup d’œil dans le miroir, je fais une moue dubitative c’est peut-être un peu trop. Je choisis finalement un t-shirt, ça fait plus décontracté. Pourquoi je me pose la question de toute façon ? C’est juste un diner en tout bien tout honneur. De toute façon je n’ai plus le temps de tergiverser, Norah ne devrait plus trop tarder. Je fais quelques ajustements sur la table, vérifie que tout soit parfait, baisse un peu le son de la musique et on sonne à ma porte. Mon intention première est de me dépêcher d’aller ouvrir je me tempère, je en veux pas passer pour le mec impatient, nerveux ou que sais-je… ce que je suis un peu mais elle n’a pas besoin de le savoir. Je m’avance tranquillement vers la porte et ouvre, sourire aux lèvres « Norah ! Ça me fait plaisir de te voir, je t’en prie, entre. » je m’écarte pour la laisser passer. Elle est encore plus belle que la dernière fois et lorsqu’elle passe à côté de moi les effluves de son parfum la suivent. Du calme Ez.

Ce pauvre miroir en voit de toutes les couleurs. Je crois que j’ai essayé toute ma garde-robe, c’est ridicule. Je suis stressée par ce dîner, je ne sais même pas réellement pourquoi. Ce sont de simples retrouvailles entre une femme et un jeune homme qu’elle a connu adolescent. Mais la situation est plus complexe que ça. Ezekiel est devenu un homme, véritablement, et un bel homme en plus de ça. Je ne suis pas tombée de la dernière pluie, et j’ai bien vu la manière dont il s’adressait à moi, la manière qu’il avait de me regarder. Il n’y avait pas qu’une histoire de ‘reparler du bon vieux temps’. J’en ai parlé avec ma fille pas plus tard que ce matin, et elle m’a dit texto ‘de toute manière déjà quand il était ado il te regardait avec des coeur dans les yeux’. Je me souviens qu’à l’époque, c’est elle qui le regardait avec des coeurs dans les yeux. Ce soir je m’apprête à aller dîner chez lui, c’est sur-réaliste. Je choisis une robe plutôt simple, bleue marine, ajustée au niveau du buste et évasée à partir de la taille, m’arrivant au niveau du genou. Une veste taillée style perfecto dans une texture plus décontractée, et une paire de talons basiques, rien d’extravagant, rien de trop habillé, quelque chose de simple, qui me ressemble. J’ignore ce que je dois apporter, dans ce genre de situation, c’est vraiment délicat. En partant, je m’arrête acheter une boîte de macarons dans une enseigne Française, les meilleurs que j’ai jamais goutés. Je suis un peu anxieuse lorsque je gare ma voiture devant chez Ezekiel, je me demande encore si j’ai fait le bon choix d’accepter son invitation, mais je m’en persuade. Mon doigt presse la sonnette et j’attends, le coeur battant. « Norah ! Ça me fait plaisir de te voir, je t’en prie, entre. » Mon sourire s’élargit face à son hospitalité, et j’entre alors, lui tendant finalement ma boîte de macarons. « Tiens, je sais pas si tu connais, tu verras ils sont délicieux. » Je retire ma veste et le laisse m’en débarrasser tel un gentleman. « C’est super joli chez toi. Décoré avec goût. » Je ne réfléchis pas avant de poser la question : « Tu vis seul ici ? » Oui alors non. Je n’avais pas envie de passer pour la cougar de service qui se renseigne sur la potentielle vie amoureuse d’un gamin de vingt ans son cadet. « Enfin. Je dis pas que les hommes ne doivent pas avoir de goût pour la décoration hein, je m’y risquerai pas… » Je laisse échapper un léger rire un peu stressé, il faut que je me détende.

J’ouvre la porte, invite Norah à entrer. Voilà, on y est, c’est le moment pour moi de faire mes preuves en tant qu’hôte mais aussi en tant qu’adulte face à cette femme qui m’a toujours intimidé. Son sourire est à se damner, elle dégage quelque chose d’unique et je me demande presque pourquoi elle a accepté mon invitation. Je prends la boite qu’elle me tend, des macarons « Tu n’étais pas obligée, mais merci, j’ai hâte de les découvrir. » dis-je avant de récupérer sa veste. Elle semble surprise par la déco de mon appart, je ris légèrement et encore un peu plus à sa question « Oui je vis seul. C’est si surprenant ? », peut-être craint elle que je ne me vexe et justifie sa question sans remettre en cause mes compétences en matière de décoration. Je hoche la tête « Si si, c’est ce que tu sous-entends, j’ai bien compris. » répondis-je, taquin « Mais je sais pourquoi tu dis ça. » elle a l’air intriguée, je poursuis « Tu as perçu la touche féminine, subtile dans cette déco. Empreinte laissée par ma mère et ma sœur. » je hausse les épaules « Tu sais comment elles sont, elles n’ont pas pu s’en empêcher. Mais je suis content du résultat. » je lève l’index et précise « J’ai activement participé et fais beaucoup de choix moi-même. ». Le but n’est pas qu’elle me voit comme étant encore le fils à sa maman qui de retour dans la même ville se fait cocooner comme un enfant. Mais elle est mère aussi, elle sait sans doute de quoi je parle quand j’évoque la mienne. Je l’invite à aller s’installer sur le canapé et commencer à grignoter ce que j’ai déposer sur la table basse pour l’apéritif tandis que je me dirige vers le coin cuisine. Je pose la boite de macaron sur le comptoir « Est-ce que tu préfères du vin ou un cocktail maison ? » demandé-je en sortant le shaker dans lequel j’ai déjà fait ma préparation « Tu vas voyager ce soir, je te préviens. » je ne peux m’empêcher de sourire, j’ai presque l’impression d’avoir l’air con mais en fait c’est juste que je me sens bien en sa compagnie et j’ai peut-être un peu envie de l’impressionner… Je fais le service et lui ramène son verre « L’ombrelle est obligatoire, sinon le voyage n’est pas total. » précisé-je avant de m’asseoir à mon tour « Ce n’est pas très alcoolisé, loin de moi l’idée de vouloir te souler. » nous trinquons et je pique un amuse bouche sur la table basse afin de l’inciter à faire de même « Tout est végétal… pas de viande ni de poisson. » précisé-je pour qu’elle ne soit pas surprise « Je crois que je passe trop de temps à leur contact pour avoir pouvoir les manger ensuite. » plaisanté-je « Ma sœur m’a gentiment dit une fois que c’était même étrange que je n’ai pas encore des branchies. Mais étant donné qu’Aquaman lui même n’en a pas, je pense que la théorie de l’homme poisson est un peu bancale. » et voilà, je parle encore et encore. « Excuse moi, je suis bavard. Un peu trop peut-être. » ouais et j’ai passé l’âge de faire ça alors faut que j’arrête de stresser, je suis plus un ado. « Alors finalement tu t’es décidée pour aller faire de la plongée avec ton fils ? Vous avez prévu une date ? » m’intéresser à elle, c’est parler à des fins utiles et puis ça prouve que je me souviens de notre précédente discussion. Oui madame, je suis un mec à l’écoute. Un point pour moi ?

« Tu n’étais pas obligée, mais merci, j’ai hâte de les découvrir. » Je hausse les épaules, me contentant d’un sourire de rigueur. Je n’allais décemment pas arriver les mains vides, et ce n’est pas une question d’âge, je crois que c’est simplement la moindre des choses. Je suis peut-être de la vieille école, mais ce genre de pratique est encore d’actualité rassurez-moi !? Je fais une remarque sur la déco, et tente de me rattraper aux branches après avoir semblé un peu dans le jugement. Il m’annonce vivre seule, je ne comprends pas pourquoi ça semble me soulager, c’est ridicule. Et voilà qu’il se met à être taquin, et je ris comme une idiote. « Mais je sais pourquoi tu dis ça. Tu as perçu la touche féminine, subtile dans cette déco. Empreinte laissée par ma mère et ma sœur. Tu sais comment elles sont, elles n’ont pas pu s’en empêcher. Mais je suis content du résultat. » Je hoche la tête en souriant, sans rien ajouter. Je ne connais pas vraiment bien sa mère et sa soeur, je les ai croisées quelques fois il y a longtemps mais pas de là à connaître leur caractère. « J’ai activement participé et fais beaucoup de choix moi-même. » Cette fois je ris un peu à sa manière d’ajouter un commentaire pour faire croire qu’il y a mis son grain de sel, et qu’il n’est pas guidé par les deux femmes de sa vie. « Oh mais je n’en doute pas ! » La complicité est au rendez-vous, et je ne vais pas le nier, c’est agréable. Ezekiel me propose de m’installer dans le salon, ce que je fais sans tarder, et à la question de savoir si je préfère du vin ou un cocktail, je me laisse tenter par la proposition du cocktail. Le voyage va être le thème de la soirée, je ne vais pas m’en plaindre. « Ça tombe bien, ça fait longtemps que j’ai pas pris l’avion. » Quel humour de merde ! Ressaisis-toi Norah ! Il revient avec les cocktails, bien présentés, et il appuie sur l’ombrelle, ce qui me fait sourire. « Ce n’est pas très alcoolisé, loin de moi l’idée de vouloir te souler. » « Heureusement, je tiens très mal à l’alcool ! » A peine deux verres et ça part rapidement en vrille. Heureusement j’ai l’alcool gai. Le jeune homme m’explique que tout ce qui est sur la table est végétal, et pour cause, son rapport aux poissons est tel qu’il n’a plus envie d’en manger, ce que je comprends très bien. « Je ne mange plus de poisson depuis que Corey a été en âge de me dire qu’il ne voulait plu en manger, pour les mêmes raisons que toi. Alors c’est parfait. » Je ne mange plus vraiment de viande non plus, seulement des oeufs et des produits laitiers de manière plus régulière. Le voilà qui s’en va dans une pensée plus ou moins philosophique, je ne le lâche pas des yeux, ris même amusée par ses paroles, avant de s’excuser de trop parler. Je secoue la tête en souriant. « Ne t’excuse pas, tant que tu parles pas pour meubler, tout va bien. » Parce que là, je me sentirai conne de sentir qu’il se force à parler pour combler d’éventuels blancs. Mais je crois que le courant passe assez bien pour qu’on n’en arrive pas là. « Alors finalement tu t’es décidée pour aller faire de la plongée avec ton fils ? Vous avez prévu une date ? » « J’ai pris quelques cours à la piscine pour apprendre à me servir d’une bouteille d’oxygène, et les signes de base… » Je lui fais un signe de plongeurs qui signifie que tout va bien, sourire sur les lèvres. « Et on a prévu d’y aller à la fin du mois, pour mon baptême. Je suis pas rassurée… » Je me mords un peu la lèvre inférieure et bois une gorgée de mon verre, reposant mon regard dans celui du jeune homme. « Tu voudrais pas m’emmener sous l’eau pour ma première fois ? » Aucune conscience de la tournure de cette phrase. « Je pense qu’il comprendra si je plonge pas pour la première fois avec lui, c’est juste que j’aimerai bien être avec quelqu’un qui s’y connaît un peu plus, ça me rassurerait. » J’ignore si c’est une faveur que je lui demande ou pas, mais j’ai pas vraiment réfléchi à ça.

Je me justifie sur la déco de mon appartement qui porte largement l’empreinte féminine de ma mère et ma sœur. J’ai pas envie de passer pour le mec qui ne fait rien par lui-même et se repose sur les femmes qui l’entourent… elles me maternent un peu c’est vrai, mais ça vient d’elles majoritairement. Je ne dis pas que ça ne me fait pas plaisir, mais parfois j’ai l’impression qu’elles veulent en faire un peu trop. Mais il me semble que j’ai surtout à cœur que Norah ne me voit plus comme un gamin, comme l’ado que j’étais, le pote de son fils. Elle a accepté mon invitation, c’est déjà un bon point dans ce sens, non ? Car finalement nous nous connaissons peu, et c’est l’occasion de nous découvrir. J’ai bien l’intention de la faire voyager en partageant un peu de mon expérience à l’étranger. Je suis particulièrement fier de mon parcours, tout en restant conscient que j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir le faire, même si je m’en suis donné les moyens. L’idée d’un petit voyage tout en restant ici dans mon salon n’a pas l’air de lui déplaire. Pour commencer, un petit apéritif accompagné par un cocktail exotique, fait maison et peu alcoolisé. Est-ce que je pense à tout ? J’espère. La machine est en route, je parle, beaucoup, sans doute trop et lorsque j’en prends conscience je m’en excuse auprès de mon invitée. C’est définitif, je ne me remettrais jamais de son sourire, de ce petit éclat qui apparaît dans ses yeux à chacun de ses rictus. Je ne sais pas si c’est possible mais je crois que Norah est encore plus belle que dans mes souvenirs d’adolescent. Au lieu de partir dans des discours pseudos philosophiques je reviens sur un sujet plus concret, la plongée et ce baptême que la quinqua a prévu de faire pour passer un moment en compagnie de son fils Corey. Je suis ravi d’entendre qu’elle a pris quelques cours à la piscine pour apprendre les bases, mon sourire en témoigne et je joue le jeu de lui répondre par un signe quand elle me fait une petite démonstration de ce qu’elle a appris. Sa première sortie est prévue à la fin du mois, et malgré son initiation elle n’est pas rassurée. Je ne suis pas objectif, le moi de quinze ans traine définitivement dans le coin, mais c’est l’homme trentenaire qui la trouve si touchante de vouloir dépasser sa peur pour faire plaisir à son fils. Je m’apprête à lui servir un discours d’encouragements, visant à la rassurer mais elle me devance, demandant si je peux l’emmener sous l’eau pour sa première fois. Comme si elle lisait dans mes pensées, Norah précise que Corey ne lui en voudra sûrement pas de faire une répétition générale de ce baptême de plongée avec quelqu’un d’autre. Là, à cet instant je sens une petite pointe d’euphorie en moi. C’est con, parce qu’elle s’adresse juste à moi en tant qu’expert dans ce domaine, mais c’est un vrai témoignage de confiance et rien que pour ça je signe tout de suite. « Avec plaisir. » répondis-je en lui souriant « Je vais t’emmener plonger. Et après tu seras super zen quand tu iras avec Corey. » il paraît que je suis bon pédagogue, autant que ça serve. Je désigne son verre du regard « Alors tu trouves ça comment ? » je veux que ça lui plaise bien sûr mais je suis surtout très curieux à son égard « Tu as eu l’occasion de voyager ? » je la sais ouverte et bienveillante, du genre à aimer découvrir une autre culture.

Je suis pas rassurée, même avec mes cours d’initiation. Parce que la piscine c’est bien, mais plonger pour de vrai dans les eaux profondes c’est une autre histoire. Et c’est sans vraiment réfléchir que je demande à Ezekiel s’il veut bien m’accompagner pour mon premier plongeon. Je suis sûre que Corey ne m’en voudra pas, et je rassure Ezekiel sur ce fait, en espérant sans doute que sa réponse sera positive. « Avec plaisir. » dit-il en souriant de manière si naturelle que je me demande même s’il a eu a réfléchir à la réponse. Mon sourire s’élargit et le voilà qui poursuit. « Je vais t’emmener plonger. Et après tu seras super zen quand tu iras avec Corey. » Hochant la tête toujours en souriant, je me sens rassurée. Au moins, je sais que je serai en compagnie rassurante du jeune homme. J’ignore pourquoi mais il m’apaise, je me sens simplement bien à ses côtés. Je bois une gorgée de mon cocktail et fais quelques fois claquer ma langue sur mon palais pour essayer de deviner les goûts. « Alors tu trouves ça comment ? » Je hoche la tête, souriante, comme à mon habitude. « Super bon, y’a juste une touche inattendue, j’arrive pas à trouver… » Je goûte à nouveau, laisse mes papilles s’affoler, et finis par trouver, je crois. « Du gingembre ? » Si c’est ça, est-ce que je dois faire des conclusions hâtives ? Non. « Tu as eu l’occasion de voyager ? » C’est ne vaste question. « Pas assez à mon goût. J’ai eu des enfants tôt, et avec les enfants c’est jamais très facile d’organiser des voyages. Disons que je n’ai pas eu la chance d’aller bien loin, mais je me contente de ce que j’ai eu. » Je hausse un peu les épaules et ajoute. « Remarque, trois mariages trois lunes de miel. » Je laisse échapper un rire, même si au fond c’est pas vraiment très drôle, parce que je sais pas trop pour quoi je pass du coup. Mais je vais essayer de ne pas penser à ça, ne pas m’auto-juger. « Mais toi ! Raconte-moi, les pays que tu as vu, ce que tu as préféré, les anecdotes qui t’ont marqué… » J’ai envie de l’écouter me parler de tout ça, je suis déjà fascinée par avance. Je continue de vider mon cocktail - peut-être un peu trop vite - et bois ses paroles, souriante, intéressée, passionnée même.

La demande de Norah est une marque de reconnaissance mais plus encore de confiance et j’accepte sans hésiter de l’accompagner pour son baptême de plongée. Je lis une forme de soulagement dans son regard, j’ajoute qu’elle sera prête et sereine pour partager un moment avec son fils, découvrir sa passion. Si je peux aider, je le fais. Et si je peux lui faire passer une bonne soirée, là aussi je signe. J’ai mis les chances de mon côté, jouant la carte de l’exotisme et du voyage. Elle a un boulot prenant, je ne doute pas que s’évader un peu puisse lui faire plaisir, en tout cas je l’espère. La première étape de ce voyage gustatif c’est mon cocktail, il est à son goût c’est déjà un bon point et elle tente de déceler ce que peut être mon ingrédient secret, je souris, restant énigmatique face à son hypothèse « C’est possible. Mais un magicien ne révèle pas ses trucs. » un magicien, carrément ! Si je ne me jette pas de fleurs, qui le fera, hein ? Je lui demande si elle a voyagé sans vraiment réfléchir aux années qui nous séparent et les responsabilités qui vont avec. Elle aurait voulu voyager plus, mais elle a été mère assez tôt, une contrainte, une entrave au voyage. Elle n’a pas de regret et ajoute avec humour que ses trois mariages lui ont valu trois lunes de miel. J’aime sans doute tout autant son rire que son sourire, il appelle le mien, inévitablement. Je me laisse juste un peu happé par le moment, l’observe, redevenant un peu cet ado qui l’admirait, la désirait. Ez ! Retour à la réalité et vite ! L’exclamation de Norah me reconnecte au moment « Moi ! » lâché-je avec enthousiasme « Et bah moi j’ai eu beaucoup de chance, je m’en rends compte. » je lui souris et me lance dans un résumé de mon épopée autour du monde « J’ai commencé par l’Amérique du Sud pendant quelques mois, et après un passage dans les Caraïbes j’ai changé de continent. J’ai commencé par l’Océanie. C’était incroyable… » je me perds dans mon récit, elle m’a lancé sur un des sujets qui me passionne alors forcément je me transforme en moulin à parole « … La Tanzanie, j’ai adoré ! Le Sri Lanka aussi. Même les pays nordique, dans un tout autre genre. » je secoue la tête en riant « En fait je crois que j’ai tout aimé, même les galères, maintenant avec le recul je me dis que ça m’a tellement appris, je ne peux que être reconnaissant. ». Je termine mon cocktail, Norah a déjà fini le sien depuis un moment, mais moi je parle, je ne peux pas faire deux choses à la fois c’est bien connu. « Le plus difficile finalement c’était d’être loin de ma famille. Y’a des choses que j’aurais tellement aimé partager avec eux, qu’ils soient avec moi et vis versa. » je hausse les épaules « On ne peut pas tout avoir. Et j’ai déjà eu beaucoup. Je crois que là j’ai besoin de me poser un peu. » et c’est ce que je suis venu faire en rentrant à Los Angeles. « Je parle, je parle… On passe à table ? » dis-je en me levant, l’invitant à s’installer à table alors que je vais en cuisine récupérer les entrées. La discussion se poursuit autour de mes voyages, je sens qu’elle s’intéresse réellement à mon parcours, ce que je fais, qui je suis. Je m’autorise même à penser que je pourrais lui plaire et ce sentiment est incroyablement agréable.

Je ris lorsqu’il parle de magie, je n’aurai pas été jusque là mais ça m’amuse. Je n’aurai pas le fin mot de l’histoire, même si je suis quasiment sûre que c’est du gingembre. Le jeune homme me demande si j’ai beaucoup voyagé, malheureusement non, pas grand chose à raconter, seulement trois lunes de miel mais rien de bien fou, rien à caractère aventurier en tout cas. Dommage, je crois que j’aurai bien aimé. Je lui retourne la question, et l’écoute avec grande attention. Ce dont je ne prends pas conscience, c’est la rapidité avec laquelle je bois mon cocktail. En fait, je bois mon cocktail avec autant de plaisir que je bois ses paroles, c’est dingue. « On ne peut pas tout avoir. Et j’ai déjà eu beaucoup. Je crois que là j’ai besoin de me poser un peu. » Je hoche alors la tête en souriant. « Je comprends. Jusqu’à ce que tu aies envie de repartir ! » Il y a des tempéraments comme ça, plus aventureux que d’autres. Peut-être que si je n’avais pas eu d’enfants aussi tôt j’aurai pu choisir une voie un peu différente, faire de l’humanitaire, je crois que ça m’aurait plu. Je ne dis pas que je regrette, je dis simplement que si j’avais rencontré quelqu’un comme Ezekiel à l’époque où j’avais son âge, les choses auraient peut-être été différentes. « Je parle, je parle… On passe à table ? » Hochant la tête je me lève et le suis pour m’installer à table. Il a tout préparé lui même, je suis admirative. La soirée se poursuit avec ses récits de voyages que j’écoute avec grande attention, je lui fais part de quelques anecdotes que j’ai vécu en voyage aussi, même si moins exotiques. La complicité est évidente, je suis à l’aise et me permets même de le taquiner parfois. Nous rions et je me sens simplement bien, je ne réfléchis pas, je suis juste moi-même. J’apprécie peut-être même un peu trop ce moment je crois, parce qu’une fois rentrée chez moi, je vais sentir le poids de la solitude. Mais qu’importe, je profite simplement de ce moment partagé avec lui. Nous passons au dessert, sûrement le moment que je préfère du repas. Il n’a pas fait les choses à moitié et j’ai une réaction presque enfantine quand je vois le dessert. « C’est de la mangue ? Oh mon dieu j’adore ça ! Et des fruits de la passion… Tu pouvais pas mieux tomber… » Je trempe même mon doigt dans la crème chantilly, j’ai vraiment la sensation d’avoir perdu vingt ans. « Humm… et en plus tu es un bon cuisiner. Comment ça se fait que tu n’es pas encore marié hein ? » J’ai vraiment dit ça ?

Je connais Norah depuis bien des années en arrière et pourtant j’ai l’impression de faire vraiment sa connaissance ce soir. Comme si nous nous rencontrions vraiment pour la première fois avec l’intention de se découvrir, un peu comme je le ferais au cours d’un rendez-vous avec une inconnue. Avant elle était la mère d’un de mes amis, je la voyais avec mes yeux d’adolescents, elle était un fantasme, idéalisé et inatteignable. Mais là ce soir, les choses ont changées, je la découvre et si l’ado en moi m’influence légèrement, c’est désormais l’homme que je suis qu’elle charme sans même rien avoir à faire. J’aime son sourire, son rire, son regard, quand elle se concentre sur mon discours, m’interroge. Mais aussi sa manière de se raconter, un peu, avec pudeur, retenue et une pointe d’humour qui la rend encore un peu plus séduisante. Je ne vois pas le temps passé, le repas se déroule avec un naturel et une fluidité que je n’avais même pas osé espérer. Nous arrivons au dessert, les yeux de Norah s’illumine et son enthousiasme fait plaisir à voir. Je me surprends à penser que j’aimerai revoir encore et encore cet éclat dans son regard. Mes vieux fantasmes m’ont définitivement rattrapés. Je hoche la tête en souriant « C’est de la mangue oui. » ça et les fruits de la passion, je fais carton plein et je le savoir suffit à me rendre encore un peu plus heureux. Elle goûte spontanément la chantilly du bout du doigt, je ne peux pas être plus satisfait que de la voir si à l’aise et naturelle en ma présence. Je rougirais presque à ses compliments, c’est vrai que j’ai mis le paquet ce soir, je me suis donné en cuisine et la mission semble accomplie. Pourquoi ne suis-je pas encore marié ? A l’instant où Norah pose cette question j’ai comme l’impression qu’elle regrette presque d’avoir parlé si vite, avec tant de franchise. Mon sourire s’élargit, je m’abstiens de toute plaisanterie sur une éventuelle peur du divorce, « Peut-être parce qu’avoir la bougeotte n’est pas forcément un atout. Ça fait rêver comme ça, mais rarement sur du long terme. » je hausse les épaules « Et j’étais pas prêt à me marier, je suis pas sûr de l’être pour l’instant non plus d’ailleurs. » répondis-je avec légèreté tout en me rasseyant, la regardant se régaler avec le dessert. Je me fais griller et quand elle me regarde, interloquée, j’affiche un petit sourire un peu gêné « Excuse-moi, c’est juste que ça me fait plaisir de voir que tu apprécies autant ce que j’ai préparé. » je ne savais rien de ses goûts, j’ai juste suivi les miens en espérant qu’elle les partage. C’est le cas et forcément ça me ravi. « Est-ce que tu veux un café ? Ou un rhum pour finir ? » proposé-je en me relevant, attrapant au passage la boite de macarons qu’elle a amené.

Il a l’air heureux d’avoir tapé dans le mille, en même temps il est vraiment tombé juste, c’est presque dingue. Est-ce que je dois me poser des questions ? Me demander s’il n’a pas été chercher des informations sur moi ? N’importe quoi, je ne suis pas du genre parano, je me dis juste que la vie est bien faite parfois, et que les coïncidences de ce genre peuvent facilement ravir le coeur. Une chose est sûre, je me sens assez en confiance avec lui pour être totalement naturelle, et j’ai presque la sensation d’avoir retrouvé une jeunesse un peu oubliée. Pas perdue, juste oubliée. J’ignore pourquoi je lui demande pourquoi il n’est pas marié. C’est ridicule. Il est jeune il a bien le temps. C’était juste une réflexion comme ça, ou peut-être juste pour qu’il me dise qu’il y a pensé avec sa petite amie mais que ce n’est pas le moment ? Faut que j’arrête… j’ai trop bu. « Peut-être parce qu’avoir la bougeotte n’est pas forcément un atout. Ça fait rêver comme ça, mais rarement sur du long terme. Et j’étais pas prêt à me marier, je suis pas sûr de l’être pour l’instant non plus d’ailleurs. » C’est une réponse qui me semble être réfléchie, j’ai du mal à prendre du recul. Je lui souris en guise de réponse. « Tu as raison, le mariage ça sert pas à grand chose. » Et je sais de quoi je parle. Trois mariages un décès et deux divorces, on a connu mieux pour donner des leçons. Une fois servie, je me jette presque sur ma part de gâteau, elle me faisait trop envie. Mais je sens le regard d’Ezekiel et je dois redresser la tête pour croiser son regard et espérer comprendre pourquoi il me regarde ainsi. Le voilà qui s’excuse, me disant simplement qu’il est heureux que j’apprécie sa cuisine. « Je vois pas comment j’aurai pu ne pas aimer. Enfin, en plus du fait que tu es bien tombé sur mes goûts, tu t’es donné du mal, à partir de là, n’importe qui aurait aimé. » Il me propose un café, ou un rhum, et je ris un peu en secouant la tête. « Ni l’un ni l’autre merci. Un café à cette heure-ci je fais une nuit blanche garantie… » Je me penche un peu pour ajouter tout bas comme une confidence. « J’ai plus ton âge… » Je sais pas si c’était nécessaire, mais c’est sorti tout seul. J’ajoute alors pour clore ma réponse « Et le rhum, on va pas pousser, avec les deux cocktails, je suis déjà à la limite du seuil pour rentrer. C’est gentil. » Je l’aide à débarrasser la table - même s’il ne veut pas, je ne le laisse pas tout ranger tout seul. Tout est tellement naturel, tellement agréable. Il y a longtemps que je n’avais pas passé une soirée aussi agréable. Et soudain dans la musique qui passe en fond, je reconnais une chanson que j’aime beaucoup. « Dis-moi que la danse ne fait pas partie de tes talents. Sinon je vais vraiment me demander ce que tu fais tout seul… » Je suis désespérante. En tout cas, je me désespère.

Je n’ai pas d’expérience en matière de mariage, Norah en a eu trois, je pense qu’elle est plus à même que moi d’en juger l’utilité. Une chose est certaine, le mariage est inutile surtout quand on a personne avec qui se marier. Et puis ça n’a jamais été un objectif pour moi, je n’ai pas imaginé ma vie en me projetant dans la recherche de LA personne avec qui j’allais me marier et fonder une famille, je crois que ça arrivera si ça doit arriver et quand le moment sera venu. Et si je rencontre quelqu’un qui ne souhaite pas se marier je ne ferais pas de forcing, à quoi bon ? L’essentiel est ailleurs, dans la complicité partagée par exemple, les petites attentions, connaître les goûts de l’autre. J’ai visé juste concernant ceux de Norah, ils se rapprochent des miens, ça m’a grandement facilité la tâche. Evidemment j’en suis ravi, au point de perdre totalement en discrétion et me faire griller en train de l’observer. Je me montre franc, lui faisant part d’à quel point j’ai plaisir à la voir apprécier ce que j’ai préparé. Elle salue mes efforts tout autant que le choix juste de mes préparations, je souris prenant les compliments d’où ils viennent puis propose de quoi finir ce repas. Norah décline mon offre, le café risque de la rendre insomniaque pour la nuit et le rhum serait déraisonnable « Ça n’a rien à voir avec l’âge. » rétorqué-je en riant avant de hausser les épaules et ajouter avec une certaine malice « Tu joue petit bras, c’est tout. ». Je me lève pour débarrasser, elle fait de même et j’ai beau faire les gros yeux ou tenter de la dissuader, elle insiste et je finis par capituler. Faut dire que son sourire est une arme redoutable. Je suis en train de mettre les assiettes dans le lave-vaisselle quand elle évoque la danse, une qualité de plus qui tendrait à rendre mon célibat un peu plus louche. Je relève le regard dans sa direction, amusé et intrigué par cette nouvelle remarque sur le sujet « C’est difficile de se juger soi-même. ». Je délaisse ce que je suis en train de faire monte un peu le son de la musique via mon portable posé sur le plan de travail. Je me tourne à nouveau vers Norah, lui tendant la main « Je pense que le mieux serait que tu te fasses ton propre avis. » elle semble hésiter, je continue de la fixer, commençant à danser tout seul « Allez, je vois bien que tu en as envie. » je vais même jusqu’à relancer le morceau depuis le début « Tu vas pas me laisser danser tout seul dans ma cuisine comme un idiot quand même… ».

« Ça n’a rien à voir avec l’âge. Tu joue petit bras, c’est tout. » Je lève mes ‘petits bras’, mais en l’air, paumes ouvertes comme pour me rendre. « J’avoue, je joue petits bras. » Je n’ai pas envie de passer une nuit blanche a cause d’un café. Si j’avais de bonnes raisons de ne pas dormir de la nuit, passe encore. Mais à quoi je pense exactement ? C’est ridicule. Pour éviter de continuer mon esprit vagabonder, je me lève pour aider Ezekiel à débarrasser. Pas question qu’il fasse ça tout seul, et même s’il tente de me l’interdire, ça ne marche pas. Il a fait la cuisine, je peux bien l’aider à débarrasser. J’ignore pourquoi je me renseigne ainsi sur lui, pour faire la conversation sans doute, on va dire que c’est ça. Pour apprendre à le connaître aussi, malgré tout. C’est ce moment que je choisis pour savoir s’il sait danser. C’est plus une curiosité qu’autre chose. « C’est difficile de se juger soi-même. » Je hausse un peu les épaules en souriant. « Soit tu n’es pas très bon, soit trop modeste. Mais en général, on sait plutôt évaluer son niveau tout seul. » Je le regard aller monter le son pendant que j’essuie mes mains sur une petite serviette. « Je pense que le mieux serait que tu te fasses ton propre avis. » Dit-il en me tendant la main. Je laisse échapper un rire nerveux, secouant la tête à la négative. J’aimerai lui dire non, simplement pour me protéger de ce que je pourrai bien ressentir une fois dans ses bras en train de danser avec lui. Je regrette déjà ma question, je n’aurai pas dû. Vraiment pas dû la poser. « Allez, je vois bien que tu en as envie. Tu vas pas me laisser danser tout seul dans ma cuisine comme un idiot quand même… » Un nouveau rire franchit mes lèvres, cette fois parce qu’il me fait rire, ce n’est plus seulement de la nervosité. « C’est vrai que je serai un monstre de te laisser te ridiculiser là tout seul au milieu de ta cuisine. » Il sait danser, ça se voit dans la manière dont il bouge, son déhanché, ses pas. Il ne se ridiculiserait pas du tout si je décidais de le laisser faire sans le rejoindre. Mais j’en ai envie, il a raison. Alors j’attrape la main qu’il me tend et mon corps rejoint le sien. Mon coeur s’emballe d’un seul coup, je ne sais même pas depuis combien de temps je n’ai pas été aussi proche d’un homme. Mon corps ne semble plus vraiment s’en souvenir d’ailleurs. Pourtant contre lui c’est comme un florilège de sensations, comme s’il me réveillait d’un long sommeil. C’est aussi effrayant que grisant. Peut-être que s’il n’avait pas 20 ans de moins que moi, s’il n’était pas un ancien ami de mon fils, peut-être que j’aurai fini de laisser tomber les barrières. Mais je m’en empêche, je crois que c’est mieux. « Modeste, donc… » Je le regard et lui souris, continuant de danser avec lui sur cette chanson qui risque bien de me rester gravée en tête. « Qu’est-ce que tu ne sais pas faire dis moi ? » Il y a forcément quelque chose.

Cette soirée est des plus agréable avec à la fois un petit côté surréaliste. Imaginer dîner seul à seul avec Norah bien sûr que je l’ai eu fait dans le passé, lorsque j’étais un ado, totalement subjugué par la mère de mon pote. Cependant je n’avais pas pensé que ça se produirait vraiment un jour et pourtant nous voilà, en train de débarrasser la table après avoir passé une merveilleuse soirée pleine de simplicité et de complicité. Si j’étais intimidé dans un premier temps, les choses sont vites devenues naturelles et faciles. Je me permets de la taquiner gentiment, comme je le ferais avec n’importe qui de mon entourage. Et ma spontanéité continue de me guider alors que Norah évoque mes compétences de danseur. Pour savoir si je m’en sors dans ce domaine le meilleur moyen reste encore qu’elle se fasse sa propre idée, non ? Je la sens hésitante lorsque je l’invite à danser avec moi, mais je perçois aussi son envie de simplement profiter de l’instant, s’amuser. Elle tente de se défiler, j’argumente que se serait cruel de me laisser me ridiculiser ici dans ma propre cuisine, ça la fait rire et c’est déjà une petite victoire. Elle me donne raison, pour mon plus grand plaisir, et prend la main que je lui tendais. Je l’attire à moi, suffisamment pour que nous dansions vraiment ensemble, mais en conservant une distance minimale afin de ne pas aller trop loin et risquer de la mettre mal à l’aise. Cette danse improvisé, là, dans ma cuisine, est encore un élément de plus pour me donner envie de me pincer pour m’assurer que tout ça est bien réel. Verdict du médecin, je suis modeste. C’est donc qu’elle me trouve bon danseur, j’accueille ce compliment détourné par un sourire répondant au sien tout en continuant cette danse. Face à mes compétences découvertes durant la soirée, Norah m’interroge sur mes lacunes. Je me mets à rire « Oh des tas de choses. » mais faut t’il rompre le charme, si charme il y a, en lui dévoilant mes faiblesses ? Evidemment, ça fait partie du jeu et je ne suis pas du genre à vouloir me montrer parfait. « Je ne sais pas coudre. Ni tricoter d’ailleurs. » lâché-je d’abord, me nourrissant de ce petit air amusé qui éclaire son regard. « Et si ce dessert était réussi, en vrai je suis nul pour tout ce qui est pâtisserie. » elle semble douter, je hoche la tête « Je t’assure, du genre à faire brûler une tarte aux pommes. » je ris et ajoute « Bon ok, peut-être pas, mais c’est pas le domaine dans lequel je suis le plus à l’aise. ». Après une légère moue je décide de lui faire un dernier aveu « Et… ça fait pas longtemps que j’arrive à plier mes t-shirts correctement. Je remercie Marie Kondo pour ses techniques de rangement. » je ris à nouveau « Et je m’en tiendrais là pour mes lacunes, ça risque de finir par peser plus lourd que mes compétences sinon. ». Le morceaux sur lequel nous dansions touche à sa fin, je crois que c’est aussi l’issue de la soirée, l’heure est déjà bien avancée et j’imagine que Norah ne prévoyait certainement pas de rentrer si tard. Je stoppe mes pas, recule d’un et m’incline légèrement « Merci pour la danse. » dis-je ne lâchant doucement sa main. Dans mon esprit c’était déjà inespéré qu’elle accepte cette invitation, on est bien au delà de ce que j’aurais pensé possible. Je la raccompagne jusqu’à la porte, lui tendant sa veste « Merci pour cette soirée. Tu m’appelles pour qu’on prévoit ton baptême de plongée, ok ? ».

Il y a longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien, et encore moins dans les bras d’un homme. Jeune homme pour ce soir, mais étrangement, je ne fais pas attention à la différence d’âge. Il reste un homme et moi une femme, ça s’arrête là. Enfin pour le moment, parce que je sais que ma tête peut se remettre à réfléchir un peu trop vite, alors pour le moment j’en profite. Il sait bien cuisiner, il est bon danseur, c’est un bel homme et il est gentil, je me demande bien ce qui lui manque. D’ailleurs je ne garde pas la question pour moi. Des tas de choses ? J’arque un sourcil, j’en doute. Il ne sait ni coudre ni tricoter, je me mets à rire un peu. « Moi non plus. » Ce n’est pas tout à fait vrai, coudre je sais, enfin pour les choses basiques, tricoter je n’en ai jamais eu ni l’envie ni le besoin. Il avoue une part de mystère concernant le dessert qu’il préparé ce soir. Je continue de sourire sans le lâcher des yeux, tout en continuant de danser. « J’ai du mal à le croire. La preuve avec un peu de détermination tu t’en sors très bien ! » Plus que bien même, parce que c’était très bon. Finalement, il annonce une nouvelle chose pour laquelle il n’est pas très doué, plier ses t-shirt, et là je ne peux m’empêcher de rire, de manière si naturelle… Et il a de l’humour en plus. Vraiment tout pour plaire. « Et je m’en tiendrais là pour mes lacunes, ça risque de finir par peser plus lourd que mes compétences sinon. » Je secoue la tête toujours en souriant, c’est plus fort que moi. « Tu as encore de la marge pour faire pencher la balance de l’autre côté, je te rassure. » Parce que les points forts sont largement supérieurs aux points faibles. La danse touche à sa fin et il me remercie, j’en fais de même. Il est temps pour moi de rentrer, il se fait tard et je bosse tôt demain matin. « Merci pour cette soirée. Tu m’appelles pour qu’on prévoit ton baptême de plongée, ok ? » Je hoche la tête tout en récupérant mes affaires. « Oui, j’essaie de trouver un moment au calme pour regarder mon emploi du temps et je te tiens au courant. Merci à toi pour la soirée, ça m’a fait du bien. » Je m’approche pour lui offrir une accolade si caractéristique des américains, et quitte finalement son appartement, le sourire aux lèvres d’avoir passé une si charmante soirée.