que les choses sérieuses commencent [rayden #8]

Je ne suis pas du genre à me laisser noyer sous les responsabilités, je les gère en général plutôt très bien, mais la dose de travail s’annonce de plus en plus colossale, et même si je n’ai pas l’habitude de déléguer, cette fois, je m’y résous. J’écoute les conseils de mon ex mari. Et puis, choisir entre laisser Rayan entre les mains d’un agent x ou y, ou m’occuper d’elle personnellement, le choix est vite fait. J’ignore encore comment réussir à me détacher d’elle comme je l’envisageais après mon week end avec Cora. Aujourd’hui est programmé le shooting de Rayan, j’ai vu avec la styliste pour les tenues, ça risque d’être un peu plus long que prévu, et elle aura une première interview juste après, alors qu’elle n’est même pas au courant. C’est une opportunité à ne pas rater, mais n’étant pas habituée, je vais devoir la coacher un peu pour éviter les boulettes. Tout est prêt, il ne manque qu’elle, et la connaissant, elle ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez, puisqu’elle est du genre à l’heure. « Mme Lewis, Rayan McHalway est arrivée, je vous l’envoie ? » Je hoche la tête à mon assistant et termine de donner quelques directives au photographe pour le shooting lorsque Rayan fait son apparition. Le sourire qui étire mes lèvres pourrait mettre la puce à l’oreille à n’importe qui me connaissant un minimum. Merde. Je m’approche et me retiens de lui offrir une accolade chaleureuse comme j’en ai envie. « Ça va ? Tu as bien dormi ? C’est une grosse journée qui t’attend. Suis-moi. » Je lui fais un signe de tête pour qu’elle m’emboîte le pas, et me dirige jusque dans une salle aménagée en loge. L’équipe de maquillage est dans la salle attenante et n’attend plus que le feu vert pour maquiller Rayan. Aujourd’hui, c’est elle qu’on chouchoute. « J’ai réussi à t’avoir une interview avec un hebdo de cinéma, ils ont une page jeunes talents. Ce sera après le shooting, on essaiera de mettre quelques points au clair avant toi et moi. » Je lui souris et récupère deux cintres avec deux tenues choisies au préalable pour le shooting. « Tu veux bien passer ça s’il te plait ? J’ai choisi la taille à vue d’oeil, si y’a des retouches à faire faut pas tarder. » Je lui donne la tenue pour qu’elle l’enfile et tente de lui laisser un peu d’intimité pour se changer en détournant le regard, pianotant sur mon téléphone. Mais impossible de ne pas jeter sur son corps dénudé quelques regards en biais, c’est fou ce qu’elle est bien faite. « Comment tu te sens, pas trop stressée ? »

Un shooting. J’en suis là. A me lever ce matin en ayant sur mon planning un shooting photo. Y’aurait de quoi avoir le vertige un peu, non ? Parce que la séance photo en question est directement reliée à ce petit début de carrière d’actrice qui se profile chaque jour un peu plus clairement. J’ai encore du mal à y croire, je l’admets, moi qui suis du genre pragmatique et terre à terre. Il a suffit d’une rencontre… et quelle rencontre ! Comme quoi ça ne tient à pas grand chose le “destin“. Dire qu’il n’y a pas si longtemps, aujourd’hui j’aurai eu cours avec plusieurs classes au lycée puis enchainé avec un cours de théâtre. Je gère assez bien le stress, du moins tant que je suis chez moi, dans ma bulle, mon univers et que je m’efforce de ne pas trop réfléchir à demain quand je me couche le soir. L’avantage d’avoir multiplié les séances de sport, c’est que j’accumule assez de fatigue pour être plutôt apaisée. Je vis chaque instant l’un après l’autre, me concentre sur ce que j’ai à faire au jour le jour, heure par heure en ne laissant que peu d’espace à la divagation. D’abord pour gérer la situation Eden, mais aussi pour être à cent pour cent efficace dans mon boulot. J’ai à cœur de faire mes preuves, ne décevoir personne et surtout pas elle… La productrice sera là aujourd’hui, ça me rassure autant que ça me trouble, un paradoxe avec lequel je vais devoir apprendre à avancer. C’est deux petites minutes avant l’heure convenue que je me présente à l’assistant d’Eden, et il s’empresse d’aller annoncer mon arrivée pour m’emmener ensuite auprès de la productrice. Je m’approche, souriante, j’ai plaisir à la voir, et à en croire son attitude c’est réciproque. Je hoche la tête, hausse les épaules et réponds dans un souffle sans me défaire de mon sourire « Ça va. » réponse valant pour les deux questions.
Je suis Eden jusqu’à ce que je comprends être la loge dans laquelle je vais me changer, être maquillée, avoir tout un tas de gens qui graviteront autour de moi pour me préparer. Je pose mes affaires dans un coin, la productrice ne perd pas de temps et m’annonce de but en blanc qu’en plus du shooting c’est une interview qui m’attend. Je lui adresse un regard surpris « Jeune talent… mais le tournage a même pas encore commencer. » répondis-je en riant légèrement, un peu par nervosité. Je soupire et hoche la tête « Ok. Je te fais confiance de toute façon. » elle connaît ce milieu beaucoup mieux que moi, et si elle juge cette interview opportune alors soit. Elle l’a dit la journée promet d’être chargée et nous n’avons pas de temps à perdre. Eden me présente deux tenues, m’invitant à les essayer, la taille ayant été choisi à vu d’œil. Docile j’attrape les deux cintres, pose l’une et me déshabille pour enfiler la première. La question d’Eden me fait rire, elle est anodine et n’a rien de drôle, mais c’est la preuve même que je suis finalement un peu stressée « Le dernier shooting photo que j’ai fait c’était une photo de classe… » je lui adresse un regard amusé puis hausse les épaules « Est-ce que ça répond à ta question ? ». Habillée je me regarde dans le miroir siégeant dans un coin de la pièce « Apparemment tu as un bon œil. » dis-je en adressant un regard à Eden via son reflet derrière moi « En tout cas pour cette tenue là. Voyons la seconde. » sourire complice et je suis déjà en train de me changer. La deuxième tenue est un peu moins facile à enfiler « Va falloir que je progresse en vitesse d’habillage je crois. » plaisanté-je « Ah moins que cette fois tu te sois trompée pour la taille. » ajouté-je « Est-ce que tu peux… ? » m’aider, c’est ce que je veux dire, même si j’aurais voulu éviter pour des raisons évidentes de proximité.

Je crois que j’ai pris de mauvaises habitudes. Lorsque Rayan est là mais que nous avons du monde autour, je mesure mes mots, mes actions, mes regards même, faisant attention à garder cette image un peu froide, ne pas montrer le favoritisme envers la jeune actrice même si, effectivement, il est bel et bien là. Mais lorsque nous sommes seules dans une même pièce, c’est comme si je devenais une autre à son contact, plus naturelle, plus souriante, charmeuse. C’est quelque chose que je ne contrôle pas, et j’ignore si je le devrais. Je me sens simplement moi-même dans ces moments là, et croyez-moi ça fait un bien fou. Je lui parle alors de l’interview programmée pour un peu plus tard, et je vois sur son visage une certaine inquiétude même si elle s’évertue à la cacher sous un petit rire fluet. « Jeune talent… mais le tournage a même pas encore commencé. Ok. Je te fais confiance de toute façon. » Je lui souris en hochant la tête. « Tu n’as pas tellement le choix. » Je m’en amuse. En réalité, elle a bel et bien le choix, mais si elle veut d’autres rôles après celui-ci, si elle veut être contactée par des réalisateurs, d’autres productions, si elle veut passer de nouveaux castings et être retenue, il faut qu’on la voit, et ce film ne suffit pas. Je sais qu’une grande carrière l’attend, il suffit de lui en donner les moyens.

Je la laisse essayer les tenues que j’avais préparé avec la styliste pour elle et la regarde d’un coin de l’oeil, lui demandant tout de même si le stress n’est pas trop intense. Parce que ce shooting ce n’est rien comparé aux premières scènes qu’elle va devoir tournée, ou à d’autres plus importantes ou plus intenses. « Le dernier shooting photo que j’ai fait c’était une photo de classe… Est-ce que ça répond à ta question ? » Je ris face à sa désinvolture et hoche la tête, amusée. « Je vois. Ça va être marrant. » Certaines personnes sont naturellement douées pour jouer avec l’objectif, d’autres non. Tout comme certaines personnes s’avèrent photogéniques et d’autres non, malgré une beauté et un charisme évidant. J’ose espérer que Rayan aura la totale. « Apparemment tu as un bon œil. En tout cas pour cette tenue là. Voyons la seconde. » Ce n’est pas faute d’avoir posé sur elle mon regard à maintes reprises. Je crois que j’ai ses mesures quasi exactes dans la tête. Je me contente d’un sourire et la laisse passer l’autre tenue, une robe plus élégante, très féminine qui suggère beaucoup mais ne montre rien, il n’est pas question de tomber dans la vulgarité. « Va falloir que je progresse en vitesse d’habillage je crois. Ah moins que cette fois tu te sois trompée pour la taille. Est-ce que tu peux… ? » Je hoche la tête et m’approche, mince sourire mutin au coin des lèvres, ma voix s’est tapie dans des sonorités plus charmeuses, sans que je n’en ai réellement le contrôle. « Je ne me suis pas trompée, ce genre de robe se porte près du corps. » Je remonte la fermeture dans son dos après avoir déplacé sa chevelure ébène d’un côté de son épaule. Une fois fait, je la regarde à travers le miroir, glissant mes mains à sa taille pour ajuster le tissus - non sans en profiter au passage. « Alors, tu penses toujours que je me suis trompée sur la taille ? » Mes lèvres sont proches de son oreille, je peux voir les frissons parcourir sa nuque et ça m’amuse autant que ça m’émoustille. « C’est parfait. Tu es parfaite. Et ça va bien se passer. » Je m’éloigne finalement pour éviter de faire une bêtise. « On y va ? »

L’annonce d’Eden rajoute un petit stress supplémentaire. Je n’ai jamais donné d’interview, pas même au journal du lycée ou de l’université quand j’étais plus jeune. Mais je lui fais confiance, je sais que je ne serai pas jetée dans le gueule du loup sans un minimum pour me défendre. Pour le moment, c’est du shooting photo dont il s’agit et sur lequel je dois me concentrer. J’essaye les tenues prévues, la première est plutôt simple à enfiler et me va parfaitement. La seconde me donne un peu plus de fil à retordre et j’en viens à solliciter l’aider de la productrice, non sans sous entendre que l’erreur pourrait venir d’elle. J’aurais vraiment voulu éviter de l’appeler à la rescousse, simplement pour ne pas avoir à gérer sa proximité. Ça reste un problème… on éteint pas une attirance en un claquement de doigt, surtout pas quand il s’agit de quelqu’un comme Eden. Elle est plutôt difficile à ignorer, d’autant plus lorsqu’elle adopte ce genre d’attitude plus charmeuse. S’en rend t’elle seulement compte ? Un bref sourire, je hoche la tête, je ne vais pas la contredire, cette robe est effectivement près du corps. Je n’ai rien sur quoi me concentrer pour essayer de ne pas focaliser mon attention sur la fermeture qu’elle remonte lentement dans mon dos. Nos regards se croisent dans le miroir, ses mains se posant sur mes hanches, lissant le tissu alors que mon cœur s’affole et que j’ai un peu plus chaud soudainement. J’ai quelques flash de ce qu’il s’est passé dans l’ascenseur, dans son bureau. Merde, non surtout ne pas penser à ça ! Je secoue la tête « Apparemment non. » s’en est presque troublant… à moins que ce soit sa voix, son souffle qui me troublent autant. Je ne peux réprimer un frisson. Il faut qu’elle s’éloigne, même si une part de moi voudrait le contraire. Eden, la mine satisfaite, déclare que tout est parfait. Nouveau hochement de tête de ma part et j’affiche un sourire, malgré cette tension qui s’est emparée de moi « Oui. Tout va bien se passer. » il n’y a pas de raison que ça se passe mal, non ? Bon ok je stresse, c’est vraiment officiel.
La productrice s’éloigne, je souffle légèrement, reprenant mes esprits et m’engueulant intérieurement de réagir ainsi à son contact. « Ouais. Allons y. » dis-je, encline à poursuivre ma préparation avant de me lancer dans le grand bain. Je découvre alors une nouvelle facette du métier, je n’ai pas l’habitude d’avoir autant de gens autour de moi et encore moins pour s’occuper de moi. S’ils n’étaient pas si attentifs à ce que tout se passe bien, je crois que je me sentirais comme une poupée dans les mains d’une enfant bien décidée à me transformer. Pourtant une fois le travail fini, c’est toujours moi dans le miroir. Un sentiment étrange d’être différente tout en étant pleinement moi-même. Eden est toujours là, elle garde un œil sur tout et son charisme me frappe un peu plus. C’est l’heure d’entrée dans l’arène, ou plutôt le studio « C’est comme une compétition importante… l’odeur de sueur et les cris des supporters en moins. » dis-je sur le ton de la plaisanterie, relâchant un peu la pression. Il n’est plus temps de reculer, je suis prête à affronter l’objectif. La tension se dissipe un peu une fois le déroulement de la séance exposée, au moins j’y vois un peu plus claire. On me dit ce que l’on attend de moi, c’est finalement juste un rôle de plus à jouer et il paraît que c’est mon métier maintenant… Le stress s’estompe au fil des minutes, je trouve de la confiance dans de furtifs regards échangés avec la productrice. Finalement l’exercice n’est pas désagréable et je prends même plaisir à me mettre dans la peau de ce personnage, ce moi qui ne l’est pas tout à fait.

J’aime cette proximité, j’aime sentir son souffle qui s’accélère quand je suis proche d’elle, les frissons qui soulèvent sa peau dans un grain visible à l’oeil nu. J’aime nos regards échangés, lourds de sens. Mais ça ne doit pas durer, j’essaie d’égrainer ces moments pour qu’ils ne soient pas trop fréquents même si foutrement grisants. Je tente de la rassurer, je serai là pour superviser les choses, à ses côtés. Je sais que je la rassure autant que je la perturbe, mais les raisons sont bien différentes. Nous quittons finalement la loge pour celle du maquillage où elle se fait pomponner, j’ai demandé quelque chose de naturel. Si Rayan pourrait être sublime dans n’importe quel vêtement, n’importe quel maquillage, elle n’en est pas moins quelqu’un d’authentique, et elle aura bien le temps de laisser les coiffeurs et maquilleurs faire ce qu’ils veulent, pour le moment, je la veux au plus proche de ce qu’elle est, de ce qu’elle dégage. Aucun artifice, elle est brute, et c’est ce que j’aime chez elle, entre tout autre chose.

Nous entrons finalement dans le studio, tout le monde est prêt. « C’est comme une compétition importante… l’odeur de sueur et les cris des supporters en moins. » Je ris, amusée à ses bêtises. Les regards des personnes présentes se font plus inquisiteurs, il est vrai que je n’ai pas pour habitude de rire avec qui que ce soit dans le métier, et encore moins de manière naturelle. Mais Rayan a ce pouvoir. Je lui somme de s’installer au milieu des flashs, et se laisser guider par les demandes du photographe qui est là pour elle avant tout. Tout se passe à merveille, si elle est stressée ça ne se voit pas, ou peu. Je suis peut-être même la seule à le voir. Elle va se changer, je n’interviens pas, je n’ai pas nécessairement envie que quiconque s’imagine quoi que ce soit.

La séance photo touche à sa fin, Rayan a été très professionnelle. Je l’intercepte avant les loges et lui glisse quelques mots, de manière tout à fait professionnelle. « Je te laisse te changer, l’interview est dans une heure, on va s’installer dans mon bureau pour te préparer aux questions éventuelles. Tu me rejoins ? Je vais prévenir Olivier que je t’attends. » Elle hoche la tête et je lui adresse un clin d’oeil malicieux, bien planqué, avant de quitter les lieux pour rejoindre mon bureau. Je profite de ce petit temps pour terminer du boulot qui traînait, quelques signatures, quelques mails important, quand mon assistant frappe pour laisser entrer Rayan. « Installe-toi, je finis juste un petit truc… tu veux boire quelque chose ? » Elle doit être assoiffée avec la séance photo, j’ose espérer qu’ils lui ont proposé à boire quand même. Je la rejoins dans la partie plus cosy de mon bureau, me laissant un peu tomber dans le canapé en soupirant. Il y a bien qu’avec elle que je me permets ce genre de comportement. « Alors, comment tu t’es sentie ? Pour une première fois, je trouve que tu t’en es bien sortie ! »

Je n’ai pas vraiment le temps de me demander ce que je fais là. Tout s’enchaine une fois l’étape maquillage terminée et bientôt je me retrouve face à l’objectif du photographe me mettant en scène dans ce nouveau rôle qui fini par m’amuser. Dans le feu de l’action je ne me rends pas compte de la concentration que cela me demande. Je suis les directives, prends quelques initiatives, de plus en plus à l’aise dans l’exercice. Je suis comme dans une bulle et en sors seulement la séance photo terminée. Eden m’intercepte avant que je n’entre dans celle-ci, elle m’attendra dans son bureau pour préparer l’interview à venir. J’avais presque oublié ça. Une fois dans la loge je me rends compte malgré tout de l’énergie dépensée. Je bois d’une traite une petite bouteille d’eau minérale gracieusement prévue pour moi et me change rapidement. Si au début cet endroit m’apparaissait comme un véritable labyrinthe je commence à m’y faire. Je prends la direction du bureau de la productrice, son assistant m’escorte pour m’annoncer à cette dernière. J’entre, et bien malgré moi repense à la dernière fois où je suis venue dans cette pièce. Glissant un regard vers ce coin de mur où elle m’avait acculé, je me souviens de ses lèvres dans mon cou. Stop ! Je m’avance vers un fauteuil et m’y installe comme la quadra m’invite à le faire « Non ça va je te remercie. J’avais de l’eau dans ma loge. De l’eau minérale à 14 degrés. » dis-je avec une certaine malice. Elle ne tarde pas à me rejoindre, prenant place sur le canapé avec une certaine décontraction qui ne lui ai pas familière dans le contexte professionnel. Je le sais que je suis une privilégiée, que notre lien est particulier bien sans doute même un peu trop pour garder les choses simples.
Je sors de mes pensées, adressant un sourire à Eden, lui répondant d’abord par un hochement de tête. Je ne sais pas vraiment expliquer mon ressenti, elle me fait part du sien quant à ma prestation et je ne peux retenir un léger rire « C’est une observation objective ? » demandé-je mon regard captant le sien pendant un instant. Je soupire rompant notre contact visuel « Ça c’est bien passé je crois. En tout cas une fois le stress passé j’ai même trouvé ça amusant. » je hausse les épaules « Mais… c’est encore surréaliste pour moi. Venir ici, m’entrainer pour le rôle, bosser mes textes, savoir que dans peu de temps le tournage va commencer, cette séance photo qui ne sera sans doute pas la dernière, l’interview dans une heure, toi… » je secoue la tête, la dernière partie m’a échappée « Désolée. Je ne devrais pas dire ce genre de truc. Ça ne fait que rendre les choses plus compliquées. » mais c’est dans ma nature, cette authenticité fait partie de moi. Le contexte me rend plus vulnérable. Gérer le stress, cette tension latente avec Eden… je ne peux pas tout faire, même si j’essaye. « Des fois j’ai l’impression que tout ça m’arrive sans pour autant avoir rien fait pour. » je me perds moi-même, je sais que c'est faux. Je hausse les épaules « Bref. Alors cette interview. Qu’est-ce que je dois faire ? ».

Rayan arrive et je la laisse entrer, s’installer, lui proposant à boire sans tarder. « Non ça va je te remercie. J’avais de l’eau dans ma loge. De l’eau minérale à 14 degrés. »[/color] Je lâche un rire amusé à cette ‘private joke’, et la rejoins rapidement, me laissant tomber dans le canapé en soupirant. Je lui fais part de mes sensations vis à vis de la séance photo, elle s’est bien débrouillée, et je pense qu’elle mérite de le savoir. « C’est une observation objective ? » J’arque un sourcil et souris légèrement avant de lui rétorquer. « J’ai la tête de quelqu’un qui ne dit pas ce qu’elle pense ? » En soi, oui, je peux, je sais le faire, mentir pour manipuler, mais je crois qu’elle m’a assez bien cernée pour savoir que ce genre de compliment ‘gratuit’ n’est pas offert à n’importe qui. Et que c’est sincère, en plus de ça. « Ça c’est bien passé je crois. En tout cas une fois le stress passé j’ai même trouvé ça amusant. Mais… c’est encore surréaliste pour moi. Venir ici, m’entrainer pour le rôle, bosser mes textes, savoir que dans peu de temps le tournage va commencer, cette séance photo qui ne sera sans doute pas la dernière, l’interview dans une heure, toi… » Je penche un peu la tête, surprise au dernier mot qu’elle emploie. Je sens mon coeur s’emballer un peu, mais elle secoue la tête et se reprend. « Désolée. Je ne devrais pas dire ce genre de truc. Ça ne fait que rendre les choses plus compliquées. » finit-elle par admettre, ce à quoi je ne réponds rien. Elle a raison, ça rend les choses plus compliquées, mais plus vraie aussi. Ça ne sert à rien de se mentir, on s’attire comme deux aimants, et réussir à se repousser mutuellement, c’est déployer une énergie folle. « Des fois j’ai l’impression que tout ça m’arrive sans pour autant avoir rien fait pour. » Je souris, attendrie par la vulnérabilité dont elle fait preuve, et qui la rend d’autant plus touchante. « Si la vie a décidé que tu le méritais, je te conseille de prendre ce qu’on te donne sans rechigner. » Je ris un peu et me lève un instant pour aller me faire couler un café. « Bref. Alors cette interview. Qu’est-ce que je dois faire ? » Je reviens avec mon café et m’installe à nouveau près d’elle, peut-être un peu plus loin que tout à l’heure, pour essayer de rester professionnelle, ce qui n’est pas une mince affaire à son contact. « Oui, alors, en fait, il y a des choses à dire et d’autres à ne pas dire. Ils vont sans doute te demander quel rôle tu vas jouer dans le film, leur raconter aussi un peu ce qui s’y passe. Il y a des choses à ne pas dévoiler. Pareil pour tout ce qui concerne ta vie privée, il va falloir que tu apprennes à jongler pour ne pas trop en dévoiler, mais ne pas rester non plus trop en retrait au risque de paraître trop froide. » Je sais que je lui donne beaucoup d’infos d’un seul coup, mais j’ai beaucoup d’espoir la concernant. « Tu as quelqu’un dans ta vie ? » Je sais que je ne suis pas la mieux placée, et que la déstabiliser est une tâche plutôt aisée pour moi, mais je tente seulement de lui couper l’herbe sous le pieds pour voir comment elle peut répondre. Je vois déjà la surprise sur son visage, elle semble me jauger pour savoir si c’est une question ‘test’, ou si je lui pose réellement la question, moi, en tant qu’Eden…

Je sais qu’Eden est sincère, et je sais aussi que ce genre de compliment il n’est pas donné à tout le monde de l’entendre. Je hoche simplement la tête, acceptant sa reconnaissance avant de m’exprimer un peu plus sur mes propres impressions mais également sur mes doutes si l’on peut appeler ça ainsi. Prise dans mon élan j’évoque même à demi-mot cette attirance qui nous anime, contre laquelle nous luttons à chaque instant passé ensemble. Même là dans son bureau, c’est peut-être ici que c’est le pire d’ailleurs. Pour moi en tout cas, à cause de ces flash qui viennent polluer mon esprit et réchauffer mon corps. Et puis au milieu de tout ça il y a cette impression de vivre une sorte de rêve dont j’ai la sensation qu’il faudra bien se réveiller un jour. Pourtant non, c’est la réalité, une nouvelle vie qui s’offre à moi et si j’ai parfois la sensation de n’avoir rien fait pour mériter ça je peux compter sur la productrice pour me rassurer. J’ai cette opportunité, je ne dois pas m’en excuser auprès de qui que ce soit, juste la saisir et vivre ce qui doit l’être. Je souris alors qu’elle se lève « Tu as raison. », je la suis du regard puis finis par le détourner, coupant cours à la discussion précédente mais aussi à mes pensées en me concentrant sur la raison de notre entrevue, l’interview à venir. Eden reprend place, pas celle qu’elle occupait il y a quelques minutes, un peu plus loin, comme par sécurité. Je ne devrais même pas remarquer ce genre de détail. La productrice m’explique succinctement ce à quoi m’attendre. Je vais être interrogée sur mon futur rôle, sur le film et son intrigue. Bien sûr il est exclu de trop en divulguer et c’est pour cette raison qu’Eden doit me préparer. Mais il ne s’agit pas seulement de moi en tant qu’actrice, ils vont vouloir en savoir plus sur qui je suis, me questionner sur ma vie privée et ça aussi je vais devoir apprendre à le gérer. Je hoche la tête, pas surprise par ce qui m’attend, reste maintenant à être prête en moins d’une heure.
La productrice me demande alors de but en blanc si j’ai quelqu’un dans ma vie. Sa question me désarçonne, pas tant par sa nature, mais par son caractère soudain. Est-ce qu’on commence le boulot ou est-ce une question plus personnelle ? Les deux ? Il me semble y avoir déjà répondu, lors de notre toute première rencontre. Je la fixe un instant puis secoue négativement la tête « Non. » dis-je finalement en reprenant contenance, me retenant de lui dire qu’elle le sait « Et si c’était le cas je ne donnerai pas de détails. ». Je me concentre sur le boulot, c’est l’actrice qui parle, la professionnelle. Mais est-elle si détachée de moi ? Non, évidemment. « De toute façon ça n’intéresse personne. Parlons plutôt de ce que je vais devoir dire à propos du film. Qu’est-ce que j’ai le droit de raconter ou pas ? » c’est surtout ça l’important, ce qui touche à ce qui nous lie professionnellement, en ce qui concerne ma vie privée je devrai pouvoir gérer seule. Je ne veux autant que possible éviter d’aborder le sujet avec Eden, pour ne pas tout compliquer, et surtout parce qu’elle est au centre de chamboulements majeurs contre lesquels je me bats au quotidien. « Ils vont sûrement me demander comment j’en suis arrivée là, non ? » je hausse les épaules « Qu’est-ce que j’ai le droit de dire ? » cette partie la concerne aussi puisqu’elle m’a ouvert les portes du casting.

« Non. » La réponse a le mérite d’être claire, et je dois réprimer un sourire amusé face à son aplomb. « Et si c’était le cas je ne donnerai pas de détails. » Je me contente alors d’un hochement de tête comme pour lui faire comprendre que c’est une bonne chose et que j’approuve. Elle a l’air d’avoir saisi ce point de l’exercice en tout cas. « De toute façon ça n’intéresse personne. Parlons plutôt de ce que je vais devoir dire à propos du film. Qu’est-ce que j’ai le droit de raconter ou pas ? » Je me lève sans pour autant lui répondre et vais chercher sur les papiers de mon bureau une feuille que j’avais préparé justement en prévision de cette question. Je reviens près de la jeune femme et lui tends la feuille. « C‘est le synopsis officiel, celui qui sera partagé dans la presse. En dessous il y a un résumé de ton personnage et le lien avec le personnage principal. Ça s’arrête là. Si tu en dévoiles plus ça risque de poser problème. » Je la regarde qui commence à lire et je souris. « N’apprend pas par coeur hein !? » Je récupère ma tasse de café qui n’est plus si brûlante et l’avale d’une traite, avant de boire quelques gorgées d’eau dans le verre que j’avais préparé. « Ils vont sûrement me demander comment j’en suis arrivée là, non ? Qu’est-ce que j’ai le droit de dire ? » Je laisse mon dos épouser le dossier du canapé, sans la quitter des yeux. Changeant le croisement de mes jambes d’un côté à l’autre, je reprends la parole après une courte réflexion. « Tu n’es pas obligée d’entrer dans les détails. Tu as passé le casting et tu as été retenue. Ils n’ont pas besoin d’en savoir plus. Ne te fais pas d’illusions ça finira par se savoir, mais le plus tard sera le mieux. » Je vois une sorte de panique dans son regard et lui souris pour la détendre un peu. « Je parle de la manière dont tu es arrivée là. Pas du reste. » Non, le reste, ça ne regarde que nous, et si nous restons discrètes et professionnelles, il n’y a aucune raison pour que quelqu’un se doute de quoi que ce soit. « Tu as d’autres questions ? » De toute manière, je fais office d’agent provisoire pour elle, le temps qu’elle soit plus à l’aise dans le métier et que je lui présente une perle pour s’occuper d’elle. Alors je serai là à l’interview, et je pourrai couper le journaliste si une question me semble trop déplacée. En attendant, je la laisse réfléchir à une autre question, sans la lâcher des yeux, parce que le spectacle est bien trop agréable pour ne pas en perdre une miette…

Je suis là pour le boulot, je m’accroche à cette pensée comme à une bouée en plein naufrage. Pour la même raison, ne pas couler, sombrer sous la vague d’émotions qui me traverse chaque fois que je suis en présence d’Eden et aujourd’hui plus encore que d’autres fois. Pourquoi ? Le contexte, sans doute, le stress partagé qu’avec elle, ce moment dans la loge, autant de choses donnant encore une dimension privilégié à notre lien là où on essaye de mettre de la distance entre nous. Et puis il y a ce bureau. C’est idiot, complètement stupide et je n’arrête pas de me le répéter pour chasser les souvenirs de ma dernière visite en ce lieu. Le spectre du désir est tenace. Parler de ma vie privée je sais pouvoir le gérer durant l’interview, ce dont j’ai besoin c’est des directives concernant le film. Je sais que tout est très codifié, méticuleusement préparé pour que les petites informations données soient alléchantes tout en gardant assez de mystère pour garder de l’attrait. La productrice se lève, prenant un papier sur son bureau qu’elle me tend ensuite le présentant comme étant le synopsis officiel du film ainsi que les quelques petits détails supplémentaires dont j’ai le droit de parler durant l’interview. Je lis attentivement et Eden me taquine gentiment. Je termine ma lecture puis relève les yeux vers elle, mimant la surprise « Ah bon ? » je hausse les épaules « Tu sais maintenant j’ai pris l’habitude d’apprendre par cœur tout ce que je lis. » ajouté-je avec un sourire en coin. Je la vois avaler son café d’une traite, ça c’est un truc auquel j’ai du mal à me faire… je ne comprends pas comment elle arrive à boire aussi chaud. Si les choses sont claires quant à ce que je peux dire du film, reste à savoir quelles informations je peux donner sur moi et ma carrière naissante. Un parcours plutôt atypique comme le mien suscite forcément des interrogations et la productrice étant directement liée à mon arrivée dans le milieu du cinéma j’ai besoin de son avis.
J’attends sa réponse, en m’efforçant de garder mon professionnalisme malgré son jeu de jambes et son regard toujours si perturbant. Pour Eden ma réponse doit être succincte, pas de détails, ils ressortiront un jour ou l’autre. Je tique un peu et elle enchaine, sans doute pour me rassurer. Le reste comme elle dit, est et restera un secret il le faut. Je secoue la tête et souris « Oui bien sûr. En fait c’est plutôt de ne pas expliquer les choses comme elles se sont passées qui me laisse perplexe. » j’enchaine « Pourquoi ne pas dire que tu m’as vu sur scène au théâtre et m’as simplement proposé de passer le casting ? C’est un mérite qui te revient de m’avoir sortie de mon théâtre de quartier. » mais peut-être ne le veut elle justement pas, ce mérite. Son regard toujours fixé sur moi Eden me demande si j’ai d’autres questions, sans doute un millier, si je m’écoutais dans ma quête stupide de ne pas risquer de décevoir quiconque. Je prends ça au sérieux et réfléchis à des choses que je voudrais clarifier, mais difficile de garder le cap de la réflexion quand on vous fixe comme le fait la jolie blonde avec moi. « Tu comptes continuer à me regarder comme ça ? » je ris légèrement, hausse les épaules et ajoute tout naturellement « Tu n’aides pas vraiment à ce que je puisse me concentrer sur mes questions. ». Encore une fois ce sont des choses que je ne devrais pas dire et taire cette attirance, jouer la carte de l’indifférence. Sauf que si je me pensais assez forte pour le faire, je crois que chaque minute passée dans ce bureau me prouve le contraire. « Le “reste“ risque de devenir difficile à garder secret… » ajouté-je un peu gênée. De un si quelqu’un est témoin de ce regard, de deux parce que je ne suis pas certaine de pouvoir l’endurer sans ciller pendant encore longtemps.

Je réponds à sa question, le plus justement possible. Selon moi, il n’est pas nécessaire que la presse soit au courant du fait que j’ai craqué sur elle, même s’il s’agit du côté professionnel de la chose. « Oui bien sûr. En fait c’est plutôt de ne pas expliquer les choses comme elles se sont passées qui me laisse perplexe. Pourquoi ne pas dire que tu m’as vu sur scène au théâtre et m’as simplement proposé de passer le casting ? C’est un mérite qui te revient de m’avoir sortie de mon théâtre de quartier. » Je me laisse le temps de la réflexion une seconde avant de lui répondre, en essayant d’être le plus juste possible dans le choix de mes mots. « Parce que j’aimerai autant éviter que les gens fassent des amalgames. Malheureusement dans ce milieu, quand on dit qu’on a été repéré par un producteur, y’a tout un processus qui se crée derrière, et les histoires qui sont imaginée et qui vont avec. Alors situ ne veux pas qu’on imagine que tu as dû coucher avec moi pour avoir ce rôle, autant éviter. » Je lui offre un petit sourire complice, voire même taquin. Je sais que ce genre d’allusions peuvent la mettre un peu mal à l’aise ou du moins éveiller chez elle quelque chose, mais je ne peux pas m’empêcher d’en jouer, au moins un peu. « Tu comptes continuer à me regarder comme ça ? Tu n’aides pas vraiment à ce que je puisse me concentrer sur mes questions. » Je ne peux empêcher un léger rire de franchir la barrière de mes lèvres. Je lève alors les yeux au ciel dans un souci d’exagération, pour rendre le jeu d’autant plus attrayant. « Tout de suite les grands mots. Pourquoi, comment tu veux que je te regarde ? Tu préfères que j’arrête de te regarder ? » C’est mission impossible, mais ça pourrait être drôle d’essayer. « Le “reste“ risque de devenir difficile à garder secret… » Je ris à nouveau et secoue la tête. « Du moment que je fais en sorte de ne pas laisser sembler quoi que ce soit en public.. » Je joue davantage de mon regard de braise, le laissant glisser sur la demoiselle comme celui de la prédatrice que je suis. Je me tourne un peu plus vers elle, posant mon coude sur le dossier du canapé, ma main dans mes boucles blondes, et je lui souris, aussi charmeuse que machiavélique. « Des questions ? » Je joue avec le feu, je sais, mais c’est plus fort que moi, et beaucoup trop agréable pour que j’ai envie d’arrêter.

J’ai bien conscience d’avoir des tonnes de choses à apprendre sur ce milieu et ses rouages. Je ne suis de nature plutôt franche, et ne comprends donc pas vraiment qu’il vaille mieux omettre certains détails m’ayant conduit à ce fameux casting qui a changé ma vie. En fait c’est plutôt une rencontre qui l’a changé, par bien des aspects, dont certains restent encore flous et perturbants. Si cette partie là ne regarde personne, pour l’autre l’honnêteté m’apparaît comme étant la meilleure option. Eden m’explique finalement ce que je redoutais d’entendre, que des idées toutes faites peuvent s’immiscer dans les esprits dès lors que l’ont parle découverte impromptue et réussite. Je hoche la tête, comprenant parfaitement ce que vient d’évoquer la productrice qui sait parfaitement ce que cela peut provoquer en moi, en témoigne le sourire qu’elle m’adresse et auquel je réponds par un rictus convaincu. Je cherche de nouvelles questions, ce qu’il me semble essentiel de savoir avant de me confronter à ce nouvel exercice qu’est l’interview. Cependant le regard de la quadra n’est pas pour m’aider à rester focalisée sur notre objectif premier, je le lui fais savoir sans détour et son rire résonne à mes oreilles comme une marque de satisfaction de sa part. Elle aime ce jeu, me faire flancher, me perturber, je le sais. Pourtant elle joue la carte de l’innocence – ou presque, exagérant tout de suite le trait. « Oui, ferme les yeux. » dis-je avec une pointe d’insolence maitrisée en sachant pertinemment qu’elle ne le fera pas. Ma dernière remarque trouve une réponse de la part d’Eden, elle a réponse à tout, le contrôle c’est son truc. Et si en public elle fait preuve de retenue, ici dans l’intimité de son bureau on en est loin. Elle me met à l’épreuve, jouant encore un peu plus de son regard magnétique, adoptant une attitude plus féline encore que celle qu’elle peut avoir au naturelle. Plus amusée que perturbée face à son jeu de séduction, je soutiens le regard de la jolie blonde hochant positivement la tête à sa question « Oui. » dis-je simplement, laissant un silence s’installer pour l’accrocher à mes lèvres dans l’attente de mes prochains mots. Je souris « Où se passera cette interview ? » j’ajoute sur un ton plus doux « Et combien de temps nous reste t’il avant qu’elle commence ? » je laisse planer dans cette dernière question une ambiguïté perceptible, renforcée par mon léger mouvement d’avancée dans sa direction. Je sais, c’est mal de jouer avec elle… souffler sur des braises en sachant que le retour de flamme peut-être dangereux, même en ayant un extincteur à porté de main. Je ne devrais pas le faire, mais si Eden se le permet, les dés sont relancés. Ou peut-être est-ce juste un aveu de faiblesse, la preuve de mon incapacité à m’en tenir à cette ligne de conduite que je me suis fixée. Il y a bien trop d’éléments en ma défaveur.

J’ai bien essayé de rester ‘sage’, de ne pas me laisser guider par mes instincts et mes envies profondes. J’ai réussi un temps, un court tant, parce que me voilà plus près de la brune qu’il ne le faudrait, à jouer avec mes propres nerfs, autant qu’avec les siens. Je m’approche davantage, féline, le regard hypnotique comme je sais si bien le faire, et lui demande d’une voix enchanteresse si elle a des questions. « Oui. » lâche-t-elle avec applomb. Je crois que personne n’avait encore cherché à me résister de cette manière, ou avec autant de persuasion, et c’est je crois ce qui me plait le plus. « Où se passera cette interview ? Et combien de temps nous reste t’il avant qu’elle commence ? » Un large sourire satisfait étire mes lèvres à la fin de cette seconde question et je la regarde s’avancer légèrement de moi sans pour autant franchir la limite que je m’étais donné. Pas encore. « Dans une salle d’interview, à deux pas d’ici. Il faut pas plus de deux minutes pour la rejoindre… » Mon ton est devenu davantage chaud et sensuel, c’est vraiment plus fort que moi je ne peux pas m’en empêcher. Je tends l’avant-bras pour venir chercher une mèche de ses cheveux avec laquelle je joue légèrement, juste pour occuper ma main au lieu qu’elle ne se perde ailleurs. « Il reste donc juste assez de temps pour se détendre… » Sourire feignant l’innocence, je m’approche d’elle, cherchant à sentir son souffle sur mes lèvres qui m’enivre. Mon coeur s’emballe, je suis incapable de penser à Cora, à ce foutu pacte avec moi-même que j’ai essayé de faire. Rayan semble être le point sensible de ma détermination. Je m’approche encore, à quelques centimètres à peine de ses lèvres que je rêve d’embrasser une nouvelle fois, mais quelques coups à la porte de mon bureau nous font nous arrêter en pleine course. Je plaque mon index sur les lèvres de la brune. J’entends la voix de mon assistant qui m’appelle, cherchant à avoir l’approbation de rentrer dans mon bureau. J’entends la porte qui s’ouvre et me penche totalement sur Rayan pour nous faire disparaître derrière le dossier du canapé qui se trouve être dos à la porte de mon bureau. Mon corps en quasi totalité sur celui de la brune, je reste aux aguets face aux bruits. « Mme Lewis il y a un investisseur qui cherche à vous joindre depuis tout à l’heure et… Mme Lewis ?.. » Il se résout finalement à refermer la porte et j’entends ses pas qui s’éloignent dans le couloir. « J’avais pas envie d’écourter ce moment… » que je lui dis en murmurant alors que mon index glisse sur ses lèvres que je rêve simplement d’embrasser…

Pourquoi est-ce que j’agis ainsi ? A jouer ce jeu dangereux de la séduction, me laissant entrainer par Eden et son attitude charmeuse. Je devrais être la voix de la raison, au moins une sur deux ça nous éviterait de faire une connerie… mais j’en suis incapable, c’est plus fort que moi et je rentre dans la danse sans même plus vraiment craindre la culpabilité qui suivra. Quelque chose a pris le dessus sur mes belles résolutions, la curiosité, l’envie, le goût du challenge, peu importe de quoi il s’agit finalement puisque le résultat est le même. Nous nous rapprochons petit à petit, tels deux aimants, la productrice initiant un contact la première en venant chercher une mèche de mes cheveux. C’est là que je devrais reculer, avant qu’il ne soit trop tard, mais ça l’est déjà, à en croire les battement de mon cœur qui s’accélèrent. Je hoche la tête, acquiesçant aux propos de la quadra, incapable de lui répondre autrement alors que je fonds à la chaleur de son timbre de voix. Je voulais qu’elle s’accroche à mes lèvres, guette mes mots avec avidité et voilà que je suis désormais obnubilée par les siennes qui se rapprochent. Nos souffles se mêlent, j’attends que ces quelques centimètres restant soient comblés, c’est à Eden de parcourir le chemin restant. Deux coups frappés à la porte, la voix de son assistant derrière le panneau de bois, c’est peut-être un signe, un coup de pouce du destin pour nous éviter une bêtise. Eden m’indique de me taire, son doigt se posant sur mes lèvres et l’instant d’après c’est tout son corps qui se penche vers moi, m’invitant à me dissimuler derrière le dossier du canapé. Je lève les yeux et souris, amusée par la situation, on dirait deux ados en train de flirter sans autorisation. J’ai envie de rire en entendant son pauvre assistant parler dans le vent avant de ressortir. L’attention de la productrice revient sur moi, elle m’explique son geste, justifie de n’avoir pas voulu couper ce moment. Ma main se glisse sur sa joue, je suis l’arrête de sa mâchoire du bout des doigts « Oui nous avons peu de temps pour me préparer au  mieux à cette interview… et que je sois détendue. » je frôle sa lèvre inférieure de mon pouce. Je ne ferais pas ce dernier geste vers elle, je n’irais pas chercher ses lèvres, pas cette fois. Je ne veux pas être celle qui cède, pourtant mon cœur bat si fort qu’à lui seul il pourrait me faire combler cette faible distance qui nous sépare encore. Mon regard reste fixé dans celui d’Eden, je résiste à son appel magnétique, me perdant dans l’azur de ses iris. Elle m’a jeté un sort. « Il faudrait que je sois mieux préparée à lutter contre ton charme. » mais elle n’est pas la mieux placée pour ça.

Rayan semble plus amusée par la situation qu’autre chose, et tant mieux d’ailleurs, je crois que j’aurai mal pris qu’elle me file entre les doigts. Cette fille peut s’avérer être un vrai poisson qui se faufile entre les mailles d’un filet quand elle veut. Mais je ne lui laisserai pas l’opportunité cette fois de fuir l’attirance que nous ressentons l’une pour l’autre. J’ai essayé, je crois qu’elle aussi, mais c’est beaucoup plus dur que ça n’y parait, et j’en ai marre de repousser cette envie d’aller vers elle et de la posséder. C’est plus fort que moi. Alors une fois la porte du bureau refermée, je tente de me canaliser encore quelques secondes, comme une sorte de défi personnel. « Oui nous avons peu de temps pour me préparer au  mieux à cette interview… et que je sois détendue. » Sa main glisse sur ma joue, son pouce vient frôler le bord de ma lèvres et je ferme les yeux un instant un peu plus long, mon souffle s’écourtant considérablement. Je penche la tête du côté de sa main comme pour accentuer le contact de nos épidermes. Je repousse le moment où je vais craquer, comme pour apprécier davantage ce moment de latence, de désir intense. « Il faudrait que je sois mieux préparée à lutter contre ton charme. » Un sourire étire mes lèvres et je réouvre les yeux, cette fois c’en est fini de cette résistance. Je réduis sans tarder la distance entre nos visages, m’emparant de sa bouche comme si j’en avais rêvé depuis des semaines. C’est peut-être le cas finalement. Un soupir de satisfaction s’extirpe de ma bouche sans pour autant lâcher la sienne. Un délivrance, voilà comment je ressens les choses actuellement. Mon coeur tambourine à tout va dans ma poitrine et cette boule de désir présente dans mon bas ventre grandit à mesure des secondes qui défilent. Ma langue cherche après la sienne, le baiser s’intensifie, trouvant écho fort heureusement. Je n’aurai pas autant apprécié l’embrasser sans qu’elle ne donne suite à cet acte. Mes mains cherchent le contact de son corps, de sa peau, ses cheveux, ses courbes divines qui me rendent folle depuis la première seconde où j’ai posé les yeux sur elle. Le démon du désir gronde en moi, je sais que nous n’avons le temps de rien, ou presque, et c’est Mme frustration qui fera bientôt son apparition. C’est dingue à quel point j’ai envie d’elle, de passer des nuits, des jours, des semaines à l’embrasser sans relâche. J’ai l’impression de n’avoir jamais ressenti ça avant elle, et je préfère encore ne pas trop y réfléchir. Ce n’est certainement pas le moment. Une de mes mains remonte sous son t-shirt, à même sa peau, ai niveau de sa taille, ses côtes, son ventre. Sa peau est incroyablement douce, ses lèvres enivrantes. « Je suis pas sûre que c’était une bonne idée… » dis-je finalement en lâchant ses lèvres pour dévier mes baisers ardents dans son cou, mordillant sa peau. « On a pas assez de temps… » La suspension est plutôt claire. J’ai envie d’elle, je crois que ça se sent, mais je vais devoir me résoudre encore une fois à laisser passer ma chance. Fait chier.