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Small talk at the bookstore [Einar & Emy]

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Small talk at the bookstore [Einar & Emy]
Mar 28 Aoû - 14:29
Mardi 28 août 2018

L’après-midi était bien entamée lorsqu’Emily quitta le studio de production, mais elle avait encore quelques heures devant elle avant le dîner. Elle ajusta la taille des lanières de son sac à dos, remit en place son t-shirt blanc au motif floral et coloré, vérifia que son téléphone était bien calé dans la poche de son short, et elle prit la direction de sa voiture.
Le ciel surplombant la cité des Anges était tout simplement radieux. Emily leva le nez vers l’étendue bleu clair, dépourvue de nuage, et elle ne retint pas un sourire joyeux alors que la chaleur du soleil venait réchauffer son âme.
La veille, elle avait commencé son nouveau travail. Elle s’était couchée tard pour s’occuper de diverses formalités administratives, peaufiner un plan de cours qu’elle avait envoyé à Prof. Greene à une heure tout à fait indécente, ajouter quelques corrections à un script que River avait retoqué…
Rien d’anormal pour une semaine de rentrée, pourrions-nous dire.
Elle s’habituait progressivement à sa nouvelle vie californienne, et pour l’instant, elle se contentait de savourer les nouvelles rencontres qui s’accumulaient et lui permettait de ne pas penser à la vie qu’elle avait laissé derrière elle ; un petit ami péruvien, une cuisine hispanique dont elle était devenue friande, une vie calme, et souvent dénuée de drame…

Elle n’avait, pour l’instant, pas l’esprit à la nostalgie. Elle avait sacrifié une partie de ses heures de sommeil dans un but bien précis : trouver un cadeau de remerciement à River.
Depuis son arrivée dans l’équipe de The Rift, Emily accumulait les bourdes ; du simple mot maladroit, au renversement d’un mug de café sur le brouillon d’un collègue, en passant par l’effondrement d’une étagère dans les archives du studio.
Sa réputation était faite ; et pour une raison qui lui échappait, celle qui l’avait recrutée la couvrait dans la plupart de ses bêtises ; y compris en ce moment, alors qu’elle l’évitait soigneusement depuis sa dernière maladresse par sms.
Emily vérifia l’heure une dernière fois, soupira, soulagée d’avoir fini sa journée, et démarra sa voiture pour conduire jusqu’au centre-ville. La route n’était pas très compliquée, la circulation pas trop dense, ce qui lui permit de passer en revue le bilan de ses discussions diverses avec les collègues.
Terri lui avait dit que River aimait fumer la pipe, tricoter, et collectionner les bernards l’hermite. Elle pouvait donc rejeter toutes ses propositions d’idées, consciente qu’il s’était simplement moqué d’elle, en espérant probablement qu’elle oserait faire un cadeau des plus idiots à l’artiste.
Amanda… l’avait faite fuir en trois secondes.
Luke avait simplement observé que River était assez secrète, sans être asociale, et qu’il ne l’avait jamais vraiment vue enthousiaste pour autre chose que son travail et son fils. Le bon vin, aussi, mais une bouteille de bon vin californien coûtait les yeux de la tête, et Emily avait un prêt étudiant sur les bras, et le crédit de sa voiture en prime.

Alors elle décida d’aller pour son idée d’origine : un livre.
Grande lectrice, Emily ne pouvait pas penser à un cadeau plus évident, aussi prit-elle la direction de la seule librairie qu’elle connaissait pour le moment, une boutique de taille raisonnable, à deux pâtés de maison de la salle de sport qu’elle fréquentait. L’enseigne attirait son œil à chaque fois qu’elle passait devant, généralement sans s’arrêter car elle était trop pressée d’aller chercher un latte bien chaud et bien sucré pour se récompenser de ses efforts.
Elle se gara d’un côté de la rue, préférant finir à pied pour profiter du temps clément de cette fin d’été. Cette fois-ci, elle passa devant le café sans s’arrêter, et alla tout droit vers la librairie.
Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre, vérifiant qu’elle ne reconnaissait pas un autre habitué.
Et puis elle poursuivit, un peu distraite par des sms et des emails un peu intempestifs.
La clochette sonna quand elle poussa la porte, rappelant les vieux magasins d’antan. Elle eut un sourire nostalgique, et prit un court instant pour observer les lieux.
Dissimulée dans un de ces bâtiments en brique rouge, la librairie ne payait pas de mine de l’extérieur. Toutefois, une odeur de livre usé et de parchemin flottait dans l’air. Immédiatement sur le côté se trouvait la caisse, où le libraire se tenait, accueillant ses clients avec un sourire. Emilie avisa un escalier qui s’enfonçait vers le sous-sol, et elle devina qu’une partie de la collection devait y être rangée. Un dédale d’étagères, classées harmonieusement, empêchait de vraiment deviner s’il y avait d’autres clients ou non.
Elle remarqua également un coin lecture, installé sur la droite, pour permettre aux parents de laisser leurs enfants jouer, ou aux intéressés de feuilleter quelques livres pour les aider dans leur prise de décision.
« C’est une belle boutique que vous avez là, » observa-t-elle poliment à l’adresse du libraire, qui la remercia chaleureusement, en l’invitant à explorer les rayons.

Sans se faire prier, Emily disparut entre les livres.
Combien de temps passa ?
Impossible à dire.
La jeune femme pouvait passer des heures dans les librairies. Elle s’arrêta devant les livres anciens, pour le seul plaisir de les ouvrir, d’admirer des enluminures démodées, une calligraphie sophistiquée, lire des textes écrits dans un anglais archaïque qui l’amusait. Puis elle s’avança vers les recueils de poésie, d’humeur étrangement fleur bleue ces derniers temps. Elle ne s’arrêta pas devant les noms qu’elle ne connaissait trop bien ; Keats, Yates, Whitman, Emerson, Dickinson… Elle les avait lus pendant son adolescence, et n’éprouvait aucun besoin de revenir à ces textes.
Elle entendit la clochette quelques fois, alors que d’autres clients allaient et venaient.
Dissimulée entre deux étagères, elle ne se souciait pas vraiment des autres clients.
Elle décida, au bout d’un long moment, d’aller fouiller dans les romans, les romans policiers en particulier, emportant deux recueils de poésie sous le bras.
Elle aperçut alors un homme d’une haute stature, blond, qui lui était familier.
Elle se pencha un peu en avant pour voir son visage, et une fois qu’elle eut confirmation, elle se racla la gorge pour attirer son attention.
« Bonjour, » le salua-t-elle poliment, un sourire dans la voix. « C’est une drôle de coïncidence de vous croiser ici, » observa-t-elle.
Car cet homme n’était rien de plus qu’une connaissance lointaine.
Le destin ne cessait de les faire se rentrer dedans, au hasard, dans les cafés qu’ils fréquentaient – pas toujours le même, d’ailleurs, ce qui rendait ces rencontres d’autant plus amusantes.
« Je vais finir par croire que le destin veut vraiment que nous apprenions à nous connaître, » plaisanta-t-elle, avant de froncer les sourcils, faussement suspicieuse. « A moins que vous ne soyez un stalker ? Ou un tueur en série ? » Elle retint mal un rire amusé, avant d’attraper son téléphone. « Laissez-moi prévenir ma colocataire d’envoyer le FBI retrouver mon corps si elle n’a pas de nouvelles dans les deux heures ! »
Enfin, elle plaisantait, elle plaisantait ; mais elle aurait l’air bien bête s’il était réellement un meurtrier.
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Small talk at the bookstore [Einar & Emy]
Dim 16 Sep - 17:40

Small talk at the bookstore.


Les yeux examinant avec minutie les étagères remplies d’ouvrages de toutes formes et tout âge, certains d’occasion, d’autres flambant neufs, Einar cherchait le déclic, ce petit truc en plus qui lui donnerait envie de voir plus qu’un titre et le nom d’un auteur sur le dos d’un bouquin, de lire le résumé et peut-être s’aventurer à se laisser séduire par les premières pages. Il porta pensivement son café à ses lèvres, un peu perplexe face à son propre manque d’entrain alors qu’il s’acharnait à chercher ce sentiment qui lui ferait tendre les doigts vers un livre en particulier. Le gérant lui avait soufflé que cela ne le dérangeait pas qu’il vienne armé de sa boisson préférée tant que les accidents de type éclaboussures voire suicide de tasse sur le sol (ou pire, un livre) étaient évités, l’Islandais préférant s’enquérir tout d’abord auprès de lui que cela ne l’ennuyait pas qu’il entre dans la petite boutique atypique avec sa dose de caféine forte.
Qu’est-ce qu’il faisait là, déjà ?
Ah oui, il avait épuisé son stock de livres à lire dans les rares moments où il n’avait pas la tête dans la cuisine, le sport ou l’affaire qu’il aurait dû lâcher parce qu’elle lui avait coûté son badge. Et l’ennui demeurait le pire des partenaires. Il pensait trop (ou pas assez), ce qui le plongeait généralement dans le noir (au sens propre comme figuré du terme) quand cela ne le poussait pas à aller s’épuiser en nageant ou jusque dans les clubs ou les bars à la recherche d’un peu de chaleur humaine, de la vie qui semblait ne plus flamber en lui. Et il réalisait alors à quel point il partait à la dérive. A quel point il se trouvait loin du rivage à présent, empêtré, prisonnier des eaux sombres dans lesquelles il s’était lui-même immergé bien avant qu’il ne doive rendre badge et arme de service pour un temps indéterminé. Chaque jour s’apparentait à une bataille comme lui-même, avec ces quelques moments où le combat s’apaisait, que ce soit parce que l’eau l’engloutissait tout entier, parce qu’il s’oubliait contre la peau d’un.e amant.e éphémère, parce qu’il enterrait son esprit et son imagination dans des histoires policières aux réalités si lointaines ou parce qu’il trouvait assez de courage en lui pour continuer de mentir au nez de tous ses proches en acceptant leurs invitations et en en faisant lui-même, comme pour préserver un minimum de vie sociale, un semblant de normalité, quelque chose de sain dans sa vie.  
Il était mauvais à cela.
A juste vivre comme un civil, sans les obligations et responsabilités d’un officier de l’ordre, sans respirer au rythme des appels qui faisaient vibrer son téléphone ou grésiller sa radio, sans avoir ces puzzles auxquels penser, sans cesse ajouter de nouveaux éléments, dans le but de trouver des coupables, de résoudre des crimes.
He sucked at this. At just beging Einar –and not ‘Detective’.
Un énième soupir à fendre l’âme passa la barrière fragile de ses lèvres, alors qu’il tentait de se concentrer de nouveau sur l’instant présent. Ne pas trop s’égarer dans ses pensées. Rester attacher au maintenant, au monde qui l’entourait, qui évoluait sans se soucier de sa carcasse comme figée, gelée sur place. Incapable d’avancer ; trop prompt à reculer. Tétanisé dans  le temps, comme si quelque part, les aiguilles avaient cessé de tourner pour lui. Le gardant dans ce bureau, à l’instant où il avait remis insigne et arme de service à son lieutenant, près d’un mois plus tôt.

Peut-être qu’il aurait pu juste rentrer à la maison.
S’enfermer dans son bureau reconverti en salle d’investigation, les murs punaisés de dizaines de photos, rapports, post-it, visages et lieux, et réfléchir encore. A ce qu’il avait manqué ; à ce qu’il aurait pu faire. Aux pistes mille fois empruntées pour toujours finir sur une dead end. A d’autres idées peut-être –même s’il fallait se rendre à l’évidence, sans nouveaux éléments, il avait juste épuisé toutes les possibilités auxquelles il avait pu songer.
Ses doigts se crispèrent légèrement sur sa tasse, à la fois de frustration et de colère.
Non, il n’allait pas abandonner.
Ni l’affaire.
Ni sa recherche du bouquin qui saurait mettre l’ennui au tapis.
Il se décida finalement à s’emparer d’un ouvrage au hasard comme le coup de foudre magique se faisait attendre et commençait à user sa patience et faire gronder sa frustration. Une histoire apparemment adaptée en série, certainement populaire. Donc potentiellement intéressante –ou, au contraire, à oublier. Il se laissait happer par les lettres imprimées au dos qui détaillaient les prémices d’une intrigue basée sur un agent infiltré, lorsqu’un raclement de gorge appuyé l’arracha à sa lecture. Surpris, il redressa aussitôt la tête, son regard tombant sur une femme qu’il avait croisée de nombreuses fois dans divers temples du café –celle qui avait un penchant certain pour le latte et qu’il avait parfois entraperçue occupée à écrire. Un sourire amical gagna ses lèvres alors qu’il notait les ouvrages qu’elle avait dans les bras -difficile de dire de quel genre il s’agissait, mais il était définitivement intrigué.

« Bonjour. »

Ils n’avaient jamais beaucoup échangé –sauf peut-être quand elle avait écopé de son café serré et lui de son latte dans un échange involontaire dont leurs papilles se souvenaient certainement encore. Mais il sentit ses traits s’adoucir et il ne put s’empêcher de laisser échapper un soupir amusé à sa remarque. Ils ne se connaissaient pas, et pourtant, Einar l’appréciait sans avoir véritablement besoin de plus que ce qu’ils partageaient déjà –des rencontres hasardeuses au gré des besoins de caféine qui rythmaient leurs quotidiens.

« On est loin de notre zone de confort habituelle, c’est vrai. » confirma-t-il.

Il ne s’attendait pas vraiment à sa remarque suivante, mais suivit le train de ses pensées avec un amusement sincère, une expression ouverte sur les traits et les yeux pétillant de malice rivés sur le visage aux émotions si claires de son interlocutrice. De l’amusement à une suspicion marquée puis des doutes plus prononcés, qui se teintèrent d’une angoisse jouée avec un talent d’actrice rafraichissant. Une conversation dont la légèreté le projeta loin de ses tourments amers.

« Mince, vous m’avez découvert, je crois, grimaça-t-il, faussement abattu par l’idée. Maintenant, il va vraiment falloir que je vous fasse disparaitre, c’est dommage… »

Il se renferma quelques instants, plus pour appuyer ses mensonges que pour lui faire peur, avant de briser ce semblant de charme d’un sourire bienveillant.

« Un conseil, si vous pensez un jour être en compagnie d’un tueur ou d’une personne qui pourrait vous vouloir du mal, il vaut mieux ne pas le dire à voix haute, plaisanta-t-il à moitié. Je suis certain qu’il doit bien y avoir quelques conseils pour faire face à ce genre de situations dans toute cette littérature policière. » émit-il en jetant un regard à l’immense rayon qui s’étalait devant eux.

Son attention s’amouracha pourtant bien vite de la femme qui se tenait à ses côtés, délaissant les ouvrages qui s’entassaient sur les étagères, serrés les uns contre les autres.

« Mais vous avez beaucoup d’imagination. » appréçia-t-il d’un ton léger.

Et cela pouvait toujours être utile, dans n’importe quel genre de situations.
Ce qu’il ne s’aventura pas à lui révéler.

« Et je crois qu’il serait très malvenu de contrarier le destin, avança-t-il avec un sérieux trop prononcé, l’éclat dans ses prunelles en totale contradiction avec le timbre si posé de sa voix. Einar, enchanté, se présenta-t-il poliment, avec chaleur. Vous avez trouvé votre bonheur ? C’est un endroit assez impressionnant, vous ne trouvez pas ? »

Intrigué par l’inconnue au latte, il l’avait toujours été, et sa curiosité ébréchée, il ne pouvait s’empêcher de poursuivre la conversation qu’elle avait si spontanément engagée, appréciant son esprit et son imagination surprenante.

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Small talk at the bookstore [Einar & Emy]
Ven 12 Oct - 15:45
Emily n’avait aucune raison d’échanger avec cet inconnu, et pourtant, elle était particulièrement contente de le croiser dans un environnement différent de celui de leurs rencontres habituelles. Elle retenait ses livres contre sa poitrine, ce qui donnait l’impression qu’elle se protégeait derrière un bouclier imaginaire ; cependant, elle ne se méfiait pas une seconde de cet homme entre deux âges, aux traits marqués par la vie et au ton calme. Peut-être était-ce précisément ce ton, cette voix grave et posée qui attirait la confiance spontanée d’Emily.
En tout cas, le sourire amical de l’homme n’incitait pas l’aspirante écrivain à la réserve. Sa candeur naturelle se dévoilait derrière un regard d’une clarté joyeuse. Elle eut un très court instant de doute quand il parla de la faire disparaître. Son expression fermée était aussi convaincante que la bienveillance de son sourire. A vrai dire, elle allait de paire avec la ride creusée entre ses sourcils, avec la rigidité de sa posture, commune chez les personnes travaillant dans la loi ou dans l’armée.
Heureusement, la supercherie cessa suffisamment vite pour que le doute ne fasse qu’effleurer un esprit à l’imagination prolifique. Après River et la Triade Chinoise, nul doute qu’elle aurait déjà associé le blond aux traits durs au KGB, inventerait un scénario élucubrant sur les raisons pour lesquelles il pourrait pourchasser une pauvre doctorante en écriture créative.

Elle répondit au conseil d’un rire gêné, soutenu d’un regard brillant. Elle appréciait qu’il joue le jeu et ne s’offense pas de sa maladroite entrée en matière ; elle aimait moins s’imaginer en présence d’un véritable tueur en série. L’idée lui faisait plus froid dans le dos qu’elle n’oserait l’avouer, malgré sa propension à créer des histoires parfois assez glauques sur le passé secret des personnes qu’elle rencontrait.
Elle suivit le regard de son interlocuteur vers les romans étalés face à lui.
« Vous avez certainement raison, » appuya-t-elle avec une politesse chaleureuse, toujours enjouée.
Elle ne devinait pas qu’elle était face à un policier de carrière dont les conseils seraient plus utiles ; par contre elle connaissait le contenu de certains des ouvrages, principalement des enquêtes qui mettaient en avant les erreurs les plus communes des victimes, les moyens de défense des enquêteurs.
En l’occurrence, le scénario d’un homme blond autour de la quarantaine sympathisant avec une jeune femme un peu trop naïve apparaitrait comme le parfait scénario d’une romance ou d’un thriller à couper le souffle. Emily eut une moue à cette idée, chassée par un léger rougissement de son visage au commentaire sur son imagination.
Au moins, cela permit de la ramener les pieds sur terre.

« Emily, ravie de vous rencontrer, » répondit-elle aux présentations. Elle ne réalisa qu’après avoir parlé l’absurdité de sa formulation puisqu’ils n’en étaient pas à leur première rencontre. Ses joues chauffèrent à nouveau et elle se maudit intérieurement d’une telle gêne. Habituée des bévues, il était idiot qu’elle continue de s’en formaliser ; depuis le temps, elle savait qu’au mieux, cela amusait les gens autour d’elle, au pire, ils la prenaient pour une gentille idiote.
Elle baissa la tête vers les livres qu’elle tenait, profitant de l’issue qu’Einar lui proposait avec le sujet de ses achats. Elle décolla les deux ouvrages de contre son sein. La couverture du livre sur le dessus représentait deux corps d’hommes bedonnants, dépourvus de tête, habillés de costumes trois pièce jaunâtres et échangeant une poignée de main ; le titre The Lunatic surplombait le dessin en gros caractère, aisément lisible. La même police de caractère imprimait le nom de l’auteur sous les dessins aux tons sépias : Charles Simic, lauréat du Prix Pulitzer deux décades plus tôt.
Elle releva la tête vers le visage avenant d’Einar et hocha la tête en confirmation de son propos.
« Oui, c’est une boutique superbe, » confirma-t-elle en balayant les étagères du regard, les couvertures aux couleurs et aux motifs variés. « C’est l’endroit parfait pour nourrir une imagination déjà prolifique, » plaisanta-t-elle avec bienveillance, en réponse au commentaire qu’il lui avait fait précédemment, « ou pour une doctorante en écriture créative. »
La plume de tout bon écrivain nécessitait un goût premier pour la lecture et la recherche d’une inspiration sans fin dans les mots imprimés, tout du moins était-ce ce qu’Emily pensait. C’était ce qui la poussait à faire des sauts réguliers à la librairie et à la bibliothèque. Elle trouvait un réconfort certain dans les récits d’autres.
Elle en trouvait également dans les rencontres de bonne fortune qui parsemaient sa vie.
« Je venais simplement pour jeter un œil, je n’étais jamais venue avant, mais finalement la tentation a été trop forte, j’ai craqué pour deux livres, » poursuivit-elle naturellement.
Elle s’adressait déjà à Einar comme s’il était une vieille connaissance, une personne que l’on ne voit pas forcément régulièrement mais que l’on retrouve toujours avec plaisir, avec qui on échange toujours quelques paroles agréables qui persisteront plus tard dans la mémoire comme un moment de bonheur simple, ramenant un sourire sur un visage terne grâce à la seule légèreté du souvenir.
Elle écarta le recueil de Simic pour montrer la couverture du second à l’homme : une première de couverture blanche, illustrée de la photo d’une capuche grise, assortie du titre du recueil – Citizen : An American Lyric.
« Celui-ci est un recueil de poème de Claudia Rankine. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler – c’est une auteure Américaine d’origine Jamaïcaine, qui a fait ses études aux Etats-Unis. Ce sont des poèmes en prose, de très beaux poèmes si j’ose dire même. Ce recueil traite spécifiquement des tensions raciales dans le pays. »
En même temps qu’elle parlait, Emily tendit l’ouvrage à Einar, l’invitait silencieusement à feuilleter l’ouvrage si cela l’intéressait – peut-être n’en avait-il rien à faire, peut-être serait-il intéressé. Dans tous les cas, maintenant que sa bavardise naturelle était lancée, elle n’avait aucune raison de s’arrêter.
« Je trouve que les poétesses – les auteurs femmes en général même – ne sont pas toujours assez visibles dans l’histoire littéraire alors… », elle haussa les épaules sans terminer son idée, trop évidente, et continua après une courte pause, « Et Charles Simic… est simplement Charles Simic. J’aime sa poésie, ses poèmes sont courts, c’est parfait pour une pause entre deux cours ou au travail. »
Elle présumait que Simic était plus familier à Einar – parce que l’auteur était plus âgé et que sa renommée datait de plus longtemps ; elle n’avait aucune idée de la culture littéraire de son nouveau compagnon et réalisait que ses suppositions pouvaient être erronées.
Il la corrigerait ou l’interrogerait si nécessaire, probablement.

Ceci étant dit, la présence d’Einar au rayon policier laissait supposer qu’il n’était pas forcément féru de littérature en général. Emily avait beau faire preuve d’ouverture d’esprit, elle avait ses propres préjugés, surtout sur les questions littéraires. De tous les genres littéraires, le thriller était clairement le plus abordable pour un néophyte ou une personne trop occupée par son activité professionnelle. Les actions rapides rendaient la lecture fluide, le suspens gardait le lecteur en haleine sans le distraire par des réflexions philosophiques ou des descriptions à rallonge à but métaphysique.
« Enfin, je suis un peu trop bavarde, j’espère que ça ne vous dérange pas. Vous veniez chercher un livre en particulier dans ce rayon ? » interrogea-t-elle alors, offrant à son interlocuteur – ou plutôt au destinataire de sa logorrhée habituelle – une échappatoire à une discussion sur la littérature. Elle tourna son attention vers les livres étalés, comme si elle pouvait deviner quel titre attirerait davantage un grand homme aux airs slaves. Un thriller suédois ? Une intrigue japonaise ? Un roman noir, bien ancré dans la culture américaine ? Elle ne parvenait à trancher. Le prénom aux consonnances étrangères et l’absence d’accent étranger l’empêchait de trouver une réponse satisfaisante à son interrogation silencieuse. « Si vous êtes adeptes de littérature policière, je doute que la poésie vous intéresse beaucoup… » observa-t-elle, la mine désolée. « Vous m’avez l’air d’un homme qui aime l’efficacité, je suppose que vous n’êtes pas vraiment porté sur la littérature fleurie et les vers alambiqués. »
Elle s’exprimait toujours avec cette gentillesse de fond, reflet d’une âme bien née, aux valeurs morales solidement enracinées. Elle portait sur Einar le même regard que sur le reste du monde : un regard emprunt d’une douceur innocente, tant qu’on ne lui avait pas prouvé qu’elle avait tort de s’ouvrir aux autres.
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