Enjoy the night, it's free (Jollie#4)

Je n’ai pas bien compris ce que m’a expliqué Elliot, mais la conclusion est celle-ci : elle ne sortira pas ce soir. En tout cas pas avec moi. Je ne sais pas encore vraiment qui est cette Ellen qui lui a offert le gîte et le couvert, apparemment c’est une quinquagénaire… j’espère juste que ma meilleure amie n’est pas tombée dans un truc sordide du genre à faire d’elle une escort ou pire. Je suis la première à vouloir croire en la bonté et la générosité de certaines personnes, malgré le boulot que je fais, mais quand ça  concerne les gens que j’apprécie je reste toujours un peu méfiante. Enfin surtout quand il s’agit d’Elliot parce que faut le dire elle a un certain talent pour se foutre dans la merde. Meilleure amie ou pas, j’ai quand même envie de bouger ce soir. Hors de question de rester sur mon canapé devant la télé ou à jouer à un jeux vidéo. Non ce soir je suis motivée à sortir, aller dans un bar et pourquoi pas poursuivre la soirée dans un club ensuite. Demain je ne bosse pas, faut que j’en profite. Je me prépare et décide de sortir seule, mais une fois dehors à attendre mon Uber, je me dis que c’est quand même pas super fun de sortir en solo. Je ne sais alors pas quel mécanisme de pensée se met en place mais j’envoie un message à Joey lui indiquant qu’elle a vingt minutes pour se préparer parce que j’ai prévu de sortir sa carcasse de râleuse boire un verre ou plus. Je précise bien que c’est moi qui invite et qu’elle a juste à se parer de fringues pas trop dégueulasses et d’un semblant d’amabilité. Pour le dernier point je peux toujours avoir des doutes, pour la douche et les fringues l’espoir est plus que réaliste. Je sais je suis dure avec elle, mais y’a que ça qu’elle comprenne, je crois. Le timing est presque respecté, et je suis un peu étonnée de voir Black se pointer. J’aurais cru qu’elle m’enverrait balader, ou se dégonflerait au dernier moment. Comme quoi elle sait être surprenante quand elle veut. « Prête pour ta rééducation au monde extérieur ? » lui dis-je alors qu’elle monte à bord de la voiture. J’indique une adresse au chauffeur et quelques minutes plus tard nous sommes devant un bar dans lequel j’ai l’habitude de venir « C’est une agréable surprise que tu sois là. » déclaré-je, sincère. « Même si je me doutais bien que l’appel de l’alcool serait efficace sur toi. » ajouté-je avec un regard malicieux qu’elle doit commencer à me connaître. J’entre dans l’établissement me dirigeant directement vers le bar « Qu’est-ce que tu prends ? » je n sais pas si c’est une bonne idée d’avoir proposer de l’inviter, je n’ai pas un compte en banque illimité et elle a l’air d’avoir une sacrée descente… mais c’est peut-être le prix à payer pour une soirée dont j’ignore si elle sera bonne ou non.

Assoupie sur mon canapé, la télé en fond avec des émissions merdiques, comme à mon habitude, mon bras replié sous ma tête et l’autre pendant jusqu’au sol, je sursaute en entendant mon téléphone vibrer une première fois sur la table basse. Je grogne, qui peut bien m’envoyer un message à une heure pareille ? Foutez-moi la paix ! Deuxième vibration, cette fois mon portable tombe sur le sol dans un bruit de fracas, me faisant me redresser, prête à le balancer contre la télé. Mais la casse me coûterait trop cher. Bordel, on peut pas être tranquille. Je le récupère de ma main pendante et ouvre le message. Willie. Elle va jamais me lâcher celle là. Elle me propose de sortir, mieux que ça, elle m’invite. Alcool a volonté c’est ça que ça veut dire ? J’ai plus de bières dans mon frigo et pas été faire de courses depuis des jours, je vis en couple virtuel avec mon application de livraison de bouffe - quand les livreurs se font pas braquer en bas de l’immeuble. Va pour une soirée dans un bar. Je réponds un message très succinct, un truc qui me ressemble, dénué d’émotion. Bon, il est temps de me réveiller et me préparer, ça c’est une autre paire de manches. Je prends mon courage à deux mains, vais prendre une douche et m’apprête un minimum. Un jean suffira, un t-shirt propre et ma veste en cuir. Une paire de basket, pas besoin de sortir le grand jeu, c’est que Willie, toute manière je sortirai le grand jeu avec personne, que les choses soient bien claires. Je fais un tour de l’appartement pour vérifier que j’ai pris tout ce qu’il me fallait, un billet pour acheter un paquet de clopes aux gamins d’en bas, mes clés, mon portable, et je descends. La voiture est déjà là, Willie m’attend, pendant que je ‘deale’ mon paquet de clopes aux délinquants qui tiennent les murs de mon immeuble. J’entre dans la voiture et adresse un regard à ma coéquipière. « Prête pour ta rééducation au monde extérieur ? » Je hausse les épaules nonchalamment avant de lâcher. « J’ai bien failli pas venir. » Ce qui est faux d’ailleurs, parce que si j’y réfléchis, j’ai même pas vraiment hésité. Je crois que j’en peux plus de cet appart.

Nous rejoignons le centre ville et un bar que Willie a choisi. « C’est une agréable surprise que tu sois là. Même si je me doutais bien que l’appel de l’alcool serait efficace sur toi. » Premier sourire en coin de la soirée. Elle peut s’estimer chanceuse, surtout qu’il est a jeun d’alcool celui-là. « Qu’est-ce que tu prends ? » demande-t-elle à mon attention une fois dans le bar. « Une bière pour commencer. Mais t’as raison, c’est uniquement parce que j’en avais plus dans mon frigo que j’ai accepté ton invitation. » Bah voyons, voile-toi la face Black, tu sais si bien faire. Nous commandons nos boissons et restons au bar un instant, sur un côté pas trop trop bruyant. C’est qu’il y a du monde ici, et j’ai plus l’habitude de voir des gens. « Comment ça va au boulot ? » que je lui demande avec ma nonchalance légendaire, buvant quelques gorgées de ma bière directement au goulot. J’aurai peut-être mieux fait de commander directement une pinte.

Bien sûr Joey a hésité à venir… quoi d’autre ? Même si ce n’est pas la vérité elle ne l’admettrait pas. J’ai rarement vu plus asociale qu’elle. L’essentiel c’est qu’elle soit là, prête pour une soirée censée la réhabiliter un peu au monde extérieur. L’inviter à boire un verre – ou plus – était de loin la meilleure idée pour l’encourager à sortir de sa caverne. Pas que je la vois comme une alcoolique notoire, mais j’ai bien compris qu’elle ne crache pas sur une bière ou autre boisson alcoolisée. Je ne juge pas, je constate et j’espère comprendre petit à petit ce qui a fait de Black qui elle est aujourd’hui. Arrivées au comptoir je lui demande ce qu’elle veut boire, on est là pour ça après tout. Ma coéquipière opte pour une bière en guise de prologue, glissant au passage que c’est avant toute chose son frigo vide qui l’a poussé à accepter mon invitation. Je souris « Ouais, j’en doute pas. » en fait, un peu. Je crois que l’idée de sortir un peu de chez elle lui plaisait bien, même si elle ne l’avouera pas. On peut difficilement faire plus fière que Joey, je crois. Nos bières servies, le Lieutenant Black m’interroge sur le boulot. Normal, c’est ce qui nous lie, parce que dans le fond à par ça nous n’avons pas grand chose en commun. Je hoche la tête tout en buvant « Ouais ça va. » je ris légèrement et poursuis « Y’en a quelques uns qui pensent un peu que c’est la fête à la maison depuis que t’es plus dans le secteur, mais ça se passe bien. » je vois son visage changer un peu d’expression et ris à nouveau « Non mais rien de grave. Juste qu’ils profitent de ne pas risquer de t’entendre gueuler pour relâcher un peu la pression. » je n’ai pas envie de mettre le feu aux poudres avant son retour, juste qu’elle soit prévenue « Mais les bonnes habitudes reviendront vite dès ton retour. ».
Nouvelle gorgée, je constate que la bière de Joey est d’ailleurs déjà pratiquement vide. Elle a une descente que je voudrais pas remonter à vélo… « Parlant de retour, t’es allée voir le doc pour savoir si t’es bientôt opérationnelle ? » j’arque un sourcil « Crois pas que tu me manques, mais bon tu vas pas rester en vacance des plombes non plus. » c’est probablement le genre de truc qu’elle aurait pu dire si nos rôles étaient inversés. Quoi que je sais pas vraiment si elle se serait souciée de moi si j’étais celle qui avait été blessé. Peut-être pas, mais ça n’a pas d’importance, on ne se doit rien. Je fronce légèrement les sourcils, prise d’un doute « Tu as pris rendez-vous au moins ? » j’ai souvent comparé Joey à un ours… mais en fait on pourrait presque dire qu’elle est un ado. Ouais, pas une ado, un adolescent avec la libido en folie en moins. Quoi que je sais pas ce qu’elle fait seule chez elle. Et j’ai vraiment pas envie de savoir d’ailleurs. Quelle conne, pourquoi j’ai pensé à ça moi ?

Maintenant qu’on est là, il va bien falloir qu’on fasse la discussion. J’ai pas accepté son offre simplement pour rester assises côte à côte à siroter une bière sans rien se raconter. Je suis pas la meilleure qui soit à cet exercice, mais je dois bien m’y mettre, au moins par respect, et pour la remercier un tant soit peu d’avoir pris le temps de prendre de mes nouvelles, de m’avoir soignée aussi. C’est pas rien, même ma soeur et mon frère ne sont pas au courant de mon accident, de cette balle logée dans mon épaule pendant quelques heures avant qu’ils ne me la retirent. Faut croire que Willie a un peu plus d’importance que ce que je veux bien croire. « Ouais ça va. Y’en a quelques uns qui pensent un peu que c’est la fête à la maison depuis que t’es plus dans le secteur, mais ça se passe bien. » Je fronce les sourcils en entendant ça. Ça va, je suis pas la patronne, c’est pas quand je me casse que les souris doivent danser la roumba. « Non mais rien de grave. Juste qu’ils profitent de ne pas risquer de t’entendre gueuler pour relâcher un peu la pression. » Je lève cette fois les yeux au ciel. Je passe pour la gueularde de service, ou le monstre au choix. Super. On a vu mieux quand même comme image mais bon, j’ai pas la prétention de chercher à faire mieux non plus. « Mais les bonnes habitudes reviendront vite dès ton retour. » Je hoche finalement ma tête et bois à nouveau une gorgée de bière. « Ouais, y’a plutôt intérêt. » La vérité, c’est que c’est une façade, une image que je veux montrer pour me protéger. Parce que j’étais pas comme ça avant l’histoire avec mon coéquipier. Je crois que ça a flingué une part de mon âme. « Parlant de retour, t’es allée voir le doc pour savoir si t’es bientôt opérationnelle ? Crois pas que tu me manques, mais bon tu vas pas rester en vacance des plombes non plus. » Je fronce les sourcils légèrement et fuis son regard. « Hum hum… » Est-ce que je passe pour une ado quand je réponds de cette manière ? On dirait bien. « Tu as pris rendez-vous au moins ? » Je soupire et hausse les épaules légèrement. « Quand ils m’ont recousue ils ont dit que je reprendrais trois semaines plus tard. Ça fera trois semaines dans deux jours. Je reprendrai et puis c’est tout, j’ai pas besoin d’un avis médical ! » J’ai surtout peur qu’un médecin voit que j’ai fait n’importe quoi, et décide de prolonger mon arrêt maladie. Une semaine de plus coincée chez moi sans bosser et j’avale une boîte de médocs. Non c’est impossible. « Et ne me force pas à y aller madame hippie, je sais que j’te manque et que tu te fais chier sans moi. Ne nie pas. » J’esquisse un sourire et termine ma bière sans avoir eu l’impression d’en boire plus de trois gorgées. « J’vais avoir beaucoup de cas à rattraper ou pas ? » J’ai besoin de reprendre, de me foutre la tête dans le boulot pour arrêter de ruminer, sinon je vais devenir folle.

On peut difficilement faire plus têtue que Joey. Ce n’est qu’un de ses traits de caractère parmi tant d’autres que je ne vais pas citer pour éviter de me demander ce que je fous là avec elle. Quoique depuis mon arrivée à la section criminelle on ne peut pas dire qu’elle ai été la plus accueillante qui soit… alors en fait je suis déjà en droit de me poser la question de pourquoi je fais ça. Ça peut paraître dingue, mais je crois que Joey n’est pas si désagréable, dans le fond. Elle a quand même fait l’effort d’accepter mon invitation, c’est une avancée. En revanche pour ce qui est d’être raisonnable, là je crois qu’on est très loin du compte. J’aborde le sujet délicat de sa reprise de fonction et surtout de l’avis médical auquel elle sera obligée de se soumettre. J’obtiens une sorte de grognement… elle n’a même pas pris rendez-vous. Joey me sort alors un argument de son cru, me faisant lever les yeux. Elle est pas possible ! Sentant que je vais répliquer, elle enchaine, je ne dois pas la forcer. Je hausse les épaules et souris, rentrant finalement dans son jeu « Peut-être bien. » Black est loin d’être facile à vivre, mais le boulot n’est clairement pas pareil sans elle, ça je ne peux pas le nier. Je hoche la tête à sa question « Pas mal ouais, on a de quoi faire en ce moment. » son regard nous permettra sans doute d’avancer. J’interpelle le serveur pour qu’il nous ramène deux nouvelles bières avant de finir la mienne d’une traite. « T’as vraiment envie de parler boulot ? Je sais que c’est ce qui te tient debout, mais le monde extérieur c’est pas mal aussi des fois… » dis-je alors que nos deux boissons sont déposées devant nous. J’observe le serveur qui repart « Il est pas mal. » pensé-je tout haut. J’arque un sourcil, interrogeant Joey du regard « Non ? » c’est pas compliqué de deviner que les relations humaines c’est pas un sujet qui la branche, mais bon j’aime bien mettre les pieds dans le plat, c’est pas nouveau. A son regard je sens la pique venir, j’anticipe avec le sourire « Ok il est peut-être un peu jeune pour toi. » j’aime chercher les emmerdes, ouais. Je me mets à rire « Déride toi Black, on va passer une bonne soirée. » je bois une gorgée de bière et ajoute « Cela dit je suis quand même curieuse de savoir ce que ça peut être ton genre de mec. » je hausse les épaules « Ou de nana. ».

« T’as vraiment envie de parler boulot ? Je sais que c’est ce qui te tient debout, mais le monde extérieur c’est pas mal aussi des fois… » Je plisse les yeux en la regardant. Elle a réussi à en apprendre plus sur moi récemment, ma famille, mon père et la pression qu’il m’a toujours mis, mon manque d’amis, et le fait que mon boulot soit à peu de chose près toute ma vie. Elle en sait déjà beaucoup, beaucoup trop, et elle a l’air de vouloir en jouer. Mais est-ce que j’ai bien le choix ? Après tout, je suis venue ici de mon plein gré, personne ne m’y a forcée. « Mouais. » que je réponds sans grande conviction. Je n’ai jamais trop vu l’intérêt de me mêler au ‘monde’ que je trouve bien trop inintéressant. Mais peut-être qu’elle a raison, que je devrais m’y ouvrir un peu plus, j’en sais rien. Je crois que la vie m’a un peu trop amochée récemment pour que j’ai envie de m’y frotter davantage. « Il est pas mal. Non ? » demande Willie d’un regard, arquant un sourcil comme pour avoir ma bénédiction. Je fronce un peu les sourcils, repose un regard distrait sur le jeune homme et me contente d’un hochement de tête alors que je récupère la nouvelle bière pour en boire deux bonnes gorgées. « Ok il est peut-être un peu jeune pour toi. » Naturellement, je lui flanque une claque sur le haut de l’épaule alors qu’elle se met à rire. « T’as qu’a dire que j’suis vieille aussi ! J’ai pas encore passé la barre des 4. Je suis pas vieille. » « Déride toi Black, on va passer une bonne soirée. » Je lève les yeux au ciel d’un air un peu désespéré qu’elle me prenne pour une vieille coincée aigrie. Ce que je suis peut-être quand on y pense. « Cela dit je suis quand même curieuse de savoir ce que ça peut être ton genre de mec. Ou de nana. » Je grimace instantanément quand elle parle de nana, et secoue la tête. « Non heureusement, j’ai jamais été attirée par une nana, merci les emmerdes. »[/color] Et ce n’est pas tout à fait vrai, mais je garderai ça enfoui encore quelques dizaines d’années je crois bien. « Et j’ai pas de genre de mec. J’ai pas de genre tout court. Voilà j’suis aussi asexuée qu’une plante verte. Moisie. Une plante verte pas arrosée. » Je lève ma bière comme pour trinquer à ma propre santé et bois quelques nouvelles gorgées. Je crois qu’il va falloir que je descende ce soir si je veux arriver à me dérider un peu. « Mais alors toi j’sais pas pourquoi, mais le genre hippie tout ça, j’suis sûre que t’as tout tenté, les mecs, les filles, les trans, les an… nan pas les animaux. Quand même. » Cette fois c’est moi qui fais de l’humour, on aura tout vu !

Je vois bien que Joey est pas super convaincue que le monde extérieur a des choses à offrir, autre que du boulot pour nous. Je peux comprendre, on voit des trucs vraiment moche dans nos enquêtes, ça donne pas foi en l’humanité… mais c’est justement pour redorer un peu cette image, se donner de l’espoir, qu’il faut sortir et donner une chance aux gens qui en valent la peine. C’est aussi prendre le risque d’être déçu, mais la vie c’est ça, non ? Boire un verre, discuter, passer un bon moment, mater un serveur avec un joli cul… voilà c’est la vie et j’essaye d’embarquer Black avec moi. Je m’attaque à gros, je sais, j’ai toujours été de nature ambitieuse. Je lui demande son avis sur le jeune homme qui vient de nous servir à boire, elle hoche la tête, pas emballée et sûrement d’avantage pour que je n’insiste pas plutôt qu’autre chose. Dommage pour elle, je n’ai pas l’intention de m’en tenir là. Sa solitude me laisse perplexe, elle agit comme un ours, se montre comme réfractaire aux interactions sociales… c’est quand même fou. Je me demande si elle a toujours été comme ça, si son attitude vient d’une blessure, peut-être d’une belle histoire d’amour qui s’est mal terminée. Bon ok je pars un peu loin… mais c’est pas non plus impossible. On voit que y’a une base pas mal, c’est pas un boudin Joey, elle est juste un peu poussiéreuse. Un truc comme ça. D’ailleurs je la taquine en disant que le serveur est sans doute trop jeune pour elle, au moins là elle réagit plus franchement et moi je me mets à rire. Faut qu’elle se détende et s’autorise à passer une bonne soirée, c’est mon but. Téméraire je continue sur le sujet, me montrant curieuse quant à quel type de mec peut lui plaire ou même une autre femme, ce n’est pas moi que ça étonnera.
Sa réponse m’amuse, parce qu’elle ne me répond pas tout de suite qu’elle n’a pas de genre particulier, elle nie d’abord n’avoir jamais été attiré par une nana. Je hoche la tête, un léger sourire étirant mes lèvres prête à entendre la suite. C’était prévisible, elle ne veut rien avoir à faire avec le sexe opposé non plus. En fait elle ne veut pas de contact, avec personne. « Toute sèche… » ajouté-je à sa comparaison avec la plante verte, levant les yeux en la voyant trinquer pour elle-même. C’est vraiment un cas. Gorgée de bière avalée Joey enchaine à mon propos, et là il se passe un truc inattendu… elle fait de l’humour. Putain heureusement que ma bière est posée, j’aurais bien été capable de la lâcher. J’écarquille les yeux et souris, pas choquée par la nature de sa plaisanterie, juste par le fait qu’elle ai blagué sans vraiment faire preuve de cynisme « Fais attention Black, ça commence par une blague et après… » je lui adresse un sourire charmeur, le regard qui va avec et éclate de rire en suite. Je me calme, bois un peu « Cela dit t’es plutôt dans le vrai. Mec ou fille, peu importe, tant que la personne me plait. » je hausse les épaules « Mais je suis jamais tombée sur un ou une trans. ». Elle va fuir tout de suite ou pas ? « Ça va le pacemaker ? Pas de crise cardiaque à l’horizon ? » ajouté-je, amusée.

Willie me demande quel est mon ‘type’ de mecs, je n’en ai aucun, plus que ça, ça ne m’intéresse pas ou plus. Je n’ai pas envie de me foutre dans une relation, je n’y ai jamais trouvé quoi que ce soit d’intéressant de toute manière. J’ai eu beau essayer quelques fois, je n’y ai pas trouvé mon compte, ni intellectuellement ni sexuellement. Alors autant arrêter de me voiler la face. Je n’ai pas de type, et je ne cherche aucune relation. Les choses sont ainsi faites, je suis vouée à finir ma vie seule, et je ne crois pas que ce soit une corvée pour moi. Je préfère encore être seule plutôt que d’avoir un casse burnes à mes côtés jour et nuit. Non merci. Finalement, je choisis de retourner la question à la jeune femme, et je ne le vois même pas venir, mais une forme d’humour s’échappe de ma bouche, étonnant visiblement la jeune femme qui écarquille les yeux, presque choquée. « Fais attention Black, ça commence par une blague et après… » Je fronce les sourcils, ne comprenant pas trop bien son petit sourire narquois, presque un peu charmeur. Qu’est-ce qu’elle me veut ? « Cela dit t’es plutôt dans le vrai. Mec ou fille, peu importe, tant que la personne me plait. Mais je suis jamais tombée sur un ou une trans. » Je suis pas trop du genre carrée, genre homophobe ou quoi, enfin je crois pas, juste les filles ne m’intéressent pas. Ok, je suis pas trop trop à l’aise quand je sens une femme venir essayer de me draguer, je suis pas à l’aise non plus de voir un couple de filles - ou de mecs d’ailleurs - se tripoter sous mes yeux, mais je crois pas que je serai non plus à l’aise de voir un couple hétéro faire la même chose. Quoi qu’il en soit, je ne juge pas les pratiques des autres tant que je ne fais pas partie de leurs fantasmes, tout va bien. Enfin presque. C’est vrai qu’imaginer Willie avec une fille, c’est pas si désagréable, mais faut que j’arrête de penser à ça. Du coup, je m’enfile quelques bonnes gorgées de ma nouvelle bière. « Ça va le pacemaker ? Pas de crise cardiaque à l’horizon ? » Je plisse les yeux en la regardant, la fusillant faussement du regard. « Arrête de me faire passer pour une vieille ou je vais te tordre le cou ! » J’ai bien compris qu’elle n’avait pas peur de moi, je crois qu’elle n’a même jamais eu peur de moi. Même au début. J’ai toujours été naturelle, naturellement chiante et imbuvable, naturellement irascible, mais Willie n’a jamais fui, au contraire, elle me colle, m’invite à sortir. Attendez… « Est-ce que tu me dragues ? » Elle se met à rire, je crois que c’est bon signe. Enfin, moi et les conventions sociales, c’est pas trop ça non plus.

Lentement, l’air de rien, des barrières tombent avec Joey. Ce n’est pas encore la franche camaraderie mais je sens qu’elle se détend, moins rigide et expéditive elle semble de plus en plus tolérante face à mes blagues, en apprécie même peut-être certaines. Et petit à petit j’en apprends plus sur elle, je me surprends à ne pas trouver sa compagnie si désagréable ce qui fait de ma présence ici plus seulement une BA mais presque une sortie comme une autre. C’est sans doute mon côté hippie comme elle aime le dire, mais je crois que j’ai toujours eu ce truc d’aller vers le challenge. Gamine j’ai apprivoisé un tas de bestioles pas franchement enclines à l’être à la base. Je n’entravais jamais leur liberté, je me montrais juste amicale et ça finissait par payer. C’est un peu ce que je fais avec Black, même si j’aime bien la secouer un peu au passage, j’aurais pu avoir peur qu’elle morde, mais y’a ce petit truc que j’ai toujours sentie qui me fait dire qu’elle se contentera seulement de grogner. En gros Joey ne m’effraie pas, au pire elle m’a franchement gonflé à se montrer détestable dès mes débuts à la section criminelle mais ça me paraît derrière nous. Je ne m’attends pas à ce que l’on soit les meilleures amies du monde et franchement on est pas là pour ça… mais c’est ma partenaire, on doit se faire confiance si on veut que ça marche et être efficaces. Voilà le but de cette soirée, juste améliorer notre complicité, et comme on est toujours moins méfiant de ce que l’on connaît, en apprendre un peu plus l’une sur l’autre ne pourra pas être un mal. Je sais que je prends un risque, en allant vers ce qui est de l’ordre du privé, les relations, les sentiments, l’orientation sexuelle. Je me livre avec honnêteté, ne cherche pas à masquer que je puisse tout aussi bien être attirée par un homme que par une femme. C’est quitte ou double, Joey peut bien avoir un avis très tranché sur le sujet, mais si c’est le cas elle n’en montre rien.
Avec humour je m’assure quand même qu’elle ne va pas me claquer dans les doigts, qu’il n’y a rien qui la choque. Si un abcès doit être crevé autant que ce soit fait tout de suite pour que la base reste aussi saine que possible. Apparemment tout est normal si j’en crois sa réponse, toute en douceur, comme d’hab. Je ris de sa menace « Faudrait que tu arrives à me rattraper pour ça. » je surenchéris avant d’ajouter « Quoi que la dernière fois que je t’ai vu courir j’ai trouvé que tu t’en sortais bien. » surtout pour quelqu’un qui fume comme un pompier et aime la bouteille, mais je m’abstiens de poursuivre mon commentaire, faut bien que je lui donne du positif. Venue de nulle part, Joey me demande si je la drague. Parce que j’ai dit qu’elle courrait pas tant comme une mémé ? Je fronce les sourcils un quart de seconde puis me mets à rire franchement. J’ai un peu de mal à reprendre mon sérieux et secoue la tête « Non j’te drague pas. » je n’arrive même pas à boire une nouvelle gorgée, je crois même que je commence à pleurer de rire. Je m’essuie un peu les yeux « T’es con ! C’est moi qui va avoir une crise cardiaque avec tes bêtises. ». Bon ok en soit ça serait pas complètement impossible que je drague une nana comme elle. Son âge je m’en fous, elle est pas mal. Mais ça serait pas Black, juste une Joey lambda qui ne serait pas ma partenaire au boulot, qui mène pas une vie pourrie quand elle est en congé forcé, qui… bon si elle était pas elle je pourrais la draguer. « J’ai juste dit que tu ramais pas trop quand tu cours. » je lui souris « Je vais arrêter les compliments, même les plus insignifiants, je voudrais pas que tu prennes peur. » je dis ça sur le ton de la plaisanterie, j’ose espérer qu’elle va pas se faire des films. Elle est pas mon style…

Lui tordre le cou. J’en ai eu envie plus d’une fois. Et là encore quand elle me fait passer pour une vieille avec le coeur plus très solide, je la menace. Gentiment, quand même, enfin le terme gentil associé à ma personne je sais ps trop ce que ça vaut, mais l’important c’est que je ne lui veuille pas de mal. Pas ce soir en tout cas. Après tout, je vois bien qu’elle fait des efforts, j’ai plus qu’à en faire autant. Ça va pas être simple, c’est pas gagné d’avance, mais je peux toujours essayer. « Faudrait que tu arrives à me rattraper pour ça. » J’arque un sourcil à sa réflexion. Ma forme physique se porte très bien, et je l’emmerde. « Quoi que la dernière fois que je t’ai vu courir j’ai trouvé que tu t’en sortais bien. » Ah ! Merci ! Je fais un signe genre ‘tu vois !’, et je m’arrête assez vite. C’est pas tant ce qu’elle vient de dire qui fait tilt, mais je sais pas j’ai comme un espèce de flash bizarre. Je lui livre le fond de ma pensée, ou plutôt lui pose la question pour éclairer ma lanterne. Je voudrais pas qu’elle me drague, je sais pas, elle m’invite à boire un verre, elle vient chez moi, me fait mon pansement, me demande d’aller prendre une douche… C’est un peu bizarre mis bout à bout. Voilà qu’elle se met à rire, et de bon coeur en plus. Moi ça me fait pas rire, je reste stoïque, j’attends qu’elle ait fini. « Non j’te drague pas. T’es con ! C’est moi qui va avoir une crise cardiaque avec tes bêtises. » Toujours aucun rictus au coin de mes lèvres, j’aime pas qu’on se foute de ma gueule. « J’ai juste dit que tu ramais pas trop quand tu cours. Je vais arrêter les compliments, même les plus insignifiants, je voudrais pas que tu prennes peur. » Cette fois je lève les yeux au ciel, avant de finir ma seconde bière. « Je préfère vérifier, j’ai pas envie que tu me regardes avec des yeux de biche là… » J’suis pas très à l’aise avec ça. Le truc que je me souviens pas, c’est que c’est plutôt quand j’ai bien bu que mon attirance pour les filles a tendance à remonter à la surface. Pour ça sûrement que j’ai pris l’habitude de boire seule, ou entourée de mecs. Bref. Ça me rassure un peu qu’elle dise que je l’intéresse pas. « T’es pas non plus obligée d’te foutre de ma gueule hein ! J’suis pas ton genre très bien mais un peu de respect ! » Je joue les indignées, oui parce que je crois que ça y est, je joue. Et à en voir son sourire, je vois bien qu’elle a compris, et qu’elle a pas peur d’un possiblement retournement de situation, de Black l’ourse dans sa taverne, tout ça quoi. « Bon elle arrive cette bière ? » Je tape le culot de ma bière vide sur le comptoir et quand le serveur arrive je lui en demande une nouvelle, non sans ajouter. « Et si j’peux avoir vot’ numéro aussi ? C’est pas pour moi c’est pour la jeune fille là. » Je fais un signe en direction de Willie. Oui je l’affiche, ça lui fera pas de mal, elle va peut-être arrêter de se foutre de ma gueule.

J’insiste sur le côté périmé de Joey, ça l’amuse beaucoup moins que moi de toute évidence mais pousser un peu plus le bouchon c’est un moyen d’abaisser encore un peu les barrières entre nous. Ouais, j’en démords pas de ma quête de complicité, peut-être bien que j’ai trop regardé de truc policier du style deux flics à Miami ou l’Arme Fatale quand j’étais gamine. Mais pour moi des coéquipiers sur le terrain doivent bien s’entendre, c’est obligatoire pour être sereins, compétents et efficaces. J’admets que y’a peut-être pas que ça… Black est comme elle est, c’est un bon flic, mais je crois aussi qu’humainement je sens qu’il y a quelque chose à creuser. La carapace est épaisse, y’a des piques, des griffes et elle pourrait mordre, mais c’est plus que ça et je suis pas foutue de m’expliquer pourquoi j’ai de la sympathie pour elle, et même un peu de compassion. Au milieu de ma charge contre sa forme physique je glisse qu’elle se démerde pas mal quand faut courir, je m’attendais à pire et j’ai été agréablement surprise. Elle en a sous le pieds la presque quadra, mine de rien. Je ne sais pas si c’est le fait de la complimenter au milieu de tout ça mais Joey prend peur, en tout cas je l’interprète comme ça, et me demande si je la drague. Difficile de me retenir de rire, elle fait donc partie de ses gens qui pensent sans doute qu’être bi fait de moi quelqu’un incapable de me retenir de draguer tout ce qui bouge. Je ne relève même pas, c’est pas bien grave tant que ça n’entrave pas ce début d’entente que nous construisons. Je mets les choses à plat, la rassure sur l’innocence totale de ma démarche. « Des yeux de biches ? » je ris à nouveau « Comme ça ? » je lui sors le genre de regard que je pourrai utiliser face à une nana qui me plait retrouvant mon sérieux pour une courte durée seulement « Ça n’arrivera pas. ».
La situation m’amuse beaucoup, Joey joue la carte de la contrariété m’invitant à ne pas tomber dans la moquerie. Je lève les mains en signe d’innocence « Loin de moi cette idée. » affichant un petit sourire, c’est plus fort que moi. Râler ça donne soif, j’en ai la preuve juste à côté de moi, et elle râle même pour avoir encore à boire. Cette soirée va me coûter une blinde en alcool, je le sens. Le serveur vient honorer la commander de ma coéquipière et cette dernière me surprend à nouveau, m’affichant clairement auprès du jeune homme en réclamant mon numéro. Regard surpris, presque outré puis je rentre dans le jeu, souriant au serveur « Etant donné l’alcoolisme notoire de cette… moins jeune fille, je vais sans doute devoir donner de ma personne pour régler la note… » regard amusé dirigé tour à tour vers mes deux interlocuteurs. Alors Black ? Tu vas dire quoi à ça ? Un peu pris au dépourvu par notre private joke le serveur reste planté là « On va quand même reprendre deux bières. Pour le numéro… tu es le seul à pouvoir en décider. » s’il est disposé à me le donner je ne vais pas dire non. Je me tourne à nouveau vers Joey « Tu t’improvise wing woman ? Décidément tu me surprends. » la découvrir ainsi ne me déplait pas.

« Des yeux de biches ? Comme ça ? Ça n’arrivera pas. » Je la regarde me faire son petit manège, elle joue bien la comédie, le pire c’est que je suis absorbée par son jeu à la con, bien malgré moi. Je lui lâche quand même qu’elle pourrait au moins s’abstenir de me faire passer pour une vieille conne rabougrie - ce que j’ai bien conscience d’être malgré tout. Je vais faire en sorte de ne pas trop m’attarder à cette idée, et commande une nouvelle bière. On est là pour ça après tout non ? J’essaie de mettre mal à l’aise Willie face au serveur, mais j’ai bien peur qu’il en faille plus que ça pour déstabiliser la minette. « Etant donné l’alcoolisme notoire de cette… moins jeune fille, je vais sans doute devoir donner de ma personne pour régler la note… » Elle entre dans le jeu en plus de ça, une vraie comédienne. Merde alors. Manquerait plus qu’elle se le tape sous mes yeux. Je fais la grimace à cette simple pensée. « On va quand même reprendre deux bières. Pour le numéro… tu es le seul à pouvoir en décider. » Je lève les yeux au ciel en la voyant le draguer ouvertement. Alors là j’étais pas prête. « Tu t’improvise wing woman ? Décidément tu me surprends. » Je secoue vivement la tête. « Non j’voulais juste t’emmerder mais tu rebondis beaucoup trop facilement. » Je fronce les sourcils avant d’ajouter. « T’es pas drôle. » Oui on dirait une gamine, et j’assume. Les nouvelles bières arrivent, assez rapidement je dois dire, mais pas de numéro pour Willie. J’arque un sourcil, surprise. C’est vrai quoi, elle est pas dégueulasse, je comprends pas comment un mec ne cherche pas à la draguer si en plus il comprend qu’il a une touche. Ça me dépasse. Je hausse les épaules et bois une première gorgée de cette nouvelle bière. « Il doit être gay. Ou alors il a cru que j’étais ta mère. » Putain, faut que je fasse gaffe, je commende à faire des blagues, elle avait raison, on sait comment ça commence on sait jamais comment ça finit. Après tout, c’est vrai quoi, elle est plus agréable quand elle est souriante que quand elle me remballe à tout bout de champs. J’avoue que c’est logiquement la même chose en ce qui me concerne, mais ça a l’air beaucoup plus facile pour elle d’être sympathique. Moi j’ai perdu cette habitude depuis bien longtemps. « Bon, tu vas me dire pourquoi tu m’as invitée à boire des bières ? Tu veux me demander quelque chose ? » Oui parce que pour moi, on ne fait rien pour rien, et si elle est gentille, c’est forcément qu’il y a baleine sous gravillon, elle veut quelque chose. Mais quoi ? A moi de le découvrir, visiblement.

Il semblerait que je vienne d’achever Joey. Tout au moins de la surprendre, révéler un aspect de ma personne qu’elle ne connaissait pas et dont elle ne soupçonnait pas l’existence. A vrai dire je ne crois pas que ce soit le genre à s’interroger sur les autres, Black est très centrée sur elle-même, et râle dès qu’on s’approche trop de sa sphère. Mais petit à petit moi aussi je la découvre, les barrières s’abaissant progressivement. « Si, je suis drôle. » dis-je avec le sourire pour la contredire une fois de plus. Le serveur rapporte nos bières, mais pas de numéro de téléphone à l’horizon. Ok c’est le jeu, on ne gagne pas à tous les coups et je ne suis pas vexée, je pense qu’on a un peu effrayé le jeune homme. Bien sûr mon absence de succès n’échappe pas à Joey qui cherche une explication logique à cela. Pour m’enfoncer ? Non même pas, elle vient seulement de faire une blague à nouveau. Je ris à sa remarque « Ou mon rencard. » plaisanté-je sur le même ton. Quoi ? Je suis joueuse et une emmerdeuse c’est pas nouveau… elle va s’y faire. De toute façon c’est plus fort que moi, faut toujours que je la charrie, je veux qu’elle se déride, voir au-delà du masque du Lieutenant Black. C’est pas gagné, je le sais, et j’en ai la preuve une fois de plus quand ma coéquipière essaye de savoir pourquoi je l’ai invité. Pourquoi il faudrait une raison particulière ? Et surtout pourquoi ça impliquerait un quelconque échange ? « Pour que tu t’hydrates. » je bois une gorgée « Ailleurs que dans ta tanière. C’est juste pour te faire prendre l’air, que tu vois des gens, qu’on discute et qu’on apprenne à se connaître sans s’aboyer dessus. » je hausse les épaules « Rien de plus, vraiment. » et je suis sincère, j’agis juste par compassion, parce qu’on fait équipe elle et moi, son état m’importe, c’est normal, non ? Apparemment mes arguments ne sont pas suffisants, ou en tout cas il en faut un peu plus pour convaincre Joey que je ne vais pas lui demander un service quel qu’il soit « T’as pas demandé à m’avoir dans les pattes, tu me l’as bien fait comprendre… mais c’est pas obligé que ça se passe mal. On peut essayer de repartir sur des bonnes bases, non ? » je lui souris « On pourrait être Starsky et Hutch, la moustache en moins. » j’ajoute avec malice « Quoi que te concernant… ». Non je n’arrête jamais, mais je vais offrir un répit à Black. Je descends de mon tabouret m’approche un peu pour lui dire discrètement « Je vais faire la vidange. Te sauve pas, hein ? » rien ne me garantis qu’elle ne soit pas partie quand je reviens, c’est son droit, mais j’avoue que ça me décevrait sans doute un peu. Je m’éloigne en direction des toilettes, toute cette bière ça fini par faire effet.

Elle n’est pas drôle, même si elle auto-proclame le contraire. Le mec doit forcément avoir cru que j’étais la mère de Willie, ou alors il est gay, au choix. Mais la jeune femme semble avoir une toute autre théorie. « Ou mon rencard. » Je fronce les sourcils avec un léger geste de recul de la tête. « N’importe quoi. » Faut qu’elle arrête avec ce genre d’allusions, elle va vraiment finir par me faire peur. Bon. Je lui demande tout de même ce qui l’a amenée à m’inviter ce soir, ça lui ressemble pas trop, ni moi d’avoir accepté d’ailleurs quand on y pense. Mais je suis là, et je veux savoir la raison de son invitation, parce que je trouve quand même qu’il y a quelque chose de pas clair là dessous. Mon côté flic toujours un peu suspicieuse j’imagine. « Pour que tu t’hydrates. Ailleurs que dans ta tanière. C’est juste pour te faire prendre l’air, que tu vois des gens, qu’on discute et qu’on apprenne à se connaître sans s’aboyer dessus. Rien de plus, vraiment. » Je reste assez dubitative quant à ses explication, y’a un truc qui cloche. C’est pas possible qu’elle ait eu envie de passer naturellement du temps avec moi, apprendre à me connaître. Personne n’a envie de me connaître. C’est comme ça, je donne cette envie à aucun être humain normalement constitué, et je commence à croire qu’elle n’est pas normalement constituée cette pauvre gamine. Ses parents ont dû lui faire fumer de l’herbe un peu trop tôt. « T’as pas demandé à m’avoir dans les pattes, tu me l’as bien fait comprendre… mais c’est pas obligé que ça se passe mal. On peut essayer de repartir sur des bonnes bases, non ? On pourrait être Starsky et Hutch, la moustache en moins. » Je ne la quitte pas des yeux, écoute ses explications, son envie et besoin de bien faire, sa démarche est légitime, enfin elle le serait s’il ne s’agissait pas de moi en face. Je me contente d’une onomatopée qui traduit toujours si bien mon incompréhension et mes doutes. « Quoi que te concernant… » Je fronce cette fois les sourcils et rétorque à la manière d’un enfant. « Moustachue toi-même ! » Je régresse à son contact. C’est moche. Elle descend finalement de son tabouret et s’approche de moi sans que je ne comprenne pourquoi. Je recule un peu mon buste naturellement, fuyant tout contact que je n’avais pas prévu plus tôt, et l’entends me dire plus discrètement « Je vais faire la vidange. Te sauve pas, hein ? » Je lève les yeux au ciel et bois une nouvelle gorgée de ma bière avant d’ajouter. « Tant que tu payes les bières je vais pas partir ! J’attendrai que tu sois à sec ! » Je ricane un peu et la laisse filer avant de soupirer. Je sais pas bien ce que je fous là, mais j’ai pas envie de lui faire l’affront de partir, de m’enfuir. J’attends sagement qu’elle revienne, assiste sur mont tabouret comme une âme en peine. La bière commence à faire effet, je sens mon corps plus léger, un peu comme dans du coton, et mes pensées qui divaguent. Je finis ma bière et en recommande une autre, filant au passage un joli billet au serveur pour payer les premières bières qu’on a consommées Willie et moi. La voilà qui revient, j’ai une bière d’avance mais elle a rien vu. « J’te préviens, j’ai foutu un truc dans ta bière. C’est pour te faire taire. Mais t’inquiète j’ai pas l’intention de vendre ton corps. J’te foutrai juste dans un taxi avec l’adresse de chez toi. Ne me remercie pas. »

Je dois avouer que ça m’amuse vraiment d’avoir un peu l’ascendant sur Joey, de réussir à la surprendre et pour une fois de mener nos échanges. Parce qu’au boulot même si j’ai la réplique facile, son ancienneté au sein de l’équipe lui donne l’avantage tout comme son expérience qui font implicitement d’elle ma supérieure, en quelques sortes. Mais hors des murs du commissariat et de sa tanière, Black n’est plus si assurée, un peu dépassée par la personne que je suis lorsque je n’ai pas mon flingue à la ceinture et ma plaque dans ma poche. Et le but de cette invitation à sortir boire un verre est celui-ci, apprendre à nous connaître pour renforcer nos liens. C’est ma conception d’une équipe, impossible de faire du bon boulot en étant deux inconnues qui ne se font pas un minimum confiance. Les évènements d’il y a quelques semaines l’ont prouvés, parfois il faut se sauver la mise, voire la vie. J’explique mon raisonnement à Joey mais elle reste sceptique, mais je ne pense pas que ça ai quelque chose à voir avec moi personnellement, c’est simplement son tempérament. Elle s’est tellement renfermée que maintenant elle peine à débloquer la porte verrouillée depuis si longtemps. Je garde la même ligne de conduite, humour et taquineries à l’appui, ça semble fonctionner à peu près. Je nous imagine comme Starsky et Hutch, Black a déjà la moustache après tout. Non, c’est faux mais au moins je la fais réagir. D’ailleurs je m’étonne de l’entendre répliquer comme une gamine dans une cour d’école « Moustachue toi-même ? » répété-je un sourire amusé aux lèvres « Ouais, je comprends. C’est celle qui dit qui y est. ». Nul doute que nos prochaines planques seront prometteuses si l’on se lance là dedans.
Pour le moment c’est une urgence vitale qui me fait me lever. J’indique subtilement à Joey ma destination et l’invite à ne pas déguerpir entre temps. Je la sais capable de partir comme ça, rentrer chez elle parce qu’elle aura déjà trop quitté sa zone de confort, mais j’ai bon espoir que ça ne soit pas le cas. Apparemment j’ai raison d’espérer, je verrai à mon retour. Direction les toilettes, il n’y a personne pas besoin d’attendre et c’est tant mieux. Je reviens au bar, Joey est toujours là, bien sagement installée sur son tabouret et je regagne le mien. J’arque un sourcil à sa mise en garde « Me faire taire ? Et bien si tu veux moins m’entendre, fais la conversation. » je la défi du regard joueuse et enchaine « Bien trop aimable de ta part. T’as pas penser au fait que le chauffeur de taxi pourrait être un pervers qui lui vendrait mon corps ? » je secoue la tête en riant « Fais gaffe je pourrais aussi penser qu’en fait tu veux profiter de moi. » je la regarde dans les yeux en ajoutant « En plus je crois pas que tu te sois emmerdée à connaître mon adresse. ». Mais peut-être que je me trompe… après tout elle l’a prouvé durant la soirée, Joey est capable de me surprendre. Je regarde ce qu’il reste dans mon verre et l’avale d’une traite « Et si on buvait un truc un peu plus corsé pour finir ? » faut éviter les mélanges, mais deux shot de vodka n’ont fait de mal. Enfin si justement mais… bref, on va voir si elle est téméraire la future quadra.