Leah | La chair de ta chair

Trois semaines, il lui avait fallu trois semaines pour se décider à le lire et lorsqu'elle avait commencé, elle n'arrivait plus à s'arrêter. Elle était subjuguée par les détails lancés dans un foutu journal et que cette personne avait pu être sa génitrice. Finalement, elle se rendait compte comme cette femme ne pouvait pas être sa mère, elles ne se ressemblait pas du tout autant dans sa façon de penser que de sa façon de s'exprimer. Le doute s'installait maintenant. Elle n'était plus sûr de rien et pourtant, c'était écrit noir sur blanc, l'homme ou la femme s'appelait Leah O'Malley. Un prénom assez particuliers pour l'époque, elle ne pensait pas qu'ils étaient aussi avancé concernant les choix de prénoms. « Elle y racontait absolument tout et j'imagine que tes réponses se trouvent à l'intérieur....Elle est partie à Boston après ton adoption. » Elle prit une profonde respiration, son départ était à cause d'elle ou seulement grâce à elle. Au cours d'une recherche via le nom de cette personne, elle trouva un certain O'Malley, Leah, qui vivait justement à Los Angeles. Prenant son sac à dos, elle prit une profonde respiration pour calmer la nervosité qui la gagnait peu à peu. Son cœur battait tellement fort mais elle attrapa ses clés de maison et sortit sans demander son reste. Quelques bus et une montée à vélo plus tard, elle arriva devant cette fameuse maison. Elle voulait d'abord rebrousser chemin mais elle voulait aussi avoir le cœur net. Qui était cet homme qui, de toute évidence, n'était plus avec sa mère : « Allez, tu n'as pas fait tout ce chemin pour rien..!! » maugréa t-elle intérieurement quand tout à coup, une voiture se gara juste devant elle. Intriguée, elle cala son vélo sur un tronc d'arbre et regarda l'homme quitter la voiture. De son sac, elle sortit la photo qu'elle avait trouvé dans le journal, ils avaient l'air amoureux quoiqu'un petit peu, sûrement. Lorsque l'homme remarqua sa présence, elle s'approcha de lui : « Bonjour. » salua t-elle en gardant cette photo bien jauni par le temps : « Je cherche Leah O'Malley. » Elle tendit la photo avec le peu d'assurance qu'elle avait encore : « Il habiterait encore ici. » Ils étaient beaucoup trop jeune sur la photo pour qu'elle soit sûr que ce soit bien lui alors dans le doute, elle n'allait pas trop vite.

La journée a été plutôt éprouvante, beaucoup de cours, et pour terminer une réunion avec mes autres collègues pour préparer les projets futurs. Je suis un peu fatigué, et je me remercie moi-même d’avoir choisi de partir en voiture ce matin, plutôt qu’en vélo comme j’en ai l’habitude. Le trajet est agréable malgré le monde sur la route, je mets la musique, dodeline de la tête, ne pense à rien qu’à cette soirée tranquille que je vais passer, seul chez moi. Nicola ma colocataire a décidé de passer une semaine je-ne-sais où, sur un bateau je crois, et c’est pas plus mal. Je n’avais pas prévu de vivre avec une colocataire lorsque je me suis séparé de mon ex, mais ça a été un fâcheux concours de circonstance, qui a tendance à me faire vriller le cerveau bien plus que ce que je ne veux bien m’avouer. Lorsque j’arrive en bas de mon immeuble, je ne fais pas attention à la présence d’une jeune fille à vélo. Je gare la voiture dans le parking à l’arrière et fais le tour pour rejoindre le hall de la résidence. C’est alors que la jeune demoiselle s’adresse à moi. « Bonjour. » Je lui adresse un sourire courtois avant de lui répondre. « Bonjour, je peux faire quelque chose pour toi ? » Elle semble un peu perdue. « Je cherche Leah O’Malley.  Il habiterait encore ici. » dit-elle en me tendant un bout de papier un peu jauni par le temps. Je fronce les sourcils et baisse les yeux sur la photo, la récupérant entre mes doigts. « Je… C’est moi Leah mais… » J’approche la photo de mon regard pour essayer de reconnaître les personnes sur la photo, dont la jeune fille avec qui je semblait plutôt très proche. C’était à l’époque du lycée, j’avais quoi, quinze ou seize ans, j’étais qu’un gamin. « Qui t’a donné cette photo ? » Je repose alors mon regard sur la demoiselle, incapable de comprendre ce qui l’amène, et très loin de m’imaginer qui elle peut bien être pour moi.

Nell était comme un poisson hors de l'eau. Elle n'avait aucune interdiction auprès de ses parents puisqu'ils étaient plutôt de ceux qui pensaient que la moindre contre indication coupait toutes créativité. Pour un artiste, c'était lui tirer une balle dans le pied et puisque Nell était une danseuse née, elle s'amusait de tout, utilisant certains endroits pour filmer et poster ses performances. Cette habitude lui avait permit de se faire remarquer, au préalable, par une chasseuse de tête. Gentille, confiante et surtout très volontaire à faire grandir Nell. D'ailleurs, c'était même elle qui lui avait conseillé de rejoindre une école pour une progression certainement plus rapide et bénéfique pour une carrière. Entre temps, il avait fallu qu'elle retrouve son acte d'adoption ainsi qu'une adresse l'ayant mené chez ses grand-parents biologiques. De là, la femme lui avait donné une photo la menant directemnt ici puisqu'un nom et un prénom y était écrit au dos. Cela aurait été bête de laisser filer puisque ses parents étaient dans leur grande période d'exposition internationale. Autant faire les choses bien. Au début, elle avait pensé leur en parler durant leur faceskype journalier et puis, elle s'était complètement renfermée. Ils leur avaient caché l'existence de cette adoption pourquoi allait-elle leur dire... Leur dire qu'elle savait qu'elle n'était pas vraiment leur fille ? Et bien autant dire qu'après toute cette introspective, Nell était complètement perdue et cela devait très bien se voir. Normalement, elle arborait un flegme impassible mais là, tout se jouait et elle crut comprendre que cet homme là, juste devant elle, était son géniteur. « Je... C'est moi Leah mais... » Un mouvement de recul s'imposa pour l'adolescente. Elle s'attendait à tout, sauf à ça : Il était plutôt jeune, bien sapé et surtout, il avait l'air... sympathique : « Qui t'a donné cette photo. » Nell recula encore d'un pas, son pied d'Achille maintenant bien ancré au sol, elle répondit : « Mrs. Whiteman. La mère de... Erin. » Elle n'arriva pas à dire « ma mère » parce que ce n'était pas le cas alors elle préféra dire les choses comme elle le sentait : « Il semblerait que nous sommes parents, vous et moi ? Vous êtes mon p... » Non, son père était à Londres à l'heure actuelle, elle n'était pas encore assez en colère pour le renier définitivement. Et pourtant, un sentiment de trahison grandissait de plus en plus en elle. Elle avait mal et se retenait de ne pas craquer face à cet inconnu : « Erin et vous avaient eu une relation il y a 17 ans... Et elle était tombée enceinte. » lâcha spontanément Nell qui n'avait prévu aucune répartie, aucun discours. Rien. Nada.

Je ne sais pas qui est cette gamine, et non plus comment elle a pu se procurer la photo qu’elle tenait entre ses mains. Pour le moment, je ne laisse pas mon esprit trop réfléchir, imaginer ou divaguer. Je me contente de poser des questions, une question pour le moment. Comment elle a eu cette photo ? Je relève les yeux vers elle en attendant la réponse. « Mrs. Whiteman. La mère de... Erin. » Je fronce les sourcils, et ça me revient doucement. Erin Whiteman, une fille avec qui je suis sortie à l’époque du lycée, la première fille avec qui j’ai eu une réelle histoire, amoureuse et sexuelle d’ailleurs. « Il semblerait que nous sommes parents, vous et moi ? Vous êtes mon p… » Mes sourcils se froncent. Je suis son ? « Erin et vous avez eu une relation il y a 17 ans... Et elle était tombée enceinte. » Ok. On respire. Je reste bloqué, et ça y est, ça fait le tour de mon cerveau. Je rabaisse les yeux sur la photo, en silence, et remarque la date à l’arrière. Un rapide calcul, j’avais 16 ans, et cette gamine semble avoir environ le même âge. « Attends tu veux dire que tu… oh mon dieu ! » Je passe ma main nerveuse dans ma nuque, puis sur mon visage. J’ai du mal à y croire. « Je sais même pas quoi dire… » Est-ce qu’elle est sûre ? Je me racle un peu la gorge. « Tu… tu veux entrer ? J’dois bien avoir un coca à te proposer… » Je veux pas la laisser partir comme ça, si elle est arrivée jusqu’à moi c’est qu’elle a dû faire une tonne de recherches, j’imagine. Je la laisse me suivre et lui ouvre la porte de mon appartement pour la laisser entrer. Je pose mes affaires, un peu bouleversé, mais pas vraiment conscient de ce qui est en train de m’arriver. Je vais nous chercher deux canettes de coca et la fais s’asseoir sur le canapé, prenant place sur le fauteuil pas loin. « J’suis désolé, j’t’ai même pas demandé ton prénom… » Je repose les yeux sur elle, j’ignore si elle a raison, si je suis bien son père, mais ça se pourrait bien, physiquement, ça colle, et puis Erin était métisse aussi, ce qui aurait pu donner une jolie demoiselle. Je repense à cette relation, à cette fille qui m’a largué sans vraiment de raisons valables. Ça se tient, et ça me rend fou, intérieurement…

Il fallait poser la question, Nell ne pouvait pas passer à côté de tout ce qui aurait pu être sa vie. Elle lâcha l’information et l’information avait des difficultés à monter au cerveau de son interlocuteur mais ça arriva, peu à peu. Elle prit une profonde respiration : « Attends tu veux dire que tu… oh mon dieu ! » Le mouvement brusque de Leah fit reculer de quelques pas la jeune fille sur le moment. Personne ne pouvait blâmer Nell de se méfier d’un inconnu même si elle devait partager le même sang. « Je sais même pas quoi dire… » Nell regarda la photo qu’il tenait toujours entre ses doigts puis releva les yeux lorsqu’il lui proposa d’entrer. Deux choses l’une, soit elle acceptait et désobéissait à ses parents soit elle reprenait son vélo et oubliait toute cette histoire : « D’accord. » Elle accrocha son vélo à l’arbre contre lequel elle l’avait posé précédemment et signala qu’elle était prête à le suivre. « Va pour un coca ! » s’amusa t-elle quand même, en murmurant cette étrange idée. Boire un coca avec son géniteur rencontré quelques minutes auparavant. Donc elle le suivit et découvrit l’univers de Leah O’Malley en quelques minutes. Il déposa ses affaires un peu en vrac, il semblait autant bouleverser qu’elle mais pour le moment elle ne voulait pas essayer de comprendre ce qui se passait dans sa tête. Nell avait assez de chose à penser pour essayer de montrer un peu d’empathie. Evidemment, la jeune fille regardait autour d’elle, notant quelques petits détails en particulier de l’appartement. Soudain, de nombreuses questions lui venaient en tête surtout en voyant des photos un peu éparpillé sur le mobilier. Leah l’extirpa de sa contemplation en lui tendant un coca et en lui demandant son prénom : « Je m’appelle Nell. » Elle poussa un soupire, se gardant bien de lui dévoiler toute son identité. Elle savait que ça ne pouvait qu’être lui, la mère de sa génitrice le lui avait certifié : « Tu fais quoi dans la vie ? » demanda t-elle en retour. Cette phrase était large. En lui demandant cela, elle ouvrait une large série de question qui lui venait en tête, connaître progressivement son passé et éventuellement ses projets d’avenir.

J’ai du mal à y croire, même si au fond je me rends bien compte avec un bref calcul que ça pourrait être vrai. Pourtant, c’est trop soudain, jamais je n’aurai pu penser un jour qu’un adolescent vienne me trouve en me disant qu’il est ma progéniture. Ça semble juste totalement dingue. Pourtant, elle est là, cette gamine qui ma trouvée par un biais tout aussi dingue. Je ne suis pas du genre à l’envoyer chier alors que bien d’autres l’auraient fait à ma place. J’ai juste besoin de comprendre, d’être sûr. Je lui propose d’entrer boire un coca, elle hésite, je comprends. Mais finalement elle accepte et je la laisse entrer et s’installer. J’ai l’impression de n’être que l’ombre de moi-même, cette histoire est complètement dingue. Je ne sais même pas comment me comporter, quoi dire, quoi faire. Je me contente simplement de lui ramener son coca, et lui demander son nom. Au moins ça. « Je m’appelle Nell. » Je me contente de hocher la tête, quoi faire d’autre après tout. Nell. Ok. « Tu fais quoi dans la vie ? » finit-elle par demander en brisant le silence de la pièce. je me racle un peu la gorge et me mords l’intérieur de la joue, nerveusement. « Je suis prof. Prof d’anglais. Et interprète en langue des signes aussi. » Me pinçant les lèvres, j’hésite à poser les questions qui me brûlent les lèvres. « Nell… est-ce que tu… » C’est tellement bizarre cette situation. « Tu as connu ta mère ? Erin… j’veux dire, elle t’a élevée ou… » abandonnée ? J’ai une boule dans la gorge à cette idée. Je ne connais pas cette gamine, ni même comment elle a été élevée, par qui. Si j’avais été au courant en temps et en heure, nos vies auraient forcément été différentes, à tous les deux. Il est trop tard pour penser au passé, ou avoir des regrets, mais j’ai simplement besoin de savoir si Erin m’avait largué à cette période avec l’espoir de m’évincer de cette nouvelle vie de famille, ou parce qu’elle voulait pouvoir abandonner notre enfant tranquillement. Parce qu’une chose est certaine, si j’avais été au courant, jamais je ne l’aurai laissée faire. Mon coeur se serre en attendant la réponse de la demoiselle.

Les présentations étaient faites, disons que le minimum avait été fait. Elle avait accepté de monter chez lui, après tout, qu’aurait-elle pu faire ? Elle n’allait pas lui balancer en pleine figure qu’elle était sa fille et partir, pédalant comme une dératée pour s’en éloigner le plus possible. Elle ne lui avait donné son nom de famille mais elle ne se reprit pas. Nell n’avait pas envie d’aller trop vite, lui donner son nom de famille donnerait beaucoup d’information à cet homme qu’elle ne connaissait pas du tout. Le paradoxe était de voir son géniteur, de savoir que son sang coulait dans ses veines mais qu’il n’y avait rien d’autre en commun, ou peut-être le nez, les yeux ? « Tu fais quoi dans la vie ? » demanda t-elle, son ton était neutre mais pas parce qu’elle s’en fichait mais parce qu’elle se méfiait, elle ressentait de l’appréhension. En rencontrant Leah, elle se retrouvait devant une vérité qu’elle ne voulait pas accepter au début : « Je suis prof. Prof d’anglais. Et interprète en langue des signes aussi. » « Cool ! » Elle acquiesça à son tour, un prof. « Je fais de la danse depuis toujours. J'aimerai en faire mon métier...» annonça t-elle, même s'il ne lui avait pas demandé puis elle se contenta de regarder autour d’elle et de boire une gorgée de son coca. « Nell… est-ce que tu… » Elle releva la tête et l’interrogea du regard : « Tu as connu ta mère ? Erin… j’veux dire, elle t’a élevée ou… » « Je n’ai pas connu cette femme. » répondit-elle du tac o tac comme pour le sauver d’un mot qu’il n’assumait pas. « Elle n’est pas ma mère. » Elle se rassurait elle-même parce que ce surnom appartenait à Marta, sa mère. Elle ne voyait personne d’autre prendre cette place bien qu’elle ne comprenait pas pourquoi on ne lui avait rien dit du départ. Nell inspira un bon coups, elle sentait la colère naître en elle, sournoise, elle ne la lâchera pas de sitôt : « J’ai appris ton existence dans ce journal.» Elle le sortit de son sac à dos pendant qu’elle parlait : « Il y avait cette photo et une date avec ton prénom. » Elle le garda un moment dans ses mains : « J’ai fouillé dans quelques cartons dans le garage. Je suis tombée sur un document attestant mon adoption plénière. Après quelques recherches, je suis arrivée chez la mère d’Erin. D’après elle, Erin aurait beaucoup hésité mais a finalement décidé de ne pas m’assumer. » Et je l’en remercie ! pensa t-elle, parce qu’elle la détestait déjà : « En apprenant où tu vivais, je voulais.. te rencontrer. Qui elle était ? » demanda t-elle alors, en baissant les yeux, cachant la honte que cette question lui donnait et la peur de découvrir de qui elle détenait ses gênes.

J’ai l’impression d’être totalement à côté de la plaque et je crois que c’est légitime. La jeune fille me demande ce que je fais dans la vie et je lui réponds du tac au tac, machinalement comme un pantin, sans même penser à lui retourner la question. « Je fais de la danse depuis toujours. J'aimerai en faire mon métier.. » Je me sens un peu con de ne pas lui avoir demandé ce qu’elle faisait, sans doute parce que je m’attendais à ce qu’elle me réponde vaguement qu’elle était au lycée. A cet âge là, peu de gamins savent déjà ce qu’ils veulent faire de leur vie, mais elle, visiblement, elle sait. Je lui offre un léger sourire avant de lui répondre. « C’est super ça. » Finalement, après un silence que je trouve un peu trop désagréable, je décide de reprendre la parole en lui demandant si elle a connu sa mère biologique, si cette dernière l’a élevée ou non… « Je n’ai pas connu cette femme. Elle n’est pas ma mère. » Le ton de la jeune femme est devenu sec et cassant. Je comprends. « J’ai appris ton existence dans ce journal. Il y avait cette photo et une date avec ton prénom. » Je la regarde garder dans ses mains ledit journal, comme un doudou. Elle m’explique comment elle a appris, pour son adoption. Je l’écoute avec grande attention mon regard rivé sur elle. « En apprenant où tu vivais, je voulais.. te rencontrer. Qui elle était ? » Elle ne marque pas de temps d’arrêt, posant sa question comme un cheveu sur la soupe. Je reste une seconde interdit, sans savoir réellement ce qu’elle veut entendre, ou ce qu’elle a besoin d’entendre. Je me racle un peu la gorge. « Euh… elle… » Je hausse les épaules. « Elle était tout ce qu’il y a de plus normal, une adolescente joyeuse et pleine de vie. On est restés quelques mois ensemble, je l’aimais, vraiment, je crois même que c’est la première fille que j’ai aimée… Et puis un jour elle a rompu sans que je comprenne, et je l’ai plus jamais revue. » Je hausse les épaules, un peu sous le choc de tout ça, d’avoir à me remémorer ces souvenirs. Je soupire légèrement et reprends la parole, avec un peu de difficulté. « Tu es heureuse dans cette famille, avec ceux qui t’ont élevée ? » C’est encore le plus important pour moi. Je n’ai pas pu être là pour elle tout ce temps parce que je n’étais pas au courant, mais j’ai au moins besoin de me rassurer sur le fait qu’Erin a finalement pris la bonne décision.

Nell avait balancé cette information comme on jetait une poubelle alors qu'elle pensait vraiment ce qu'elle disait. La danse, c'était toute sa vie, sonlui balançait tout ce qu'elle avait en tête. « C'est super ça. » Elle hocha de la tête en buvant une autre gorgée de sa boisson. C'en moteur et sa force. Lorsqu'elle était en colère, abattue, triste, elle dansait. Elle comprit la gêne, elle n'était pas complètement idiote ou sans cœur. Elle arrivait chez lui, sans sommation, sans lui donner la moindre chance de se retourner et était suivi d'un silence plus que gênant. Sa jambe bougeait toute seule, son index et son majeur tapotaient le récipient comme pour combler le bide sidéral dans lequel ils étaient plongées depuis sa révélation. Leah avait prit cette décision, lui seul, d'en venir à Elle. Cette femme qui lui avait donné la vie mais qui n'avait pas eu le cran de la garder près d'elle. Au départ, bien avant de rencontrer les parents de sa génitrice, elle s'était fait tout un tas de scénario comme : c'était une prostituée, une sans-abris, une vagabonde ou même encore mieux, une star de cinéma, de rock ou de ballet. Cela aurait un petit peu justifié son besoin d'être sous les feux des projecteurs. Alors pour toute réponse, elle préféra rester dans la vérité la plus simple. Elle lui raconta le cheminement de ses recherches, restées secrètes aux yeux de sa famille, et puis : « Qui elle était ? » Elle n'avait qu'une photo, d'Elle et de Lui, ses géniteurs. Elle voulait quand même savoir et c'est pourquoi elle n'avait pas perdu de temps. La vision était un peu comique puisque l'homme bugua sous ses yeux avant de répondre, surement parce qu'il cherchait également ses maigres souvenirs : « Elle était tout ce qu'il y a de plus normal. Une adolescente joyeuse et pleine de vie. » Tout de suite, elle s'était dit qu'elles ne se ressemblaient pas sur ce point là. La joie n'avait pas rempli sa vie depuis des années et si, jusque là, elle s'était convaincu que ce n'était qu'un passage à vide, elle avait vite comprit d'où pouvait venir son mal être, plus ou moins conscient maintenant. « On est restés quelques mois ensemble, je l'aimais, vraiment, je crois même que c'est la première fille que j'ai aimé. » Immédiatement, Nell pensa à une personne, la seule qu'elle regardait danser avec envie. Celle qui hantait ses nuits et de nombreux rêves qu'elle taisait pour ne pas rougir. « Et puis un jour elle a rompu sans que je comprenne, et je l'ai plus jamais revue. » Elle l'avait quitté des yeux. A la voir en face de lui, dans son appartement, cela devait lui faire un choc plus important maintenant qu'elle avait fait irruption. Les souvenirs pouvaient peut-être être douloureux, il n'en était moins de l'existence de sa colère. Qui allait en prendre pour son grade ? Les pensées de Nell l'avaient presque porté très loin, trop loin pour se douter de la suite de la conversation car la question l'avait totalement prise de court : « Tu es heureuse dans cette famille, avec ceux qui t'ont élevée ? » Quelques longues secondes avaient été nécessaire pour Nell : « Je... Oui, mes parents son artistes. » Elle expliquait : « J'ai 4 frères plus âgés que moi. » Expliqua t-elle vaguement puis demanda : « En fait, vous n'saviez pas pour moi. C'est à cause d'Elle tout ça ! » Elle se leva soudainement en se disant qu'il était temps de partir : « Je dois y aller. » Elle tangua pour s'être levée aussi vite mais se reprit rapidement : « Je vous remercie, je crois que.. je dois partir. » Elle était en colère contre quelque chose et elle n'avait même pas de bouc-émissaire. A croire qu'elle n'attendait qu'une chose, qu'il soit coupable. Mais rien. Elle se leva et attendit, quoi dire, quoi faire. Soudain, en le regardant, elle voyait des similitudes dans le regard, dans le nez. Nell hésita, elle avait même des gestes d'hésitation avant de réussir à demander : « Est-ce que je lui ressemble ? »

Elle me demande qui était sa mère. Alors je tente au mieux de lui donner les bribes de souvenirs que j’en ai, c’est loin, presque dix-neuf ans. Et pourtant en cherchant bien, je parviens à trouver quoi lui dire, des choses jolies qui lui permettront peut-être de se sentir un peu mieux, je l’espère. J’hésite un instant et lui demande quand même si elle est heureuse dans la famille qui l’a élevée. Il lui faut un temps, ce que je comprends, avant de répondre à la question. « Je... Oui, mes parents son artistes. » Je lui offre un léger sourire. Ça a l’air de lui tenir à coeur, ce détail. Tant mieux. Je crois. «  J'ai 4 frères plus âgés que moi. » Je hoche la tête, ne sachant pas quoi répondre, je garde juste les infirmations dans un coin de ma tête. « En fait, vous n'saviez pas pour moi. C'est à cause d'Elle tout ça ! » Je suis un peu surpris de la manière aussi abrupte qu’elle a de dire ça. Mais elle a raison. Je hoche très légèrement la tête. « Je dois y aller.  Je vous remercie, je crois que.. je dois partir. » Elle joint le geste à la parole et ne tarde pas à se diriger vers la porte. Je reste un peu con avant de me lever à mon tour pour la raccompagner, pressant le pas jusqu’à elle. « Est-ce que je lui ressemble ? » C’est difficile à dire. Je pose mon regard sur le visage et les traits fins de la jeune fille, laissant passer quelques secondes. « J’ai pas énormément de souvenirs tu sais, tout ça c’est loin. Mais quand je te regarde, c’est plutôt moi que je vois. » Je laisse échapper un très léger rire, sans doute un peu idiot, parce que je crois qu’on ne s’attend jamais à voir débarquer un jour sa progéniture inconnue. « Tu voudrais que j’essaie de t’aider à la retrouver ? » Après tout, peut-être qu’elle s’en fiche. Mais si elle le veut, je peux l’aider. Si elle en a besoin en tout cas. Je ne sais même pas si elle aura envie de me revoir, mais au fond, je l’espère forcément. Maintenant que je sais qu’elle est là, qu’elle existe, que mon sang coule dans ses veines, je ne pourrai jamais l’oublier.