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Singing after a very special bird [Lynn & June]

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Singing after a very special bird [Lynn & June]
Mer 26 Sep - 23:13
Mercredi 26 Septembre 2018

Dans le calme de l’appartement, un accord de guitare, une arpège.
La douleur étouffée d’un Do septième majeur coule vers un La septième mineur, éclat plus vif, révolte énergique contre une mélancolie qui se sent toujours ; puis apparaît le Si septième mineur, brillant, étincelle vers un renouveau de joie, de vie.
Et puis les septièmes disparaissent, des accords plus doux remplacent la mélancolie.
La voix s’élève, lente comme un matin de paresse, profonde, mesurée.
Elle s’interrompt après quelques phrases.
Contrariée, June attrapa le carnet posé sur la table basse, griffonna par-dessus un mot qui sonnait faux, une rime mal rythmée venue briser le cours de sa prose.

Elle aimait venir à l’appartement pour travailler ses paroles et sa musique. Il s’agissait de son sanctuaire, un jardin dissimulé aux influences extérieures. Les murs gris clair, neutres, tendaient à l’apaiser. Les deux canapés avaient vu leur lot d’invités, parfois une amie en larme, parfois une aventure de passage, trop succincte pour survivre jusqu’à la chambre ; souvent, une tendresse coupable, partagée entre disputes récurrentes et amour suffocant.
Pour l’instant, seule la table basse en bois blanc était occupée, non seulement par le carnet de la musicienne mais aussi par un verre d’eau, un cendrier dans lequel une cigarette avait été oubliée, ainsi que quelques magazines people, datés du mois.
Le téléphone de June sonna, interrompant sa session. Elle décrocha, répondit plus sèchement qu’elle n’aurait voulu tandis qu’elle allait remettre la guitare sur son support, dans un coin du salon.
« Je suis désolé de vous déranger, Ms Stewart, mais la direction du studio m’a demandé de vous rappeler pour vérifier que tout était au point pour l’interview de la semaine prochaine… »
June leva les yeux au ciel mais quitta le salon pour les murs blancs et les meubles nacrés d’une cuisine qui ne servait pas souvent. Elle attrapa son sac, abandonné plus tôt sur l’îlot central, en sortit un autre carnet – un carnet lui servait pour tout ce qui était administratif – et elle prit des notes en écoutant son assistant, s’agaça de temps en temps, tantôt contre lui, tantôt contre les journalistes et leurs questions idiotes.
Pourquoi fallait-il toujours qu’on l’interroge sur son statut amoureux quand elle voulait simplement parler de sa musique ou de son investissement politique ?
L’entretien s’éternisa, June finit par perdre patience.
« Ecoute, je sais gérer une interview, c’est pas ma première fois. Si la direction revient te faire chier pour que je sois « prête », tu leur dis que ma grande gueule me fait faire la Une tous les mois, et que ça fait partie de mon personnage public. »
Elle claqua de la langue avec agacement quand John essaya de protester et finit par écourter la discussion. Elle raccrocha avec humeur, reposa le téléphone sur l’îlot central dans un claquement sonore.
Les interviews, les apparences publiques, les intrusions perpétuelles des journalistes, des paparazzis… Tout cela pesait plus à la trentenaire que certaines des difficultés qu’elle avait affrontées dans sa vie. D’autant plus qu’on lui demandait toujours les mêmes choses : Qu’est-ce que ça fait d’être l’une des rares femmes ayant réussi dans le milieu du rap ? Et votre prochain album ? Et comment gérez vous vos relations amoureuses et votre succès ? Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes noires qui essayent de réussir aussi ?
Noire et fière, femme et fière, elle n’en était pas moins musicienne et fière avant tout le reste.
Elle claqua à nouveau de la langue, énervée.
Ses pensées se tournèrent alors tout naturellement vers Lynn.
Elle aimait à trouver le réconfort de ses bras quand elle était énervée ; un réconfort dont elle était privée depuis trop longtemps à son goût.
Un réconfort restreint par un anneau d’argent.
Elle a envie de la voir.
Il était à peine 15h, l’après-midi n’était pas trop avancé, elle avait peut-être une chance de la trouver à son bureau.
Alors elle enfila sa veste en jean souplement, se saisit de ses clefs de voiture et quitta son refuge momentané pour aller en chercher un autre, un refuge aux teintes plus sombres et au parfum plus épicé.

Lorsqu’elle arriva à l’entrée du bureau de la détective privée, June caressa du regard le nom écrit sur la plaque : Lynn Ainsworth.
Lynn, prénom de l’être aimée, pétale de rose qui roulait sur sa langue, léger comme les débuts de leur amour.
Ainsworth, un nom sifflant la trahison, deux syllabes d’un déchirement permanent.
De deux déchirements permanents.
June frappa à la porte et entra, pour trouver l’accueil d’une secrétaire occupée à éplucher un agenda. Elle releva la tête vers June à son arrivée.
« Bonjour Madame. Excusez-moi, mais Mrs Ainsworth est occupée pour l’instant. Vous aviez rendez-vous ? »
Non, mais je peux attendre qu’elle se libère. J’ai besoin de ses services, » répondit tranquillement June.
Et sans se faire prier, elle alla s’asseoir en attendant que Lynn se libère.
Après un moment, quelqu’un sortit du bureau, saluant la détective, et passa devant June sans même un regard pour elle.
Sans vraiment attendre qu’on l’y invite, June passa devant le poste de la secrétaire – à moins qu’elle ne soit une assistante ou une adjointe, qu’en savait-elle au fond – et pénétra dans le bureau avec assurance – non sans oublier de clore la porte derrière elle.

Elle s’arrêta une seconde quand son regard tomba sur Lynn. Un pincement s’invita dans sa poitrine, élan de ressentiment qui troublait le bonheur qu’elle aurait dû ressentir immédiatement.
« Mrs Ainsworth, » salua-t-elle avec une politesse presque glaçante. Elle accompagna la salutation d’un signe de tête qui fit tinter ses boucles d’oreille.
Son regard s’était fixé sur les yeux noirs de la détective, devenus soudain centre de gravité de son monde. Les battements de son cœur se firent plus fort, rythme d’un amour douloureux.
« J’aurais besoin de vos services, si vous avez une minute à m’accorder. »
Maîtresse d’elle-même, maîtresse d’une voix exercée à chanter, rapper, flatter, ou même mentir, June restait neutre.
Lynn devinait-elle le subterfuge, la farce tragique que lui préparait son amante ?
June s’avança vers elle d’un pas mesuré et contourna le bureau, obstacle dérisoire entre les deux femmes, afin de s’appuyer contre le meuble. Elle croisa les bras et toisa Lynn, la mine indéchiffrable.
Elle-même ne saurait mettre les mots sur les dissonances qui l’agitaient.
« J’aimerais que vous retrouviez quelqu’un pour moi, » expliqua-t-elle, toujours sur le même ton.
Contrôle absolu sur son numéro.
Elle était venue préparée.
« Une personne qui a disparu depuis quelques semaines… » Elle croisa les bras, pencha la tête. « Je ne peux pas révéler son nom, sinon je pourrais lui causer des ennuis… mais c’est une femme… environ de cette taille. » Elle illustra en levant la main à la hauteur de Lynn. « Superbe afro-américaine. Probablement la plus belle femme que j’ai eu le plaisir de rencontrer. Elle a toujours cette étincelle dans le regard, qui la rend aimable au premier regard. Et elle dégage ce charme magnétique… » Un sourire lui échappa, premier dérapage, affection traîtresse qui refaisait surface. « Et son sourire… Un véritable rayon de soleil au cœur d’une nuit d’hiver. »
Son sourire s’évanouit et elle poussa un soupir, lourd et douloureux.
Elle décroisa les bras et posa les mains sur le bureau, posa un regard triste sur Lynn. Elle secoua la tête, ferma les yeux un court instant.
Elle abandonna son acte.
« Vraiment, Lynn… Tu te rends compte de ce à quoi je suis réduite pour te voir ? » releva-t-elle finalement, partagée entre le soulagement de la voir, l’amusement de son propre numéro, et une douleur plus insidieuse, tapie sous des sentiments plus forts.
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Singing after a very special bird [Lynn & June]
Sam 29 Sep - 23:14

Singing after a very special bird.



« Ecoutez Madame, j’ai besoin de ces preuves pour le divorce. Sans cela, elle partira avec la plus grosse partie de mon argent, assez pour s’offrir plusieurs croisières aux Bahamas avec son amant et-
-Monsieur, vous n’avez pas à vous justifier auprès de moi. » le coupa Lynn d’une voix professionnelle, bienveillante.
Eviter l’humiliation d’avoir à se justifier était toujours un bon point auprès des clients –surtout de ceux qui avaient soit le cœur brisé, soit la revanche au bord des lèvres après une trahison de la part de leur conjoint. Elle n’était pas là pour les juger –encore moins juger la manière dont ils décidaient de régler leurs affaires de divorce- et ce n’était définitivement pas gravé Lynn Ainsworth, conseillère matrimoniale sur sa porte.
Au début de ce genre d’entretiens, elle veillait toujours à rappeler aux clients que la communication demeurait malgré tout une solution à envisager si finalement ils ne voulaient pas aller jusqu’au bout de la procédure. Précision à laquelle elle s’attachait, plus par conviction personnelle qu’éthique professionnelle. Après tout, il s’agissait de facturer un service –les siens, en l’occurrence-, ce qui aurait dû la pousser à accepter tout de suite ce genre d’affaires. Néanmoins, elle préférait établir cet entretien préliminaire afin de leur laisser le temps de réfléchir et de prendre un second rendez-vous s’ils désiraient vraiment faire appel à elle et qu’ils demeuraient en accord avec ses façons de procéder. Parfois, certains se désistaient. Peut-être parce qu’ils prenaient conscience de ce qu’ils s’apprêtaient à faire –obtenir la preuve irréfutable d’une tromperie, d’une trahison, divorcer- et choisissaient finalement de reculer, d’envisager une autre solution, de considérer d’autres options. Peut-être parce qu’ils trouvaient un autre détective privé pour leur débusquer ce qu’ils désiraient.
Lynn gardait espoir que cela soit la première option –trop optimiste, ou trop au fait de sa propre situation, alors qu’elle se trouvait précisément dans les chaussures du traître.  
Participer à anéantir des mariages, des années de vie commune à s’aimer, qui peut-être avaient résulté en la naissance d’un bambin ou plusieurs, ne constituait pas la part de son job qu’elle préférait. Loin de là.
« Merci. »
Hochant la tête avec un sourire poli, de circonstance, aimable et avenante comme à son habitude, elle se redressa en même temps que son potentiel futur client afin de lui serrer la main et de lui donner sa carte. Puis elle repassa derrière son bureau pour s’asseoir dans son fauteuil (ou plutôt s’y  affaler, étant donné la fatigue qui lui pesait soudainement sur les épaules). Un soupir résigné au creux des lèvres, elle s’appuya un peu plus contre le dossier qui émit un gémissement de protestation.
Et si c’était Allen qui passait un jour la porte d’un détective privé, des soupçons de tromperie à la bouche, cette lueur incendiaire de trahison dans les prunelles comme une plaie béante ?
Que ferait-elle ?

Elle sentit son cœur se recroqueviller dans sa poitrine douloureuse, hurler sa culpabilité.
C’était d’une ironie dégueulasse qu’elle se trouve là, dans l’ombre de ce bureau, à serrer les mains et empocher l’argent des époux et épouses trahis, alors qu’elle n’était rien d’autre que celle qui attentait à son propre mariage en trompant l’homme qu’elle avait promis d’aimer. Et pourtant. Cette seule pensée vogua naturellement du visage de l’être aimé à celui de June, rappelant à son palpitant terrifié et lacéré la chaleur de ses yeux de jade iridescente, la tendresse brûlante de ses sentiments, la douceur du toucher de son âme contre la sienne. Cette situation était aussi injuste envers son amante –terriblement et douloureusement injuste.
Lynn, reprends-toi, s’insurga-t-elle contre elle-même en se forçant à se redresser.
Elle ne pouvait pas laisser  son esprit dériver ainsi vers celle qu’elle n’avait pas vue depuis bien trop longtemps déjà. Cette absence qui hantait l’organe réfugié dans la prison de sa cage thoracique, qui s’invitait dans ses rêves tiraillés d’angoisse, s’immisçait dans les moments de calme qu’elle partageait avec Allen. Ce manque qui s’insinuait jusque dans son couple. Pourtant, son regard coupable se posa sur son smartphone posé non loin. Ses doigts se crispèrent momentanément sur les accoudoirs, alors qu’elle ôtait ses talons douloureux d’un coup de pied négligé sous la protection du bureau (elle n’avait plus de clients prévus jusqu’à la fin de la journée de toute façon). Un message.
C’était tout ce qui lui faudrait.
Un message.
Pour enfin prendre de ses nouvelles. Savoir si elle allait bien, si son travail la comblait toujours autant. Si elle parvenait à écrire tranquillement ou bataillait avec l’inspiration ; si elle avait tenté de réaliser la recette de pancakes aux pépites de chocolat qu’elle lui avait noté sur un bout de papier la dernière fois qu’elles avaient partagé un petit déjeuner. Si elle rencontrait des hauts et des bas, et si elle avait envie de lui en parler, ou de lui dire tout autre chose.
Un message.
Un coup de téléphone pour enfin retrouver les notes graves de sa voix.
Elle en avait envie. Tellement envie.
Mais elle ne le fit pas, s’emparant plutôt de son PC portable pour poursuivre ses recherches sur la grosse affaire qui l’occupait depuis quelques semaines déjà. Reléguant sentiments déçus et douloureux au fond de son esprit, pour se concentrer sur le terrain neutre et tellement plus rassurant du travail. Elle eut à peine le temps d’allumer l’ordinateur que sa porte battait déjà. Peut-être était-ce Katya pour lui proposer une pause et un café. Mais ce ne fut pas la voix de sa secrétaire et assistante en droit qui emplit l’air.
C’était celle qu’elle attendait et espérait. Celle qu’elle avait pourtant gardée éloignée ces dernières semaines.

Son patronyme –celui d’Allen- claqua dans l’air, presque glacial, alors que ses yeux percutaient la silhouette de June qui s’avançait tranquillement, le visage fermé, les iris indéchiffrables. Deux syllabes à l’accent imparfait qui lui ouvrirent la poitrine en deux, la rappelant à l’injustice déchirante  de leur situation, l’horreur sécrète de ce ménage à trois qui s’opérait dans le dos de son époux. Ça faisait mal, ce nom de famille, entre ces lèvres qu’elle adorait, glissant sur cette langue capable des plus doux et tendres refrains comme des plus cruelles attaques.
Les mots de June avaient toujours su trouver le chemin jusqu’à son myocarde, qu’elle les lui susurre au creux du cou, les lui jette à la figure dans un élan de fureur blessée ou les rape sur un rythme percutant et incisif.
Cette fois-là ne fit pas exception.
La surprise première passée, mélange de joie et de douleur agrippé à chaque battement de cœur, transparent sur les traits tendus de son visage, Lynn fronça les sourcils, ne comprenant guère où l’autre femme voulait en venir avec cette histoire de personne disparue et imaginant dans un coin de son esprit le pire –l’un de ses frères, sa sœur, peut-être ? Elle fit par réflexe pivoter son siège vers June quand cette dernière s’immisça de son côté du bureau, redoutant sa proximité tout en la désirant ardemment. Elle l’observa prendre ses aises avec cette confiance qu’elle avait toujours admiré, mettre à nu cette mascarade teintée d’un humour amer qui la blessa autant qu’elle souleva une marée de sentiments indescriptibles à l’écoute de ces preuves d’une affection tangible et réciproque, d’une poésie de tendresse bien trop touchante. Douleur d’une ardeur sensiblement identique à la tristesse mêlée de colère qui se dévoila au creux des prunelles claires rivées aux siennes. Elle tenta un pauvre sourire à son encontre, incapable de le tenir lorsque celui, si triste, qui effleurait les lèvres de June s’évanouit brutalement.
La culpabilité assaillit ses entrailles, étrangla sa gorge. Elle hésitait entre lui témoigner un geste de tendresse qui pourrait une fois encore heurter ce cœur à vif qu’elle lui livrait à demi-mots, et demeurer immobile, résolument distante. Alors elle détourna le regard, incapable d’affronter l’expression tendue qui animait le visage de son amante, la vérité déchirante qui perçait chacun de ses mots. Regarder le bureau dans lequel elle s’était enterrée sous le travail ces dernières semaines ne lui apporta ni courage, ni réconfort, lui renvoyant l’image de sa propre lâcheté en pleine figure.
« Je suis –»
Désolée ?
Oh, come on.
Le mot s’imprégnait d’une faiblesse qui faisait si violemment écho à la sienne. Il ne couvrait pas même un centième de ce qu’elle ressentait. Ses prunelles se rabattirent sur le visage de June, s’imprégnèrent des émotions qui se diluaient sur ses traits si attirants.
« Je me suis laissée submerger par le travail, tenta-t-elle d’expliquer, et c’est une bien piètre excuse, je sais. Malheureusement, je n’ai que celle-ci à t’offrir. » avoua-t-elle, sincèrement désolée.
Comment lui dire qu’elle était complètement perdue, qu’elle avait l’angoissante impression de se retrouver dans une impasse, démunie face à ses propres choix, face au chaos sans nom de ses sentiments ? Comment lui faire comprendre qu’elle ne pouvait lui donner ce qu’elle désirait véritablement, les condamnant à souffrir encore et encore de cette situation sans issue ? Comment lui confesser qu’hier encore, alors que les paumes d’Allen caressaient sa peau, que ses lèvres allaient cueillir son plaisir, elle avait été incapable, impuissante à penser à son époux, car elle n’avait qu’elle en tête ?
Ses traits se crispèrent, une moue douloureuse déforma ses lippes et elle céda aux rugissements de ses émotions à vif, au besoin de la sentir là. Proche, mais inatteignable dans sa souffrance. Elle rendit les armes et succomba à l’envie de lui témoigner autrement à quel point elle était désolée, à quel point elle se détestait de la faire souffrir ainsi.

Ses doigts se tendirent vers la main de June posée sur le rebord du bureau, en effleurèrent le dos avec tendresse dans une requête muette, alors qu’elle se redressait sur ses pieds nus. Elle se rapprocha, jusqu’à percevoir ce parfum un peu sucré, un peu épicé qu’elle adorait, éprouva cette proximité qui lui avait tant manqué. Et elle se retint juste à temps d’en franchir les limites irréversibles, parce qu’à se perdre dans ce regard-là, dans les sentiments qu’il lui chuchotait à l’âme, elle en oubliait la simple porte qui les séparait de sa secrétaire, du monde extérieur. D’Allen.
Ses lèvres se pincèrent ; ses prunelles effectuèrent un aller-retour bien trop long depuis les iris de June jusqu’à ses lèvres aux sourires douloureusement absents. Un soupir passa de nouveau ses lèvres, triste, résigné.
« Je suis désolée. »

Est-ce que tu voudras bien me pardonner cette énième faiblesse ?
Prière insensée dans ses yeux blottis contre ceux de son amante.
« Je suis heureuse que tu sois venue. »
Juste un murmure.
Les mots se bousculèrent contre sa langue, écho d’un cri de détresse trop longtemps tu dans l’obscurité de sa poitrine.
« Il me semble que tu n’auras pas vraiment besoin de mes services, finalement. » tenta-t-elle sur un ton un peu plus léger.
Un sourire qui peinait à atteindre ses yeux ponctua cette maigre tentative de libérer l’atmosphère de la tension effrayante qui la cisaillait, s’invitant jusque sous leurs peaux. Un sourire qui aurait pu s’échouer contre les lèvres de sa belle, si seulement elle en avait eu le courage –ou la témérité.
Si seulement elle avait pu exorciser cette impression qui lui pesait dans l’estomac, qu’elle ne parvenait plus à déloger –cette certitude insoutenable que quoiqu’elle fasse, June s’en retrouverait toujours blessée.

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Singing after a very special bird [Lynn & June]
Jeu 11 Oct - 18:14
De tous les sentiments, l’amour est certainement le plus traitre. Il inspire les plus beaux vers, les chansons les plus émouvantes, les folies les plus inimaginables, les angoisses les plus poignantes, les bonheurs les plus complets également, il vous ôte la raison, provoque parfois des regrets inavouables, et pourtant, il vous fait répéter des erreurs du passé en son seul nom. Inattendu et trompeur, il s’installe de façon insidieuse, se loge d’abord dans les battements d’un cœur, puis se dilue lentement dans tout l’organisme ; il suit la circulation sanguine, parasite la respiration, perturbe un estomac, embrouille les synapses, change toute la perception du monde – la vue, l’odorat, le sens du toucher.
June en avait parfaitement conscience. La voix de Lynn touchait ses oreilles comme nulle autre. Son ébauche de réponse, avortée, meurtre de sentiments spontanés au profit d’une mascarade douloureuse, était autant une mélodie qui caressait son cœur qu’un pieu venu la transpercer de l’intérieur.
Elle déglutit. Ravala les sentiments contradictoires qui naissaient en elle.
Ces sentiments la retenait immobile, enchaînée au bureau. Les envolées rythmiques de son palpitant se trouvaient limitées par le poids de la faute, le poids de sa peine. Elle cherchait sur le visage de Lynn les réponses à ses questions, dans son regard triste, l’absence de pli sur son front, l’arc de ses sourcils, l’ombre de sa bouche.
Où étais-tu ? Est-ce que tu pensais à moi ?
Ses angoisses, soigneusement dissimulés dans les replis de son cœur, que seule une rupture pourrait apaiser.

La réponse de son amante la contraria, ce fut évident.
Elle se détourna et retint un claquement de langue derrière une inspiration brutale.
Comme toujours, elle la laissait face à une réalité sur laquelle elle n’avait aucune prise. Elle devinait la présence éthérée d’un mari, main sur l’épaule de la détective, barrière invisible entre elles ; barrière dont Lynn refusait de se dégager.
Ses doigts se contractèrent sur le bureau. Elle leva les yeux vers le plafond. Elle préférait affronter le crépi clair que la sombre peine qu’elle trouverait sur les traits de Lynn.
Le contact contre sa main, inattendu, la ramena sur terre. Ramena son regard vers la femme aimée. Nulle pression dans le geste ; pourtant, les doigts activèrent un verrou imaginaire, défirent la colère grondante d’une maîtresse blessée par sa propre condition. Elle appuya un peu plus ses paumes sur le bureau mais ses phalanges se relâchèrent. Elle entendit la requête silencieuse, y répondait malgré elle.
Face à Lynn, sa volonté se transformait en une éponge friable ; elle absorbait la peine sous-jacente de la détective, séchait à la chaleur de son regard, s’effritait ensuite sous l’assaut de son parfum, parfois de ses paroles ; et elle finissait par capituler, sans jamais trouver la force de s’accrocher à cette colère imbibée de peine.
Et puis la présence de Lynn se fit plus proche.
Par-dessus le parfum boisé du bureau lui-même, l’odeur de papier imprimé, une note poussiéreuse en arrière-plan, les senteurs plus familières de l’être cher prirent le dessus, caresse épicée dans une enveloppe de douceur.
Ce détail ne retint pas tant son attention que l’écart de taille inhabituel. Elle fronça les sourcils et baissa les yeux. Détail incongru de chaussures manquantes. Elle trouva cela adorable. Elle n’avait pas pour habitude de surprendre Lynn sur son lieu de travail – elle avait d’ailleurs plutôt associé cela à un interdit. Alors découvrir que son bureau pouvait être un espace protégé l’amusa. Même après tant d’années à la connaître, elle en apprenait encore ; cruel rappel qu’elle n’avait jamais eu accès qu’à la pointe de l’iceberg de sa vie, l’autre étant réservée à l’homme dont elle partageait la vie.
Cruel rappel qui ramena la colère aussi vite qu’elle était passée.
Dans la houle de ses émotions, elle ne rata pas le regard perdu contre ses lèvres. Nouvelle vague, nouvelle émotion. Sa colère fut balayée par la peine et l’affection à nouveau. June se laissait balloter par des émotions contradictoires, ne sut pas comment réagir aux excuses, si mal venues au départ, si bienvenues désormais.
Elle ferma les yeux pour mieux retenir l’inflexion de sa voix.
Je suis aussi heureuse d’être venue.
Oui, de toutes ses émotions, la dominante restait encore le bonheur d’être avec elle ; le manque lancinant était momentanément comblé.

La plaisanterie tomba juste. June rit. Un rire à deux notes, approbation timide, retenue par des sentiments trop complexes. Elle souhaitait voir le sourire de la femme face à elle atteindre ses iris. Elle aimait voir son visage baigné de bonheur, entendre l’éclat de son sourire. Sa peine actuelle faisait trop écho à la douleur qui s’était logée dans sa poitrine. Si elle ne parvenait pas à se dégager du piège amoureux dont elle était prisonnière, elle ne pouvait nier que Lynn restait celle qui lui apportait de véritables instants de bonheur.
« J’ai toujours besoin de tes services, » répondit-elle.
Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.
Elle tendit l’oreille. Elle ne percevait que le bruit étouffé de frappes sur un clavier. Elle tourna légèrement la tête, eut un regard furtif vers la porte. L’épée de Damoclès était attachée au-dessus d’elles. N’importe qui pouvait franchir cette porte ; un client inattendu, un appel inopiné, une secrétaire pressée ; peut-être même un mari cocu.
Mais là où la témérité manquait à Lynn, elle ne faisait pas défaut à June.
S’il fallait choisir entre Damoclès et Tantale, sa décision était prise. Elle préférait subir la menace de tout perdre en ayant goûté à un soupçon de bonheur que de se voir privé de tout rassasiement.

D’une pression sur le meuble, elle se décolla de son assise.
Elle prit garde à ne pas écraser les orteils nus en avançant un pied entre ceux de son aînée. Elle passa la main gauche contre la hanche de la détective, garda sa main droite contre le plateau du bureau - craignait-elle de se laisser emporter dans sa fougue ? – et se hissa jusqu’à la commissure de ses lèvres qu’elle embrassa tendrement.
Un baiser entre deux - l’envie de lui communiquer son amour et le respect des limites que la femme mariée imposait. Téméraire mais pas impudente, elle jouait volontiers à la provoquer mais ne désirait pas l’effaroucher.
« Te retrouver n’était que la première étape du plan… » souffla-t-elle à voix basse, tout en restant près d’elle.
Elle passa d’une ancre à l’autre. Lâcha la hanche pour se saisir de doigts qui lui avaient arraché plus d’un gémissement. Elle rendit à Lynn sa caresse de plus tôt. Du bout du pouce, elle effleura le dos de sa main du bout, puis captura ses doigts contre sa paume.
Reviens-moi.
« La seconde étape dépend de toi, » finit-elle, subitement plus grave.
Le grand-huit des émotions reprenait son cours. Après la subite montée d’une humeur joueuse, après les cajoleries affectueuses, la tristesse revenait, prémisses d’un nouvel éclat de colère.
Pour l’instant, la trentenaire se contenait, sans doute parce que Lynn lui avait trop manqué, parce qu’elle était dans un lieu inconnu, parce que la secrétaire se trouvait dans la pièce connexe.
La peur de voir une blessure supplémentaire rouvrir un cœur rendu fragile par les aléas d’une relation tourmentée la fit hésiter.
Elle tourna le visage l’espace d’une seconde ou deux, craignant d’affronter le regard de Lynn. Pourtant, elle revint vers les prunelles sombres qui lui avaient tant manqué.
Elle anticipait déjà la peine qu’elle y lirait, le dilemme douloureux.
Le choix qu’elle se refusait à faire.
« Tu me manques. Je veux passer du temps avec toi. On pourrait aller prendre un café, même dîner quelque part si tu es libre. » Bien sûr qu’elle n’était pas libre, elle le savait et décidait délibérément d’ignorer l’anneau qui brillait à son annulaire. « Ce soir, j’entends. » Elle voyait déjà venir la promesse d’un rendez-vous lointain et les nouvelles semaines d’attente. Elle eut un sourire anticipant sa plaisanterie suivante : « Tu pourrais même rester à l’appartement et me refaire tes pancakes demain. J’ai essayé ta recette mais… ça n’a pas vraiment été un succès, » finit-elle dans un rire.
Un rire un peu douloureux tout de même. Les intentions de la jeune femme n’étaient pas voilées, et si elle revenait à ce détail attendrissant d’un semblant de vie à deux, c’était dans l’unique but de recréer la chaleur d’un foyer ailleurs – un foyer qui pourrait arracher Lynn à celui auquel elle s’était enchaînée.
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Singing after a very special bird [Lynn & June]
Mer 5 Déc - 18:16

Singing after a very special bird.



La fureur des sentiments qui imprégnaient les iris de jade la laissait irrévocablement démunie depuis qu’elle avait appris à les apprivoiser.
Cette fois-là ne faisait pas exception.
Une à une, ses maigres résolutions et fragiles intentions s’écroulaient, sa volonté ployait sous la rage du chaos que ces prunelles effleurant son âme lui inspiraient au creux de la poitrine, soufflant un peu plus de vie aux battements qui se déchainaient, anarchiques et fous, perdus et trébuchant. Lynn persistait à croire que la distance pourrait l’aider à y voir un peu plus clair, à s’arracher à l’étreinte épuisante des eaux sombres dans lesquelles elle semblait chaque jour un peu plus se noyer, indécise et effrayée, déchirée entre ces deux êtres auxquels son cœur s’était voué, l’emprisonnant dans un cercle vicieux dont aucun d’entre eux ne s’échapperait sans blessures. Mais chaque retrouvaille avec June lui gravait un peu plus profondément dans la peau une réalité qu’elle ne craignait que trop : la distance n’y faisait rien. Elle s’évaporait d’un regard partagé tout en persistant derrière la douleur qu’elle avait immanquablement engendrée au sein de leurs palpitants liés. Elle ne faisait que l’enfoncer dans plus de questions et d’incertitudes, tout en nourrissant avec l’ardeur d’un feu inextinguible la culpabilité qu’elle ressentait à imposer ses silences à son amante, à s’éloigner de son propre mari, invariablement –parce que la quitter elle lorsqu’elle cédait au besoin de réfléchir et prendre de la distance, c’était aussi un peu le quitter, même s’il avait toujours su la ramener à lui, avantagé par la constance de sa présence à ses côtés, quand l’autre femme ne pouvait se contenter que d’instants volés, arrachés. Comme aujourd’hui. Des retrouvailles entre deux portes, dans un lieu qui ne leur ressemblait en rien, l’inquiétude de se faire surprendre jamais bien loin.
Sur la brèche des désirs et incertitudes de son cœur, elle finirait par les perdre tous les deux. Perdre cet homme qui avait été son ancre, son souffle de vie quand elle avait eu le plus besoin ; perdre cette femme qui s’était faufilée entre ses côtes pour embrasser son palpitant et son âme avec tant de chaleur, à en bouleverser l’équilibre de sa vie, à lui inspirer un bonheur renversant et terriblement enivrant.
Elle commençait doucement à le comprendre, et cela la terrifiait.

Tu m’as manqué.
Les mots ne franchirent pas ses lèvres, comme devenus timides alors qu’elle s’immergeait dans la proximité de June, flirtait avec les limites de la décence imposée par les regards extérieurs, goûtant du bout des lèvres la saveur de son parfum, la ferveur de ses émotions, l’intensité brûlante de ses prunelles arrimées aux siennes, si proches, si belles. La sincérité si éclatante de son rire, qui craquela la tension qui tiraillait douloureusement l’air qu’elles partageaient. Et en dépit de la peine et la culpabilité, ces notes-là enlacèrent son cœur dans une étreinte d’une douceur déchirante, ourlèrent ses propres lèvres d’un sourire sensiblement plus marqué, délaissé du poids des sentiments sombres qui frappaient contre sa cage thoracique et lui rongeaient les tripes à l’acide. Un sourire qui ricocha violement dans ses iris, allégea l’expression de son visage, même si elle dût déployer des trésors de retenue pour ne pas savourer le timbre chaleureux qui s’égarait des lippes si désirables de June d’un baiser.
Et plus que le contrôle si friable et délicat qu’elle s’imposait à elle-même, ce fut l’envie de simplement écouter la mélodie de ce rire, sans venir la perturber, sans manquer de l’abimer d’un geste malvenu ou d’en altérer les échos dans son cœur, en s’autorisant un geste égoïste.
Percevoir un peu de bonheur plutôt que le marasme de la douleur et les éclats tranchants de la colère chez June, c’était un sentiment dont elle ne saurait se passer, qu’elle craignait de ne jamais pouvoir abandonner. Une mélodie qu’elle entendait de moins en moins, qui disparaissait peu à peu du paysage de leurs vies emmêlés, atténuée par les vents glaçants d’une souffrance qui semblait prendre de plus en plus de place.
C’était précieux au-delà des mots.
Au-delà des murmures de son palpitant ensorcelé.

Elle suivit par réflexe le regard de son amante vers la porte, l’obscurité de certaines pensées s’immisçant aussitôt dans sa poitrine, altérant la légèreté qui s’était emparée de ses traits. L’instant d’après, son bureau grinça et un mouvement, un rapprochement de la part de June ramena aussitôt son attention sur elle, ses iris éraflant son expression déterminée, cherchant au sein des teintes sauvages de ses prunelles des indices quant aux raisons de son approche. Inquiète, éprise d’un spectre de panique alors qu’elle jetait à nouveau un regard méfiant et alerte vers la porte close dans le dos de son amante, elle sentit la poigne de la crainte doucement se desserrer sur ses entrailles lorsqu’une des mains de June embrassa sa hanche, confiante, apaisante, comme pour la ramener à elle, suivie par l’étreinte de lèvres tendres contre les siennes. Baiser furtif offert tout en respectant le danger des circonstances, et qui pourtant embrasa sa chair, fit éclater des émotions depuis bien longtemps endormies dans les ombres de sa poitrine. Juste assez pour effleurer ses sentiments latents de ceux toujours si brûlants qui imprégnaient l’âme de June, pour la faire céder à la tendresse fragile de l’instant ; mais trop peu pour ajouter aux soucis qui agrippaient déjà si férocement son estomac. Trop peu pour ne pas lui donner envie d’un peu plus, désir qu’elle ne chercha pas même à combattre alors qu’elle rattrapait les lèvres fuyantes des siennes, leur accordait une seconde de douceur, un pardon silencieux qu’elle n’aurait su traduire autrement.
La paume contre sa hanche la brûlait –elle aurait voulu que l’autre femme l’agrippe un peu plus fort, imprime la réalité de sa présence jusque sous son épiderme. Mais déjà les mots s’invitaient de nouveau entre elles et les doigts délaissaient son flanc pour se mêler aux siens, leur accorder une tendresse sensiblement similaire à la sienne quelques minutes plus tôt, plus franche, moins hésitante, à laquelle elle répondit raffermissant sa prise sur les phalanges délicieusement emmêlées aux siennes. Lynn haussa un sourcil, curieuse de savoir où son amante l’emmenait au gré de ses paroles, intéressée par ce plan qu’elle mentionnait à mi-mots. Dis-moi.
Et la genèse du sourire qui essayait de se frayer un chemin contre son cœur, menaçant de s’emparer de ses lèvres, s’effondra aussitôt sous l’assaut des notes plus graves qui tiraillèrent le ton de June, chaines qui ne nouèrent autour de ses chevilles pour la garder bien ancrée sur le sol de leur réalité.
Bien sûr, que la suite et le dénouement de leurs retrouvailles dépendaient d’elle.
Parce qu’elle demeurait le seul obstacle qui s’érigeait entre leurs deux êtres.

Son regard se voila, les tourments l’agrippèrent  de nouveau, lui rappelèrent avec cruauté à quelle folie elle avait été sur le point de céder, de s’abandonner à peine quelques secondes plus tôt. Peu importait avec quel talent enivrant June parvenait à effacer tous les liens qui la retenaient loin d’elle, à lui faire oublier le temps de quelques moments bien trop vulnérables l’alliance qui emprisonnait son annuaire et le monde au-delà de son étreinte qui les attendait d’un pied ferme, planant comme une ombre au-dessus de leurs têtes. Allen demeurait là. Entre elles. Contre Lynn. Sous sa peau, jamais bien loin dans son esprit, présent dans tant de parcelles de son cœur, dans le moindre objet  ou la plus banale des situations qui pouvait lui évoquer la chaleur de sa présence, les émotions qui brodaient ses sourires et ses cils.
Son corps se redressa un peu plus comme pour rétablir un semblant de distance –elle s’était inconsciemment penchée et rapprochée de l’autre femme, attirée, guidée par ce désir plus ou moins conscient de partager toujours un peu plus sa proximité-, elle fronça doucement les sourcils en devinant l’hésitation qui agitait June, lui arrachait ses prunelles pour de trop longues secondes. Coupable, à nouveau déchirée par les incertitudes qui s’empilaient dans sa poitrine, étouffaient son palpitant. Craignant les mots de son amante au moins autant qu’elle désirait les entendre –elle avait besoin de leurs cinglants rappels, de leurs espoirs et leur colère, de leurs peines. Et ils ne l’épargnèrent pas, soulignant des désirs partagés mais de plus en plus complexes à réaliser,  jetant un peu plus de sel sur les blessures encore à vif, creusées par le manque de l’autre et la distance ; ces mots brodés d’espoirs douloureux, d’un rire qui la peina plutôt que l’illuminer, trop lourd de tristesse, d’envies fracassées, de sentiments blessés.
Abandonnant tout courage face à ces prunelles qui ne lui demandaient finalement pas grand-chose tout en exigeant bien trop, Lynn s’esquiva, rompant physiquement le contact et détournant le regard. C’était toujours plus éprouvant d’opposer un refus à June quand elle se trouvait si proche, de ne pas céder à l’envie de la retrouver parce qu’elle lui manquait elle aussi, parce qu’elle voulait passer plus de temps avec elle. C’était toujours plus dur de se rappeler qu’Allen l’attendrait chez eux, comme chaque soir, espérant qu’ils passent une soirée tranquille à lire dans le lit ou regarder la télé en se racontant leurs journées et en parlant de leurs projets de voyages, ou peut-être qu’ils se laissent doucement porter par l’ardeur du désir. C’était toujours plus compliqué de se souvenir de toutes les raisons pour lesquelles elle devrait tenter de s’éloigner quand son esprit cherchait déjà les excuses derrière lesquelles elle pourrait se cacher pour justifier son absence.
C’était toujours plus douloureux de se rappeler pourquoi répondre à la ferveur des sentiments qui abritaient ce cœur qu’elle aurait tant voulu chérir sans manquer de l’abimer de sa tendresse était foncièrement mal.
Les doigts orphelins de leurs pairs si chaleureux passèrent dans ses mèches pour les rabattre vers l’arrière de son crâne alors qu’elle poussait sa chaise de bureau sur le côté afin de pouvoir y accéder sans encombre.
« Je ne pourrai pas rester. Pas ce soir. » avança-t-elle doucement, malgré tout catégorique.
Ce n’était pas un non ; ce n’était pas un oui non plus.
Et comme elle pouvait se haïr pour cet état constant d’incertitude, qui résumait si bien la cruauté de son attitude à l’égard de son amante. Pour la douleur qu’elle lui infligeait inexorablement, incapable de la libérer de ses propres sentiments.
A quel moment aimer devait s’accompagner de tant de souffrance ?
Sa hanche s’appuya contre le bois du bureau alors qu’elle se tournait complètement vers June, ses iris osant de nouveau s’égarer sur son visage, en dépit de la crainte persistante d’y lire la déchirure violente de ses sentiments blessés.
« Allen- »
Ses dents se serrèrent, ses traits se crispèrent ; elle savait déjà qu’elle allait regretter ses prochains mots, mais c’était déjà bien trop douloureux de mentir à l’homme qui partageait sa vie pour se réfugier dans les mêmes pratiques  quant il s’agissait de celle qui hantait son cœur.
Ramener son mari entre elles n’était jamais une partie de plaisir.
Elle ne parvenait plus à supporter les éclats de rancœurs et de peine qui frémissaient dans les iris de jade  à chaque fois qu’elle le mentionnait.
« Allen commence à poser un peu trop de questions lorsque je découche. » se justifia-t-elle, le timbre coupable.
A nouveau, ses prunelles s’enfuirent, et le silence les accabla, lourd, blessant.
Elle prit une inspiration un peu plus profonde, ferma quelques instants les yeux, sachant malgré elle que les dés étaient déjà jetés. Qu’il n’y avait plus que June pour la repousser –et c’était si égoïste de lui abandonner ce rôle détestable parce qu’elle n’avait pas la force de l’assumer.
Parce qu’elle était juste incapable de leur refuser ces retrouvailles tant désirées.
Timidement, ses iris se logèrent dans ceux de son amante, pardon silencieux.
« Mais on pourrait aller prendre ce café maintenant, si tu es libre ; il y en a un sympa qui a ouvert à un bloc d’ici, ambiance un peu industrielle et chansons rétro. Puis on pourrait aller diner quelque part, où tu voudras, peut-être même cuisiner à l’appartement, si le cœur t’en dit. En profiter pour refaire ces fameux pancakes. »
Même si elle ne serait pas là pour les partager avec June au petit matin.
Passer du temps ensemble.
Rattraper le temps perdu, gaspillé loin de l’autre.
« Je n’ai plus d’obligations ici, sourit-elle légèrement, le ton contrit, surtout après ces dernières semaines un peu folles. »
Oh, l’excuse du travail était si parfaite. C’était ironique que June et Allen aient à l’affronter d’une façon sensiblement similaire.
Lentement, elle se rapprocha de nouveau, délaissant les feuilles qu’elle avait commencé à grouper dans un froissement léger. Chaque pas plus douloureux et désireux que le précédent. Puis elle se tint de nouveau dans l’espace de confort de June, grisée par la chaleur de sa présence, le désir intenable de sa proximité malgré la culpabilité qui lui étranglait la gorge. Ses doigts s’élevèrent lentement, hésitants, avant d’effleurer une joue, caresser l’angle d’une mâchoire, se perdre dans une nuque à la peau brûlante comme son regard s’égarait dans le sien.
« J’en ai envie aussi, tu sais, souffla-t-elle tendrement, les intonations crépitant d’émotions. J’aimerais juste que ce soit plus simple. »
J’aimerais juste que l’envie suffise.
Que la vouloir soit suffisant.
Que lui offrir une part de son cœur soit assez.

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Singing after a very special bird [Lynn & June]
Jeu 14 Mar - 19:20
June ne retint pas la main de Lynn.
Les doigts de la détective glissèrent d’entre les siens avec une facilité déconcertante, comme les grains d’une poignée de sable retenue par une prise trop lâche, emportés par le moindre zéphyr. Résignée, June laissa retomber sa main mollement contre sa cuisse et détourna les yeux. La réaction de Lynn donnait déjà une réponse à l’invitation – un refus, sans surprise, mais si douloureux pourtant. Elle ne souhaitait pas, de surcroît, voir le déchirement sur ses traits. Les sentiments partagés de son amante ne faisaient que heurter davantage les siens, en un rappel autrement plus gênant qu’un anneau au doigt ou un patronyme disharmonieux.
June n’arrivait qu’en seconde position.
Aujourd’hui, elle blâmait sa naïveté passée.
Lorsqu’elle s’était éprise de Lynn, elle s’était surestimée. Elle croyait pouvoir se protéger de cette ancienne assistante sociale, resurgie de son passé. Elle pensait ne pas s’attacher, elle croyait qu’elle accepterait les maigres parcelles de son temps qu’elle lui cèderait au gré de ses disponibilités. L’époux, si loin de son univers, lui paraissait comme une ombre bien peu menaçante.
Et pourtant, maintenant, il était bien présent. Dans la tristesse qui pesait sur les épaules de Lynn. Dans sa contrition, dans ses excuses, dans les explications maladroites qu’elle lui proposait, dans ses silences, dans ses regards.
Dans la nervosité avec laquelle elle passa sa main sur sa chevelure.
Les prunelles couleur noisette revinrent vers les doigts sombres, suivirent le mouvement jalousement.
June croisa les bras contre son torse quand le refus tomba enfin. Elle secoua la tête, détourna le visage, incapable de réprimer sa contrariété, encore moins sa déception.
Of course she can’t.
Pourquoi fallait-il qu’elle reste si candide face à Lynn ?
Elle n’arrivait pas à s’empêcher d’espérer, d’insister, de pousser, encaissait les rejets et les refus, accumulait les petites blessures, devenues plus douloureuses avec le temps, pour ensuite se contenter des quelques miettes de temps et d’amour que son amante lui accordait finalement.
Elle croisa les bras, comme s’ils pouvaient former une barrière entre Lynn et elle, comme s’ils la protégeraient d’une nouvelle fragmentation de son cœur alors que les mots de l’être aimé allaient bientôt y ajouter des fissures de plus en plus profondes.
Elle n’envisagea même pas d’insister. La fermeté de Lynn n’appelait aucun débat.
Elle serra brusquement les mains autour de ses bras lorsque le nom abhorré se fit entendre. Elle se redressa, et jeta sur Lynn un regard furieux, presque accusateur. Une colère qui ne permettait guère que de dissimuler maladroitement la peine lancinante qu’elle ne maîtrisait plus depuis longtemps.
Le souffle mortifère de l’absent glaça la chanteuse.
Allen commence à poser trop de questions.
La trentenaire cessa de respirer une seconde. L’atmosphère lui semblait trop lourde, trop étouffante de sentiments contrariés.
Lourde d’une réalité qu’elle s’efforçait tant de nier : elle ne serait, après tout, jamais rien de plus que la maîtresse de Lynn.

Le charme de la voix chaude et douce de la femme qu’elle aimait opéra malgré tout. June releva les yeux pour les perdre dans les iris sombres qu’elle avait évitées jusque-là, craignant que les vagues de sa colère n’échouent lamentablement contre la familiarité rassurante de la détective. La douceur de sa voix l’apaisait immanquablement, même si la contre-proposition n’approchait pas des espérances de la chanteuse. Ses épaules s’affaissèrent légèrement pendant qu’elle mesurait la proposition, ignorait la déception.
Il était difficile d’accepter sans réserve, tout en sachant qu’elles ne vivraient que la courte illusion d’une relation normale ; mais comment une illusion en était-elle venue à faire aussi mal ?
Comment supportait-elle encore de mettre Lynn dans une position aussi inconfortable ?
Comment acceptait-elle de se mettre elle-même dans cette position ?
Elle trouva la réponse dans le faible sourire que dessinèrent les lèvres de Lynn. Un sourire retenu par le poids du péché, mais un sourire qui la réchauffait de l’intérieur dès qu’il apparaissait.
Un sourire qui l’avait amenée à lui offrir sa confiance quand elle n’était qu’une adolescente et qu’on enquêtait sur ses frères, qui l’enchaînait fermement dans cette relation malsaine. Elle aimait voir la fossette qui se creusait juste au coin de ses lèvres, la lueur qui remontait parfois jusqu’à ses iris noirs, telle Sirius éclairant l’obscurité la plus profonde.

La colère rencontra l’effleurement des doigts.
Les résolutions les plus fermes s’érodèrent sous une caresse.
June ferma les yeux au contact contre sa nuque.
Que pouvait-elle souhaiter de plus ?
N’était-elle déjà pas chanceuse de savoir son amour réciproque, bien que partagé ?
Elle vint effleurer l’avant-bras de Lynn, remonta jusqu’à sa main qu’elle saisit délicatement. Elle l’ôta de sa nuque et, sans hésitation, embrassa tendrement l’intérieur de son poignet. Sous ses lèvres, la peau caramel était douce, à peine fraîche. Elle fut saisie par l’odeur de sa peau, à peine plus relevée.
« Tout pourrait être plus simple, tu sais, » répondit-elle finalement.
Elle éloigna alors le poignet de Lynn et le relâcha en même temps qu’elle détournait le regard. Il lui semblait qu’elle perdrait ses moyens si elle se laissait trop longtemps charmée par les traits de son amante.
Elle baissa la tête et plaça sa main contre son front, réalisant qu’elle faisait une erreur, puis se redressa dans un rire amer.
« Excuse-moi, c’est absurde. Je ne te demande surtout pas de quitter ton mari, » précisa-t-elle aussitôt, chassant l’idée de la main.
Il ne lui manquerait plus que ça, faire pression sur son amoureuse et ensuite devoir assumer le fait d’avoir ruiné un mariage dont elle connaissait au moins partiellement l’importance.
Après tout, eut-il été moins important pour elle, Lynn l’aurait quitté depuis longtemps.
Elle ne s’infligeait certainement pas ce dilemme perpétuel pour le seul plaisir de vivre un mélodrame romantique au quotidien.
La situation pouvait tout de même devenir plus simple.
Le sourire un peu faux qui s’était dessiné sur ses traits s’évapora aussi vite qu’il était apparu ; comme à son habitude, June sautait d’une émotion à l’autre sans transition.
« Si tu en avais envie, tu l’aurais fait depuis longtemps de toute façon. » Elle observa furtivement comment la remarque était reçue, sans vraiment réussir à interpréter l’expression de son aimée. « Ton choix a déjà été fait, » ajouta-t-elle tristement.
Sa voix se brisa à peine. Elle se racla la gorge par réflexe, dans l’espoir que cela chasserait le nœud qui s’y était installé.
Elle esquissa un sourire résigné, puis se détacha enfin du bureau pour s’approcher un peu plus de Lynn. Elle se plaça à quelques centimètres d’elle, posa sa main sur le bureau, juste à côté de la hanche de l’autre femme. Elle effleura le bois des doigts. La surface à peine granuleuse du bureau accrochait sous la pulpe de son majeur et de son annulaire, sous sa paume.
« Je suis libre pour un café maintenant mais… » Elle s’humecta la lèvre et marqua une pause, puis reprit avec sérieux : « … Il faudrait que tu réfléchisses sérieusement à ce que tu veux. »
Elle leva sa main libre et effleura la clavicule de son aînée, en suivit le contour jusqu’à l’épaule, avant de poser la main contre son bras. Elle pourrait facilement la repousser contre le bureau, voler un baiser plus fougueux ; elle pourrait braver le risque d’être interrompue par la secrétaire de l’autre côté du mur.
Elle pourrait lui donner un premier avant-goût de ce que la nuit leur réserverait si elles la passaient ensemble.
Tel ne fut pas le chemin choisit par June. Sa main poursuivit sa caresse le long du bras, effleura le coude pour retrouver la main qui s’était arrachée à elle plus tôt.
« Tu ménages Allen, mais j’ai des sentiments aussi, et je mérite d’être traitée avec plus de considération que... » Elle eut un geste vague de la main, appuyé d’une moue de dépit. « … que tout ça. »
A se demande même pourquoi elle était venue la chercher dans son antre.
Peut-être aurait-il été plus facile de la laisser revenir à elle ; ou ne pas revenir.
Mais June n’était tout simplement pas prête pour cela.
Pas encore.
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Singing after a very special bird [Lynn & June]
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