we need to talk (wylona)

Alors que cette journée de reprise devait être comme les autres, elle a été bouleversée par la présence d’une personne dans l’appartement à mon réveil. Dans le fond, ce n’était pas tant une surprise que ça, puisque je savais que la nouvelle colocataire devant arriver le week-end passé. Mais savoir que cette personne était Fallon, c’est ça qui a gâché ma journée. Au bureau, je n’ai pas pu m’empêcher de me repasser cela en boucle dans ma tête. Comment pouvait-elle être là ? Comment pouvait-elle revenir dans ma vie de la sorte ? Puis les questions sur les questions sur l’avenir arrivèrent à leur tour. Est-ce que la cohabitation allait être possible ? Allait-elle finalement rester ? Non. Ce n’était pas possible, je ne pourrais pas vivre indéfiniment sous le même toit qu’elle. Je devais en parler à Wylona et la convaincre de finalement lui demander de partir. Le soir même, de retour à l’appartement, je lui envoie un SMS lui demandant quand est-ce qu’elle rentre. La réponse obtenue, je décide de l’attendre. Cette discussion ne peut pas avoir lieu une prochaine fois, je ne vais pas réussir à dormir sinon. Les minutes passent, les heures même et j’attends dans la cuisine, profitant de ce temps pour travailler sur mon ordinateur. Lorsque j’entends la porte d’entrée, je relève la tête. « Salut. » Assise sur l’une des chaises de la cuisine, je pourrais faire peur à l’attendre comme cela. Mais je dois lui parler, c’est important. Fallon n’est pas encore rentrée ce soir, raison de plus pour profiter de ce moment pour avoir cette conversation. « Tu as passé une bonne journée ? » Autant être un minimum poli. Je ne voudrais pas lui sauter à la gorge avec mes revendications. Même si dans le fond, c'est un peu ce que je vais faire.. « J'ai rencontré la nouvelle colocataire ce matin. » Et autant dire que ça n'a pas été joli-joli. Jamais je n'aurais pensé recroiser la jeune femme, surtout après ce qui s'était passé entre nous. Alors autant dire que la voir ici, dans ma cuisine, dans notre cuisine, ça ne m'a pas fait très plaisir : notre conversation n'a pas été des plus sympathiques. La dernière fois que nous nous sommes vues, c'était à l'enterrement de sa mère et elle m'a gentiment fait comprendre qu'on ne pouvait plus être amies, enfin non, elle ne l'a pas fait gentiment. D'ailleurs, ça m'a brisé le cœur et j'aurais préféré de jamais la revoir. Car je ne suis pas idiote, l'avoir ici va faire remonter des souvenirs qui étaient bien mieux enfouis. « Tu penses vraiment qu'elle est faite pour notre colocation ? » Je ne suis pas dans la meilleure des postures pour critiquer. Je n'étais pas là lors de l'entretien, je n'ai donc pas donné mon mot sur la question. J'ai dit à Wylona que je lui faisais confiance. Alors est-ce que je peux vraiment revenir sur cela ? Je n'en suis pas si sûre, mais pour ne plus avoir à voir Fallon tous les jours, je suis prête à tout.

Fin de journée, un sms de la part de Jihanne m’interpelle. Elle me demande quand je rentre et l’allure formelle du message me laisse perplexe, c’est inhabituel de sa part. Je réponds aussitôt et termine ce qu’il me reste à faire non sans m’interroger sur la raison de son message. Je rentre à l’appart deux petites heures plus tard, trouvant Ji assise dans le coin cuisine. « Salut. Tu fais presque flipper tu sais ? » dis-je en riant. Elle me demande comment a été ma journée ce à quoi je hausse les épaules « Relativement calme ça va. Et la tienne ? » je me dirige vers le frigo pour prendre une bière « T’en veux une ? » Ji ne me répond pas tout de suite, m’informant qu’elle a rencontrer notre nouvelle coloc, Fallon. « Oh et ça s’est bien passé ? » pour qu’elle en parle comme ça de but en blanc je suppose que non. Hey, j’suis pas flic pour rien. Je décapsule ma bouteille et bois une gorgée. Jihanne se met assez vite à table, est-ce que je pense Fallon faite pour notre colocation ? J’arque un sourcil, intriguée par sa question « Bah je... ouais. Pendant l’entretien elle m’a sembler assez cool, plutôt dans un état d’esprit correspondant à une vie en colocation. Puis on a besoin de ce loyer. » je m’assoie face à elle, prête à l’écouter car sa question n’est sans doute pas posée sans raison. « T’as eu un mauvais feeling ? Elle a piqué tes céréales ? » la taquiné-je gentiment.

« Salut. Tu fais presque flipper tu sais ? » En imaginant la scène, il est certain que ce ne doit pas être rassurant. Et encore, j’ai attendu dans la lumière. J’aurais pu faire tout cela dans le noir et là, nous nous serions rapprochées d’un film d’horreur. « Relativement calme ça va. Et la tienne ? » Même si la journée a mal commencé, le reste a été plutôt calme. Comme une reprise de vacances. Et puis, toute cette histoire avec Fallon ne devrait pas m’affecter de la sorte, je dois donc faire en sorte que tout aille bien. « C’était mieux en vacances, mais cela aurait pu être pire. » Dis-je, un sourire au coin des lèvres. « T’en veux une ? » Elle en prend une pour elle et je hoche la tête en guise de réponse avant qu’elle ne referme le réfrigérateur. Je ne voudrais pas passer à côté d’une telle proposition. Alors qu’elle s’approche avec les bouteilles, je décide de lui parler de ma rencontre avec la nouvelle colocataire. « Oh et ça s’est bien passé ? » Il n’y a pas eu de casse, c’est déjà ça. Mais ça, je me garde bien de lui dire. Mais sans parler de notre rencontre, je me demande si sa présence ici est une bonne idée. Si elle ne m’a pas accepté à l’époque, pour mon orientation sexuelle, elle devrait clairement partir. Nous n’avons pas à nous plier à ses caprices. « Bah je... ouais. Pendant l’entretien elle m’a sembler assez cool, plutôt dans un état d’esprit correspondant à une vie en colocation. Puis on a besoin de ce loyer. » Elle marque un point là-dessus. Mais pourquoi il avait fallu que ce soit elle. Maintenant, je m’en veux de ne pas avoir été là pour l’entretien. « T’as eu un mauvais feeling ? Elle a piqué tes céréales ? » Je rigole à sa remarque avant de faire une petite grimace. « Si seulement. Même si j’aurais grogné un peu, on le sait toutes les deux. » La nourriture, c’est sacré. Alors chacun son assiette. D’ailleurs, si Fallon l’avait fait ce matin, en plus du reste, elle aurait sûrement fini la tête coupée. Surtout que ce n’était pas l’envie qui manquait. « Nous nous connaissons. Nous avons un passif ensemble. » Tout allait bien entre nous à la base, il s’était même passé quelque chose de plus, que des amies ne font pas habituellement ensemble. Mais tout avait dégénéré quand elle m’avait demandé violemment de quitter sa vie. « Ce n’était pas joli-joli à la fin. Elle a un peu l’esprit fermé, alors forcément.. nos chemins se sont séparés. » J’espère que sans mots elle va comprendre, que je n’aurais pas à lui dire clairement que Fallon est homophobe. Je n’aime pas ces personnes et moins je parle d’eux, mieux je me porte.

Je ris légèrement à la réponse de Jihane sur sa reprise du boulot « Si on était toujours en vacances on ne les apprécieraient plus. » j’ouvre le frigo et nous sort une bière chacune, apprenant dans le même temps qu’elle a fait connaissance avec notre nouvelle coloc ce matin même. Evidemment je suis curieuse de savoir comment ça s’est passé, mais si j’en crois son air pas franchement enthousiaste, Ji n’a pas l’air convaincue par mon choix. Bon on peut pas dire qu’on ai eu des tonnes de candidatures non plus mais sur les trois personnes qui se sont présentées, Fallon m’est apparue comme étant celle avec qui ça irait le mieux. J’essaie dans savoir plus sur les impressions de ma colocataire vis à vis de la nouvelle arrivante, le tout avec une pointe d’humour concernant son attachement tout particulier à ses céréales. Mais ça marchait avec la bouffe en général. « Ouais t’aurais grogné. » confirmé-je avant de boire une gorgée de bière en attendant que Jihane m’en dise plus sur ce qu’il s’est passé ce matin. Finalement elle m’avoue connaître Fallon, qu’elles ont un passif et j’écarquille les yeux, totalement surprise par cette révélation « Sérieux ? ». Et voilà, la boulette ! En plus ça c’est mal fini. « L’esprit fermé… » répété-je, je comprends ce qu’elle veut dire, du moins je crois. Je fais une moue contrariée « Ouais forcément ça a pas dû te faire plaisir de la trouver dans la cuisine ce matin. » je soupire « Je suis désolée je savais, puis elle m’a rien dit. » je réfléchis un court instant, c’est vrai que je n’ai pas parlé de Jihane en utilisant son prénom « Je t’ai appelé Ji quand j’ai parlé de toi. » parce que dans le cas contraire y’a des chances que Fallon ai tiqué, des Jihane y’en a pas vingt milles non plus. « Et euh du coup tu veux faire quoi ? Ça va aller ? » je bois à nouveau, j’étais loin de m’imaginer que la situation serait potentiellement encore plus compliquée qu’en ayant le loyer à payer seulement à deux. « Vous étiez proches ? » maintenant que le sujet est lancé, autant que j’en sache plus, non ? Parce qu’au delà du côté chiant de leur différend je suis quand même curieuse de savoir ce qu’il s’est passé.

« L'esprit fermé… » Par réflexe, je hoche la tête. Comme pour confirmer un peu plus ce que je lui ai dit juste avant. « Ouais forcément ça a pas dû te faire plaisir de la trouver dans la cuisine ce matin. Je suis désolée je savais, puis elle m'a rien dit. » Je ne pense pas que ce soit la chose que l'on annonce lors d'un entretien pour une colocation. « Je t'ai appelé Ji quand j'ai parlé de toi. » En effet, un tel surnom pour coller à un bon nombre de personnes. Et puis sur le coup, Fallon n'a peut-être pas réagi, n'a peut-être même pas relevé le surnom. « Et euh du coup tu veux faire quoi ? Ça va aller ? » Je secoue la tête, sans vraiment savoir ce que je veux vraiment. « Je ne sais pas. Tu m'autorises à tout faire pour la pousser à bout ? » Je ne suis pas vraiment sérieuse. Enfin je crois. Je ne pense pas pouvoir être capable d'aller aussi loin, surtout face à elle. « Vous étiez proches ? » « Plutôt oui. » Cela fait maintenant deux ans que j'habite avec Wylona. Nous nous connaissons bien, intimement même, alors je peux me livrer à elle, je le sais bien. Et puis la laisser dans l'ignorance de tout ça, alors qu'elle va se retrouver entre Fallon et moi, ça ne serait pas juste. « Nous étions meilleures amies, à l'époque. » Et ça, depuis de nombreuses années. Mais ça, ce n’est pas très important. Ce qui l’est, c’est ce qui a suivi, ce qui n’était pas commun aux autres relations. « Enfin.. je ressentais plus que l’amitié pour elle et je lui ai longtemps caché. » Je n’aurais peut-être pas dû. Il aurait fallu que je sois plus honnête avec elle et plus avec moi-même. « Jusqu’au jour où j’ai trouvé le courage de l’embrasser. C’était bien et elle ne m’a pas rejeté. Pourtant, nous n’en n’avons jamais reparlé. » En réalité, je pense que j’avais peur de ce qu’elle me dirait, peur de me faire rejeter. Mais ça, ça a fini par arriver. Peut-être pas dans les conditions que j’imaginais, mais c’est tout de même arrivé. « Et puis un jour, lors de l’enterrement de sa mère, elle m’a jeté, disant qu’elle ne voulait pas de personnes comme moi dans sa vie. » Comme moi et comme son père, cet homme qui a trompé sa mère. Ce détail, je préfère le garder pour moi. Il fait partie de la vie privée de Fallon, alors si elle décide un jour à en parler, ça ne regarde qu’elle. « J’étais ouvertement bisexuelle et ça ne lui a pas plu. »

Je ne pouvais absolument pas deviner que Jihane et Fallon avait un passé commun, les probabilités qu’elles se retrouvent ici en colocation étaient quand même plutôt faibles… et pourtant ! Même involontaire, ça reste une boulette de ma part d’avoir choisit Fallon plutôt que quelqu’un d’autre pour venir compléter la colocation mais elle m’a fait bonne impression. Habituellement je suis plutôt assez bonne observatrice et perspicace pour lire les gens, mais là je viens à en douter. A moins que la jeune femme se soit joué de moi ? Elle n’avait pas réellement de raison de le faire… enfin si, avoir un toit au dessus de la tête dans un appart sympa avec un loyer raisonnable. Bon maintenant que la connerie est faite, je demande à Ji ce qu’elle veut faire, après tout elle a son mot à dire aussi. Elle propose de pousser à bout notre nouvelle coloc je ris légèrement « Ce serait sadique. ». Je la questionne pour en savoir plus sur le relation passée, pour voir à quel point la situation peut-elle devenir délicate. Anciennes meilleures amies, rien que ça. C’est moi où ça sent le sapin ? Pire Jihane avait des sentiments pour Fallon. Oh merde, alerte rouge, je sens l’histoire qui a encore plus mal fini que ce que j’imaginais. Je suis son récit avec attention tout en sirotant ma bière, ça pourrait presque être une série. Le dénouement n’est pas joyeux, leurs chemins se sont séparés, Ji s’étant clairement fait rejeter. « Ok… Je comprends encore mieux pourquoi la voir ce matin n’a pas été une partie de plaisir. » je fronce les sourcils embarrassée par ces révélations. Un soupir s’échappe d’entre mes lèvres « On va pas changer qui on est, ni nos habitudes. Si ça la gêne elle partira. » dernière arrivée elle n’a pas la priorité. Je me sens mal pour Ji, je ne connaissais pas cette partie de son passé, mais j’en sais déjà bien assez pour savoir combien elle a souffert. « Soit on lui laisse une chance parce qu’on a besoin de sa part de loyer, soit on la vire tout de suite mais c’est repartie pour une galère de recherche. » je pose sur son épaule une main réconfortante « Peut-être qu’elle a changé ? » du temps à passé après tout. « Prends le temps de réfléchir. » je lui souris « Je suis là moi, je te protègerai si besoin. » je montre ma plaque de flic « Autant que ça serve. » je dis ça surtout pour la plaisanterie, la voir sourire, parce que j’aime pas la voir si contrariée. J’arque un sourcil et esquisse un sourire en coin « Puis ça se trouve elle va te voir sortir de ma chambre un jour et ça la fera fuir. » je ris en imaginant ce que pourrait être la scène, et je préfère l’imaginer drôle plutôt que gênante.

Tenter de dégoutter Fallon est une option. Peut-être la plus morale, mais ça, ce n’est qu’un détail. Après tout, avec ce qui s’est passé entre nous, ça ne serait qu’une chose logique. Je ne vais pourtant pas faire ce que je viens d’annoncer à Wylona. Cela ne me ressemble pas et surtout, ça lui ferait trop plaisir de savoir que face à elle, je pète les plombs. « Ok… Je comprends encore mieux pourquoi la voir ce matin n’a pas été une partie de plaisir. » Avec le récit que je viens de faire, la jeune femme a enfin une explication. J’essaye de m’arrêter au strict nécessaire, n’énonçant pas mon état après la journée où elle m’a demandé de partir. « On va pas changer qui on est, ni nos habitudes. Si ça la gêne elle partira. » Je hoche la tête. C’est bien la seule option qu’il nous reste. « Soit on lui laisse une chance parce qu’on a besoin de sa part de loyer, soit on la vire tout de suite mais c’est repartie pour une galère de recherche. » Il y aurait bien cela. Mais pour chercher la petite bête, Fallon serait capable de nous poursuivre en justice pour discrimination ou je ne sais quoi. Je suppose qu’il faut avoir une bonne raison pour la virer et est-ce que notre passif serait suffisant ? « Peut-être qu’elle a changé ? Prends le temps de réfléchir. Je suis là moi, je te protègerai si besoin. » Peut-être, ou peut-être pas. Je n’ai même pas envie de savoir en réalité. Je n’ai pas envie de souffrir de nouveau. « Autant que ça serve. » Tout d’un coup, mes yeux s’écarquillent, comme un enfant qui découvre ses cadeaux au pied du sapin le jour de Noël. « Oh ! Ça serait trop cool ça ! Tu n’aurais pas ton flingue aussi ? Juste par hasard, hein. » Un sourire, quelque peu sadique, se dessine sur mon visage. « Puis ça se trouve elle va te voir sortir de ma chambre un jour et ça la fera fuir. » Ça. Je n’y avais pas pensé, mais après tout, ça pourrait être intéressant. « Je ne lui ai pas parlé de ça. De ce qui se passe parfois entre nous et du fait qu’elle n’est clairement pas tombée dans la meilleure colocation. » De son point de vue surtout. Que j’aime les femmes et que j’habite ici est une chose, mais c’est aussi le cas de Wylona. Alors forcément, quand on est homophobe, autant dire qu’avoir deux colocataires qui ne collent pas à nos idées, c’est plutôt dommage. « Ce n’est pas mon histoire, ça ne me regarde pas. » C’est à elle de lui dire. Surtout que venant de moi, Fallon aurait pu croire à un mensonge. Comme si c’était pour la faire chier. « Et ne t’en fais pas, je vais me tenir. C’est un peu de ma faute si elle est ici. J’aurais assisté à votre première rencontre, elle n’aurait même pas cherché à boucler son dossier. » Je m’en veux terriblement, nous ne serions pas dans une telle situation. Je n’aurais pas eu à l’agresser après une longue journée de travail, même si tout cela se fait autour d’une bière. « Je voulais juste te prévenir, de comment elle est. »

En acceptant Fallon dans la colocation j’étais très loin d’imaginer que les choses seraient si compliquées. Mais le destin en a décidé autrement, remettant son ancienne meilleure amie sur la route de Jihane. Avec ce qu’elle a vécu je suis pas certaine que ce petit cadeau du hasard eut été vraiment nécessaire, mais il ne répond d’aucun règle, ce con. Je ne sais pas trop ce que ça va donner d’être entre deux feux, jouer le rôle de médiatrice n’était pas dans mes projets mais s’il le faut je le ferai. Peut-être pas totalement de manière neutre, avec Ji on a un lien particulier, une relation de confiance, quelques petits extras de temps en temps quand on se sent un peu seules… Alors forcément je risque d’être de parti pris. Et je fais comprendre à la jeune femme que je la protégerai si besoin, il est hors de question que je laisse un vieux démon du passé là faire reculer après les progrès qu’elle a fait ces derniers mois. De toute façon si pour Fallon deux femmes ensemble tient de l’aberration, il y a des chances pour qu’elle fasse vite ses bagages. Jihane n’a pas abordé le sujet, ça ne me surprend pas, elle a dû vouloir écourter au maximum la discussion. Quoi qu’il en soit, si elle doit être mise au courant je m’en chargerai, ça facilitera les choses. Ou pas. Mais moi l’avantage c’est que je m’en fous. Ji promet de se tenir, d’éviter de faire des vagues et je sais reconnaître quand elle se sent coupable de quelque chose. « Non, c’est pas ta faute. T’étais en vacance, t’as le droit, tu les as mérité. Et puis le seul responsable c’est le hasard, c’est tout. » dis-je en terminant ma bière. Je vois bien que tout ça la travaille, la présence de Fallon, comment va être l’ambiance, mais ça on est trois à en être les actrices, tout ne repose pas sur ses épaules. Je lui souris « Je comprends. Et t’en fais pas, ça va aller. » j’espère pouvoir aider à ce que ça soit le cas, je me sens bien dans cet appart avec Jihane, j’ai pas envie que ça change. « Tu sais quoi ? Moi j’pense qu’elle va regretter d’avoir été une débile en te sortant de sa vie. » parce que Ji’ est une fille bien, elle a son vécu, ses bagages, mais elle a aussi du cœur et ça n’a pas de prix. J’ouvre les bras et lui fais signe d’approcher « Viens là. Il nous faut un câlin de coloc. » dis-je en riant avant de la serrer contre moi, espérant atténuer ses inquiétudes.

Avoir Fallon qui habite ici, ça me perturbe beaucoup. Bien plus qu’il ne le faudrait. C’est peut-être pour cette raison que je cherche désespérément à la faire partir. Même si cela nous mettrait quelque peu dans la merde pour le loyer. « Non, c’est pas ta faute. T’étais en vacance, t’as le droit, tu les as mérité. Et puis le seul responsable c’est le hasard, c’est tout. » Ou alors, un coup du karma. J’ai dû faire quelque chose de mal, je ne vois que cela comme solution. Si c’était le destin, ça voudrait dire que sa présence sur mon chemin a un but précis et ça, ça me fait peur. « Je comprends. Et t’en fais pas, ça va aller. » Je grimace légèrement, tout en haussant les épaules. J’espère. Si seulement ça pouvait être vrai. Malheureusement, notre premier échange ne promet rien de bon. Pour que ça s’arrange un minimum, il faudrait qu’on le veuille toutes les deux et c’est bien là le problème. Jouer à la gentille jeune femme avec elle, c’est comme ignorer tout ce qu’elle m’a fait à l’époque et pour l’instant, c’est beaucoup me demander. Ce n’est pas impossible, dans le futur en tout cas, mais pour l’instant.. « Tu sais quoi ? Moi j’pense qu’elle va regretter d’avoir été une débile en te sortant de sa vie. » Si seulement.. pendant de longs mois, après l’enterrement de sa mère, j’ai attendu des nouvelles de sa part. Rien. Des nouvelles, ce n’était pas grand-chose. J’aurais voulu tellement plus que ça. Mais visiblement, ce n’était pas réciproque, alors que je sois dans sa vie ou pas, ça ne doit rien changer. « Viens là. Il nous faut un câlin de coloc. » « De coloc entre nous. » Elle n’a pas intérêt à en proposer à Fallon, je prendrais ça comme une trahison. Et puis, je serais jalouse un peu aussi. Elle s’approche de moi et me serre contre elle. C’est un contact toujours agréable. Surtout venant de Wylona. C’est ce qui est bien entre nous, nous sommes colocataires, parfois amantes, mais avant tout, amies et je sais que si j’ai un problème un jour, je pourrais toujours compter sur elle. « Si jamais tu entends des cris venant de ma chambre, comme si je prenais mon pied, il est possible que ce soit simulé. Ou alors, ça sera vrai. Mais dans les deux cas, ne lui dis pas. » C’est l’une de mes méthodes pour pousser à bout Fallon. J’espère que ça va marcher. « Je me promènerais peut-être en sous-vêtements aussi. Il faut bien que je mette toutes les chances de mon côté. » Pour la faire partir bien sûr. Mais à vouloir jouer avec le feu, on finit souvent par se brûler.

« Bien sûr juste entre nous ! » ça tombe sous le sens, de un je ne connais pas vraiment Fallon et après ce que m’a raconter Jihane mon avis est un peu biaisé, de deux c’est Ji mon amie. Je lui offre une étreinte que j’espère réconfortante, elle en profite pour m’expliquer de ne pas m’en faire si je l’entends pousser des cris depuis sa chambre, c’est une stratégie pour faire fuir son ex meilleure amie. Ça me fait rire, elle qui disait il y a quelques minutes qu’elle allait se tenir… « Je ne dirais rien. » affirmé-je, loin de vouloir lui casser son petit effet. Jihane ajoute qu’elle se promènera également en sous-vêtement de manière fréquente, je recule légèrement pour la regarder et arque un sourcil, malicieuse « Et tu penses que je vais me plaindre de ça ? » je secoue un peu la tête puis ajoute « C’est sûr que tu auras toutes les chances de ton côté. » que ce soit pour me faire de l’effet ou fuir notre nouvelle coloc, à moins que finalement elle finisse par s’y habituer. « Tu as déjà élaboré tout un plan à ce que je vois. » je dépose un baiser sur sa joue « Fais attention à toi quand même. » à trop jouer je ne voudrais pas qu’elle y perde des plumes, la situation est délicate et je vais devoir veiller sur mon amie, mais je ne suis pas toujours là. Je m’éloigne d’elle « Bon j’vais aller prendre une douche. On regarde un film après ? Je garantie pas de le voir jusqu’à la fin mais bon… » c’est surtout pour passer un moment ensemble, j’ai pas envie de la laisser seule, ce qu’elle vient de me raconter ce n’est pas rien et j’espère pouvoir lui changer un peu les idées, même si malgré tout le plus difficile reste peut-être à venir… Ce que je n’espère pas ! Mais pour l’instant c’est une soirée entre coloc dont elle a besoin, juste nous deux et ça c’est dans mes cordes.

« Bien sûr juste entre nous ! » L’amitié entre nous remonte à plusieurs années maintenant, il est donc normal que ce que nous avons soit plus important que ce qu’il y a entre Wylona et Fallon. Elles ne se sont croisées que quelques fois. Ce n’est pas négligeable. « Je ne dirais rien. » J’ignore si je le ferais vraiment. Ce soir, je dis principalement cela pour plaisanter. Surtout que de nous deux, je ne sais pas si mon ancienne meilleure amie sera celle qui prendra la fuite. « Et tu penses que je vais me plaindre de ça ? » J’arque un sourcil alors que sa réponse fait référence à ma présence dans l’appartement en sous-vêtements. « C’est sûr que tu auras toutes les chances de ton côté. » Sans vouloir me vanter, je suis presque sûre que mon corps ne peut être, en effet, qu’un avantage. « Tu as déjà élaboré tout un plan à ce que je vois. » D’un air innocent, je secoue la tête de gauche à droite. Pourtant, j’ai bien eu le temps d’y réfléchir. Depuis ce matin, depuis que j’ai vu Fallon, l’idée de la faire quitter l’appartement traverse mon esprit. Alors forcément, en plusieurs heures, j’ai eu le temps d’élaborer plusieurs stratégies. « Fais attention à toi quand même. » Malheureusement, au fond de moi, je sais qu’elle a raison. À l’époque, de nous deux, c’était moi la plus attachée. Et si cela se retournait contre moi aujourd’hui ? « C’est vrai qu’en sous-vêtements, je pourrais attraper froid. » Dis-je, en plaisantant. Ignorant ainsi le réel danger dont parle ma colocataire. « Bon j’vais aller prendre une douche. On regarde un film après ? Je garantie pas de le voir jusqu’à la fin mais bon… » Cette perspective me réjouit. Je pensais finir ma soirée seule, mais regarder un film avec elle est beaucoup mieux. « Va vite te laver ! Je m’occupe de tout préparer. » Comme des popcorns par exemple. « Si tu ne reviens pas assez vite, je choisis le film. Alors à tes risques et périls. » Ma culture cinématographique n’est pas forcément au top, alors nous pourrions nous retrouver devant un navet. La jeune femme s’éloigne dans l’appartement, alors que je finis ma bière. Passer un peu de temps avec elle me fera peut-être oublier que Fallon vit désormais ici.