one and one equals three | rusha

Depuis l'anniversaire de notre rencontre, tout va mieux entre Ruben et moi. Presque "comme avant" si j'ose dire. Mais c'est vrai que mon départ, bien que temporaire, a causé pas mal de dégâts. J'admet que j'aurais pu faire les choses différemment. Mais bon, c'est plus ou moins réglé maintenant, tout va bien. Dans notre couple en tout cas. Parce que les symptômes de ma tumeur se manifestent de plus en plus. Travailler, vraiment travailler, me manque énormément. Je suis pas vraiment faite pour la paperasse, je sais que ça doit être fait, mais ça me plait pas pour autant. Et en plus de ça je dois faire des analyses pratiquement tous les deux jours ! Bon ok peut-être pas autant, mais c'est l'impression que ça me donne. Et ce matin c'est un jour prise de sang. Youpi... J'ai donc joué les bonnes petites patientes - je déteste ça - et j'ai fait ma prise de sang. Sauf que les résultats n'ont pas du tout été... disons que je m'y attendais pas. "Tu es enceinte." qu'elle m'a dit. Oui, on bosse ensemble depuis des années, je la connais bien. Mais ça je l'avais pas vu venir ! "Quoi ?! Non, c'est... Non." Quelques heures plus tard je sors de l'hôpital avec une échographie. 12 SA. A peu de choses près, je suis enceinte de trois mois. Je suis pétrifiée. Je sais pas comment je vais annoncer ça à Ruben ! Et si je perdais le bébé encore une fois ? Et si je ne pouvais pas le mener à terme ? Après tout, les symptômes de la tumeur se révèlent de plus en plus, alors peut-être que... Enfin, peut-être que les symptômes de la tumeur n'augmentent pas après tout, peut-être que les nausées, les maux de tête, les douleurs diverses etc étaient dues à la grossesse après tout. Je sais pas. Je ne sais plus...

Je passe le reste de la journée complètement paumée. Je rentre chez moi, chez nous, à Bel Air. Et puis je fais comme si de rien n'était. Je me contente de préparer un bon repas pour nous deux ce soir. C'est le réveillon après tout ! On va fêter la nouvelle année ce soir -et pour une fois je m'endormirais pas juste avant le décompte !!! La soirée se passe tranquillement, du moins en apparence. Parce que dans ma tête c'est n'importe quoi. Je n'arrête pas d'essayer de trouver le moment parfait pour lui annoncer. Mais je crains sa réaction, parce que même moi je ne sais pas comment réagir. On se met sur notre petit balcon pour voir les feux d'artifice au loin. C'est tellement romantique... 10... Dois-je être heureuse ou effrayée d'être enceinte ? Je sais pas quoi penser ! 9... J'ai toujours voulu un bébé, fonder une famille avec Ruben ! 8, 7, 6... mais on peut pas dire que la dernière fois c'était une réussite. En plus avec la tumeur, j'ignore ce qu'il peut se passer... Il y a tellement de risques ! 5, 4, 3... Et puis il va peut-être penser que je l'ai fait exprès ? Non, c'est pas son genre. Et puis je vois pas pourquoi il penserait une chose pareille... Je suis totalement irrationnelle... 2... Il faut que je le lui dise. Il va bien finir par le découvrir façon ! C'est pas vraiment le genre de trucs qu'on peut facilement cacher... Vaut mieux que ce soit moi qui le lui dise non ? 1... Oh et puis merde. "Je suis enceinte!" je m'exclame alors qu'il me souhaitais la bonne année. Je reste figée, attendant sa réaction. Est-ce que je devrais ajouter quelque chose ? Non, je devrais attendre qu'il réponde d'abord. Ouais je vais faire ça.

On termine l’année, comme on l’a commencé. C’est agréable en fait. Même si ça n’efface pas les mois de tourments qu’on a traversé. Mais il faut se concentrer sur le positif. On n’a pas le temps de se morfondre, de se perdre dans des idées noires ou de rester bloqués sur le passé. C’est impossible d’oublier qu’elle est malade. Je ne peux pas et je ne veux pas. Mais ça permet d’avancer, de ne pas rester bloquer sur des choses qui pourraient nous faire du mal. De se concentrer sur l’avenir. C’est ce qu’on fait ce soir. On profite de la vie, on profite de nous deux. Juste nous. Et nos bestioles. Le dîner s’est bien passé et on est tous les deux sur le balcon à profiter de la fraîcheur de la nuit. Je l’encercle pour la réchauffer ou me réchauffer moi aussi. Le temps est plutôt clément mais à ne pas bouger, l’air frais s’engouffre sous les vêtements. Le décompte approche, les feux d’artifices ne vont pas tarder à éclater. A chaque chiffre du compte à rebours, je souris, je serre Alysha contre moi jusqu’à ce que le 1 résonne au loin. Je me tourne vers elle, tout sourire, encore, toujours. ” Bonne… “ ” Je suis enceinte ! “ ” … année. “ Le mot sort difficilement de ma gorge, même s’il sort. Les feux d’artifices sont lancés, les couleurs se reflètent sur le visage d’Alysha que je dévisage pour comprendre les mots qu’elle vient de prononcer. ” Tu es… “ Le maître de l’éloquence en toute circonstance. Je n’ai jamais autant perdu mes mots que face à elle. En même temps elle a quand même tendance à m’annoncer des nouvelles auxquelles je ne peux pas m’attendre. ” Tu es enceinte ? Genre… Enceinte enceinte ? “ Oui bien sur, y’a plusieurs significations de ce mot… L’air choqué de mon visage a du mal à passer. Est ce que je dois sourire ? Être content ? Parce qu’évidemment que je le suis mais est ce qu’elle elle l’est ? Et puis merde, mon sourire revient parce que je ne peux pas m’en empêcher. Elle est enceinte. ” C’est… Génial… Oui c’est génial ! “ Que je m’exclame avant de la prendre dans mes bras.

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Les mots sont sortis tout seuls, et voilà que j’ai lâché la nouvelle. Au moins le point positif c’est que c’est fait, j’ai plus à m’angoisser sur la meilleure façon de lui annoncer ça. Et puis c’est bien mon genre de toute façon de faire des annonces surprises… Y a qu’à voir la façon dont je lui ai annoncé pour ma tumeur… Même si cette histoire est adorable. Je le revois encore me redemander ma main. Bon sang, ça me ferait presque monter les larmes aux yeux. Il faut que je me concentre sur l’instant présent. Pour le moment Ruben est légèrement figé, sous le coup de la surprise. Je peux le comprendre en même temps… Il m’aurait vue quand on me l’a annoncé, je crois que mon cerveau aussi à bugué. Quoique le bug de cerveau dans mon cas c’est pas forcément du à l’annonce de ma grossesse… Enfin bref, je divague. J’ai trop tendance à faire ça, il faut que je me concentre ! “Enceinte, enceinte, oui. On me l’a appris ce matin après ma prise de sang…” je réponds d’une petite voix. Je ne sais toujours pas ce qu’il va en penser. Je ne sais pas ce que j’en pense moi-même ! Bien évidemment je suis heureuse d’être enceinte, d’avoir une chance de mettre un enfant au monde qui soit le symbole vivant de mon union avec Ruben, d’avoir une chance de laisser une petite trace de moi après… mon départ. Mais d’un autre côté il y a les risques et… notre dernière expérience en la matière n’a été qu’un pur désastre et ça ne fait que quelques mois qu’on s’est retrouvés avec Ruben ! Alors là je sais pas trop.

Et soudain c’est comme si Ruben explosait de joie, s’exclamant que c’était génial et me prenant dans mes bras. Et là, dans ses bras, je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour et d’oublier mes craintes, ne serait-ce que pendant un court instant. Parce que je sais qu’il sera là, avec moi, et c’est tout ce qui compte. Et sans que j’y puisse quoi que ce soit quelques larmes de joie viennent faire briller mes yeux. “Tu es sûr hein ? Parce que ça va être compliqué encore… Le médecin va nous faire le même discours sur les risques et compagnie et…” Je n’ose pas poursuivre. Ou plutôt je préfère taire la fin de ma phrase. Entendre le médecin dire qu’il y a de grandes chances pour que je ne survive pas à l’accouchement n’a pas été facile la première fois. Avec la progression de la tumeur j’imagine que les risques seront d’autant plus grands. “Je suis tellement heureuse si tu savais… Qu’on ai cette chance de fonder une famille ! Toi et moi ! Mais bon sang, je suis terrifiée…”

" enceinte, enceinte, oui. on me l’a appris ce matin après ma prise de sang… " j'ai comme un petit bonhomme dans ma tête qui se met à courir partout. excité il hurle, il crie, il fait des saltos même. mais y'a que lui d'actif parce que moi, présentement, je bug. j'ai bien compris ce qu'elle venait de me dire, je sens bien son corps contre le mien mais c'est le bordel. j'ai toujours eu une empathie hors norme, une émotivité assez forte. et dans ce genre de moments, bah je bug. mon corps il est là mais mon esprit semble ailleurs. alysha me connait, elle sait comment je peux réagir. ce n'est pas de l'indifférence ou quoi. c'est juste qu'il faut du temps pour que tout se connecte et que je réalise que ce n'est pas un rêve ou le fruit de mon imagination. comme cette question que je pose pour être certain que j'ai bien entendu ce qu'elle m'a dit et que ce n'est pas une hallucination auditive. " tu es sûr hein ? parce que ça va être compliqué encore… le médecin va nous faire le même discours sur les risques et compagnie et… " je rigole quelque peu puis m'éloigne d'elle pour attraper son visage et lui sourire. " chut. ne penses pas à tout ça maintenant. " non, pour le moment faut savourer cette nouvelle. elle est enceinte. il y a un petit bébé qui grandit en elle. on l'a déjà vécu et oui, la fin a été difficile mais il faut aller de l'avant. de toute façon la vie est trop courte et je sais qu'elle pense aussi à son état de santé. " je suis tellement heureuse si tu savais… qu’on ai cette chance de fonder une famille ! toi et moi ! mais bon sang, je suis terrifiée… " comme pour la protéger ou je ne sais quoi, je la reprends dans mes bras. pour la mettre à l'abri de ses doutes. " moi aussi je suis heureux ! et terrifié. mais on va la fonder notre famille, parce qu'on le mérite et qu'on sera des parents formidables et super collants et voilà. " je souris niaisement en l'embrassant sur le front, le nez, les joues la bouche pour terminer. beaucoup trop content pour que d'autres mots ne viennent.

Je suis tellement chanceuse de l'avoir à mes côtés. Evidemment ça me fait regretter toutes ces années qu'on a manquées à jouer aux idiots, mais tant pis. On est ensemble, on est heureux, c'est tout ce qui compte. J'ai encore du mal à le réaliser. Je suis mariée à l'homme de ma vie et on va avoir un bébé. Je m'applique à ne pas penser au reste, parce que j'ai envie que ce soir mes larmes soient des larmes de joie. Je ne veux pas gâcher ce moment par de tristes pensées comme Ruben m'y a intimée. Il a raison. Ce n'est pas le moment de s'occuper de tous les problèmes, les peurs, les risques... pas ce soir. Ce soir on fait la fête, on célèbre la nouvelle. Et moi je célèbre le fait d'avoir un homme formidable à mon bras. Je ne peux m'empêcher d'afficher un grand sourire quand il évoque l'idée qu'on sera des parents "formidables et super collants". Je veux y croire. Je veux tellement y croire. Mais je sais bien qu'il devra élever cet enfant seul et cette pensée me serre le coeur. Evidemment que c'était égoïste de vouloir un enfant juste pour laisser une trace de mon passage sur terre et une trace de mon union avec Ruben, un mélange de nous, un produit de notre amour. Ouais, je sais bien que ça a l'air stupide. Bon, faut que j'arrête de me torturer, ça ne va plus là. Alors je me contente de me blottir contre lui, de sourire comme une idiote avant de finalement lever la tête vers lui. « Je t'aime, Ruben Eliott Dunham. »