La musique coulait dans le sang de Rüen, et ce, depuis toujours. Fille d’un grand chanteur, comment aurait-il pu en être autrement ? Et bien que ce fut sa sœur (son frère désormais) qui avait hérité de la carrière, pendant un temps, de musicienne, s’envolant dans divers endroits afin de donner de grands shows avec son groupe, Rüen n’était pas à plaindre, ayant eu maintes fois l’occasion de danser, de chanter, de jouer avec ses amis. Elle n’était peut-être pas aussi douée que son père, ou son frère, mais la musique et elle, c’était la véritable histoire d’amour. Bien loin de celles, invraisemblables, qu’elle vivait. Parce que le véritable amour, c’était une illusion, un mensonge joliment enrobé. Elle ne pouvait pas y croire. Sauf en la musique. L’amour n’existait pas entre deux personnes. Il ne pouvait exister qu’entre une personne et une passion, entre une danseuse et ses mouvements, entre une chanteuse et sa voix, entre n’importe qui, et ce qui lui permettait de se lever chaque matin. La musique, c’était la vraie histoire. Et jamais la jeune Stevens ne manquait une occasion telle que celle qui s’était présentée à elle. L’occasion de partir s’amuser, à plusieurs miles de Los Angeles, lors d’un festival de musique. Oh, ce n’était certes pas grand-chose, et peut-être que l’appellation « festival » était un peu exagérée, mais c’était sympa. D’autant plus que pour les vacances, l’équipe faisait un break, autant les joueurs que les cheerleaders et le reste du staff. Alors autant en profiter.
Elle venait tout juste d’arriver, habillée d’un manteau bien chaud, d’un jean moulant, d’une petite polaire rose aussi mignonne que chaude, son regard braqué sur la foule, son sac à main perché sur son épaule. Elle entendait déjà les musiques. Les gens s’amusaient. Jouaient. Dansaient. Ecoutaient. Il y avait toutes sortes d’instruments, des plus « classiques » aux plus « originaux ». C’était magique. Et au fur et à mesure que la jeune Stevens s’avançait, découvrait, elle se sentait vivre diverses aventures. La musique était là pour ça. La musique transportait l’âme. Et pouvoir voyager sur les notes était, à son sens, un rêve incroyable. Que la musique soit plus classique, et aide au voyage de l’esprit avec des notes douces, ou que la musique soit plus brutale, et téléporte le cœur dans divers endroits, la musique avait ce pouvoir qui fascinait Rüen. Tellement qu’elle ne faisait même plus attention à ce qu’il se passait, ni même à cet attroupement qui apparaissait devant elle. Elle faillit rentrer dans quelqu’un, et ne s’en aperçut qu’au dernier moment. Elle allait s’excuser, lorsqu’elle vit ce pourquoi cette petite foule s’était rassemblée. Une femme. Une femme, au milieu de tout le monde. Une femme qui dansait, et hypnotisait chacun, chacune. Elle était belle. Sublime. Et sa danse. Elle était souple, douce. Elle bougeait comme si la musique lui appartenait. Comme si elle avait le pouvoir de lire entre les lignes, pour alors laisser son corps se tordre et se mouvoir. C’était beau. Si beau que Rüen s’avança. Cassant le cercle des personnes spectatrices, elle lâcha son manteau, elle lâcha son sac, et regarda la danseuse avec envie. Cette femme devait absolument finir entre ses draps. Et surtout, cette femme devait absolument continuer à exciter la jeune femme, avec ses mouvements. Mouvements que Rüen commença à retenir. Mouvements qu’elle connaissait, pour certains. QU’elle apprenait pour d’autres. Mouvements qu’elle commença à imiter. Pour une ex danseuse telle qu’elle, ce n’était pas si compliqué. DU moins, la plupart du temps. Elle devait bien avouer que cette artiste était bien plus efficace et forte qu’elle.
Et lorsque la danse fut terminée, et que les spectateurs applaudirent, avant de bouger, la jeune Stevens se tourna vers la danseuse qu’elle avait accompagnée, avant de tendre sa main droite, sur laquelle reposait deux bagues, une sur l’index, une sur le majeur, avant de dire dans un grand sourire bien charmeur : Enchantée. Je suis Rüen. Et vous êtes merveilleuse. Comment vous appelez vous ?
Ce n’était pas encore le moment de rentrer, il était rare qu’elle puisse songer à pareille chose, mais une petite voix s’était manifestée dans son esprit et elle n’avait pas souhaité l’ignorer. Alors la voilà qui acceptait l’invitation d’une amie d’enfance pour s’envoler loin de la ville des Anges pour se perdre dans la cambrousse. Un festival qui envoyait du lourd selon Jack, elle n’avait pas intérêt à se tromper, Ohana voulait se changer les idées et surtout avoir une bonne raison de ne pas retrouver ses colocataires à la date prévue. Certes elle n’avait jamais spécifié de date de retour mais elle ne voulait pas tarder non plus. Bref tout ça pour dire qu’elle était actuellement en train de se perdre dans une foule d’inconnus vêtue d’un bonnet, écharpe et l’arsenal contre le rhume. Les gens chantaient et discutaient autour d’elle dans une ambiance qui l’amusait. Ce n’était pas l’enfer des drogues et de l’alcool, mais des rencontres et de la passion musicale. La mélodie vint la rencontrer et elle l’accueillit avec plaisir, se laissant aller au rythme envoûtant pour enfin se retrouver à danser parmi la foule. Son voyage sur la petite île lui avait fait découvrir des parties d’elle qu’elle avait ignoré encore à ce jour et qu’elle embrassait avec joie. Les souvenirs étaient si bons, si délicieux à penser. Elle s’imaginait déjà emmener les filles au prochain été.
On la rejoignit dans sa danse sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, après tout c’était à peine si elle avait remarqué les vingtaines paires d’yeux sur sa silhouette. Certes elle dansait au cabaret, avait un passé de danseuse professionnelle mais de là à envouter une petite foule, il y avait de quoi se poser des questions. Le rythme changea et son souffle se calma dans sa poitrine. Remettant une dread derrière son oreille, elle posa son regard brillant sur l’inconnue. Elle n’était pas désagréable à regarder et dégager une énergie qui promettait. Ohana lui serra la main sans hésitation et lui rendit son sourire. “Enchantée, Ohana.” répondit-elle avant de pointer le sac du doigt. “T’as pas peur qu’on te le vole, c’est pas le monde des bisounours.” Elle libéra ses doigts de cette étreinte mais ne s’éloigne pas pour autant. Après tout, elle était ici pour s’amuser et prendre du bon temps.
Cette femme était décidément bien belle, et il aurait été un crime de ne pas lui faire du rentre dedans. C’était bien ce que comptait faire la cheerleader, puisqu’elle s’imaginait déjà la faisant ployer dans un lit. Mais avant tout, elle voulait la connaitre. Bien entendu, coucher sans rien connaitre de quelqu’un n’était pas un problème – il fallait juste réussir à amener cette personne à dévoiler son intimité –, mais connaitre la personne rendait la chose tellement plus belle. D’autant que Rüen n’était pas prétentieuse. Elle savait qu’elle n’était pas non plus une sirène hypnotisante réussissant à coucher avec n’importe qui. Donc si, au moins, elle pouvait se lier d’amitié avec la fameuse Ohana, c’était ça de gagné. Alors qu’elles se serraient la main, et qu’elle apprenait justement le prénom de la danseuse, Rüen sourit, tout en ajoutant C’est un beau prénom ça. Aussi beau que celle qui le porte. Elle sourit. Rüen n’y allait pas vraiment par quatre chemins, et n’hésitait pas à le dire lorsqu’une personne lui plaisait. Elle sourit, tout en sentant cette main s’éclipser, presque à regrets, tandis que la belle lui montrait son sac et son manteau, l’avertissant qu’ils pourraient être volés. Rüen eut un petit gloussement, et fit un clin d’œil à Ohana après avoir dit : Oh, on peut toujours essayer. Mais je doute que le voleur s’en tire. Elle éclata même de rire, tout en attrapant justement ses affaires, remettant manteau sur les épaules, et sac à sa place. Mais sinon, j’ai jamais eu de problème avec ça. J’ai déjà entendu parler par quelques amies de voleurs trainant dans les festivals, mais jamais expérimenté. Elle sourit, avant de proposer à la danseuse : Je peux te proposer un verre ? Rien de bien méchant, mais ils en vendent là-bas, et faire plus ample connaissance me tente bien. Et un autre clin d’œil. Tant qu’on ne lui disait pas stop, elle ne savait pas s’arrêter. Après tout, tant qu’il y avait des chances, pourquoi ne pas continuer ? D’autant plus que la danseuse était un vrai canon, avec ses dreads qui éblouissaient le regard de la Stevens. Certes, Rüen n’était pas en reste, niveau coupe, adorant ses mèches roses, qui la faisaient généralement sortir du lot. Mais elle aurait bien aimé pouvoir se faire des belles dreads, aussi. Malheureusement, ses cheveux n’étaient pas faits pour ça. Dommage.
Alors qu’elle emmenait Ohana auprès du vendeur de boissons, elle prit une bière, tout en demandant à celle qui l’accompagnait ce qu’elle voulait. Après tout, la Stevens s’était engagée à payer pour elle. Et elle comptait tenir sa promesse. Elle lui en aurait bien fait une autre, d’ailleurs, mais elle attendrait d’avoir l’intimité requise pour ça. C’est la première fois que tu viens ici ? demanda la cheerleader, une fois les boissons obtenues. Moi, c’est la première fois. Même si ce n’est pas la première fois dans un festival de musique. Mais j’aime beaucoup. Peut-être que je préfère ceux organisés l’été, mais bon. J’ai toujours aimé la musique, alors je ne peux pas vraiment résister à la tentation d’aller jeter un œil. Je ne suis pas déçue. Je ne pensais pas rencontrer une telle beauté, néanmoins. Elle lui adressa un regard équivoque, et leva sa bouteille de bière dans la direction de la danseuse. A la tienne ! Au fait, où as-tu appris à danser comme ça ? Parce que c’était vraiment incroyable. Et puis, si elle parvenait à la mettre dans son lit, une personne aussi souple allait lui apporter bien des plaisirs.
Elle était confiante cette inconnue et inspirait une curiosité chez Ohana. Elle était naturellement fouineuse et cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pu mettre en application sa soif d’informations. Certes il n’allait pas être question d’un interrogatoire où elle lui braquerait une lampe dans les yeux, loin de là, mais si elle pouvait glaner quelques infos elle ne dirait pas non. Elle lui rendit son sourire et dut se mordre l’intérieur de la lèvre pour ne pas rire face à cette tentative de séduction. Clairement celle qui lui faisait face ne souhaitait pas dormir seule dans sa tente ce soir. Ohana était suffisamment habituée aux festivals pour reconnaître le comportement de certains et certaines. Y’avait jamais rien d’innocent dans ce genre d’évènements. « Merci, on me le dit souvent. » rétorqua-t-elle en la regardant récupérer ses affaires. C’était drôle, ça lui rappelait étrangement cette fois où elle avait bondi sur le dos d’un homme qui avait cru juger bon de lui dérober sa petite amie. Ze… Ne pas y penser. « Avec plaisir pour le verre, l’alcool réchauffe et je commence à avoir froid. » Fallait pas déconner sur ça, elle avait beau avoir le sang chaud et venir des îles, c’était pas non plus un radiateur vivant.
Ohana se passa une main dans les cheveux et suivit l’inconnue aux cheveux roses parmi la marée humaine. Elle esquivait les personnes déchaînées avec aisance comme un poisson dans l’eau, offrant quelques sourires d’excuses à ceux qu’elle manquait de bousculer. Elle était polie, toujours sauf quand on venait la titiller dans son jardin secret. Il lui arrivait certes parfois d’être violente mais voilà bien des semaines qu’elle faisait attention à ses moindres faits et gestes, être en présence d’enfants pendant des mois entiers avaient fait d’elle un bisounours. Elle commanda également une bière et se saisit de la bouteille avec un soupir de soulagement. Le verre était peut-être froid mais le breuvage allait lui réchauffer quelque peu les entrailles. Elle s’appuya contre le stand, pencha la tête sur le côté pour observer plus en détail cette fameuse Ruën. Ca faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas partagé ses draps avec une danseuse.
« Il y a toujours des surprises dans les festivals » commença-t-elle en buvant une gorgée. « Je suis une habituée de n’importe quel type de festivals. Je travaillais pour une agence de mannequinat et on m’envoyait recruter des filles dans ce genre d’évènements. » Bordel elle avait l’impression que ce métier remontait à des années et pourtant seulement un an s’était écoulé. « Maintenant j’ai repris mon boulot de danseuse dans un cabaret. » Elle lui offrit un clin d’œil. « Et toi ? Tu fais quoi dans la vie à part draguer de jolies filles ? » Elle était taquine Ohana et ça depuis toujours.
Accueil 
Sam 22 Déc - 18:04